Archives de catégorie : Des expositions d’ailleurs / exhibitions artists

John Murphy, Unreadiness, Raveelmuseum

John Murphy
…(Vella), 2002-2003
Oil on canvas, in two parts,  (2) x 230 x 169 x 3 cm

Les salles d’exposition du Musée Roger Raveel se composent d’une longue succession de pièces et de salles. Le visiteur peut découvrir les œuvres au cours d’une promenade à la fois physique et mentale. Une version miroir de l’exposition se révèle à la fin, étant donné que le visiteur doit revenir sur ses pas pour achever sa visite. Ce déplacement dans l’espace commence dans le hall d’entrée avec l’énigmatique (Vela) (2002-2003) de John Murphy, une toile d’un bleu de nuit profond. Le terme latin de vela dans le titre fait référence aux voiles d’un bateau. Une constellation illumine les heures sombres de la nuit, lorsque nos désirs et nos peurs se balancent au rythme de la mer. Notre regard suit la constellation du tableau qui, dès le début de l’exposition, nous propose une première énigme, une première halte dans le voyage.

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Le chien apparaît également dans les grands tableaux de Murphy, The Song of the Flesh or The Dog who Shits (Lyra) (1993), A Different Constellation (Lupus) (1994) et The Invention of the Other (Vulpecula) (1994). Sur chaque toile, on aperçoit un chien, l’un détourne le regard, un autre dort et un troisième défèque. Simplifiés en dessins au trait et isolés dans un plan de l’image de couleur brun pâle, les chiens semblent ignorer aussi bien les constellations qui se profilent au-dessus d’eux à une distance incommensurable que le spectateur qui les rencontre dans la salle du musée. Les chiens peuvent être considérés comme des métaphores de l’être humain qui, même dans une quête fébrile de réponses, est et reste lié à son propre corps et à une pulsion de (sur)vie.

John Murphy
The invention of rthe other (Vulpecula), 1994
Oil on linen, 264 x 198,5 cm
John Murphy 
The Song of the Flesh or The Dog who Shits (Lyra), 1993
oil on canvas, 264 x 198 cm
John Murphy
On the Way… Are you dressed in the map of your travels?  2003
Stuffed parrot, post card and stand. Parrot: 24 x 32 x 23 cm, stand: 83 x 73x 3,5 cm, framed postcard: 
86,5 x 74,5 x 3,5 cm.

Le texte occupe une dimension cruciale dans l’ œuvre de Murphy Le titre est une entité autonome, physiquement séparée de l’œuvre – l’image, l’objet – et les deux coexistent sur un pied d’égalité. Les titres sont des extraits de textes existants, ils sont reconnaissables, mais difficiles à situer. Prenons On the Way. Are you dressed in the map of your travels ? (2003) le titre est aussi apposé en écriture manuscrite sur l’espace blanc qui entoure l’image encadrée, une carte postale trouvée représentant une mappemonde. Un perroquet empaillé, également un élément « recyclé », observe l’image à distance, figé dans le temps et l’espace. Comme souvent, le titre exprime un certain désir, un intérêt pour la sensualité, un penchant pour le toucher physique et mental. Chiens, girafes, un perroquet empaillé, les animaux apparaissent sous diverses formes dans son œuvre. Ils témoignent de l’intérêt que Murphy porte à la zoologie, outre l’inspiration qu’il puise dans la botanique, la cosmologie et l’histoire de l’ art.

John Murphy
The Deceptive Caress of a Giraffe, 1993
oil on canvas, 264 x 168 cm
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Lorsque notre mémoire est activée, une expérience synesthésique se produit. Une odeur ou un son, certaines images ou des lieux spécifiques nous rappellent certaines expériences ou certains sentiments. Cette sensation nous envahit aussi quand on contemple les œuvres de John Murphy, en particulier ses peintures. Parfois, de grandes parties de la toile sont quasi entièrement monochromes, comme Nothing. Wait and See (1990-1991). La texture particulière de ce tableau lui confère un effet de voile. On regarde la couleur, la « peau » du tableau, et on prend conscience de l’insignifiance de son vide. Simultanément, nos pensées commencent à relier la couleur au bleu du ciel, à une douce journée printanière, aux fleurs qui éclosent dans le champ à côté de la maison où on a grandi. L’imagination et les souvenirs du spectateur complètent l’existence autonome du tableau sous nos yeux. La perception n’est pas uniquement actionnée par la tête, mais par le ventre et le cœur aussi. Cette expérience hautement intime gravite autour d’une réalité tangible mais énigmatique que l’on ne peut qu’entrevoir.

La surface des peintures de John Murphy fait penser à une membrane, un rideau doux et translucide qui dissimule de grandes parties de ce qu’il couvre alors que des détails subtils nous parviennent d’un autre monde. Dans The Deceptive Caress of a Giraffe (1993), un ton orange indéterminé recouvre la grande toile tandis qu’en haut, à droite, les oreilles de deux girafes émergent. Un regard attentif permet de voir que les girafes s’enlacent dans une étreinte apparente de leurs deux cous Toutefois, le mouvement en soi n’est autre qu’une tentative de domination de l’une sur l’autre. La couleur est une superposition de fines couches « tachetées ». Sa densité semble transparente, presque immatérielle, ce qui fait que l’image fantomatique de la girafe suscite l’impression qu’elle flotte dans un espace indéfinissable. (Mélanie Deboutte, dans le catalogue de l’exposition)

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John Murphy
Movement of the internal being (The Joseph Conrad serie), 2003
Etching on offset and serigraphy (text), 85 x 101 cm.  Ed. of 2.

