Archives de catégorie : Charlotte Lagro

Résonances, Charlotte Lagro, And it was quiet… more quiet than I could stand

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro,
And it was quiet (…),
plywood with oak veneer and mahogany stain, 2015

Invité à prendre la parole à la Skowhegan School of Painting and Sculpture en 1996, l’artiste Gary Hill introduit sa conférence en évoquant son arrivée même sur le campus de l’école, cette ancienne ferme sise au cœur d’un vaste domaine rural de 350 acres situé dans le Maine. « Well, hi, uh, dit-il, I don’t really know what I’m gonna do here ». Hill parle dès lors de son arrivée la veille, vers 11 heures du soir, il évoque Seattle, là où il vit et travaille, Philadelphie où en cette même année 1996 il expose « Withershins » à l’Institut d’art contemporain de l’Université de Pennsylvanie. Bangor, non loin de Skowhegan, aussi ; sans doute est ce là qu’il a atterri. Et il insiste sur le calme qui règne sur le domaine de Skowhegan, cette rupture avec la trépidance urbaine. « C’était si calme, dit-il, beaucoup plus calme que ce que je pouvais supporter ». Calme, oui, mais voilà. Dans le studio où il loge, il y a un réfrigérateur. Gary Hill en décrit même le contenu : des plats cuisinés, une bouteille de vin blanc, un pack de six bouteilles de Coca-cola, de l’eau minérale, du fromage et même quelques desserts. Et le bruit que fait ce frigo emplit tout l’espace, de façon entêtante, obsédante. S’ensuit dès lors un combat cornélien : faut-il débrancher le réfrigérateur ? Ou pas. Certes, le débrancher, c’est le retour assuré à la quiétude même, en accord avec le cadre naturel des lieux. Ce serait même un geste écologiquement responsable. Ne pas le débrancher, c’est évidemment préserver son contenu et le repas du lendemain. Incapable de s’endormir, Gary Hill décidera finalement de débrancher le frigo : « I turned it off ». Acclamations du public.

En résidence à Skowhegan durant l’été 2015, Charlotte Lagro a découvert l’archive sonore de cette conférence ainsi que la cuisine de l’une des maisons les plus anciennes du domaine, la Red Farm. Rustique et hors du temps, y trône entre fenêtre, vaisselier et buffet, un réfrigérateur carrossé. Incongru dans le décor, hiératique, polissé, cellier moderne et ronronnant, celui-ci deviendra très vite l’objet de toute son attention, au point de devenir l’objet central de ses préoccupations artistiques. Charlotte Lagro fera un film à propos de ce frigo, tandis qu’elle découpe sur le mur cette phrase de Gary Hill, comme un écho rencontré.

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Résonances, un mot d’introduction

Jacques charlier

Jacques Charlier
Peinture mystique I, 1988
Technique mixte, acrylique sur toile, objets trouvés, 200 x 350 cm

La résonance est un phénomène selon lequel certains systèmes physiques, électriques ou mécaniques, par exemple, sont sensibles à certaines fréquences. Un système résonant peut accumuler une énergie, si celle-ci est appliquée sous forme périodique, et proche d’une fréquence dite « fréquence de résonance ». Par extension de langage, elle est aussi faculté de résonner, propriété d’accroître la durée ou l’intensité d’un son, effet produit, écho rencontré, mode de retentissement d’un événement vécu ; elle est enfin ce qui fait vibrer le cœur et l’esprit. Toutes les œuvres rassemblées dans cette exposition ont cette capacité de résonance, en ce qu’elles sont échos et vibrations des états du monde : excès en tous genres, nationalismes exacerbés et place du religieux, combat féministes renouvelés, exode et immigration, multiculturalisme et chocs ou rencontres des cultures, compétition ou questions environnementales. Elles sont également résonances à d’autres créations d’un passé plus ou moins éloigné, résonances au cinéma ou à la littérature, à l’histoire de l’art et de la peinture, à celle des arts premiers. Le terme de résonances, au pluriel même, est sans doute le plus à même de rendre compte de ce phénomène de mise en mouvement de l’esprit au contact de l’autre, une mise en mouvement qui oblige au dépassement de ses limites et à l’inventivité d’un autre monde.

