Archives de catégorie : L’actualité à la galerie

Luxembourg Art Week, The Fair, les images

Jacques Charlier
Jacques Charlier – Aglaia Konrad
Aglaia Konrad
Aglaia Konrad
Werner Cuvelier
Raphaël Van Lerberghe
Loic Moons
Gaetane Verbruggen
Gaetane Verbruggen

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (4), Loic Moons, Gaetane Verbruggen

Gaetane Verbruggen, Sans titre, fusain marouflé sur bois, 20 x 13 cm, 2022
Gaetane Verbruggen, Sans titre, fusain marouflé sur bois, 13 x 20 cm, 2022
Gaetane Verbruggen, Sans titre, fusain marouflé sur bois, 20 x 13 cm, 2022

Les souvenirs nous sont tous fidèles, en principe. On s’attache à un endroit, une personne, un objet, ou encore, à un détail futile. On se souvient vaguement de certaines choses, comme on peut se souvenir des détails les plus précis d’un objet, d’un décor, d’une sensation. Nos pensées peuvent se déformer avec le temps, on en arrive à ne plus distinguer le vrai du faux, à s’être persuadé d’une chose, alors qu’il en s’agit d’une autre, à rendre fictif une partie du souvenir.

Je cherche à extérioriser des instants intraduisibles et fragiles, un peu flous. Je prends plaisir à capter l’âme des instants du quotidien, retranscrire l’émotion face aux banalités de la vie ordinaire, et en accepter leur simplicité. Mes travaux sont donc le témoignage de diverses sensations restées encrées dans mon esprit, qu’elles soient dupées par le temps ou non.

Je me suis intéressée aux lieux oubliés, ces sites remplis d’histoires, auxquels personne ne prête attention, ces endroits sans figure, dotés de lumière diffuses et intimes, capables de nous rappeler une anecdote. Nous avons les moyens d’imaginer un passé, un historique fictif en quelques secondes. Des récits différents pour chaque lieu, des émotions différentes à chaque instant. Nous avançons alors dans la fiction que l’on se crée et nous nous emparons ainsi d’instants irréels.

Selon Alberti, le tableau serait comme une fenêtre ouverte. Où se trouve dès lors, si seulement elle existe, la limite entre la réalité et l’imagination ? Pouvons-nous jongler avec le visible et l’invisible produit par une lumière naturelle ? Inconsciemment, nous sommes généralement capables de nous construire une image mentale dissimulée derrière les ouvertures de ces paysages d’intérieurs, jusqu’à peut-être avoir l’envie d’y pénétrer, comme si un nouveau monde se dessinait derrière le support. Je choisis d’utiliser ici la fenêtre en vue de révéler plusieurs propositions contradictoires ; l’intime et le public, le perceptible et l’imperceptible.

Gaëtane Verbruggen

Loic Moons, Sans titre (lamp head), Technique mixte sur toile, 152 x 153 cm, 2022
Loic Moons, sans titre, 2022, 134 x 145 cm

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (2), Jacques Charlier, Werner Cuvelier

Jacques Charlier, Please, 105 x 105 cm, 2013
Jacques Charlier, Androïd, 85 x 95 cm, 2007
Jacques Charlier, Poetry, 85 x 65 cm, 2020
Jacques Charlier, Fragile, 125 x 104 cm

Qu’il tente de libérer Venise d’une incroyable pudibonderie ou de réhabiliter Lamartine,  qu’il investisse toutes les doublures du monde dans un salon parlementaire , ou qu’il «warholise» ministres et autres célébrités, Jacques Charlier est, avec une saisissante labilité parodique et un sens critique aiguisé, un observateur attentif tant du microcosme du monde de l’art que de la société dans laquelle il agit. Naguère directeur des Zones Absolues, fondateur d’un Centre International de Désintoxication Artistique, pourfendeur d’idées reçues, d’anachronismes et incongruités, l’artiste vit et travaille en Wallagonie, ce pays où fleurissent les fronts de libération des chiens et des trottoirs, des coqs et des tilapias. En Wallagonie, il est de bon ton de fréquenter les centres de la lèche et de la brosse à reluire, les sociétés anonymes des bières et du tir aux pigeons, les comités de la tarte au riz et des marchés de Noël. Sans cesse à la recherche de la meilleure adéquation entre l’idée et le médium, Jacques Charlier privilégie une approche pluridisciplinaire. C ‘est un caméléon du style, un activiste «non exalté », un lecteur attentif de Jean Baudrillard comme de Paris Match qu’il parodie lorsqu’il s’agit d’éditer ses propres travaux. De cette société de l’art contemporain, il est très vite devenu, dès le la fin des années 60, l’observateur agissant des us et coutumes. Avec érudition et labilité, ses récents «Cent sexes d’artistes» en témoignent. Avec humour et bon sens, lorsque Sergio Bonati, son hétéronyme, déclare : «En Art pour être le premier, il est vivement conseiller d’être le suivant ». Ses caricatures, textes, bande dessinées, ses photographies de vernissages sont à la fois une la chronique d’une époque, un regard amusé, mais sans complaisance sur ce fort remuant microcosme, un abrégé des pratiques d’avant-garde, un démontage des discours théoriques qu’il détricote allègement, une critique permanente de la Curie et de l’incurie artistique.