Dans The Joseph Conrad Series (2003), John Murphy reproduit 26 fois l’image d’un trois-mâts, chaque fois avec un titre différent. Il s’agit d’une photographie trouvée que l’artiste a récupérée. À partir de l’intérêt qu’il porte à la répétition, Murphy souhaite stimuler l’ œil du spectateur à chercher des similitudes et des différences, que seuls les titres contiennent. L’artiste ouvre à notre imaginaire un espace entre le mot, l’image et l’objet. Le bateau sur la photo porte le nom de Joseph Conrad, l’écrivain polonais-anglais connu pour ses récits de voyage qui se déroulent souvent en mer et s’articulent autour de valeurs morales et de solitude. Avec des titres comme E la nave va, Movement of the internai being et North of the future, John Murphy partage les sensibilités subtiles propres à son œuvre. Avec un raffinement froid, il crée une atmosphère mélancolique qui s’apparente à la saudade des chants de marins portugais. Le sentiment de manque est vague par essence et sa viscosité fait qu’il colle à l’âme. En même temps, le voyage promet de l’aventure, un déplacement dans le temps et dans l’espace et de nouveaux horizons. (Mélanie Deboutte, dans le catalogue de l’exposition)

John Murphy
The Tiepolo’s Serie. In their own dark, 2015 The Tiepolo’s Serie
Photocopy, gouache, pen and ink on board, 46 x 54 cm

Dans Tiepolo Series (2015), Murphy se concentre sur Pulcinella, un personnage de la commedia dell’arte. Figure mystérieuse et pleine de contradictions, Pulcinella traverse la vie en tant qu’homrne ou femme, masqué, avec une bosse et un nez crochu. L’ample costume blanc et le chapeau conique sont les vêtements typiques d’un personnage rusé, rustre et ambigu, parfois voleur et rebelle, mais qui combat toujours les catastrophes et intervient comme le sauveur d’autres personnages. Murphy s’inspire d’une fascinante série de dessins et de fresques du XVIIIe siècle, du peintre Giandomenico Tiepolo, fils du célèbre Giambattista Tiepolo. Dans cette série, Pulcinella apparaît dans diverses scènes dans lesquelles il fait des farces à grands coups de gestes et de grimaces grotesques. Fait remarquable, dans chaque scène, plusieurs personnages jouent le rôle de Pulcinella, comme autant de clones de lui-même. Murphy isole le protagoniste des autres personnages, les retire du spectacle très animé et les transfère sur un panneau blanc à la faveur d’un stylo et de gouache. La série qui en résulte se compose de regroupements absurdes du personnage démultiplié. Ici et là, Murphy reprend aussi les chiens qui suivent la scène extravagante en tant que spectateurs

John Murphy
The Tiepolo’s Serie. Words fall like stones, like corpses, 2015
Photocopy, gouache, pen and ink on board, 46 x 54 cm
John Murphy
The Tiepolo’s Serie. For the eyes of dogs to come, 2015
Photocopy, gouache, pen and ink on board, 46 x 54 cm
John Murphy
The Tiepolo’s Serie. The Discipline of Uncertainty. 2015
Photocopy, gouache, pen and ink on board, 46 x 54 cm
John Murphy,
India Song:  . . . /Anne-Marie Stretter  1991-92 / 2021.
Huile sur lin, 228 x 128 cm

John Murphy déclare dans une interview en 1979 « J’aspire à créer du sens dans l’espace entre les mots et l’image, sans en même temps spécifier le sens [ .. ] le sujet s’apaise quelque part en dehors des simples faits établis d’une œuvre d’art ». L‘expérience humaine est au cœur de l’ œuvre, qui est à la fois très personnelle, mais revêt aussi une dimension universelle et intemporelle. Murphy, qui peint exclusivement à la lumière du jour, invoque la richesse inépuisable des couleurs. « La couleur devient une voix, un son que nos yeux entendent», écrit Barry Barker. L’artiste transforme,  il transpose la couleur en lumière voilée. La lumière de l’espace qui abrite l’œuvre suscite les nuances raffinées de la couleur. L’attention du spectateur s’aiguise, les sens sont stimulés. L’ expérience de perception visuelle prend le dessus sur la recherche d’un récit ou d’un sens. Un certain détachement règne sur les tableaux grâce à un maniement précis et contrôlé du pinceau. Les simples motifs linéaires flottent comme des « nomades magiques » dans le plan indéfini de l’image et contribuent au mystère dans lequel le spectateur peut se perdre. (Mélanie Deboutte, dans le catalogue de l’exposition)

Exhibition view
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Aglaia Konrad, Book Tower Images, VANDENHOVE Centrum voor Architectuur en Kunst – Universiteit Gent vernissage le 21 avril

