WILLEM VERMEERSCH, WHEN YOU COME TO A FORK IN THE ROAD

 

Une première chose frappe en observant les oeuvres récentes de Willem Vermeersch : il a assûrement développé une écriture toute propre à lui, une écriture qui se caractérise par une agitation délibérée et qui, semble-t-il, ne se laisse pas aisément assigner aux genres familiers que sont peinture, dessin, photographie, animation et vidéo. On constate une contamination continuelle entre la touche du peintre et le trait du dessinateur, de telle manière qu’il devient impossible de faire une distinction nette entre, d’un côté, la construction d’une image stratifiée élaborée à partir une toile vierge et, d’un autre côté, ses interventions agitées posées sur des images et des séries d’images récyclées.

 

En ce qui concerne la mode de travail et la vitesse d’exécution, il y a certes des affinités avec l’oeuvre d’un Arnulf Rainer ou de Cy Twombly, mais dans une interprétation contemporaine. L’écriture de Willem Vermeersch est primaire – primaire dans le sens de non filtrée, ou, mieux dit encore, uniquement filtrée au travers d’un tempérament. Ceci ne se reflète pas uniquement dans la danse frénétique de sa touche caractéristique. Les supports qu’il choisit pour ses interventions constituent des mirages qui se situent dans les marges du conscient, dans une zone intermédiaire où il n’y a pas de distinction hiérarchique entre le fantôme d’une toile blanche, le close-up d’un visage d’une femme allongée sur son lit de mort ou une série infinie de photos souvenirs d’une randonnée à Istamboul. L’interaction entre le support et l’écriture demeure libidineuse, provocatrice, avec ci et là une ombre obscure de violence, de déclin et de destruction ; l’exorcisme serait le terme qui semble s’imposer ici, sauf que l’intensité et l’exaltation initiale n’aboutissent nulle part à une illusion de libération spirituelle. La dynamique des activités ne résulte pas nécessairement dans un équilibre organique de forces opposées, auquel la peinture abstraite nous a depuis longtemps habitués. Les compositions découlent plutôt d’un découpage ou – comme on le remarque certainement dans la série des dessins les plus récents – de décollages mis à jour à partir de travaux antérieurs.

Ainsi les dessins et tableaux que Willem Vermeersch présente ici, font référence à une culture visuelle dominée par des écrans – ou plus précisément encore, à notre interaction irréfléchie avec les images qui apparaissent sur ces écrans. Une œuvre d’art est un coin de la création vue à travers un tempérament, écrivit Emile Zola au dix-neuvième siècle. Au vingt-et-unième siècle on constate que les coins de la création qui nous tombent sous les yeux sont vus au travers d’un algorithme – un mécanisme interactif dans lequel notre contribution est souvent limitée aux réflexes involontaires du bout de nos doigts. Ce qui s’offre à nos yeux s’approche plus de l’univers du rêve – la manifestation confuse des désirs inconscients – qu’à un coin de la création, nettement illuminé.

 

Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles l’accent, chez Willem Vermeersch, se situe si explicitement sur l’écriture – sur les traces qui restent sur une feuille, une photo ou un toile, et qui, même si défractées, évoquent distinctement des expériences vécues dans le réel. Je pense, entre autres, à son passé de snowboardeur, à son séjour en Malaisie, à ses randonnées pédestres. Il s’agit d’une reconstitution active d’indélébiles impressions mentales et physiques – sans que les ruptures et les dissonances qui caractérisent le processus soient effacées ou camouflées. Les sens sont aux aguets, toujours prêt pour une nouvelle éruption de violence, prêt pour la vie telle quelle se présente aujourd’hui dans sa multiplicité, sa simultanéité, son immensité.

 

Bram Van Damme

(Traduit du néérlandais)

 

 

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016