«Des symbolistes à Charlier, écrit Yves Randaxhe, en passant par Duchamp (et naturellement Magritte), on osera aussi tendre un fil rouge qui va de l’ambition annoncée par Jean Moréas dans le Manifeste du Symbolisme de «vêtir l’idée d’une forme sensible» à la volonté duchampienne de «remettre la peinture au service de l’esprit», jusqu’au projet sans cesse réaffirmé du Liégeois de «mettre l’art au service de l’idée». C’est clair, l’héritage d’Ensor, de Rops ou de Magritte, le compagnonnage vécu avec Marcel Broodthaers, cela ne compte pas pour du beurre. Le doute, le décor, la pompe, car la peinture pompière a ses lettres de noblesse, le pamphlet, le simulacre sont autant d’armes redoutables. 

Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 119 x 10 x 10 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 119 x 10 x 10 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 119 x 10 x 10 cm

Werner Cuvelier produit une œuvre d’une grande richesse, qui prend souvent sa source dans le classe- ment, le catalogage et l’inventorisation de toute une série de faits et de données. Il réalise d’une part des graphiques basés sur des statistiques et des données primaires. D’autre part, il créé un travail géométrique, découlant de traitements formels issus du nombre d’or. À partir de ces deux angles, émergent des peintures et des sculptures, mais aussi des carnets d’esquisses et de notes, qui constituent une recherche incessante de la mise en images d’ordres, de structures et de col- lections. La méthode et la technique de la collecte, du traitement, de l’interprétation et de la présentation de carrés et de cercles apparaissent dans des tableaux d’aperçu, des graphiques et des figures telles que des histogrammes, des diagrammes en bâtons et desgraphiques linéaires. Cette approche scientifique, la répartition rigoureuse des lignes et l’activation res- trictive de telles procédures constituent le moteur du développement de son langage visuel. Si ces ordon- nances semblent mettre des éléments en lumière, les séries génèrent également une expérience esthétique propice à une forme de résilience.

Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 94 x 9,5 x 9,5 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 94 x 9,5 x 9,5 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 94 x 9,5 x 9,5 cm

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (1), Aglaia Konrad

Aglaia Konrad, Zweimal Belichtet

Dans leur quête d’une beauté convulsive, les Surréalistes en ont fait maintes fois usage. Man Ray ou Maurice Tabard, pour ne citer qu’eux, ont sondé les techniques d’impressions combinées, de solarisation, de montage ou de double exposition afin d’évoquer l’union dramatique du rêve et de la réalité, convoquant ainsi l’inconscient. Alors que la photographie est l’art de figer le réel, la double exposition est une manipulation du tangible, elle est unité dans la duplicité. En créant une image à partir de plusieurs, elle engage celui qui regarde à interpréter le représenté. Aglaia Konrad expérimente également cette technique de la double exposition. Ses travaux se nomment « Zweimal Belichtet », exposés à deux reprises. En fait, l’artiste accepte et exploite ce qu’on pourrait appeler des accidents de débrayage, là où la pellicule reste en place alors qu’elle aurait dû se déplacer. La même pellicule est exposée plusieurs fois et les prises de vues se superposent. Aglaia Konrad ne cherche aucunement l’effet. La pratique est apparue par accident, elle est plus ou moins due au hasard, dans des circonstances aléatoires et conduit dès lors à des résultats inattendus. L’image ainsi créée agit indépendamment, comme si l’oeil du photographe n’avait pas fixé la même chose que l’objectif de l’appareil photographique, comme si l’un et l’autre étaient ailleurs au même moment ; dans le cas qui nous occupe, l’un à Paris, l’autre à Sittard au Pays Bas. Le regard dès lors associe les images juxtaposées, agrège les photogrammes d’un film immobile, décompose les prises de vue et recompose les strates d’images. L’image ainsi révélée s’ancre singulièrement dans sa propre réalité, là où le langage des images affirme son autonomie. (JMB)