La bibliothèque de l’université de Gand et sa célèbre tour des livres (Boekentoren), conçue par Henry van de Velde dans les années 1930, a récemment rouvert ses portes après un long processus de restauration. Bien qu’elle célèbre ce moment festif, cette exposition ne se concentre pas tant sur le bâtiment lui-même que sur sa riche imagerie. Au fil des ans, des photographes de renom tels que Lucien Hervé et Candida Höfer ont photographié la tour de la bibliothèque, tandis que des artistes tels que Jan De Cock et Anne Teresa De Keersmaeker ont réalisé des installations ou des spectacles de danse dans le bâtiment, documentés à l’aide de photographies et de films.
En juxtaposant de multiples images du même bâtiment, cette exposition aborde différents modèles de représentation architecturale : des photographies architecturales modernistes typiques d’Emile Sergysels des années 1930 aux explorations récentes d’Aglaia Konrad. En outre, l’exposition associe la photographie d’architecture à une myriade d’autres pratiques artistiques et photographiques telles que la photographie documentaire, la photographie de rue, les photos de mode, le photojournalisme, la photographie amateur, la peinture, la vidéo, et cetera – avec, bien sûr, la Tour du Livre comme fil conducteur.
Avec des œuvres de Dirk Braeckman, Kristien Daem, Jan De Cock, Walter De Mulder, Carl De Keyzer, Geert Goiris, Lucien Hervé, Candida Höfer, Jan Kempenaers, Aglaia Konrad, Marie-Jo Lafontaine, Agnes Maes, Paul Robbrecht, François Schuiten, Emile Sergysels et Walter Vorjohann, entre autres.
Exposition organisée par Steven Jacobs et Charlotte Dossche.
A l’occasion de cette exposition, A&S/Books publie un livre.

 

Aglaia Konrad,
BT 23, 2021
Inkjet print on fine art paper, aluminium, framed, 126 x 86 cm

The Ghent University library with its famous Boekentoren or Book Tower, which was designed by Henry van de Velde in the 1930s, re-opened recently after a long restoration process. Although celebrating this festive moment, this exhibition does not so much focus on the building itself but rather on its rich imagery. For over the years, leading photographers such as Lucien Hervé and Candida Höfer have pictured the library tower whereas artists such as Jan De Cock and Anne Teresa De Keersmaeker realized installations or dance performances in the building that were documented with the help of photographs and films.

By juxtaposing multiple images of the same building, this exhibition deals with various models of architectural representation: from the typical modernist architectural photographs by Emile Sergysels from the 1930s to the recent explorations by Aglaia Konrad. In addition, the exhibition combines architectural photography with a myriad of other artistic and photographic practices such as documentary photography, street photography, fashion shoots, photojournalism, amateur photography, painting, video, et cetera – with, of course, the Book Tower as a common thread.

With works by Dirk Braeckman, Kristien Daem, Jan De Cock, Walter De Mulder, Carl De Keyzer, Geert Goiris, Lucien Hervé, Candida Höfer, Jan Kempenaers, Aglaia Konrad, Marie-Jo Lafontaine, Agnes Maes, Paul Robbrecht, François Schuiten, Emile Sergysels, and Walter Vorjohann among others.

Curated by Steven Jacobs & Charlotte Dossche.

On the occasion of this exhibition, A&S/Books publishes a book.

Aglaia Konrad,
BT 18, 2021
Inkjet print on fine art paper, aluminium, framed, 126 x 86 cm

Jacqueline Mesmaeker, Werner Cuvelier, Time Elapsed, Bruxelles.

De vier seizoenen – Hommage à Vivaldi
Huiles sur bois, 69 pièces, dimensions diverses
Jacqueline Mesmaeker
Ouest-Sud-Ouest (2009-2017), cartons postaux

Jacqueline Mesmaeker et Werner Cuvelier participent à l’exposition  Time Elapsed, conçue par Pierre-Philippe Hofmann. Imprimerie de la Banque Nationale – Bd de Berlaimont 56, 1000 Brussels.  Vernissage le 16 avril de 14 à 18h. Exposition du 17 au 27 avril 2023 

[EN] How does time affect the way we feel or the way we produce art? TIME ELAPSED brings together a variety of pieces that attempt to answer this essential question in their own manner.

[NL] Hoe beïnvloedt tijd de manier waarop we de werkelijkheid ervaren of de manier waarop we kunst produceren? TIME ELAPSED brengt verschillende werken samen die op hun eigen manier deze essentiële vraag proberen te beantwoorden.

[FR] De quelle façon est-ce que le temps agit sur notre façon de ressentir ou notre façon de produire des oeuvres? TIME ELAPSED rassemble des pièces hétéroclites qui tentent de répondre à leur façon à cette question essentielle.