Avec des œuvres de : James Lee Byars, Jacques Charlier, Lili Dujourie, Charlotte Lagro, Sophie Langohr, Jacques Lizène, Emilio Lopez-Menchero, Jacqueline Mesmaeker, Guy Mees, Benjamin Monti, John Murphy, Pol Pierart, Maurice Pirenne, Valérie Sonnier, Raphaël Van Lerberghe, Marie Zolamian.

Vernissage ce samedi 18 mars à 19h
Exposition du 19 mars au 15 avril 2017.

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Charlotte Lagro, Parkstad Limburg Prijs, SCHUNCK* Heerlen (Nl)

Charlotte Lagro est nominée au Parkstad Limbourg Prijs, prix pour la jeune création de la Province de Limbourg aux Pays-Bas.
Exposition de groupe à SCHUNK* – Heerlen. 11 décembre – 19 mars 2017. Vernissage le samedi 10 décembre à 18h

Charlotte Lagro

Op zaterdag 10 december 2016 wordt voor de zesde keer de Parkstad Limburg Prijs uitgereikt. De prijs is bedoeld voor beeldend kunstenaars die een professionele kunstopleiding succesvol hebben afgesloten, maximaal 35 jaar oud zijn en een kunstzinnige relatie hebben met Nederlands of Belgisch Limburg. Stichting Promotie Limburgse Kunstenaars is in 1996 gestart met de prijs om een brug slaan tussen jonge kunstenaars, het bedrijfsleven, de overheid en het publiek. Aan de prijs is een geldbedrag van € 10.000 verbonden. Dit jaar zijn er maar liefst 12 genomineerden! De hoge kwaliteit van de 74 inschrijvingen vanuit de beide Limburgen is hier debet aan. Van zo 11 december 2016 t/m 19 maart 2017 is het werk van de genomineerden te zien tijdens een expositie bij SCHUNCK* in Heerlen.

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Charlotte Lagro, Perdu à Pepinster, Biennale de l’Image Possible, Space Liège

Charlotte Lagro

charlottes Lagro

A propos de Perdu à Pepinster, un texte d’introduction d’ Anne-Françoise Lesuisse :

L’exposition proposée par Charlotte Lagro (NL, 1989) est fondée sur la mise en commun d’expériences et l’exploration partagée d’une problématique ou d’une question. Lagro a travaillé d’une part avec avec le Laboratoire des émotions et du cerveau, dirigé par Béatrice de Gelder, du Département de Psychologie et Neuroscience de l’Université de Maastricht et d’autre part avec le collectif parisien G’old Time Solutions (Mathilde Ganancia et Baptiste Pays).
Le laboratoire scientifique développe une série d’expérimentations sur la perception et l’expression des émotions, notamment la peur, au travers des expressions du corps et du visage. En résidence dans cet environnement scientifique pendant plusieurs mois, Charlotte Lagro a invité les chercheurs à s’immerger avec elle dans une situation qui matérialiserait leurs objets de recherche. Le groupe a ainsi passé un week-end dans la région de Pepinster, à la frontière des Ardennes, plus exactement dans les vestiges du Château de Mazures. De longues balades nocturnes dans la forêt les ont mis en contact avec la faune sauvage et ont été aussi l’occasion de discussion, d’observation et de confrontations réelles lors desquelles l’imaginaire des scientifiques étaient mobilisé, eux qui sont habituellement plutôt à la place d’observateurs, dans un environnement neutralisé. L’équipe du laboratoire s’est spécialisée dans l’étude des expériences de « sortie de corps », d’hallucinations ou de capacité à se sentir, à se percevoir dans un autre corps comme dans le sien. Dans l’aventure de Pepinster, qui fut filmée de bout en bout et qui constitue la matière de l’installation en quatre vidéos qui encerclent le spectateur, Charlotte Lagro a mis aussi l’accent sur la liaison entre les hommes et les animaux, ces derniers pouvant réagir « humainement », les premiers pouvant tout autant retrouver une nature animale dans certaines circonstances. L’ensemble de l’expérience et les vidéos qui en résultent (à la fois documentaires mais travaillées aussi par la fiction et l’abstraction rendues possibles par les imprévus des circonstances) traitent de ces moments de passage où, grâce à l’émotion forte, les limites de l’humanité (mentales et corporelles) se dématérialisent pour donner naissance à d’autres états, plus indécis, plus aigus, plus mystérieux.
En amont du week-end, dans le cours de l’élaboration du projet, Charlotte Lagro a interrogé le G’old Time Solutions pour obtenir de lui des conseils et des solutions afin de mener à bien le week-end et ses objectifs. G’old Time Solutions est une association artistique qui rassemble, à travers un bureau installé dans une maison de retraite de Montreuil, un comité de personnes âgées à qui sont soumises toute une série de questions et de problèmes que les gens encore actifs, souvent pressés et encombrés de contraintes au quotidien, sans plus de temps de réflexion sur leur vie, leur posent. L’expérience acquise de ces aînés est donc transformée, non pas en mémoire inerte et inutile, en traces du passé à conserver pour elles-mêmes, mais en conseils pratiques et en solutions concrètes pour le présent et le futur. L’espace de l’exposition accueillera aussi un espace dédié à G’old Time Solutions, avec des interfaces permettant de rentrer en contact avec ce comité des sages d’un nouveau type.
Le travail de Charlotte Lagro fonctionne comme un mise en réseau toujours en mouvement, toujours en développement, où des dimensions sont ajoutées les unes aux autres, créant des tunnels entre des espaces, des temps et des contextes différents. En cela, sa méthode emprunte à la science, dans une grande liberté, pour étudier les effets, réels d’abord et artistiques dans un second temps, de paramètres peu orthodoxes, scientifiquement parlant, mais qui participent d’une curiosité avide pour le vivant et d’une volonté de donner visage humain et visisbilité à des principes abstraits ou à des hypothèses.