Aglaia Konrad
Zweimal Belichtet, 2016 (Cambridge -Wells 2013)
5 lambda C print

(…)The series Zweimal belichtet incorporates several rolls of film that were accidentally used twice. These mishaps were not programmed but the result of a specific working method that accompanies the analogue process. As Konrad photographs the same subjects in black and white and in colour, and hence constantly recharges her camera with different film rolls, a mix-up may occur in which she re-uses an already exposed film roll. Only after development she noticed the mistake: two shots taken at different moments and showing different subjects are mashed together in a layered and fractured image. The film rolls that unfurl before the viewer show a continuous flow of extremely hard to read images. As different spaces and times crash into one another, with their lines, colours and forms awkwardly fused, the world is no longer recognizable but becomes a hotchpotch of fragments. The double exposures are not superimposed in a discernable hierarchy, but coalesce into an intangible mess. Confronted with this clutter, the viewer starts to loose his bearings: his eye is unable to rest on one of the double takes, zooming in and out like an auto-focus camera. Indeed, the viewing experience is tantamount to what occurs while the photographer looks through his viewfinder: both observer and photographer seem immersed in that moment when the image is out of focus, when everything that meets the eye is in the process of becoming. But, while the ordeal of the photographer usually ends successfully, the viewer is not so lucky here: he remains stuck in this moment where everything still wavers between presence and absence. Although these images originated as failures, they are consciously recuperated as intriguing examples of an intrinsic part of the (analogical) photographie process. Their unreadability effectively overturns normative conceptions of the photographie image and its composition, but it also explores those unforeseen visual possibilities contained within the photographie medium. Indeed, these bewildering images are testimonial to the crucial role that chance plays in the photographie act. The photographie image, as a technological and chemical process, is the consequence of a camera that « looks » indiscriminately at the world, soaking in everything what is in front of it, making no distinction between what is important and what is not. It is in the slipstream of this automatic process that chance asserts its (potentially damaging) role. It is up to the photographer then to play with chance, to strike the right balance between control and surrender, and, in fact , to use chance as that « sting of the real » which invigorates the photograph. Yet Konrad’s double impressions seem to have arisen from a picture-taking system in which chance took over. As such, the y remind us of the dangerous (and therefore titillating) novelty the photographie act introduced in the visual culture oLthe 19th century, when, with the advent of the camera, anything could be depicted-whenever, whatever, wherever: such was the image-making credo introduced by the camera. When contingency takes the overhand and chance dominates the production of the image, the coherence the photographer is supposed to bring to the image collapses. As a result, the photographie agent is superimposed by an « other, » and perhaps more radical, image-making process, one in which the techno-scientific laws of the photographie system rule.(…) (Steven Humblet)

Aglaia Konrad
Selinunte, 2017
Héliogravure, 58,45 x 79,2 cm, 2019
ed 3 + 2 a.p

Emergent nodigt uit / Emergent invites, les images (2)

Exhibition view
Aglaia Konrad,
BT 01, 2021
Inkjet print on fine art paper, aluminium, framed, 126 x 86 cm. Ex 1/3
Exhibition view
Aglaia Konrad
Undecided frames (Sainte Bernadette de Banlay, Nevers), 2013
Colors photography, 54 x 41 cm. Ex 1/1
glaia Konrad
Undecided Frames (Porto 2011), 2016
Colors photography, 54 x 41 cm. Ex 1/1
Aglaia Konrad
Undecided frames (Madrid), 2012
Colors photography, 54 x 41 cm. Ex 1/1
Aglaia Konrad
Undecided Frames (Hérémence 2012), 2016
Colors photography, 54 x 41 cm. Ex 1/1
Exhibition view
Brecht Koelman,
2022-02-27,
oil on linen on panel, 20 x 30cm, 2022
Brecht Koelman,
2021-11-9
oil on linen on panel, 20 x 25cm, 2021
Brecht koelman
2020-05-13B
Huile sur panneau, 24×30 cm, 2020.

Emergent nodigt uit / Emergent invites, les images (1)

Exhibition view
Loic Moons,
sans titre, 2022, 136 x 117 cm
Loic Moons,
Sans titre, 2022, 151 x 142 cm
Exhibition view
Sandrine Morgante
Figlie dei Militari, 2019
22 drawings, carbon paper, variable dimensions
Commissioned by Archivio magazine #4 The Unreal issue, Turin
Sandrine Morgante
Figlie dei Militari, 2019
22 drawings, carbon paper, variable dimensions
Commissioned by Archivio magazine #4 The Unreal issue, Turin
Sandrine Morgante
Figlie dei Militari, 2019
22 drawings, carbon paper, variable dimensions
Commissioned by Archivio magazine #4 The Unreal issue, Turin
Sandrine Morgante
Figlie dei Militari, 2019
22 drawings, carbon paper, variable dimensions
Commissioned by Archivio magazine #4 The Unreal issue, Turin
Jacqueline Mesmaeker,
Couloir, 2022, technique mixte sur papier
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker,
Escales, 2022, calque et image imprimée