John Murphy, Unreadiness, Roger Raveel Museum, vernissage le 16 avril 2023

John Murphy
The Song of the Flesh or The Dog who Shits (Lyra), 1993
Oil on canvas, 264 x 198 cm

16.04.2023 10.09.2023

Unreadiness

Jan Vercruysse, Nel Aerts, John Murphy

Vernissage: dimanche 16 avril 2023, 11h-17h

Du 16 avril au 10 septembre 2023, le musée Roger Raveel réunit des œuvres de Jan Vercruysse (1948-2018), de Nel Aerts (°1987) et de John Murphy (°1945). Le titre de l’exposition, Unreadiness, est tiré de Giacomo Joyce, un texte remarquable de seize pages que James Joyce a écrit lors de son séjour à Trieste en 1914, mais seulement publié à titre posthume en 1968[1]. Dans cette histoire d’amour, Joyce exprime des sentiments de solitude, de perte et de nostalgie. Le texte se compose d’un écheveau de références dissimulées sous un voile de connotations personnelles et d’archétypes universels.

Dans une démarche analogue, les artistes de cette exposition ont développé leur propre univers en puisant dans les sentiments intimes de l’auteur tout en tenant un discours imprégné d’histoire de l’art et de la littérature, émaillé de symboles iconographiques. Nombre de motifs récurrents trahissent un double sens : le voile, le rideau ou la scène, le masque et l’autoportrait, le choix de mots poétiques pour les titres. Dans un jeu sensuel de cacher et de dévoiler, les œuvres témoignent de la création elle-même : « l’art pour lui-même et pour son propre destin »[2].

La mélancolie, qui domine l’atmosphère générale de multiples œuvres, constitue un sentiment difficile à exprimer avec des mots : une sensation de langueur, de perte et de désir indéfinissable. Tel un navire sans cap flottant sur une mer immense, l’artiste se sent enfermé dans sa solitude et pour extérioriser ces questions existentielles, il ou elle se met en scène sous la forme d’un double, d’un personnage. Regarder et être regardé vont de pair. Les œuvres de cette exposition semblent exister dans une autre dimension, repliées sur elles-mêmes, à distance du spectateur.

Chacun des artistes interroge et expérimente sa discipline de prédilection – sculpture, peinture, photographie, poésie – à la lumière de l’histoire de l’art, attentif·ve aux traditions et aux failles du média. L’un·e recherche une pureté esthétique, l’autre l’attaque au contraire. Cela permet d’exposer les structures cryptées du langage, du sens et de l’image tout en portant une grande attention à la matière, au support, au volume dans l’espace et aux formats et en évitant une dimension narrative ou anecdotique.

Unreadiness relie des œuvres d’artistes de deux générations et des œuvres d’art de différentes époques, de la début des années 1980 à 2022. Plus que jamais, la question fondamentale du statut et de la place de l’art est d’actualité aujourd’hui. L’exposition tente d’apporter une réponse à un monde à la fois inassouvi et insatiable. Repliées sur elles-mêmes comme des machines hermétiques, les œuvres d’art permettent aux visiteur·ses de les approcher et de découvrir leurs formes étranges, leurs images qui les touchent et les troublent par leur beauté sereine, parfois absurde et toujours sincère. 

[1] “Unreadiness. A bare apartment. Torbid daylight. A long black piano: coffin of music. Poised on its edge a woman’s hat, red-flowered, and umbrella, furled. Her arms: a casque, gules, and blunt spear on a field, sable.” – James Joyce, Giacomo Joyce, vert. Gerardine Franken, Uitgeverij De Bezige Bij, Amsterdam, 1969.

[2] Jan Vercruysse en conversation avec Carolyn Christov-Bakargiev, Flash Art International, n° 148, octobre 1989.

John Murphy
The Invention of the Other (Vulpecula), 1994
Oil on canvas, 264 x 198,5 cm.

16.04.2023 10.09.2023

Unreadiness

Jan Vercruysse, Nel Aerts, John Murphy

Opening: Sunday 16 april 2023, 11 am – 5 pm

From 16 April to 10 September, 2023, the Roger Raveel Museum brings together works by Jan Vercruysse (1948-2018), Nel Aerts (1987) and John Murphy (1945). The title of the exhibition, Unreadiness, is taken from Giacomo Joyce, a sixteen-page text written by James Joyce during his stay in Trieste in 1914 and published posthumously in 1968.[1] In this love story, Joyce expresses feelings of loneliness, loss and desire. The text forms a tangle of references hidden behind a veil of personal connotations and universal archetypes.

In a similar way, the artists in this exhibition have developed their own universe that draws on the private feelings of the makers. In doing so they make use of an art-historical and literary discourse full of iconographic symbols. The poetic word choices in the titles hint at double meanings, as do a number of recurring motifs, such as the veil, the stage curtain, the mask and the self-portrait. In a sensual game of concealing and revealing, the artworks bear witness to the creation itself: ‘art for its own sake, and for its own fate’.[2]

The general mood in many of the works is that of melancholy, an undefinable sense of loss and longing. Like a ship floating off course on an open sea, the artist feels stricken by loneliness and seeks to express this existential dread through a doppelganger, a character based on themselves. Watching and being watched go hand in hand. The works in this exhibition seem to exist in another, self-enclosed dimension, at a remove from the viewer.

Each of the artists questions and tests their chosen medium – be it sculpture, painting, photography or poetry – in the light of art history, paying attention to its traditions and fault lines. While one seeks an aesthetic clarity, another attacks the very notion. The encrypted structures of language, meaning and image are exposed, with a great deal of attention paid to material, carrier, volume in space and formats. A narrative or anecdotal dimension is avoided. 