The exhibition proposed by Charlotte Lagro (NL, 1989) is founded on the pooling of experiences and the shared exploration of a problem or a question. Lagro worked on the one hand with the Brain and Emotion Lab led by Beatrice de Gelder, of the department of Psychology and Neuroscience at Maastricht University, and on the other with the Paris collective, G’old Time Solutions (Mathilde Ganancia and Baptiste Pays). The science laboratory develops a series of experiments on thevperception and the expression of emotions, fear in particular, through the expressions of the body and the face. In residence in this scientific environment for several months, Charlotte Lagro invited researchers to immerse themselves, along with herself, in a situation giving tangible form to their research subjects. Thebgroup thus spent a weekend in the region of Pepinster, bordering the Ardennes, and more specifically in the vestiges of the Château de Mazures. Long nocturnal walks brought them into contact with the wild fauna; they were also the opportunity for discussions, observations and real confrontations in which the imagination of the scientists was enlisted, people who are habitually in the positionvof observers, in a neutralised environment. In the adventure of Pepinster, which was filmed from beginning to end, and which constitutes the subject matter of the installation in four videos which encircle the viewer, Charlotte Lagro also highlights the link between human beings and animals, the latter being able to react ‘humanly,’ the former similarly being able to rediscover an animal nature in certain circumstances. The ensemble of the experiment and videos which emerge from it (both documentary in nature but also worked on by fiction and the abstraction made possible by the unforeseen events of circumstances), focus on these fleeting moments when, thanks to intense emotions, the limits of humanity (mental and corporal) dematerialise to give rise to other states, more indistinct, more acute, more mysterious. Prior to the weekend, whilst she was developing the project, Charlotte Lagro asked questions of G’old Time Solutions to obtain from them advice and solutions to see through the weekend and its objectives successfully. G’old Time Solutions is an arts association which brings together, through an office installed in a Montreuil retirement home, a committee of aged people to whom are submitted a whole series of questions and problems by people who are still active, often in a hurry and encumbered with the constraints of everyday life, and without the time to think through their lives.
The work of Charlotte Lagro functions like the setting up of a network which is always shifting, always developing, where dimensions are added one to the other, creating tunnels between different spaces, times and contexts. Her method pertains to an avid curiosity for the living and the wish to give a human face and visibility to abstract principles or to hypotheses.

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Charlotte Lagro, Perdu à Pepinster, Biennale de l’Image possible, Space Collection, Liège

Charlotte Lagro participe à l’édition 2016 de la Biennale de l’image possible, sous le commissariat de La Space.