Emergent invites / Emergent nodigt uit, preview (4), Jacqueline Mesmaeker, Escales & Couloirs

Jacqueline Mesmaeker, Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker, Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker, Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker, Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker, Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker, Escales, 2022, calque et image imprimée
Jacqueline Mesmaeker, Couloir, 2022, technique mixte sur papier

Emergent nodigt uit / Emergent invites, preview (3), Aglaia Konrad

Aglaia Konrad
Undecided frames (Madrid), 2012
photographies couleurs, 54 x 41 cm

UNDECIDED FRAMES

Aglaia Konrad inaugurait, il y a quelques années, une  série de travaux consacrés à des architectures sculpturales. En filmant ou en photographiant la Maison Gilet à Angleur,  la puissance brutaliste de l’église bâtie par Fritz Wotruba à Vienne ou celle de Nevers, dessinée par Claude Parent et Paul Virilio, Aglaia Konrad met l’accent sur la plastique du béton, sa tectonique, cette force intemporelle et spirituelle d’un chaos fusionné, maîtrisé. Cela l’a tout naturellement mené à Carrare, ce lieu qui condense par excellence cette relation même entre paysage, sculpture et architecture, chaos et ordonnancement.

Tous ces travaux récents s’inscrivent dans une perspective plus large. Depuis vingt ans, inlassablement, Aglaia Konrad observe, investit, traduit la ville et son urbanité, cette métropole globale, qu’il s’agisse de Pékin ou de Sao Paulo, du Caire, de Dakar ou de Chicago. Elle en analyse le champ sociologique, les paramètres socio-politiques, focalise son attention sur l’architecture, sa modernité générique et sa généalogie. Son travail s’inscrit au cœur même de la métropole, dont elle perçoit les pulsions, s’en échappant parfois afin d’en mieux comprendre les nœuds de circulation, l’expansion, les accès, la relation au paysage.  Cette image urbaine, dans l’œuvre d’Aglaia Konrad, est délibérément pauvre. Elle n’a pas de support précis, pas de surface fixe, ne se revendique d’aucun des canons de l’acte photographique tel qu’habituellement codifié. Son œuvre est un vaste corpus interrogeant la ville, ses signes, sa modernité. L’image peut être argentique ou simple scan à jet d’encre, photocopie numérique, projection de diapositive, épreuve négative, impressions marouflées à échelle de l’espace mis en œuvre. La valorisation critique de l’image intervient en son utilisation ponctuelle et contextuelle. Et l’image peut être exposée ou publiée car l’édition prend ici un sens tout à fait singulier, là où la mise en page de l’image est aussi et surtout une mise en perspective.

C’est justement au moment de décider d’une utilisation ponctuelle qu’est, paradoxalement, née la série des «undecided frames». Immergée dans son sujet, Aglaia Konrad multiplie les prises de vue d’un même sujet. Certains clichés sont parfois fort proches, tellement proches et chacun si singulier, que l’artiste reste dans l’indécision quant à celui qu’il faut prélever dans l’archive. D’où l’idée d’assumer le fait de ne pas choisir, ce qui entraînera un décision : celle, dès lors, de confronter les deux clichés, juxtaposés et de les nommer «Undecided frames».

D’Osaka à Créteil, de New York à Madrid, on se prend bien naturellement à jouer au jeu de la différence, constatant un mouvement latéral de l’objectif, une profondeur de champ distincte entre les clichés, placés côte à côte. Le regard passe, en effet, sans cesse d’une image à l’autre. Je repense bien sûr à ces quelques mots écrits par Marcel Duchamp en 1937, consignés dans ses Notes : «il existe une conception grossière du déjà vu qui mène du groupement générique, deux arbres, deux bateaux, aux plus identiques « emboutis». Il vaudrait mieux chercher à passer dans l’intervalle infra mince qui sépare deux identiques qu’accepter commodément la généralisation verbale qui fait ressembler deux jumelles à deux gouttes d’eau». Duchamp parlera de « semblablité » à propos de la similarité : le même, cette « approximation pratique de la similarité ». «Dans le temps, précise-t-il, un même objet n’est pas le même à une seconde d’intervalle». Oui, avec les «undecided frames» d’Aglaia Konrad, nous nous situons dans le domaine de l’infra mince. «J’ai choisi exprès le mot mince, explique Marcel Duchamp, qui est un mot humain et affectif et non une mesure de laboratoire. Le bruit ou la musique faits par un pantalon de velours côtelé comme celui-ci quand on le fait bouger est lié au concept d’infra mince. Le creux dans le papier entre le recto et le verso d’une fine feuille… A étudier !… C’est une catégorie dont je me suis beaucoup occupé pendant ces dix dernières années. Je pense qu’au travers de l’infra mince, il est possible d’aller de la seconde à la troisième dimension».