Unreadiness connects works by artists from two different generations and artworks from different periods, ranging from the early 1980 to 2022. The underlying question about the status and place of art today is more topical than ever. The exhibition attempts to provide an answer to a world that is both unsated and insatiable. Turned in on themselves like hermetic machines, the artworks invite the visitor to come closer and become acquainted with their strange forms, their images whose tranquil beauty – sometimes absurd but always sincere – has the power to touch and move us. 

[1] ‘Unreadiness. A bare apartment. Torbid daylight. A long black piano: coffin of music. Poised on its edge a woman’s hat, red-flowered, and umbrella, furled. Her arms: a casque, gules, and blunt spear on a field, sable.’ – James Joyce, Giacomo Joyce, vert. Gerardine Franken, Uitgeverij De Bezige Bij, Amsterdam, 1969.

[2] Jan Vercruysse in conversation with Carolyn Christov-Bakargiev, Flash Art International, no. 148, October 1989.

 

Aglaia Konrad, What Mad Poursuit, The Teatro dell’architettura, Mendrisio 

FR.

Le Teatro dell’architettura Mendrisio de l’Università della Svizzera italiana présente l’exposition WHAT MAD PURSUIT du 7 avril au 22 octobre 2023, promue par l’Académie d’architecture de l’USI et organisée par Francesco Zanot.

À travers une sélection d’œuvres photographiques d’Aglaia Konrad (Salzbourg, 1960), Armin Linke (Milan, 1966) et Bas Princen (Zélande, 1975), le projet explore la relation entre l’architecture et la photographie, et celle entre cette dernière et le contexte dans lequel elle est montrée, en se concentrant sur la complexité d’une imbrication qui place les œuvres au centre d’un processus constant de négociation entre le sujet et l’espace d’exposition. L’exposition questionne la fonction documentaire de la photographie, entendue ici comme un dispositif qui enregistre et transforme simultanément la réalité, tout en contredisant sa conception d’image bidimensionnelle en explorant sa matérialité, son corps et sa présence.

En présentant une cinquantaine d’œuvres créées par les auteurs dans des lieux et à des moments différents, avec des objectifs tout aussi hétérogènes, l’exposition explore les intersections entre la photographie et l’architecture, l’espace représenté et l’espace d’exposition. Dans les pratiques artistiques des trois auteurs, l’espace interne du cadre et l’espace externe deviennent des objets d’étude mais aussi de re-vision radicale par la médiation de la photographie. Chaque œuvre ou cycle d’œuvres active de nouvelles interprétations de sujets déjà soumis à des processus de représentation et d’interprétation, en introduisant de nouvelles couches de signification qui s’entrecroisent avec les précédentes. Au lieu de représenter (une fois pour toutes), la photographie déclenche ici une réaction en chaîne de resignification qui est, au moins théoriquement, sans fin. La photographie ravive et redémarre. C’est une question d’intersections, d’interactions, de chevauchements, de réactions, d’interférences.

Dans la série photographique Shaping Stones, Aglaia Konrad associe des bâtiments d’architectes connus à des œuvres anonymes, anciennes ou contemporaines, unies par l’utilisation d’un même matériau et par un mode de représentation, la photographie en noir et blanc, qui permet d’obtenir un amalgame aussi cohérent qu’étranger à toute catégorie reconnue. Armin Linke réutilise les images préexistantes de ses archives, prises à travers le monde au cours de sa carrière. Il les mélange pour former un nouveau récit qui dépasse le contexte original de production, remettant en question les notions mêmes de chronologie, de linéarité, d’histoire et d’uniformité. Bas Princen photographie d’autres représentations, s’interrogeant sur ce qu’il advient d’elles une fois qu’elles sont dupliquées et converties en images bidimensionnelles. Dans son travail, des détails d’éléments préexistants, tels que des peintures, des objets et des photographies, habituellement saisis dans leur intégralité, sont soumis à un nouveau processus d’interprétation, donnant naissance à des images nouvelles et indépendantes, capables de se détacher des images d’origine. L’artiste remet également en question la bidimensionnalité même de la photographie grâce à une technique d’impression basée sur le relief et dotée d’une qualité sculpturale inhabituelle.

EN

The Teatro dell’architettura Mendrisio of the Università della Svizzera italiana presents the exhibition ‘WHAT MAD PURSUIT. Aglaia Konrad, Armin Linke, Bas Princen’, from 7 April to 22 October 2023, promoted by the USI Academy of Architecture and curated by Francesco Zanot. Through a selection of photographic works by Aglaia Konrad (Salzburg, 1960), Armin Linke (Milan, 1966) and Bas Princen (Zeeland, 1975), the project explores the relationship between architecture and photography, and that between the latter and the context in which it is shown, focusing on the complexity of an interweaving that places the works at the centre of a constant process of negotiation between subject and exhibition space. The exhibition questions the documentary function of photography, here understood as a device that simultaneously records and transforms reality, while also contradicting its conception of a two-dimensional image by exploring its materiality, body and presence.

