Archives mensuelles : octobre 2011

Marie Zolamian, NowBelgiumNow au LLS387 à Anvers

Marie Zolamian participe à l’exposition NowBelgiumNow, organisée par Ulrike Lindmayr et Stella Lohaus au LLS287 à Anvers. L’exposition regroupe quelques artistes émergents tant du Nord que du Sud du pays, remarqués par les deux commissaires au fil de nombreuses visites d’ateliers.

L’objectif de ce projet d’exposition est d’initier un discours artistique indépendant de toute tendance communautaire tant au niveau culturel, qu’au niveau politique. Cette vaste prospection, un gigantesque tour d’ateliers dans différentes villes telles qu’Anvers, Gand, Bruxelles, Hasselt, Mons, Charleroi, Liège, … a abouti à une sélection de neuf artistes. Force est de constater que chacun des (jeunes) artistes invités expriment leur engagement social par des méthodes totalement différentes. Certains utilisent le mode de l’infiltration, d’autres se laissent inspirer par l’histoire du lieu, d’autres encore tentent de mettre main mise sur la réalité par le biais de leur propre univers. L’exposition NowBelgiumNow rassemble neuf artistes fascinants qui enrichiront sans conteste le circuit artistique existant.

Exposant dans les greniers du châtelet d’entrée de l’ancien hôpital militaire d’Anvers, Marie Zolamian poursuit un cycle de peintures de petits formats dont elle montrait une première série à la Chataigneraie à Flémalle voici quelques mois. Dans la publication qui suivit et accompagna cette exposition (« Des Lieux d’élection », aux éditions l’Usine à Stars) j’écrivais ceci :

 (…)L’identité, l’accueil ou l’ostracisme, l’inscription dans une communauté, la mémoire, le déracinement, les flux migratoire, l’exil choisi sont au coeur des préoccupations de Marie Zolamian. C’est là toute l’expérience de l’itinéraire en dehors, du départ et du retour, de la temporalité vécue du voyage, de cette topographie, ce topique où se mêle l’extérieur et l’intime. Je songe à ce texte de Michel Guérin évoquant cette rencontre avec la mort, qui traverse, transcende même, le onzième Chant de l’Odyssée d’Homère. Il y pointe la pratique des passages et la reconnaissance des limites, les chemins du désir, le dépassement de l’intérêt égoïste au profit d’un au-delà de l’individualité. « L’homme se déplace, change de lieux, écrit-il, d’entours, de sentiments parce que sa finitude l’oblige, à défaut d’une présence pleine à soi, à traverser la vie et le temps compté (tantôt ralenti, tantôt précipité), à se chercher ailleurs, au-delà, plus haut, plus bas, à friser l’héroïsme et à côtoyer l’abjection, à se déporter de son être, à quêter la voie incertaine, sinon du salut et du bonheur, du moins d’un certain « retour dans la patrie ». Cela se nomme expérience.  Elle a trois aspects : c’est une pratique, c’est un chemin, c’est enfin une mise en intrigue ». Le voyage est alors créateur.
D’identité et de souvenance, il est bien sûr question dans la série de peintures « nous partout », inspirée d’anciennes photographies noir et blanc et anonymes. Quatre enfants, une dame, peut-être leur mère, leur grand mère, campent dans treize paysages, dans treize environnements différents, sur le pont d’un bateau, devant une grosse berline, non loin d’une roulotte, tout près d’un château au bord de l’eau, ou d’un moulin, sur un quai sans doute le long de l’eau, un quai de gare aussi, sur la plage, dans le couloir d’une piscine publique, au restaurant enfin. En arrière plan de l’une d’elle, on reconnaît la citadelle de Huy ; la toile agit comme une carte postale. En chaque lieu, sans doute à peine arrivée ou déjà prête à repartir, cette petite tribu pose devant l’objectif suivant un même rituel, où chacun a sa place bien précise. « nous partout », explique Marie Zolamian, c’est cette identité hybride, la cristallisation d’une mixité culturelle, la reconstitution d’un réseau familial perdu, une reconstruction fondée sur la fragilité ».
« Le temps, signe d’impuissance, écrit encore Michel Guérin, est aussi gage et voie de restitution (autrement) de ce qui s’est échappé d’abord de notre être poreux. Le voyageur veut savoir et il soupçonne que la vérité n’est nulle part ailleurs que dans la dialectique des faits et des idées, de la familiarité et de la distance ». Ces toiles ont la simplicité et la sobriété d’intimes photographies de famille ; c’est celle-ci qui, ici, effectue le voyage créateur et s’ancre au fil de ces quelques transhumances que l’on devine estivales.
Tout aussi petites, libres, tendues sur le mur comme une peau, la toute récente série de toiles que Marie Zolamian confronte aux « nous partout » a été initiée après la découverte du film « Departures » de Yojiro Takita, une oeuvre qui entraîne le spectateur dans le monde peu connu des rites funéraires japonais, à travers l’itinéraire de Daigo, un ex-violoncelliste devenu croque-mort malgré lui. Sans métier désormais, il répond à une annonce d’emploi « d’aide aux partants », croyant qu’il s’agit d’une agence de voyage. Ces petites toiles sont autant d’intimes et sensibles contrepoints : Marie Zolamian peint des gisantes dans des intérieurs familiers, seules, parfois veillées par une femme, des chambres aux secrets bien gardés, des décors parfois réduits à l’essentiel, un tapis, un meuble, un portrait d’aïlleule, matriarcal.  Toutes ces jeunes filles portent des vêtements de communiantes ou de mariées, des habits de fêtes, rites du franchissement ; elles semblent assoupies, mais le sont-elles, dans un monde flottant, images de tout passage et des rituels qui les accompagnent, de la présence à l’absence. L’antique « Nekuia » du onzième Chant de l’Odyssée est, on le sait, une invocation aux morts. Et « le sens du voyage créateur, conclut Michel Guérin, est ensemble de libérer la vie de l’emprise constante et furtive de la mort, de revenir vers les choses et les êtres avec ce regard élargi de l’artiste que le romancier japonais Kawabata a nommé le regard ultime».