Perdu à Pépinster
La SPACE Collection
In cité mondi asbl
Féronstrée 116
4000 Liège

Vernissage de l’exposition ce samedi 20 août 2016 de 14h à 17h
Vernissage de la biennale BIP site principal (rue Ransonnet) : à partir de 17h

Charlotte Lagro

Dans Perdu à Pepinster, un groupe de chercheurs en neurosciences est lâché dans une forêt avec la mission de retrouver leur foyer. Alors que nous les suivons dans l’exploration de la région, nous naviguons à travers les notions de perception, de vision et de mémoire. Inspirée de méthodes d’entraînement militaires, un “dropping” est une pratique rituelle pratiquée en vue d’exercer les capacités d’orientation, renvoyant à un imaginaire d’aventure, de compétition et de camaraderie. Pour réaliser ce projet, Charlotte Lagro (NL, 1989) a collaboré avec un laboratoire de recherches sur le cerveau et les émotions dirigé par le Docteur Beatrice de Gelder de l’Université de Maastricht.

For this exhibition Charlotte Lagro worked with the Brain and Emotion Lab led by Beatrice de Gelder, of the department of Psychology and Neuroscience at Maastricht University, and with the Paris collective, G’old Time Solutions (Mathilde Ganancia and Baptiste Pays).
The science laboratory develops a series of experiments on the perception and the expression of emotions, fear in particular. In residence in this scientific environment for several months, Charlotte Lagro invited researchers to immerse themselves, along with herself, in a situation giving tangible form to their research subjects. The group thus spent a weekend in the region of Pepinster, bordering the Ardennes. Long nocturnal walks were the opportunity for discussions, observations and real confrontations in which the imagination of the scientists was enlisted, people who are habitually in the position of observers, in a neutralised environment. The ensemble of the experiment and videos which emerge from it, focus on these fleeting moments when, thanks to intense emotions, the limits of humanity (mental and corporal) dematerialise to give rise to other states, more indistinct, more acute, more mysterious.
Prior to the weekend, whilst she was developing the project, Charlotte Lagro asked questions of G’old Time Solutions. G’old Time Solutions is an arts association which brings together, through an office installed in a Montreuil retirement home, a committee of aged people to whom are submitted a whole series of questions and problems by people who are still active, often in a hurry and encumbered with the constraints of everyday life, and without the time to think through their lives.
The work of Charlotte Lagro functions like the setting up of a network which is creating tunnels between different spaces, times and contexts. Her method pertains to the wish to give a human face and visibility to abstract principles or to hypotheses.

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Loop Fair Barcelona 2016, Charlotte Lagro, The Day the Clown Cried, videostills & installation

The video diptych The Day the Clown Cried explores the power of performative arts in dealing with the legacy of WWII through three post-war generations. We follow Dönci Bánki, a mime artist of Hungarian Jewish descent as he visits Auschwitz-Birkenau in Poland. The video features a series of dances by Bánki on-site that are combined with rare fragments of the filming of The Day the Clown Cried, 1972, forming a parallel world to the mime artist in Auschwitz in the present day. The Day the Clown Cried is a movie by American comedian Jerry Lewis about a clown who is sent to a concentration camp. Considered too distasteful by art critics, Lewis decided never to release the film. In a second video we see Elise and Clémentine perform frail songs on the Ukulele, interceded with fragments of playing schoolchildren on-site. They face the ‘Citadel’, a military fortress which was used by the American military to imprison Gestapo agents after the fall of Liège in 1944.

1.

clown001

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro

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Charlotte Lagro

Charlotte Lagro
The Day the Clown Cried, 2015
Double channel, loop, HD video, colour, sound.
1.The Day the Clown Cried. 00:10.40

Charlotte Lagro

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Charlotte Lagro

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro
The Day the Clown Cried, 2015
Double channel, loop, HD video, colour, sound
2.Elise et Clémentine, 00:07:09

3.

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro

Fête de la Gestapo (2015)
Drawing on archival photo from 1944 in Liège, Belgium. 2015, 80 x 80 cm.

‘Fête de la Gestapo’ shows an 80 x 80 cm printed photograph of Gestapo agents captured in a cell in the Citadel of Liège (military fortification) in 1944, right after the fall of Liège. The photocopy is overdrawn by four girls (aged 6 to 14 years), transforming the desillusioned agents into clownlike figures.Their drawing reflects the clowns in the video ‘The Day The Clown Cried’.

