JACQUES HALBERT

LA CUISINE CERISISTE

 

La Cuisine cerisiste de Jacques Halbert

Peindre des cerises, partout, tout le temps, et ne penser qu’à ça.

 

Antécédents : le Capitaine Lonchamps a enneigé le bureau de la galerie Nadja Vilenne en 2004. Voici Jacques Halbert qui encerise la cuisine.

 

Date : novembre 2013.

Lieu : cuisine - bar de la galerie Nadja Vilenne à Liège.

Brigade : Jacques Halbert, assisté par Laetitia Lefèvre.

Recette mise en œuvre : Comment peindre une cerise (1975)

 

Pour mener à bien cette entreprise, il est conseillé d’être habile et patient. Le travail s’effectue en huit phases et temps de séchage :

1. Vous dessinez un cercle vaguement ovale que vous remplissez de carmin

2. Vous appliquez sur la partie gauche de la cerise une lune de terre de sienne brûlée

3. Vous mettez du rouge vermillon sur le bout de votre index droit et vous l’appliquez sur le milieu de la cerise, un peu à droite

4. Vous mettez maintenant du rose sur le même doigt, très peu, et vous le posez au centre de la tâche rouge vermillon

5. A l’aide d’un pinceau fin, vous appliquez un point blanc sur la tâche rose

6. Toujours avec ce pinceau fin, vous mettez un filet de terre d’ombre brûlée sur l’extrémité gauche de votre cerise

7. Vous dessinez au pinceau fin chargé de vert émeraude la queue du fruit

8. Vous éclaircissez, avec du blanc, votre vert émeraude et vous en mettez un filet sur la queue.

 

Si vous avez suivi à la lettre ces conseils, vous avez sous les yeux une cerise peinte par vous. Vous êtes donc un artiste. »

 

Mûrissement : une semaine

Additifs au mûrissement : vins de Bourgueil, Chinon, Saumur Champigny.

Dimensions : all over. Composition : aléatoire. Nombre de cerises : indéterminé.

 

 

C’est en 1975 que Jacques Halbert peint sa première cerise. Dès lors, ce sujet gourmand ne cessera plus de nourrir son oeuvre prolifique, animant selon des rythmes réguliers ou des compositions aléatoires la surface monochrome, de préférence bleue, de ses toiles. Le motif de la cerise comme revendication de sa position artistique mena l'artiste de la peinture à la performance, de la France aux États-Unis, lui faisant partager l’aventure de Fluxus ou s’associer aux expériences du Eat Art. Cependant, toutes les voies explorées, comme les différents médiums et supports utilisés, n’ont jamais pu détrôner l’attachement profond de l‘artiste à la peinture, qui demeure pour lui la pratique fondatrice. (…) La cerise est le seul motif qui traverse de façon continue son travail sur ces trente dernières années.

 

(…) Au delà de l’effet de  "signature" qui lie ce motif à l’artiste, l’exposition entend mettre à jour les déclinaisons infinies qui s’expriment dans ces inlassables répétitions, et en cela appréhender les qualités et préoccupations proprement picturales du travail de Jacques Halbert. Il s’agit ici également de s‘interroger sur l'étonnante résistance de ce sujet à l'épuisement, comme si chaque nouvelle cerise posée sur la toile renouvelait dans la gourmandise l’essence même du désir de peindre.

 

La cerise est apparue dans le travail de Jacques Halbert au milieu des années 70, comme une réaction provocatrice à l’aspect cérébral du mouvement Support/Surface omniprésent dans l’environnement artistique du moment. L’irruption incongrue, presque charnelle, des cerises sur les toiles bleues que l’artiste réalisait alors signent une réappropriation de sa pratique en accord avec sa personnalité profonde, celle d'un artiste épicurien, digne héritier des exubérances dada, tendance Picabia. La cerise le mène rapidement sur le terrain d'un art d’attitude, prémisse des performances qui constituent un pan important de sa pratique : l’artiste se fit connaître à la même époque en arpentant avec son triporteur les vernissages parisiens, vendant gâteaux et tableaux aux cerises.

 

L’art de Jacques Halbert est nourri à tous ses niveaux de la grande histoire de la peinture. Ses oeuvres „cerisistes“ utilisent un motif explicitement figuratif pour un travail abstrait. De la même façon, elles se situent de façon étonnante au confluent de deux états d’esprit divergents des avant gardes qui ont depuis les années 70 profondément redéfini le paysage artistique. Par certains aspects, son travail rappelle certains mouvements radicaux, qui ont repoussé la peinture dans ses limites les plus extrêmes, comme BMPT, (notamment Daniel Buren et Niele Toroni), Support-Surface, mais aussi des démarches singulières comme Roman Opalka. Mais en choisissant la cerise, Jacques Halbert court-circuite cette tendance radicale en y intégrant humour et dérision, ainsi qu’une vitalité pop, qui le situent aussi dans la filiation de l’esprit Fluxus et de toutes les tentatives artistiques visant à relier l’art et la vie. (Delphine Masson)

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016