  

Invitée par Vanessa Desclaux  à exposer durant l’été au château de Châteauneuf, en Bourgogne,  pour une exposition intitulée « A corps perdu », Marie Zolamian a poursuivi sa réflexion et enrichi cette série « sans titre » de gisantes. Vanessa Desclaux épingle cette citation de Blaise Pascal , adoptée par l’artiste :  « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer au repos, dans une chambre » et écrit à ce propos :

(…)L’expérience d’un corps absent, l’horizon de sa dématérialisation ou de sa destruction, physique ou symbolique, est au coeur du choix et de l’articulation des oeuvres de l’exposition. L’histoire du lieu qui se déploie sur plusieurs siècles et la possibilité d’une mémoire, réelle ou imaginée, que le lieu met en mouvement, est le théâtre d’une mise en scène d’oeuvres contemporaines qui proposent des représentations du corps en tension, mis à mal dans ses multiples dimensions historique, sociale, politique ou littéraire.
Ce corps n’est pas seulement l’objet d’une tentative de représentation qui ne cesse d’échapper au domaine du visuel ; il est aussi le corps du visiteur mis à l’épreuve de l’exposition en tant que forme d’expérience physique et mentale. Les artistes invités dans le cadre de cette exposition énoncent de manière personnelle et subjective un rapport du corps à l’espace – à la fois plastique, social et politique. L’espace du château est l’objet d’insertions, d’interventions, et de juxtapositions entre ses espaces qui construisent une mémoire historique et des oeuvres qui tentent de faire émerger une autre qualité de présence, se posant à la fois en écho au contexte du lieu, et en confrontation avec lui, y superposant de nouveaux récits, et de nouvelles expériences sensibles. (…)
Marie Zolamian a réalisé une série de quatre peintures qui reprennent de manière très détaillée le décor de trois des chambres du château de Châteauneuf. Dans ces décors, eux-mêmes reconstitutions historiques des pièces intérieures du château, Marie Zolamian intègrent la présence de figures allongées sur les lits. Ces figures s’inscrivent dans la continuité d’une recherche entreprise par l’artiste depuis 2010, donnant naissance à une première série de petites peintures, qui ont la particularité d’être des fragments de toile en lin brut, préparés à la colle de peau qui leur confère un contour irrégulier. Cette forme donne à la peinture un statut d’objet qui rappelle le rapport intime et contemplatif à l’icône.
Les chambres de Zolamian se déclinent comme des lieux en retrait, à l’écart d’un temps ou d’un lieu spécifique. Les toiles délimitent des fragments d’espace où ces personnages sont enfermés dans le secret du sommeil, ou celui de la mort. Le regard glisse à huis clos d’une peinture à une autre, suivant une sorte de rituel, passant d’une histoire à une autre, d’un état – physique ou psychologique – à un autre, avec un sentiment d’égarement mêlé d’étrange familiarité. (..)

  

A Anvers, Marie Zolamian s’est à nouveau inspirée du contexte. On lira dans l’excellent guide du visiteur qui accompagne cette enthousiasmante exposition :

Attirée par l’histoire du site de l’hôpital militaire, Marie Zolamian a retrouvé trois religieuses, qui entre 1946 et 1993, y ont travaillé en tant qu’infirmières. L’œuvre « Before after » est composée d’une installation sonore qui nous fait entendre les voix des sœurs, tandis que leurs portraits, peint à l’acrylique sur toile, sont exposés dans une vitrine. Elles se racontent leurs souvenirs et comment les choses ont changé. Ce qui frappe sont les reconstructions vagues, l’importance qu’elles portent aux futilités, les quiproquos, les redites et le manque de précisions géographiques. Les trois sœurs se corrigent et surenchérissent. L’une d’elle a travaillé 38 ans sur le site, l’autre 48 ans. Les religieuses ont les mêmes émotions que tout autre humain et pourtant bous les associons avec la paix, la bonté, la patience. Tout l’étage de la tour est plongé dans une atmosphère sereine, le passé est derrière la porte. Les œuvres posées dans les vitrines représentent des femmes dont il est impossible de dire si leur sommeil est vrai, ou éternel. Leurs corps dégagent un apaisement solennel. Les tableaux montrent des femmes passives, souvent entre deux mondes : baptême, mariage, cérémonie religieuse, méditation, attente, réflexion. Presque toutes portent une robe blanche. La paix et l’abandon qui émanent des œuvres contrastent avec les chuchotements que l’on entend derrière la porte à demi fermée. La frontière entre la vocation et la soumission est infime, le monde idéal et le monde réel se rencontrent rarement.
L’œuvre de Zolamian aborde souvent le thème de la mémoire collective. Elle tente de rendre visible des moments ou des lieux perdus ou oubliés.

Au Passage de Retz, Gérard Wajcman rencontre Jacques Lizène, le 2 novembre

Ce mercredi 2 novembre, au Passage de Retz, à 19h30

Gérard Wajcman rencontre Jacques Lizène
Conférence, rencontre, performance

Jacques Lizène - Gérard Wajcman

Ecrivain, psychanalyste, maître de conférences au département de psychanalyse de l’Université Paris 8, Gérard Wajcman dirige le Centre d’Étude d’Histoire et de Théorie du Regard.

Il est l’auteur notamment de :
– Le Maître et l’Hystérique (Navarin/Le Seuil, 1982), L’Interdit (Denoël, 1986),
– L’Objet du siècle (Verdier, 1998),
– Fenêtre, chroniques du regard et de l’intime (Verdier, 2004).