Exhibition’s views at Résidences Artistiques Internationales Vivegnis (RAVi), Liège, 2015

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro

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Charlotte Lagro, The Day the Clown Cried, press release

Charlotte Lagro

Charlotte Lagro

The Day the Clown Cried, a diptych by Charlotte Lagro

Loop Barelona“Jerry Lewis’ The Day the Clown Cried, writes Jean-Michel Frodon 1, is a dream movie, a nightmare movie to be more precise. It tells the story of a German clown, Helmut Doork, played by Jerry Lewis, who ends up accompanying Jewish children into a gas chamber at Auschwitz. It is a movie that is all about laughter, continues Frodon, what it is to make people laugh, to be funny, to be professionally funny: a subject which Joseph Levitch, better known as Jerry Lewis, was quite familiar with in 1971 when he embarked upon this project, after a more than 30 year-long career as a stand-up comedian, actor and comic director.”

The Day the Clown Cried indeed occupies a unique place in the filmography of the Holocaust. Going beyond the initial concept of screenwriters Joan O’Brien and Charles Denton, who initially wanted to write a film about the Holocaust with a clown as main character, Jerry Lewis wanted to turn this film into a “paradoxical meditation on comedy, spectacle … and himself.”
Helmut, played by Lewis, is a German clown, a total disgrace of a man, who is fired from the circus he works for. During a night of heavy drinking, not for any ideological reasons but out of spite, he spits on a portrait of Hitler, for which he is sent to a political prison camp. Helmut, whose desire to make people laugh at every opportunity has always been irrepressible, wallows in his shamed dignity and contemptuously refuses to entertain his fellow prisoners. Before long, however, he accepts to perform – at the request of SS officers and mainly because he thinks he can gain personal advantage – for Jewish children held in the neighbouring camp. The avowed aim is to keep them quiet until they suffer the fate to which they are destined. “Helmut , writes Frolon, becomes their guardian and even their shepherd, a shepherd who will accompany his flock into death. At the last moment he decides to stay with the children and enters the gas chamber with them, leading them like the Pied Piper of Hamelin, with the essential difference that he choses to die with them.”
Jerry Lewis wanted to make a film about the “possible manipulation of laughter, or more broadly of the spectacle, by any power – not only by those who rule by terror.” However, for a variety of reasons, the film was never made: there are many disagreements between the producer, writers and Lewis himself, the project runs into budgetary difficulties, and the film rolls are seized by creditors. All the while, a hostile campaign is conducted against film, even before its release in the United States.
The real and fundamental reasons are obviously different, believes Frolon: “The Day the Clown Cried” does not conform to what is considered to be a “Holocaust movie”, namely both serious and sentimental, nor to what we consider to be a Jerry Lewis movie, a funny movie. A dissonant tone that would probably have been its ultimate strength.