Devised specifically for the spaces of the Teatro dell’architettura Mendrisio, the exhibition ‘WHAT MAD PURSUIT. Aglaia Konrad, Armin Linke, Bas Princen’ is an original project that brings together photographic works by three international artists who work with this medium through different methods and approaches: Aglaia Konrad, Armin Linke and Bas Princen. By presenting some 50 works created by the authors at different places and times with equally heterogeneous purposes, the exhibition explores the intersections between photography and architecture, represented space and exhibition space. In the artistic practices of the three authors, the internal space of the frame and the external space become objects of study but also of radical re-vision through the mediation of photography. Each work or cycle of works activates new interpretations of subjects already submitted to processes of representation and interpretation, introducing further layers of significance that intersect with the previous ones. Instead of depicting (once and for all), here photography triggers a chain reaction of resignification that is at least theoretically endless. The photograph rekindles and restarts. It is a matter of intersections, interactions, overlaps, reactions, interferences.

In the photographic series Shaping StonesAglaia Konrad combines buildings by well known architects with anonymous works, both ancient and contemporary, united by the use of the same material and by a mode of representation, black and white photography, that makes it possible to obtain an amalgam as coherent as it is extraneous to any recognised category. Armin Linke re-uses the pre-existing images in his archive, taken around the world in the course of his career. He mixes them together to form a new narrative that goes beyond the original context of production, challenging the very notions of chronology, linearity, history and uniformity. Bas Princen photographs other representations, questioning what happens to them once they are duplicated and converted into two-dimensional images. In his work, details of pre-existing elements, such as paintings, objects and photographs, usually grasped in their entirety, are subjected to a further process of interpretation, giving rise to new and independent images capable of detaching themselves from the original ones. The artist also questions the very two-dimensionality of photography through a printing technique based on relief and endowed with an unusual sculptural quality.

 

 

 

Jacques Lizène, Argos TV, Quelques séquences d’art sans talent, 1979

Parallèlement à l’exposition consacrée à l’art vidéo en Belgique durant les années 70, Argos TV diffuse durant de mois de décembre à la fois dans sa vitrine, 62 rue des Commerçants à Bruxelles et sur son site internet, Argos TV, les séquences d’art sans talent de Jacques Lizène (1979). 

Voir ou revoir 

Les Séquences d’art sans talent se composent d’une suite de clips et de pitreries parfaitement affligeantes. Jacques Lizène dans le rôle du Petit Maître liégeois, artiste de la médiocrité et de la sans importance, suit du doigt une tache sur l’écran, repousse la mire d’une pichenette, chante mais on ne l’entend pas, contraint son corps à rester dans le cadre de l’image, forme un étron en pressant un tube de couleur, se dandine et se désagrège entre deux petites femmes nues qui dansent en bord d’écran, une plume glissée entre les fesses, finit par brandir un drapeau blanc. Sur fond de projection d’une petite femme agitant ses seins nus, il prend ensuite la posture d’un minable cuisinier burlesque au visage enfariné débitant à grands coups de couteau son concombre, son aubergine, sa carotte, non pas son sexe, enfin c’est tout comme. Réalise finalement une peinture minable façon action-painting en crachant sur l’objectif de la caméra. Jacques Lizène a pris position pour l’art sans talent dès 1966, disqualifiant ainsi ses propres œuvres afin de couper toute tentative de critique fondée sur l’idée de jugement, ce qu’il fait au fil de ces séquences les déclarant mauvaises, à refaire, pas assez ratées, sans intérêt, insignifiantes, d’un infantilisme navrant, ineptes, injustifiables, inexpressives. Revendiquant la place du clown, Lizène joue à l’égo, affirmant la présence de l’artiste, et se dilue sans cesse. Avec un sens consommé de la provoc et du loufoque, il use des nombreuses manipulations qui émaillèrent les temps héroïques de l’art vidéo, split-screens, incrustations, virage des couleurs et prend ainsi à rebours la grande machine à hypnose que sera la télévision. Celle-ci ne s’y trompera pas. Le film est réalisé par le centre de production de la RTBF Liège en 1979. Il est prévu qu’il soit diffusé par l’émission Vidéographie en mars 1980, il est censuré par la hiérarchie ertébéenne quelques heures avant sa diffusion et ne sera mis au programme de l’émission qu’un an après, en avril 1981. Notons enfin que certaines de ces séquences renvoient à d’autres œuvres du Petit Maître, Contraindre le Corps, Être son propre tube de couleurs – peinture à la matière fécale, Minable Music-Hall et, bien sûr, Vasectomie, youppie.