Gérard Wajcman a récemment publié « L’œil Absolu » (Denoël, 2010)

En 2004, Gérard Wajcman fut commissaire de l’exposition « L’intime, le collectionneur derrière la porte », exposition inaugurale de la Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert.

A propos de Fenêtre, Sylvie Courtine-Denamy écrivait en 2004 lors de la sortie de l’ouvrage : « Dédié à Daniel Arasse, qui n’a pas eu le temps de le lire, placé sous le signe du premier receuil de Kafka, Regards, mais également sous celui de Lacan – Gérard Wacjman est aussi psychanalyste –, ce livre invite moins à une promenade dans l’histoire de l’art et de la littérature sur le thème des fenêtres, qu’à prendre au pied de la lettre la notion de «vision du monde». Aller à la fenêtre, c’est en effet une façon de nouer un lien avec le monde, de le penser, l’hypothèse de départ étant que la subjectivité moderne est structurée par la fenêtre, celle dessinée à la Renaissance par Alberti, peintre autant qu’architecte, qui fit du tableau le prototype de la fenêtre: la fenêtre comme scène primitive de la peinture, le regard synonyme d’ouverture, l’association du geste d’ouvrir et de peindre, la naissance du spectateur ».

Face aux volets clos et à la fenêtre morte de Jacques Lizène, la lecture de Gérard Wajcman, sera des plus intéressantes.

Il y a quelques mois, les Inrocks accueillaient « L’œil absolu » en ces termes :
“Le regard est notre nouveau Léviathan”, “nous sommes au sens strict en garde à vue”, assure l’auteur. Pire, comme l’arroseur arrosé, le voyeur est observé. La génération des voyeurs “old school”, dont l’icône reste James Stewart dans Fenêtre sur cour d’Hitchcock, a vécu : l’hypermodernité a éclaté les règles du jeu gentiment pervers pour faire du regard omniscient une obsession de chaque instant poussée jusqu’au bout de ses potentialités. On ne regarde plus pour faire passer le temps, en attendant de remarcher comme Stewart ; on regarde pour éprouver le temps, en marchant, sous contrôle, en surveillant. Ce sont ces formes prises par “l’extension du domaine du regard” qu’interroge l’auteur à partir d’observations éclectiques. De la science au cinéma, de la télé-réalité aux séries, de l’art à la littérature, il s’approprie de multiples objets culturels pour étayer sa démonstration, qui se déploie comme si elle était elle même prise dans le vertige (Vertigo) de son discours.
Sa réflexion excède le seul cadre de la vidéosurveillance, déjà largement stigmatisée par de nombreux observateurs. La pertinence de la thèse de Wajcman, psychanalyste, repose sur cette intuition que le regard dépasse la seule question du pouvoir, dont le panoptique de Jeremy Bentham, analysé par Foucault dans Surveiller et punir, forme l’accomplissement. Le regard déborde l’enjeu de la contrainte sociale pour toucher désormais aux abysses du désir qui habite chacun d’entre nous. “Nous sommes dans une société TV : Tous vus, Tout voir, Tout visible. (…)Voir, prévoir, savoir, cette trilogie de la maîtrise résume un mot d’ordre, naïf dans sa capacité à nier l’évidence d’un mal souvent caché : ne rien manquer. A cette réflexion iconoclaste, à cette tentative de briser la “sainteté” des images qui nous entourent, Gérard Wajcman ne propose d’autre issue que la lucidité sur soi-même et la profondeur d’un regard averti. Ni moraliste ni prophète, l’auteur excelle ironiquement dans ce rôle de voyeur des mœurs transparentes de son temps qu’il aimerait voir gagné par le nouveau règne d’un œil relatif. Car le relatif rend juste et l’absolu rend fou ».

La vidéo « Tentative de dresser une caméra, tentative d’échapper à la surveillance d’une caméra (1970) » ouvre l’exposition du Passage de Retz. C’est là plus que de la culture de coïncidence.

Conférence : Tarif unique  15 €
Inscription : sur place ou par téléphone au  01 48 04 37 99 ou par mail :  jfk.retz@wanadoo.fr

Passage de Retz
9, rue Charlot 75003 Paris – Métro Filles du Calvaire

 

 

 

 

Capitaine Lonchamps, Joseph et Moi, Beaufort-en-vallée

Dernier cabinet de curiosités du XIXe siècle, le musée Joseph-Denais a ré ouvert au public le 9 juillet 2011. Il a conservé sa présentation d’origine selon le principe d’accumulation et sa muséographie conçue par son fondateur qui lui donnent cette « âme » si particulière. Sciences naturelles, beaux-arts, arts décoratifs, archéologie égyptienne et méditerranéenne, ethnographie française et étrangère, histoire locale… le musée de Beaufort présente au public un concentré de l’idée du musée au XIXe siècle.

Pour sa réouverture, après campagne de rénovation, le musée s’interroge et explore la notion de collection en proposant une exposition qui confronte (et rapproche) deux collections, celle de Joseph-Denais et celle d’un collectionneur d’aujourd’hui. Le choix du collectionneur s’est porté sur Antoine de Galbert qui crée en 2004 La Maison Rouge, une fondation pour l’art contemporain, reconnue d’utilité publique. Collectionneur atypique, Antoine de Galbert partage indéniablement avec Joseph Denais ce goût pour la « curiosité ». Grand amateur d’art contemporain, il collectionne également des objets d’ethnographie, de l’art brut, de l’art religieux et des curiosités.