Since 2013, an excerpt from a television programme has been circulating about the film and the filming in Paris of the first scenes of the scenario (in which have participated several French actors, performing for free in tribute to the great comic, including Pierre Etaix in the role of the new star clown who supplants Helmut). These images, now posted on the Internet, have stirred Charlotte Lagro’s imagination; they will become the basis for a project which the videographer has given the same title of Jerry Lewis’ unfinished film, a film, or rather a diptych, that evokes, through three generations, all the power of the performing arts in the face of the barbaric legacy of the Holocaust, in the face of the unspeakable.
As such, Charlotte Lagro proposes the mime Dönci Bánki, choreographer and director of Hungarian and Jewish origin, to film him at the Auschwitz-Birkenau concentration camp in Poland. In this way, she organizes the return of the clown in Auschwitz and he, solitary, without any witnesses in or around the camp. Here, he will dance, like an ephemeral black shadow in the white snow, or evoke through his contortions the relentless mechanics of bodies. Outside by day, his gestures dialogue with the birch trees along the camp, the Birkenwald, the birch forest that gave Birkenau its name. “The term refers to the meadow where the birch trees grow, so it is a word for a place as such, writes Georges Didi-Huberman. But it could also be – already – a word for pain itself (…) The exclamation au!, in German, corresponds with the spontaneous expression of pain.” Dönci Bánki dances among the trees and – again, I quote Georges Didi-Huberman –, “these tree trunks are already like the bars of a vast prison, or rather like the wire mesh of a harrowing trap » 2.
Dönci Bánki’s performance is like a marriage of shadows. Indoors by night, it is transformed in mechanical and painful, burlesque contortions. Sporting a bowl that functions as a helmet, but also as a mask, he wanders amongst the demons that accompany him, his movements are those of the inarticulate and fatal, he is mechanical and primal, a puppet of the theatrum mundi, both executioner and victim. In this way, grotesquely helmeted or masked, Dönci Bánki revives the spirit of the Dada performance, which we can imagine being witnessed in Zurich while the din of the world and the First World War already rumbles in the background.
To these performative fragments, the alternating day and night, Charlotte Lagro adds very little. Two or three shots suffice to identify the location, the railway tracks that lead to death – Dönci Bánki dances in between them as if it were an ultimate conjuration – the entry gate of the camp, barracks looming in the night. Two or three others are additional shots derived from the Jerry Lewis film.
A makeup scene, a close-up of the face of the clown, a few gestures from a performance, a classic in the genre, the clown trying to light a cigarette in the flame of a candle that goes out whenever he comes close. I think of these words spoken by Reverend Keltner, the cellmate of Helmut the clown:
“When terror reigns, a burst of laughter is the scariest sound of all”. 3
This film by Charlotte Lagro could stand on its own. The videographer, however, decided to make it the first part of a diptych. At Auschwitz, she filmed during winter, in Liege, in Belgium, she will film in summer, on the occasion of a residence in an art centre in the Meuse city. She films carefree children playing, strollers who walk at the foot of the hills. And most of all, she films Elise and Clementine, two girls who play Ukulele, who sing, alone or together, that the Lion is dead tonight, the song by Henri Salvador, with its gazelle and its deep jungle, and other children’s songs as well.
The two girls appear on a terrace, a gazebo, with a panoramic view of the city. Below, there is a railway, passing trains; the rumbling sometimes drowns out their melodies. They are on the hillside and above them there is the Citadel of Liege, with its execution yard, its Block 24 where under the occupation members of the resistance and patriots were locked up before their execution or deportation to the death camps, and where in turn the occupants, the unpatriotic and collaborators were detained during the liberation in September 1944. Both films mirror, complement, confront each other. Charlotte Lagro chose simultaneity over succession. The gaze, then, glides from one screen to another, from winter to summer, from day to night, from the railway of death to the one of life, from the performance of Dönci Bánki to that of Elise and her girlfriend Clementine, from the Auschwitz birch trees to the hills of Liège, from horrible silence to the carefree children’s voices, from one time to another, lead us into the present. Projected in a loop, the two films do not run synchronously.
In this way, the succession of loops multiplies the gliding gazes, while the soundtracks interact continuously; the composition by Jos Neto supports the performance by Dönci Bánki, the children’s songs and the rolling trains.

Elise and Clementine are old enough to go see clowns. In Liège, the circus stops regularly on the public square, close to their terrace and the hillsides of the Citadel. During her residency, Charlotte Lagro discovered in the archives a photo taken during the Liberation, the haggard faces of German prisoners and Gestapo detained at the Citadel. She has given enlargements of this picture to Elise, Clementine and a few of their girlfriends. And they have transformed them, disguised them with their colour crayons. In clowns under rainbows.

1 Jean-Michel Frodon, Le jour de Jerry et la nuit, in Traffic n°92, February 2014
2 Georges Didi-Huberman, Ecorces, Les Editions de Minuit, 2011
3 the scenario of the Jerry Lewis film is available at:
http://www.dailyscript.com/scripts/the_day_the_clown_cried.html

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Loop Fair Barcelona 2016, Charlotte Lagro, The Day the Clown Cried, une introduction

Charlotte Lagro,
The Day the Clown Cried, 2015
Double channel, loop, HD video, colour, sound.10 min 40 s

THE DAY THE CLOWN CRIED, UN DIPTYQUE DE CHARLOTTE LAGRO

« The Day the Clown Cried de Jerry Lewis, écrit Jean-Michel Frodon1, est un film songe, un film cauchemar pour être plus précis. Il conte l’histoire d’un clown allemand, Helmut Doork, interprété par Jerry Lewis, qui finit par accompagner des enfants juifs dans une chambre à gaz à Auschwitz. C’est un film dont l’enjeu est le rire, continue Frodon, ce que c’est que faire rire, être drôle, faire profession d’être drôle: un sujet sur lequel Joseph Levitch, mieux connu sous le nom de Jerry Lewis, possédait quelques connaissances en 1971 quand il s’est lancé dans ce projet, après plus de 30 ans de carrière comme stand-up comedian, acteur et réalisateur comique. »