De fait d’un cliché à l’autre, dans le cas des photographies d’Aglaia Konrad, nous sommes face au même objet ou sujet, nous en avons une perception différente, et nous sommes aussi face à des objets ou sujets différents, ne fut-ce qu’en raison de l’intervalle de temps qui existe entre deux prises de vue. Cette dimension temporelle est particulièrement perceptible dans les vues aériennes, New York, Paris, où les images, différentes en raison en raison de la perception que nous avons du vol de l’avion, pourraient partiellement se superposer. «A chaque fraction de la durée, note Thierry Davila, à propos de l’infra mince duchampien, se reproduisent toutes les fractions futures et antérieures. Toutes ces fractions passées et futures coexistent dans un présent qui n’est déjà plus ce que l’on appelle ordinairement l’instant présent, mais une sorte de présent à étendue multiple. C’est dans ces multiples étendues du temps que le sujet ici abordé circule, c’est dans leur incessante activation qu’il trouve les moyens d’une plasticité renouvelée».  Par rapport aux clichés isolés d’Aglaia Konrad, cette plasticité renouvelée, augmentée même, réside dans l’infra mince qui sépare deux prises de vue mise côte à côte. Nous ne sommes même plus devant deux photographies juxtaposées mais bien devant une image composée de deux clichés. Dans les choix qu’elle a opéré, Aglaia Konrad décline ces points de vue de toutes les façons, jusqu’à nous proposer des objets effectivement différents mais similaires. Ainsi ces deux «épis de Créteil», qui semblent à première vue être la même tour, bien que photographiées sous des angles distincts, mais qui sont deux tours rondes différentes, même pas jumelles, puisqu’elles appartiennent toutes deux à un ensemble de dix tours bâties par Gérard Grandval. Troublantes sont ces deux prises de vue dans la banlieue parisienne, devant des bâches de chantier représentant elles-mêmes la ville à venir, clichés si graphiques que la présence et le passage d’une passante sur le seconde semble presque virtuelle.  D’autres nous rendent le mouvement particulièrement perceptible. Qu’il s’agisse de celui de l’objectif, – cette voiture dans un garage à Tokyo et sur le second cliché, la statue du bouddha qui disparaît à gauche, l’arbre qui apparaît à droite -, ou qu’il s’agisse du mouvement conjugué de l’objectif et de la circulation urbaine, comme dans cette double vue d’un coin de rue à Osaka où tout s’anime. Assurément, le choix de ne pas décider entre deux clichés nous donne à voir une réalité augmentée, une dimension supplémentaire dans la fusion des images ; cette dialectique du semblable et de la différence aiguise notre perception du réel.

Aglaia Konrad
Undecided frames (Sainte Bernadette de Banlay, Nevers), 2013
photographies couleurs, 54 x 41 cm
Aglaia Konrad
Undecided Frames (Hérémence 2012), 2016
photographies couleurs, 54 x 41 cm
Aglaia Konrad
Undecided Frames (Porto 2011), 2016
photographies couleurs, 54 x 41 cm

Another photographic conundrum radiates from the series “Undecided Frames”. This work consists of pairs of photographs that are juxtaposed in a frame, with only a broad white border separating them. Although the photographs look similar at first, they display competing versions of one and the same image, the barely noticeable differences between them the results of a camera that has moved ever so slightly. One photographic pair, for example, shows a construction/destruction site in Chongqing, China. In the left image, the area is frontally photographed, with the camera pointed straight ahead, while the right captures the scene with the camera slightly tilted downward. In principal, nothing has changed: the lorry is still seen standing on the upper bridge and the man-potentially the driver-is still leaning on the rail. The photographs are shot within a relatively short timeframe, yet they present a different view: one photograph looks more balanced whereas the other shows the scene in a more dynamic way, as if stressing the dialectic between the construction of the highway and the destruction of the houses. Two very different takes, then, and yet, as the title intuits, no choice could be made? In sabotaging the moment of selection, Konrad’s Undecided Frames not only highlights the absurdity of the photographic act but also muddles the relationship between the four parties involved in photography: photographer, camera, world and viewer.