Et Patrick Mauriès qui signe le catalogue de cette exposition intitulée « Joseph et moi » écrit :

« Qu’est ce qui réunit ces objets -liturgiques, désacralisés, pathologiques (dont on retrouve incidemment le goût chez nombre d’artistes et galeristes d’aujourd’hui, en une convergence sur laquelle il faudra que les historiens s’interrogent un jour) ? Le mélange des registres d’abord, l’équation du haut et du bas, du « grand » art et de l’art « mineur », des oeuvres signées et anonymes, du sophistiqué et du naïf : assomption qui définit tout un  pan de la création actuelle et que cultive, dans sa quête éperdue d’échos, d’analogies et de ressemblance, l’amateur de curiosités. Exemplaires seraient, de ce point de vue la démarche et les choix du Capitaine Lonchamps, que privilégie dans son panthéon Antoine de Galbert ».

Capitaine Lonchamps, oeuvres de la collection Antoine de Galbert

 

Joseph et Moi
portrait croisé de collectionneurs : Joeph Desnais – Antoine de Galbert.
Beaufort en Vallée (Pays de la Loire)
jusqu’au 2 novembre.

Novembre, agenda

Leo Copers
– Maastricht (Nl), « Out of Storage », œuvres de la collection du FRAC Nord Pas de Calais, Timmerfabriek, jusqu’au 18 décembre 2011.

Honoré d’O 
– Antwerpen (B), Cinq siècles d’images à Anvers, exposition inaugurale du Museum aan Stroom, 12 mai – 31 déc. 2012
– Pau (F), No polliplan Tic Tac Space (si la langage remplace le titre), le Parvis de Pau, jusqu’au 11 février 2012 (solo)
– Moscou (Ru), Impossible Community, Moscow Museum of Modern Art, 8 septembre – 6 novembre 2011

Eleni Kamma
– Luxembourg (L), Found in translation, Chapter L, jusqu’au 8 janvier 2012.

Suchan Kinoshita 
– Mons (B), Le modèle a bougé, BAM, musée des Beaux Arts de Mons, du septembre 2011 – 5 février 2012.
– Moscou (Ru), Impossible Community, Moscow Museum of Modern Art, 8 septembre – 6 novembre 2011

Aglaia Konrad 
– Ludwigshafen (D), the eyes is a lonely hunter : images of humankind, 4e Foto Festival Manheim – Ludwigshafen -Heidelberg, 10 septembre – 6 novembre 2011.
– Firenze (I), Monolith/ life, Villa Romana (with Willem Oorebeek), jusqu’au 4 novembre 2011-
– Zurich (CH), Welt Bilder 4, Helmhaus, jusqu’au 13 novembre.

Jacques Lizène 

– Antwerpen (B), Cinq siècles d’images à Anvers, exposition inaugurale du Museum aan Stroom, 12 mai – 31 décembre 2012.
– Katowice (P), Jacques Lizène, Remakes, BWA Galeria Sztuki Wspó?czesnej, Contemporary Art Gallery in Katowice, 23 septembre /29 novembre (solo + publication)
– Paris (F), Jacques Lizène, Désastre jubilatoire, Passage de Retz, du 15 octobre au 27 novembre 2011 (solo)
– Ljubljana, Slovenia, Museum of Affects (Curated by: Bart de Baere, Bartomeu Marí with Bojana Piškur, Leen De Backer, Teresa Grandas, Museum of Contemporary Art Metelkova, 26 novembre – 29 janvier 2012

Capitaine Lonchamps
– Beaufort en Vallée, Joseph et moi, aspects de  collection d’Antoine de Galbert, Musée Joseph-Denais, jusqu’au 2 novembre

Emilio Lopez Menchero 
– Eupen (B), Check Point Charlie, IKOB, jusqu’au 8 janvier 2012

Benjamin Monti 
– Liège (B), Prix de l’Emulation, Maison de l’Emulation, du 9 novembre au 17 décembre

Eran Schaerf
– Zurich (CH), Automontage, Les Complices (solo with Eva Meyer), jusqu’au 19 novembre

Walter Swennen
– Antwerpen, Cinq siècles d’images à Anvers, exposition inaugurale du Museum aan Stroom, 12 mai – 31 dec 2012

Raphaël Van Lerberghe
– Charleroi (B), Bird’s eye of, regard sur une ville et une collection, Musée des Beaux Arts, jusqu’au 25 février 2012

Marie Zolamian 
– Antwerpen (B), NowBelgiumNow, LLS387, ruimte voor aktuele Kunst, 8 octobre – fin novembre.

Jacques Lizène, naufrages de regard

Passage de Retz, Salle 2

Art syncrétique 1964, sculptures génétiques 1971, placard à tableaux  1970, mettre n’importe quel objet sur roulettes 1974, cadres penchés 1970 et cadres vides, meubles découpés 1964 et naufrages de regards 2003, la seconde salle de l’exposition au Passage de Retz est un univers hybride, bancal, en constant déséquilibre. Et face à cet univers où  le grand Fang croisé semble adopter l’attitude de l’homme qui marche de Giacometti dont le Petit Maître s’inspirera dans ses pièces d’art comportemental, Jacques Lizène tente de sourire. 144 fois.

Naufrage. Naufrage de regards, Chavirage de meubles découpés, titanesques écroulements de cimaises résultent de l’idée du cadre penché, de la projection penchée ou de celle des objets s’enfonçant dans le sol (1970). Le naufrage est une submersion, un engloutissement, une mise en échec. Naufrage est un terme récent dans la rhétorique lizénienne (2003)

Wreck, Wreckage. The wreck of gazes, capsized cutup furniture, giant landslides of picture walls – these thing stem from the idea of the sloping frame or projection, or of objects sinking into the ground (1970). The wreck is submersion, engulfment, failure. Wreck is a recent addition to Lizène’s rhetorical lexicon (2003

A gauche : Art syncrétique 1964, chaise découpée en remake 2011 et peinture à la matière fécale en remake 2008

Découper des meubles, 1964, naufrage de regard, toile morcellée, 1971, cadre penché, bord de cadre, en remake 2011, technique mixte, 48 x 90 x 110 et 58 x 47