The Day the Clown Cried occupe, en effet, une place singulière dans la filmographie qui concerne l’Holocauste. Dépassant le propos des scénaristes Joan O’Brien et Charles Denton, qui se proposaient d’écrire un film sur la Shoah avec un clown comme personnage principal, Jerry Lewis a voulu faire de ce film une « méditation paradoxale sur la comédie, le spectacle… et sur lui-même ». Helmut qu’incarne Lewis est un clown allemand, en totale disgrâce, viré du cirque qui l’emploie. Un soir de beuverie, bien loin de toutes raisons idéologiques, de dépit, il crache sur un portrait d’Hitler, raison pour laquelle on l’enferme dans un camp de prisonniers politiques. Helmut dont pourtant le désir de faire rire en toute occasion a toujours été irrépressible, s’y drape dans une dignité déchue et refuse avec mépris de divertir ses compagnons de détention, avant d’accepter, parce qu’il pense pouvoir en tirer un bénéfice personnel, de se produire à la demande des officiers SS, pour les enfants juifs parqués dans le camp voisin. Le but avoué est de tenir ceux-ci tranquilles jusqu’à ce qu’ils subissent le destin fatal auquel ils sont promis. « Helmut, écrit Frolon, devient ainsi leur gardien et même leur berger, un berger qui va accompagner son troupeau jusqu’à la mort. Au dernier moment, il décide de rester avec les enfants et d’entrer avec eux dans la chambre à gaz, les conduisant tel le joueur de flûte de Hamelin, mais avec cette différence essentielle qu’il choisit de mourir avec eux. »

Jerry Lewis voulait faire un film sur « l’instrumentalisation possible du rire, ou plus largement du spectacle par n’importe quel pouvoir, pas seulement par ceux qui règnent par la terreur ». Pour de multiples raisons, le film toutefois n’existera jamais : les désaccords entre producteur, scénaristes et Lewis lui-même sont nombreux, le projet rencontre des difficultés budgétaires, la pellicule est saisie par les créanciers, tandis qu’est menée une campagne hostile au film, avant même sa sortie aux Etats Unis. Les véritables et fondamentales raisons sont évidemment ailleurs, estime Frolon : « Le jour où le clown pleura » ne répond ni à ce qu’on considère que doit être un « Holocaust movie », sérieux et sentimental à la fois, ni à ce qu’on considère que doit être un film de Jerry Lewis, un film drôle. Une tonalité dissonante qui sans doute en aurait fait toute sa force.

Depuis 2013 circule un extrait d’une émission de télévision consacrée au film et au tournage à Paris des scènes du début du scénario (auxquelles ont participé plusieurs acteurs français, gratuitement en hommage au grand comique, notamment Pierre Etaix dans le rôle du nouveau clown vedette ayant supplanté Helmut). Ces images, aujourd’hui diffusées sur internet ont frappé l’imaginaire de Charlotte Lagro ; elles seront à la base d’un projet auquel la vidéaste donne le titre même du film inachevé de Jerry Lewis, un film, ou plutôt un diptyque évoquant, au travers de trois générations, toute la force des arts performatifs face à l’héritage barbare de l’Holocauste, face à l’innommable. Charlotte Lagro propose dès lors au mime Dönci Bánki, chorégraphe et metteur en scène d’origine hongroise et juive, de le filmer sur les lieux même du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau en Pologne. Ainsi organise-t-elle le retour du clown à Auschwitz et celui-ci, solitaire, sans témoin dans l’enceinte du camp ou à ses abords, tantôt y danse, aérienne ombre noire dans la neige blanche, tantôt évoque par ses contorsions une implacable mécanique des corps. En extérieur jour, sa geste dialogue avec les arbres des bois de bouleaux qui jouxtent le camp, le Birkenwald, le bois de bouleaux qui donna son nom à Birkenau. « La terminaison au désigne exactement la prairie où poussent les bouleaux, c’est donc un mot pour un lieu en tant que tel, écrit Georges Didi-Huberman. Mais ce serait aussi –déjà – un mot pour la douleur elle-même (…) L’exclamation au!, en allemand, correspond au marquage le plus spontané de la douleur ». Dönci Bánki danse parmi les arbres et, – je cite encore Georges Didi-Huberman -, « ces troncs d’arbres sont déjà comme les barreaux d’une immense prison, où plutôt comme les mailles d’un piège obsidional »2. La performance de Dönci Bánki agit comme épousailles des ombres. En intérieur nuit, elle se transforme en burlesques contorsions mécaniques et douloureuses. Coiffé d’un récipient qui lui tient de casque, mais aussi de masque, il erre parmi les démons qui l’accompagnent, ses mouvements sont ceux de l’inarticulé et du fatal, il est mécanique et primal, marionnette du theatrum mundi, bourreau et victime à la fois. Ainsi grotesquement casqué ou masqué Dönci Bánki renoue avec l’esprit de la performance Dada, telle qu’on l’imagine vécue à Zurich alors que gronde déjà le fracas du monde et du premier conflit mondial.