Séquences d’art sans talent consists of a series of clips highlighting the antics and utterly outrageous behaviour of Jacques Lizèe. In the role of the Petit Maître liégeois, artiste de la médiocrité et de la sans importance [Little Master from Liège, artist of mediocrity and unimportance], Lizène follows a spot on the screen with his finger, pushes the test card away with a snap of his fingers, sings inaudibly, forces his body within the frame, makes a turd by squeezing a paint tube, waddles and disintegrates between two small naked female figures dancing at the edge of the screen with a feather between their buttocks, and ends up waving a white flag. Against the backdrop of a woman shaking her naked breasts, he then assumes the posture of a pitiful burlesque cook with a floured face, slicing up his cucumber, aubergine, carrot… not exactly his sex – well, it might as well be. Finally, he makes a shabby action painting by spitting on the camera lens. Since 1966, Jacques Lizène has taken a stand for talentless art, belittling his own works to head off any judicious criticism. Throughout these sequences, he declares them bad, to be redone, not failed enough, uninteresting, insignificant, glaringly infantile, inept, indefensible, and inexpressive. Claiming the clown’s place, Lizène plays with the ego, emphasises the artist’s presence, and constantly undercuts himself. With a consummate sense of provocation and zaniness, he uses the numerous manipulations that marked the heroic days of video art: split screens, chroma-keying, and colour shifts, thereby turning the great hypnosis machine of television on its head. The latter would not be fooled, though. The film was produced by RTBF Liège in 1979. It was to be shown on the Vidéographie programme in March 1980 but was censored by the RTBF hierarchy just a few hours beforehand and was not broadcast until a year later, in April 1981. It should be noted that some of these sequences refer to other works by the Petit Maître: Contraindre le Corps, Être son propre tube de couleurs – peinture à la matière fécale, Minable Music-Hall and, of course, Vasectomie, youppie.

Jacqueline Mesmaeker, Avant que j’oublie, Les Taupinières

Jacqueline Mesmaeker, Les Taupinières, 2022

Avant que j’oublie…. Mais oui, Jacqueline Mesmaeker pratique aussi le land art. Facétieuse, la voici qui propose de réintroduire les taupes dans nos jardins publics. L’artiste s’était déjà préoccupée de la disparition des lucioles ; cette fois, elle nous invite à protéger les taupes, ces petits mammifères fouisseurs vivant dans des galeries souterraines creusées dans la couche meuble de terre arable du sol, et dont la présence est signalée par les petits monticules de terre déblayée constituant les taupinières.  

Les promeneurs verront-ils ces taupinières sur les pelouses de l’Abbaye de la Cambre à Bruxelles, là même où l’artiste a fait ses études ? Elles ont été « installées » à l’occasion de l’exposition « Avant que j’oublie », conçue par Michel Van Dyck, un événement artistique urbain, original et singulier convoquant l’éphémère, l’impermanence, le temps qui passe, un programme d’œuvres qui n’offriront qu’un moment, celui de leur vie, aux regards des passants. Pour réaliser une taupinière, précise l’artiste, il vous faut un pot en terre à large ouverture. On y verse une terre de jardin, brune, prélevée à la campagne, et très légèrement humidifiée si nécessaire. Puis à l’aide d’un morceau de bois on remue la terre en mouvement circulaire pour qu’elle s’écoule à travers le trou du pot et forme petit à petit le monticule de la taupinière. Le tour est joué. Celles de l’abbaye de la Cambre ont été réalisées par le jardinier Baudouin Rey.

A propos des taupes, rappelons que celles-ci ne sont ni aveugles, ni myopes. La taupe possède juste une très mauvaise vue. « J’ai vu que tu n’as pas vu », ce titre d’un œuvre vidéographique de Jacqueline Mesmaeker, qui évoque la grâce qu’il nous est donnée de voir et d’apercevoir des chose si fragiles et éphémères soient-elles, est ici de stricte actualité.  

Jacqueline Mesmaeker, Janelas, bibliothèque Jean Laude, Musée d’art moderne et contemporain de Saint Etienne.

Jacqueline Mesmaeker participe à l’exposition Janelas, une exposition d’art postal proposée par Marc Buchy et Tiago De Abreu Pinto,  Bibliothèque Jean Laude, Musée d’art moderne et conte=mporain de Saint etienne, du 14 octobre au 31 décembre 2022

Janelas est une exposition présentant une série d’enveloppes à fenêtre, envoyées en 2021 à 70 artistes de 25 nationalités vivant dans 17 pays, qui étaient accompagnées d’une proposition de participation et d’un protocole.

Par ces instructions, l’enveloppe fermée se transformait en espace d’exposition miniature et sa fenêtre — janela, en portugais — le seul moyen de voir la création des artistes.

Ce projet était une manière légère de communiquer, travailler et réfléchir entre des collègues artistes durant la période sombre traversée alors. Le caractère ludique de Janelas est lié à son origine, à sa forme de communication aujourd’hui considérée comme désuète, ainsi qu’au nécessaire voyage physique ayant pris place entre les organisateurs et tous les participants.