Ratage. Tout dictionnaire énonce : « Familier : action de rater ». Le ratage est en effet familier de Jacques Lizène. On évoquera dans le même contexte l’insuccès, le revers, le fiasco, le plantage, la veste. À propos de prendre une veste, on signalera qu’à titre d’art comportemental et vestimentaire, Jacques Lizène retourne souvent sa veste. À propos du ratage, il est intéressant de rappeler ici ce qu’en dit Denis Riout, évoquant justement l’œuvre de Jacques Lizène, dans Qu’est-ce que l’art moderne ? (Folio, Gallimard, 2001) : « Le ratage assumé, inscrit dans l’œuvre même, n’est pas exactement superposable à l’échec, toujours circonstanciel, parfois temporaire. Jacques Lizène occupe une place de tout premier plan dans cette catégorie bouffonne. […] Les œuvres qui cultivent la sottise, le dérisoire, le mauvais goût – Lizène a souhaité devenir son propre tube de couleur et il n’a pas hésité à peindre avec sa matière fécale – sollicitent une approche esthétique sophistiquée. Jeu pour initiés, le ratage accepté comme modalité de lde l’œuvre d’art est peut-être le symptôme d’un sentiment de faillite plus général qui hante la Modernité dans son ensemble. On se souvient que Baudelaire écrivit à Manet après son échec au Salon de 1895, où il présentait Olympia : “Vous n’êtes que le premier dans la décrépitude de votre art.” En 1886, le mouvement de la Décadence se dotait d’un journal, Le Décadent, et d’une revue La Décadence. Au terme d’une étude consacrée à ce moment de l’histoire littéraire, Noël Richard notait que la décadence esthétique “doit s’entendre par antiphrase ; elle est synonyme de jeunesse fringante, de renouvellement”. L’école décadente est tombée dans l’oubli, en dépit de travaux de spécialistes, mais la mémoire collective a retenu Les Poètes maudits, publié par Verlaine exactement à la même époque. Comme hier les Décadents, les adeptes du ratage courent le risque d’un naufrage. Ils deviendraient alors la proie des érudits du futur : belle revanche de la dérision. »

Flop. All dictionaries state: “Informal: to fail utterly.” Jacques Lizène is certainly familiar with utter failure. The fiasco, setback, flunk and bomb can also all be mentioned in this context. Talking of flops, it is interesting to note Denis Riout’s comments on the subject when he evokes Jacques Lizène’s work in Qu’est-ce que l’art moderne? (Folio, Gallimard, 2001): “The accepted flop, inscribed in the work itself, cannot be superimposed on failure, which is always circumstantial and sometimes temporary. Jacques Lizène is a key figure in this farcical category […] Works that cultivate idiocy, the derisory and bad taste (Lizène has sought to become his own tube of paint and has not hesitated to paint with his own faeces) call for a sophisticated aesthetic approach. A flop accepted as a modality of the work of art is a game for the initiated, and perhaps the symptom of a more general feeling of failure that haunts Modernity in general. We recall Baudelaire writing to Manet after his work tanked at the 1865 Salon when he presented Olympia: “You are but first in the decrepitude of your art.” In 1886, the Decadence movement launched a newspaper, Le Décadent, and a review, La Décadence. At the end of a study on this moment in literary history, Noël Richard noted that aesthetic decadence “must be taken ironically; it is synonymous with dashing youth and renewal.” Despite much work from specialists, the decadent school has sunk into oblivion, but collective memory remembers Les Poètes maudits, published by Verlaine at exactly the same time. Like the Decadents of yesteryear, those who love to fail run the risk of becoming wrecks and washouts, which would make them the prey of tomorrow’s scholars: a fine revenge for derision.”

peinture nulle, toile morcellée, art syncrétique, sculpture génétique culturelle, cadre penché, en remake 2011, rechnique mixte sur toile trouvée, 140 x 145 cm

Meuble découpé 1964, cadre penché et morcellé 1970, art syncrétique 1964, croiseur croisé frégate, naufrage de regard en sculpture nulle, remake 2011

Placard à tableaux, entassement de toiles sur un projet de 1967-1970, 1989. Accompagné d'une nature morte, sur le principe de Mettre n'importe quel objet sur roulettes, 1974n 180 x 170 cm

 

Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre…

Sculpture nulle 1980, art syncrétique 1964, l’interrogation génétique 1971, mettre n’importe quel objet sur la tête 1994. En remake 2011

Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité »

 

 

– Sculpture nulle 1980, art syncrétique 1964, l’interrogation génétique 1971, mettre n’importe quel objet sur la tête 1994. En remake 2011. Sculpture africaine, fougère artificielle, photocopie, acryl, 180 x 30 x 30 cm.

 Le Petit Maître précise que la demi vareuse est inspirée par celle de Pablo Picasso.

– Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité ». Technique mixte sur toile, 79 x 70 cm. Remake 2011

– Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène, une oeuvre d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité. Ah Ah Ah. Ainsi! ». Projet original, 1975, encre sur papier, 29,7 x 21 cm.