Suggested by the title, these pairs express an impossibility to choose « the right image. » As the camera makes no mistakes-each and every technical image is a viable alternative-there is no good or bad image logically speaking: photography simply measures and captures the light refracted by whatever falls within the scope of the lens. Put differently, to say that a photographic image fails is to introduce an act of judgement, performed by a discerning subject that declares the photograph good, bad, interesting, deficient, etc. Because the mechanical nature of the medium asserts that every image is nonetheless right and also because the criteria, standards, and convictions on which aesthetic judgement is based transfigure historically- a particular form of indecisiveness that is intimately linked to the photographic act as such comes to the fore. While the photographer and the camera start as an inseparable unity, the moment the photographer presses the button this unity is violently severed, both following for a brief moment of time their own path, their own logic. Only later on, when the image is developed and the photographer meets the result on the contact sheet, will he find himself included again in the photographic process, though now engaged in a discussion about which image to accept or reject. The photographic act installs an undecidability following directly from the action of the camera, but also, indirectly, from the discrepancy between that logic and the (mutable) set of aesthetic standards the photographer adheres to.

Two photographs of a rectangular column of marble in the Carrara quarries illustrate another of these inherently photographic paradoxes. Reading them left to right, these images infer a slight movement backwards and to the left. But we don’t really see such a movement, we only notice a jump between two different spatial positions (with the white, in-between border acting as « dead time »). Like other pairs in the series, this photographic couple differentiates our own, phenomenological sense of being in the world from the camera’s: where we experience a spatiotemporal continuum and glide fluently from one moment/place to another, the apparatus stutters and carves up the spatiotemporal continuum into discrete, discontinuous moments/places. On another level, the differences between the double takes could also be understood as a reference to Konrad’s working method. They would express her careful exploration of the subject, a continuous probing of it with the camera, the slight changes expressing a vivid but also somewhat fuzzy negotiation with the world. However, by each time limiting herself, in a body of work titled “Undecided Frames”, to only two images, she also points out that these photographs shouldn’t be seen as alternatives for one another, but as separate images in their own right. Immediately the problem of choosing reasserts itself, albeit with a slightly different and somewhat unexpected outcome: choosing becomes impossible not because these two images look similar, but because they are incomparably different.

In refusing to choose, Konrad also reclaims her position as an intermediary between image and viewer. Bringing the differences between the two images (however small they might be) to the notice of the viewer, she makes clear that every photographic image is the result of her subjective choices. Moreover, by naming these double takes « undecided » she manoeuvres the viewer into a situation he normally never has to deal with, the moment of choosing being a solitary moment, safely hidden from the prying eyes of the public. Now the question of choosing becomes our problem: are we supposed to make the choice Konrad didn’t want to make? Maybe, but for us, this idea of choosing is even more senseless than it was for her, because we have no stake in this choice. The only option we are left with is to nod our head from left to right (and back again), searching in vain for a way out of this either/both/neither dilemma. We find ourselves forever stuck in the impossible logic of the photographic system.

Steven Humblet teaches theory and history of photography at LUCA School of Arts, Brussels. He has studied philosophy and anthropology, wrote a dissertation on Benerice Abbott’s “Changing New York”, and publishes regularly on photography.

Aglaia Konrad, 
BT 01, 2021
Inkjet print on fine art paper, aluminium, framed, 126 x 86 cm

Emergent nodigt uit / Emergent invites, preview (2), Brecht Koelman, Loic Moons

Brecht Koelman,
2022-02-27,
oil on linen on panel, 20 x 30cm, 2022
Brecht Koelman,
2021-11-9
oil on linen on panel, 20 x 25cm, 2021
Brecht koelman
2020-05-13B
Huile sur panneau, 24×30 cm, 2020.
Brecht Koelman,
2021-08-8
oil on panel with artist’s frame, 20 x 25cm, 2021
Loic Moons, Sans titre, 2022, 151 x 142 cm
Loic Moons, sans titre, 2022, 145 x 134 cm
Loic Moons, sans titre, 2022, 136 x 117 cm

Emergent invites, Veurne, preview (1), Sandrine Morgante, Figlie dei Militari

Le titre de cette œuvre conçue en 2019 par Sandrine Morgante, Figlie dei Militari (Filles de Militaires) s’inspire directement du nom d’un singulier pensionnat de jeunes filles, fondé à Turin en 1866-68, l’Istituto Figlie dei Militari. Créé au lendemain de l’Unification italienne à l’initiative de la Marchesa Maria Luisa del Carretto di Santa Giulia avec la contribution et le soutien de Vittorio Emanuele, l’institut est initialement réservé aux orphelines de guerre, aux filles d’invalides et militaires décorés pour bravoure. Figlie dei Militari est également le nom du fond d’archives de cette institution, fond déposé aux Archives de l’État à Turin, un fond qui semble particulièrement riche et prometteur. Dès le premier classement des documents, note l’Association Archivio delle Donne in Piemonte,  « le débat sur une nouvelle éducation féminine qui ressort des procès-verbaux de la commission de promotion et du conseil d’administration, la reconstruction de la vie interne sur la base des nombreux règlements, l’évolution des cours activés dans le cadre des différentes réformes scolaires et, surtout, les idées pour reconstruire les histoires des femmes qui ont fréquenté l’institut en tant qu’élèves, enseignantes, directrices ou membres des institutions administratives du collège apparaissent d’un intérêt considérable (…) Cette école laïque dont on sait très peu de choses, unique en Italie est un point de référence pour un certain type d’éducation de genre au point de rivaliser avec le plus célèbre pensionnat Poggio Imperiale de Florence. La recherche s’enrichira grâce aux histoires des nombreuses protagonistes de la vie de l’institut, des histoires de femmes qui peuvent devenir des points d’étude et d’approfondissement dans le domaine peu exploré de l’histoire des femmes »(1).

