SUCHAN KINOSHITA, SUCHKINO, 2011-2016

 

Une table que l’artiste a elle-même laqué, car le home-made participe de cette générosité qui caractérise sa pratique et de cet intérêt permanent pour l’expérience vécue, un plateau tournant qui incite au jeu et au partage entre les convives installés autour de la table, assis sur de petits tabourets également laqués de noir. Sur le plateau sont posées trente quatre petites visionneuses à œilleton unique dont l’artiste a customisé la chambre, une véritable exposition en elle-même, trente quatre œuvres au catalogue, chacune précisément titrée. C’est une multiplicité de petits mondes bricolés. Le spectateur incrédule passe ainsi avec jubilation de paysages imaginaires en trompe-l’œil duchampiens, de visions menaçantes en constructions psychédéliques. Suchan Kinoshita l’affirme elle-même, parmi toutes ses œuvres, celle-ci est peut-être la plus proche d’un esprit Fluxus, inscrite dans la continuité de la pratique artistique qu’elle a développé alors qu’elle collaborait aux projets du TAM, Theater am Marienplatz, à Krefeld, un lieu d’avant garde, performatif et de création collective actif depuis 1976. « Etre artiste est une notion tellement chargée de sens, dit-elle, parfois même prétentieuse. Je préfère les notions d’interprète, de travailleur, de danseur ; diriger l’œuvre et en être le joueur ». Un rôle qu’elle assigne aussi au public, au spectateur. De fait, dans le cas qui nous occupe, si le spectateur ne s’assoit pas à la table, s’il ne colle pas son œil aux œilletons des visionneuses, rien ne se passera. L’assertions duchampienne a sans doute bien souvent été galvaudée, mais ici, elle a tout son sens : c’est bien le regardeur qui fait le tableau. Le rôle confié au spectateur consiste à poser des gestes simples et quotidiens, s’asseoir, prendre l’objet en main, faire tourner la table, coller l’œilleton à son œil. Ainsi l’invite-t-elle à explorer les frontières entre rêve, imagination et réalité. L’interaction, la transmission, la projection permettent d’expérimenter différents niveaux de réalité. L’œuvre s’appelle « Suchkino », une contraction entre « Such », « Suchan », « Sucher » (en allemand, le viseur), « Suchen » (en allemand, rechercher) et « kino », le cinéma, mais aussi le mouvement, non seulement l’image mais aussi le corps en mouvement.

Suchan Kinoshita

Suchkino, 2011-20126

mixed media, variable dimensions

 

Recommander ce contenu

optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016