Cette sculpture nulle en remake, fougère pour couvre-chef, me rappelle la fiction rédigée par Jean de Loisy, publiée en préface de « Jacques Lizène, Tome III ». Fiction dont est extrait ce significatif passage :

« (…) Luc de Heusch décrivit brillamment la carrière du professeur Zangrie. Il insista en particulier sur la longue période d’incompréhension qu’il dut traverser en raison de ses travaux sur les clowns sacrés d’Amérique du Nord et du Nouveau-Mexique. Jacques Lizène, un peu assoupi jusqu’alors, sembla alerté par cette expression. Peut-être sentit-il une vague analogie entre ce terme et la longue ligne d’or dans laquelle s’inscrit son propre travail, de Rabelais à Jarry, de Picabia à Filliou. Mais le propos du conférencier, énumérant patiemment les pitreries de ces initiés amérindiens, généralement appelé « Heyokhas », qui, jamais trop turbulents, interrompent les cérémonies les plus sacrées, affirmant ainsi leur suprême détachement envers les credo de toutes sortes, semblait le captiver peu à peu.  Le professeur Zangrie, ce fut rappelé , ne recueillit en son temps que sarcasmes. Beaucoup dans la communauté anthropologique pensaient en effet que ses analyses surestimaient les comportements étranges de ces sorciers considérés par beaucoup de spécialistes comme de simples marginaux. L’orateur rappela alors, méticuleusement, plusieurs caractéristiques de l’attitude sacrée de ces sorciers qui, contrairement à l’opinion des savants européens d’alors, étaient respecté et même craints par leurs communautés. Il s’attarda par exemple sur l’usage qu’ils faisaient des excréments, n’hésitant pas à en maculer les murs, voir  à les dévorer gloutonnement pour, en mangeant l’immangeable, signifier qu’il leur revient de dire l’indicible, manifestant ainsi leur capacité à franchir toutes les frontières, de la vie et de la mort, du biologique, du vivant ou du sexuel. Il évoqua leur vie en marge des villages, leur goût de l’ambiguïté érotique, leur insistance à montrer que  « le bouffon doit en faire trop ». Le professeur présenta alors cette caste particulière des « contraires » cheyennes, qui, faisant mine de regarder au loin, baissent la tête vers le sol affirmant que c’est avec les fesses que l’on voit le mieux. Les mèmes qui, quand le rythme de la danse s’accélère, ralentissent, ou encore qui, quand les hommes tournent dans un sens font l’inverse, quand il faut accueillir, présentent leur dos, qui tournent la fourrure de leur tipi vers  l’exterieur et mettent le tuyau de la Pipe sacrée à la place du fourneau, ou encore qui interrompent les funérailles par des gestes obscènes… « L’outrance, dit l’orateur, est leur façon d’affirmer l’existence   d’un contre-monde et de mettre en question les limites normatives qui s’imposent aux sociétés humaines… »

Alors que Jacques Lizène manifestait soudain une grande agitation  et qu’il lançait quelques « oh ! oh ! oh ! » intempestif, Luc de Heusch, imperturbable malgré des protestations indignées qui fusaient du fond de la salle, rappela que Luc Zangrie comparait la longue période d’incompréhension qu’il vécut sur ces sujets à une épreuve initiatique. Il mit à profit cette solitude universitaire, rappela-il, pour cultiver son amitié avec des artistes aussi essentiels que Jorn, Magritte ou Jean Raine. Il est notable, ajouta Luc de Heusch, que les créateurs  dont il se sentit proche alors, aient tous été engagés dans un conflit entre la valeur suprême qu’ils reconnaissaient à l’art seul, contre les pseudo-valeurs de notre société, à leurs yeux usurpatrice et qu’ils accusaient  ainsi avec virulence parce qu’ils les savaient mensongères. Il voyait certainement en eux, un équivalent philosophique à la sagesse excentrique de ses amis zunis ou cheyennes.(…) »

 

– Art Idée à la façon des années 70, mais à la manière nulle, revue en 1989 : « Lizène se propose d’exposer chez Castelli à New-York, mais pendant la fermeture annuelle pour les vacances de la galerie (1989). Encre sur papier, 29,7 x 21 cm.

Aglaia Konrad, Carrara, the book

AGLAIA KONRAD – CARRARA
isbn 9789077459669   ROMA PUBLICATIONS
Idea Code 11462      €26,00

Aglaia Konrad uses film and photography to visually extend her interest in urban development, cityscapes and architecture. In this artist book she presents photographs taken in the Carrara region in Italy between 2008 and 2010, along with the 16mm film ‘Concrete * Samples III – Carrara’.

136 p, ills colour & bw, 16 x 24 cm, pb, English

Think Space Removal /Informed Dust /Landscape
By Angelika Stepken
extract :

“Located at the foot of the Apuanian Alps, this city owes its fame to the white marble found here.” This is roughly how every travel guide on Carrara begins. The city of 65,000 inhabitants is situated approximately 60 miles northwest of Florence on the Versilia coast, which extends 18 miles south to Viareggio, Tuscany’s fashionable swimming resort since the late 18th century. Each year, around 2.5 million tourists, including a recent boom in Russians, flock to the privatized sandy beaches to catch a tan with the Apuanian Alps in the background, whose peaks are as high as 1,800 meters. Motorists can see the “white gold” on the distant mountains as soon as they turn into the long access road from the sea that leads to Carrara; it always looks like snow, regardless of the season. Marble is precious; marble—particularly the white Statuario of Carrara—has helped write art history, having provided the material for classical sculpture from the Greeks to the present day. Since the 1960s, for instance, the American grand dame of contemporary sculpture, Louise Bourgeois, has repeatedly worked with white Carrara marble in the ateliers of the neighboring Pietrasanta.

Marble is also heavy, hard, and costly; mining it is difficult. The three main marble basins of Carrara—Ravaccione, Fantiscritti, and Colonnata—contain around 150 quarries and can be reached by car or bus. The mountains harbor a wealth of reportedly 60 billion cubic meters of Carrara marble. The stone is comprised of layers of calcite deposits and marine organisms that accrued after the continental shelves of Africa and Europe shifted 30 million years ago. A type of limestone with a crystalline structure, it is harder than travertine and can be sanded and polished. Mineral inlays vary its coloration.  Today, five million tons of this limestone are mined from the Carrara quarries each year. Three-quarters of it is exported, half of that to Arabic countries, where it adorns mosques, fair buildings, and airports. One cubic meter of Carrara marble weighs approximately 2.8 tons; it is traded at prices of up to 2,500 euros. 140 years ago, one tenth of Carrara’s 100,000 inhabitants at the time worked in and lived from the quarries. Today, 1,000 people are employed there. One worker mines approximately 1,500 tons of marble per year. (…)