Sandrine Morgante, toujours investie dans l’étude du langage en tant que facteur psychologique et variable, s’est particulièrement intéressée à une liasse de travaux scolaires datés de 1917, liasse extraite de ce fond d’archives, des dissertations, un apprentissage rhétorique de stricte actualité, appliqué au contexte historique, celui de la première guerre mondiale. Les travaux sont destinés à un concours, celui de la meilleure dissertation de l’année ; les demoiselles résidentes de l’Institut sont invitées à évoquer la gloire, la patrie, le sentiment national, le sacrifice, adressant symboliquement leurs missives aux héros du temps. « Je ne sais pas comment te glorifier, écrit l’une d’elle, comment exprimer l’admiration que tu suscites dans mon âme, la force merveilleuse de sourire encore et encore, dans les luttes et les angoisses que je ressens en tant que citoyenne italienne, en tant que fille, en tant que sœur ; je ne sais pas comment te faire comprendre le désir que j’ai de souffrir, moi aussi, fortement, rudement, sereinement, comme toi, comme tant de tes nobles compagnons, enfants devenus hommes si rapidement et prématurément ». La rhétorique exalte le sentiment national, l’accomplissement, la douleur, l’honneur, la fierté, l’héroïsme, le sens du devoir, l’adversité sublimée. « Les mots deviennent hyperboliques, sacrés, absolus », constate Achille Filipponi, qui commente le portfolio consacré à l’œuvre de Sandrine Morgante, paru dans la revue Archivio Magazine.(2) « La langue écrite se transforme en une force écrasante, constate-t-il encore. Sandrine Morgante s’intéresse particulièrement à ce processus d’unification : les différents essais paraissent se ressembler, et il est facile de confondre les auteurs. Des mots tels que : héros, douleur, obscurité, sang et cœur soulignent le corps comme cœur d’un processus de dévouement inévitable à la noble cause. La douleur vous transforme, la mort est un sacrifice. La langue absorbe l’effet du nouveau régime psychologique qui régit la nation et la période de l’histoire ». Solennité, dramaturgie et faculté d’émouvoir : « La guerre simplifie à l’extrême le discours, pour reprendre les propos du philosophe Alexis Philomenko.  Il est saisissant de constater comment une profusion d’images se retrouve ramenée à la plus extrême simplicité dans le discours de la guerre. Cela va si loin que toute guerre dont les mobiles apparaissent aux yeux de l’historien, critique ou érudit, comme infiniment complexes et surtout comme très nombreux, se présente à l’esprit des combattants sous une forme linéaire presque pure, tracée par quelques formules » (3).

Sandrine Morgante a parfaitement compris le sens rhétorique de cette forme linéaire et conforme, jusqu’à s’emparer du concept de copie conforme. Certes, il y a cette réduction linguistique générée par le discours autoritaire, explicitement requise par le contexte de la guerre, mais il y a aussi l’action expressive et psychologique de l’écriture agissante. Elle décide donc de fondre l’ensemble des dissertations en une seule, choisissant les extraits, les transcrivant sur papier carbone ; elle contrefait les écritures manuscrites, construit ainsi sa propre dramaturgie mise en page. Il n’y a plus qu’une seule composition où s’immergent et disparaissent les compositions originales. Celles-ci ne sont plus qu’une, tandis que l’artiste s’empare de toutes, dans une symbiose qui aborde et absorbe la langue comme un organe variable résultant d’un paysage culturel.

En résulte cette vingtaine de feuillets. Achille Filliponi attire notre attention sur l’importance d’une esthétique de la géométrie en temps de guerre, l’ordre pour redoutable scénario visuel, la parade pour dramaturgie, et dieu sait si, en Italie, les fascistes en ont usé. Osons dès lors la comparaison : chacun de ces feuillets alignés ici agit comme une centurie de mots, certes uniformisés et faisant bloc, mais composée d’autant de destins particuliers.