A ces fragments performatifs, alternance des jours et des nuits, Charlotte Lagro n’ajoute que peu de choses. Deux ou trois plans suffisent à identifier les lieux, les voies de chemin de fer qui mènent à la mort – Dönci Bánki danse entre elles comme s’il s’agissait d’une ultime conjuration – , la grille d’entrée du camp, un baraquement surgissant dans la nuit. Deux ou trois autres sont des plans additionnels qui proviennent du film de Jerry Lewis lui-même. Une scène de maquillage, un gros plan sur le visage du clown, quelques gestes de performance, un classique du genre, le clown tentant d’allumer un cigarette à la flamme d’une bougie qui s’éteint à chaque fois qu’il s’en approche. Je repense à ces paroles prononcées par le révérend Keltner, compagnon de cellule d’Helmut le clown : « Quand la terreur règne, un éclat de rire est le plus effrayant de tous les sons ».3

Ce film de Charlotte Lagro aurait pu fonctionner seul. La vidéaste a pourtant décidé d’en faire le premier volet d’un diptyque. A Auschwitz, elle a filmé durant l’hiver, à Liège, en Belgique, elle tournera durant l’été, à l’occasion d’une résidence dans un centre d’art de la cité mosane. Elle filme l’insouciance des enfants qui jouent, des flâneurs qui déambulent aux pieds des coteaux. Et puis surtout, elle filme Elise et Clémentine, deux fillettes qui jouent du Ukuele, qui fredonnent seules ou ensemble le Lion qui est mort ce soir d’Henri Salvador, sa gazelle et sa jungle profonde, et puis d’autres airs enfantins. Les deux fillettes se produisent sur une terrasse, un belvédère, panorama sur la ville. En contrebas, il y a une voie ferrée, des trains qui passent, dont le sourd roulement couvre parfois leurs mélodies. Elles sont à flan de coteaux et plus haut qu’elles, il y a la Citadelle de Liège, son Enclos des fusillés, son Bloc 24, là où sous l’occupation on enferma résistants et patriotes avant leur exécution ou leur déportation vers les camps de la mort, là où ce fut le tour des occupants, des inciviques et des collabos d’être internés lors de la libération en septembre 1944. Les deux films se répondent, se complètent, se confrontent. Charlotte Lagro a préféré la simultanéité à la succession. Le regard glisse dès lors d’un écran à l’autre, passe de l’hiver à l’été, du jour à la nuit, des voies de chemin de fer de la mort à celles de la vie, de la performance de Dönci Bánki à celle d’Elise et de sa copine Clémentine, des bouleaux d’Auschwitz aux coteaux de Liège, du silence atterré à l’insouciance des voix enfantines, d’un temps à un autre qui nous ramènent à notre présent. Projetés en boucle, les deux films n’ont pas un minutage identique. Ainsi se multiplient au fil des boucles les glissements de regards, ainsi interagissent en continu les bandes sonores, la composition de Jos Neto qui soutient la performance de Dönci Bánki, les chansons enfantines et le roulement des trains.

Elise et Clémentine ont l’âge d’aller voir les clowns. A Liège, le cirque s’arrête régulièrement sur l’esplanade toute proche de leur belvédère et des coteaux de la Citadelle. Lors de sa résidence, Charlotte Lagro a découvert dans les archives une photo prise à la Libération, les visages hagards de prisonniers allemands et de gestapistes internés à la Citadelle. Elle a confié des agrandissements de ce cliché à Elise, Clémentine et à quelque unes de leurs copines. Et celles-ci, les ont transformés, maquillés de leurs crayons de couleurs. En clowns sous les arcs-en-ciel.

1 Jean-Michel Frodon, Le jour de Jerry et la nuit, dans Traffic n°92, février 2014

2 Georges Didi-Huberman, Ecorces, Les Editions de Minuit, 2011

3 le scenario du film de Jerry Lewis est accessible à cette adresse : http://www.dailyscript.com/scripts/the_day_the_clown_cried.html

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