(…) Photography is a distancing medium. Whether a butterfly is photographed from close up or the Apuanian Alps from a helicopter, the photographer is using a camera; he is not reaching for the butterfly or the marble. If he or she uses an analogue camera of the kind Aglaia Konrad uses, he looks through the lens at a rectangular frame. The camera is an image-generating machine; the “pencil of nature” draws the light image. Photography is both a trace of the real and a simulation of nature. With the onset of photography came a massive tendency towards the rectangular frame of view as well as the mass reproduction of the same or similar images. Not to mention the image refuse that was incurred, the billions of substandard images not used or archived for private or commercial purposes.  Sculptures were transformed into images: Trajan’s Column, the Laocoon group, Michelangelo’s Pietà are all well known from school books, encyclopedias, and travel guides, although the space they inhabit is usually screened out. It was only after the marble blocks and the photographic images that masses of people also began to move across great distances. The camera was invented at the time the industrialization of marble mining began, while photography is a time-based medium that records the world in a fraction of a second.  In the Apuanian Alps, 30-million-old mineral sediments encounter two thousand years of marble mining with the speed of a camera’s shutter while 60 billion assumed tons of Carrara marble find expression on a single sheet of paper.
In the mid-1960s, the American artist Robert Smithson coined the phrase “nonsite” when he left the gallery spaces of the cities to look for places where the landscape did not appear as an exterior, scenic beauty, but rather as a destroyed, pulverized, dislocated space whose appearance and perspective provided no clear order. The gaze had revealed itself as an act, as a simulacrum. Smithson worked sculpturally in these “nonsites” and photographed them, according the photographs documentary and artistic value. In 1981, in his essay Sites/Non-Sites*, Lawrence Alloway wrote that Smithson equated geological change with the thinking process. Thus, landscape became analogous to human existence or at least its communication. In his writings and works, Smithson “recognized complexity and contradiction as a working condition.”
How is space organized, how is the gaze organized, the photographic image? Looking at Aglaia Konrad’s photographs, the eye does not become lost in a single motif, neither in the micro or in the macro view. It encounters the image, encounters itself in its exclusivity, its an-aesthetic. The gaze is not satisfied by seeing. It is called upon to create complexities out of fragments, to give meaning to profane crops, to “read” the image as structural information of the visible elements of time-space. Looking at Aglaia Konrad’s photographs does not become alleviated by the images’ motifs; the gaze requires a construction of meaning. Image production is image construction.  Landscape is space formed or disfigured, used and exploited or removed over the course of centuries. Marble itself is a construction material; the marble quarries are deconstructed nature. In Carrara, landscape is workplace and architecture—an architecture of removal and not of building. The marble mountains of Carrara are a dusty, dispersed landscape, negative space and expanded space; they are both material body and missing part, and thus present themselves as incoherent. (…)

Angelika Stepken, born in 1955 in Moers in the Lower Rhine, has been director of the Villa Romana in Florence since 2006.
Following her studies in art history, philosophy and political science at the Freie Universität Berlin and a period of training as a painting restorer in Florence, Stepken took up work as an arts review editor and art critic. From 1987 to 1998 she carried out numerous international exhibition projects in Berlin and abroad (as far flung as Poland, China, Scandinavia and Turkey).
Between 1998 and 2006 Angelika Stepken was director of the Badischer Kunstverein in Karlsruhe. Besides this, she teaches at the art-historical institute of the University of Karlsruhe and is the deputy chairman of the Arbeitsgemeinschaft deutscher Kunstvereine (AdKV, Federation of German art associations).

Jacques Lizène, contraindre le corps et fontaines de cheveux

Passage de Retz, Salle 1 (2)

 

Contraindre le corps à s’inscrire dans le cadre de a photo, 1971. 30 tirages NB, argentiques. 76 x 89 cm.

Contraindre le corps d’une jeune fille à s’inscrire dans le cadre de la photo, 1971

Oeuvre à vocation inachevée. Contraindre toute sorte de corps, nus, habillés, y compris des corps de policiers, à s’inscrire dans le cadre de la photo. Projet abandonné.
Jacques Lizène choisit de réactiver la présentation de l’oeuvre telle qu’en 1974-1975 au Château Malou à Bruxelles. La série des photos de la jeune fille contrainte à inscrire son corps dans le cadre de la photo est placée en échelle contre le mur. Au bas, Lizène ajoute une photo d’une dame, en Roture à Liège, armée de son balai. Et la titre : Personnage refusant de contraindre son corps dans le cadre de la photo. 1971.

 

 

 

– Petit maître à la fontaine de cheveux , remake 1983. Photographie rehaussée, 2011

Le balai est une allusion à :

LE BALLET D’ENTRETIEN DES LIEUX D’EXPOSITIONS
(corvée, en forme de danse, faire reluire le lieu écrin de l’art séductif) 1975
Régulièrement, hors des heures d’ouvertures du musée, un certain nombre de personnes viennent nettoyer les salles d’expositions. Elle réalisent de ce fait, obscurément, une danse sans prestige séductif : le ballet d’entretien des lieux d’exposition (pour que brille le lieu écrin de l’art séductif.
Ce pourrait également être le balai de Louise, cette dame en Roture qui refuse de se laisser contraindre dans le cadre de la photo.

– Petit maître à la fontaine de cheveux, photographie de Pierre Houcmant, 1980. Photographie marouflée sur toile, 50 x 60, 2011.

On remarquera que le remake de 1983, posé sur une caisse de transport, semble montrer du doigt, tel le Saint Jean de Léonard de Vinci, son alter ego de 1980. Celui-ci  accroché à la cimaise de telle sorte que sa fontaine de cheveux soit aspirée par cette bouche d’aération qui le surplombe.