(1) https://www.archiviodonnepiemonte.it/presentazione-ricerca/

(2) World Sign relic, Archivio magazine #4 The Unreal issue, Torino, 2019

(3) Alexis Philomenko, « Essai sur la philosophie de la guerre », éd. Vrin, Paris, 1976.

“War, war, war” is the cry of a thousand youthful mouths, the cry of struggle and hope that flew from the eternal white of the Alps to the red of the island of fire. It was an immense cry, it was the call of youth and justice and no one remained motionless listening to it. But if the strong word that shocks and improves comes to us from those who suffered directly for its sacred duty, from those who peacefully sacrificed their beautiful vermilion blood as heroes, the emotion is deeper and more intense, the will for good is firmer and more tenacious, the whole soul is purified, for the infinite gratitude, for the new force that welcomes. To die, when everything inside and around us says “live”, when life, a powerful and splendid force, manifests itself, multiple and blazing in everything, is sad! And death is sad, as well it is atrocious to survive it, no longer healthy and vigorous in the body but either with a worn organism or with an atrophied sense or limb!

“Chi per la patria muor, vissuto ha assai” [“He, who dies for the Motherland, has lived a great deal”]. Think, dear, how much truth there is in this verse. He lived a great deal because he did a little good for his homeland, because he contributed to making it great and glorious by giving it the most precious thing he owns: his life. And on the captain’s chest, he affixes the silver medal for his military valour. He kisses him on his brown-haired head and, moved by the emotion of the wounded, has tears in his eyes, tears that contrast his severe, almost rigid, figure. His dull eyes will receive the vision of Victory, as he saw it then, when he ran forgetful of himself at the heads of his soldiers, towards the flaming red horizon of blood and fire, and he will see it shine like light in the darkness. Well done, young men! And it is precisely in suffering, in adversity that the strong and generous hearts are known. Your pain, like all pains, is not unsuccessful. It improves you and sublimates you because it does to your soul what the plough does to the land: it tears it apart, but fertilises it. Oh, brave children of this country blessed by nature, it is to you that we will owe the great progress of our country and to you, therefore, will go all the roses of the gardens of beautiful Italy.

I simply do not know how to glorify you, how to express the admiration that you evoke in my soul, the wonderful strength to smile again and again, in the struggles and anxieties that I feel as an Italian citizen, as a girl, as a sister; I do not know how to make you understand the desire I have to suffer, too, strongly, rudely, serenely, like you, like so many noble companions of yours, children turned to men quickly and prematurely.

The night is dark, everything is silent. A few beams of light from reflectors, a few imperceptible sounds, and nothing else. Yet, in the midst of that silence, our soldiers, the children of the same great Mother, are heroically fulfilling their duty. They carry out every act with serenity and indescribable enthusiasm, without any sacrifice. If there is terrain to explore, if there is some dangerous reconnaissance to do, a thousand volunteer for it, and all would like to be there, where the brawl is stronger and the fight is harder. Many seriously wounded continue to heroically fight, not caring at all about the blood that flows on the ground, the pain that tortures them. In order to redeem itself entirely, every day the homeland needs deaths and misery, and all of that which constitutes the best means of achieving the high goal that was set, must not be called sacrifices. And you, poor wounded, suffer with a smile on your poor, pale lips.

Maybe because before you were weak and unstable and now you are strong and firm. If once your heart was afraid of the fight, now it welcomes it with delight; if it feared pain now it uses it as an instrument to inspire many good deeds. “Oh sister, I’m so happy! …” the soldier doesn’t finish his phrase; his voice is broken by the sobs. He cries like a child, and little by little he calms down, becoming serene. He looks forward to the general, the iron man with the golden heart that he has so often admired. And the commander finally enters, accompanied by several officers, approaches the beds of patients and has a word of praise for everyone, words of affectionate encouragement. And since the honour and pride of having given so much prevent you from looking with regret at the cruel consequences of what you gave away, I hope with all my heart that those who you love and those who love you, will understand and help you to stay proud, serene and strong, like today, and prevent you from regretting, even remotely, the happiness of seeing and enjoying life like everyone else. Let this strong and blessed glory be the beacon of light not only of your whole life, but also of all the youth of Italy, now and forever over the centuries. And he feels this form that sublimates him, and contemplates him in the darkness of its endless night. How many hearts, through the suffering.

they felt, will abandon vain affections, will suffocate vulgar feelings, because the pain improves the man, extinguishes the bad germs in him. Never before has there been such an unselfish competition to help those who suffer more than us like there is today, when we are all, in one way or another, affected by pain. It is the pain that makes us better, that healthy pain that makes everyone stronger and that, increasing the ranks of our heroes, makes the Italian people grander and more glorious.