Le MAMC+ accueille le premier volet d’une large sélection d’œuvres qui abordent et revisitent des notions liées l’histoire du Mail Art. Ce processus d’art postal a conduit les artistes à expérimenter la matérialité, la spatialité, la visibilité, l’humour, la dimension politique et la dissidence d’un tel type de création.

proposition de Jacqueline Mesmaeker
Exhibition view

Jacques Charlier, Focus 2022, acquisitions de la Province de Liège, Palais Provincial

Jacques Charlier participe à :

#focus2022 | Nouvelles acquisitions de la Collection artistique de la Province de Liège

Du 22 octobre au 20 novembre 2022, au Palais Provincial – Place Saint-Lambert,

Vernissage le vendredi 21 octobre à 18h

Jacques Charlier
Sortie du S.T.P. 1971
Film 16 mm numérisé, NB sans son, 07.46 min
Collection Province cède Liège et courtesy galerie Nadja Vilenne

Sortie du STP est le fruit d’une collaboration entre Jacques Charlier et le réalisateur Jef Cornelis, un film 16 mm produit en 1971. Jef Cornelis est à Liège, il est venu tourner une séquence à propos de Rocky Tiger, nom de scène de Claude Delfosse, collègue de Jacques Charlier au Service Technique Provincial de la Province de Liège et chanteur amateur de rock. Rocky est le sujet d’une séquence d’un film que Charlier destine à la Biennale de Paris de 1971. Afin de ne pas gâcher de pellicule et après avoir réalisé la séquence concernant Rocky Tiger, Charlier et Cornelis installent la caméra à la fenêtre du premier étage d’une maison située rue Darchis, juste en face du bâtiment du Service Technique Provincial. Cette double porte flanquée de la plaque émaillée du STP que Charlier a déjà utilisée comme motif ou, au sens broodtharcien du terme, comme décor pour différentes photographies où l’artiste met ses collègues en scène (entre autres, pour le Départ du Faune), sera l’élément central de cette séquence filmique, longue de près de huit minutes. La caméra enregistre en plan fixe les mouvements à l’heure de la sortie des bureaux. Les badauds passent, les voitures et bus descendent la rue, la porte s’ouvre et se referme. Les employés du STP sortent, les uns après les autres, seuls, parfois à deux, et quittent la sphère de leur labeur quotidien, leur univers professionnel. Il ne se passe rien d’autre. Ce plan fixe est le degré zéro de l’écriture cinématographique. Il est un clin d’œil à La Sortie de l’usine Lumière à Lyon, film réalisé par Louis Lumière en 1895, considéré comme le premier film de l’histoire du cinéma. En caméra cachée, il est l’enregistrement de l’heure de sortie des employés comme la collecte des Signatures Professionnelles (collection SMAK, Gent), extraites au fil des mois du Service, témoignaient des heures de prestations des employés (entrée à 8h, sortie à 16h45). Ainsi ce film appartient à une constellation d’œuvres que Jacques Charlier qualifie lui-même de Documents relatifs à l’univers socio professionnel, des essuies plumes aux buvards et papier de tables, des photographies amicales aux fiches de présence, documents qu’il extrait de leur contexte d’origine pour les présenter dans le contexte de l’art contemporain.

Jacques Lizène, Proposition d’artistes pour un circuit fermé de télévision, 1971, Argos, The 1970s

À partir de 1970, Guy Jungblut, le galeriste de Yellow Now, sa femme Andrée Blavier et l’artiste Jacques Lizène remarquent également le potentiel du nouveau médium. Cette année-là, l’artiste américano-japonais Shinkichi Tajiri enregistre plusieurs performances avec une caméra Portapak lors d’une soirée vidéo et performances organisée à Liège, dont celles d’Otto Muehl. En 1971, le tout premier événement vidéo en Belgique, Propositions d’artistes pour un circuit fermé de télévision, se tient à la galerie Yellow Now. Dans les fiches d’artiste, les « propositions » soumises révèlent immédiatement le potentiel utopique du médium. Certaines oeuvres sont brillantes par leur simplicité. L’exposition THE 1970s : présente notamment la reconstitution de Sculpture Interne de Jacques Lizène. Une caméra filme le dos dévissé d’un écran, révélant ainsi les « organes » de la télévision.

Jacques Lizène. Proposition pour un circuit fermé de télévision. Sculpture interne. Il suffit de dévisser le dos du récepteur TV, d’ôter son couvercle et de filmer avec la caméra les organes intérieurs de ce récepteur. Bien éclairer l’intérieur du récepteur.
Jacques Lizène, proposition pour un circuit fermé de télévision, Sculpture interne, 1971, réactivation 2022
Jacques Lizène, proposition pour un circuit fermé de télévision, Sculpture interne, 1971, réactivation 2022
Jacques Lizène (1946-2021)
Interruption de lumière, 1971
Film NB sans son, 8 mm transféré, 3’39
Production Yellow Now, Liège 

Un seul long plan fixe long de plus de trois minutes : la caméra fixe une prise électrique au bas d’un mur. Une main apparaît dans le champ et retire la prise. Noir. Interruption de lumière. Coupure. Le générique, tapé sur la Remington portative de l’artiste précise : « L’auteur n’apprécie pas vraiment son film. S’il l’a réalisé, c’est parce qu’il se méprise un peu de temps en temps… (peut-être) ».

Ce film s’inscrit dans un cycle d’œuvres où l’on retrouve Volet Clos, Noir Funèbre, Extinction de l’œuf et bien sûr la Vasectomie, sculpture interne : D’une manière générale, les choses étant ce qu’elles sont, Jacques Lizène ne procréera pas…Hopla ! Il subira volontairement la vasectomie (stérilisation par coupure des canaux déférents). Dès ce moment, il portera en lui une sculpture interne. Coupure