Rappelons ces quelques considérations à propos de la « Fontaine de cheveux », parues dans « Jacques Lizène, Tome III »

Fontaine de cheveux, 1980. « Cette expérience de la perte, cette acceptation de la vacuité qui est un deuil, certains artistes la donnent à voir, non plus au travers d’un jet d’eau quelconque, symbole peuplant un paysage plus ou moins collectif mais d’un jet d’eau qui leur serait propre et jaillirait en quelque sorte d’eux, de leur crâne. La matière utile à la pensée échappe, s’élève en jets pressés. C’est “l’Artiste à la Fontaine de cheveux”. Jacques Lizène reprendra de multiples fois cette iconographie, cette mise en scène capillaire : cheveux longs dressés vaguement tenus en jet d’eau par du savon. De même que Duchamp dans le portrait photographique réalisé par Man Ray et utilisé sur l’Obligation pour la roulette de Monte-Carlo(1924). Sa tête y est recouverte de mousse à raser, ses cheveux sont ramassés et dressés en fontaine bifide.
Un détail lexical que rien ne permet d’exploiter ici sérieusement vaut néanmoins d’être évoqué pour l’anecdote. Dans le texte qui ouvre le débat et qui mènera au constat révolutionnaire selon quoi, non seulement la nature n’a pas horreur du vide, mais qu’elle conçoit en son endroit une raisonnable passion, Galilée utilise le terme de “cheveu” comme suit :  “Le maître fontainier ajouta qu’il n’était pas possible, ni avec les pompes, ni avec les autres machines qui font monter I’eau par attraction, de la faire monter un cheveu plus haut que dix-huit brasses, que les pompes soient larges, étroites ou minces comme un fétu de paille.”
Avec la “Fontaine de cheveux”, on retrouve par ailleurs la houppette des clowns ou le dispositif leur permettant de faire jaillir un jet d’eau au sommet de leur crâne. Le vieux clown interprété par Chaplin dans Limelight(1952), se préparant dans sa loge, arbore ce même toupet de cheveux, dressés et attachés en minuscule jet d’eau. On retrouve en effet là l’un des attributs de l’auguste, cette crête de cheveux telle qu’en portait déjà Grimaldi (1778-1837). Le clown, qui est traditionnellement la figure du roi assassiné, symbolise l’inversion de l’ensemble des propriétés royales. À la souveraineté se substitue l’absence d’autorité ; à la crainte, le rire ; à la victoire, la défaite ; aux rituels sacrés, le ridicule ; à la mort, la moquerie ; à l’acquisition, la dispersion.
Dans Le Mot d’ esprit et sa relation avec l’inconscient, Freud élabore une théorie de l’effet comique en termes de dépense : “Ce dont nous rions, c’est d’une dépense beaucoup trop grande.” C’est par la manifestation de cette dépense que l’artiste imite le clown. Et cette dépense se donne à voir, outrée dans ses traits, caricaturale, théâtrale, par certains signes physiques de l’évacuation, de l’excrétion, de la vidange. Or ce qui se vidange là, à l’occasion de ces jets d’eau qui ont pour margelle le crâne, pour source le cerveau, c’est la matière même de l’intelligence, de la logique, du discours. La fontaine de cheveux est le signe, au sommet du crâne, de ce reflux dynamique du sens. Portraits du logos en geysers. L’idiotie a cette passion du jet d’eau, s’illustrant en des pulsations fluides, projections éjections de matières pensantes au sommet du crâne, que longtemps la percé pour en extraire la folie, folie que l’imagerie populaire chapeaute par ailleurs d’un entonnoir. »
Face à cette jaillissante réflexion menée par Jean-Yves Jouannais dans son ouvrage L’idiotie, art, vie, politique – méthode (Beaux-arts magazine, 2003), Jacques Lizène est beaucoup plus prosaïque, dans un bel effet de chute : « La houppette – que j’ai appelée “Fontaine de cheveux” –, confie-t-il à Denis Gielen dans Le Vingt-cinquième Bouddha,provient d’un souvenir d’enfance. Avec mon frère, quand on était petits, on avait un bête jeu : on s’amusait en se lavant les cheveux à se les dresser sur la tête. »

Hair Fountain, 1980. “This experience of loss, this acceptance of emptiness which is a form of mourning, is something that some artists make visible, not in any usual kind of fountain, as a symbol occupying a more or less collective landscape, but in a fountain that is their own and that, in a sense, springs out of their head. The material useful for thought escapes, rises up in hasty jets. Such is ‘the Artist with the Hair fountain.’ Jacques Lizène has used this image, this capillary mise-en-scène, several times, his long hair vaguely held like a jet of water by soap. In a similar way, in the photographic portrait made by Man Ray and used in Monte Carlo Bond (1924), Marcel Duchamp’s face is covered in shaving foam, his hair pushed together and raised up in a double fountain.
There is a lexical detail that, although there is nothing that can be seriously done with it here, is well worth mentioning for its own sake. In the text that opens the debate and that leads to the revolutionary realisation that, not only does nature not abhor a vacuum, but actually has a fair passion for it, Galileo uses the term ‘hair’ as follows: ‘The master fountain maker added that it was not possible, either with the pumps, or with the other machines that make the water rise up by means of attraction, to make it rise a hair’s breadth higher than eighteen, whether the pumps are broad, narrow or as thin as a wisp of straw.’
With the Hair Fountain we come back to the clown’s tuft or the device that enables them to make water spurt from the top of their head. The old clown played by Chaplin in Limelight (1952), when he see him making up in his dressing room, has this same tuft, pulled up and tied in a tiny fountain. What we have here is one of the attributes of the auguste clown, that crest of hair already worn by Grimaldi (1778-1837). The clown, who is traditionally the figure of the assassinated king, symbolises the inversion of all the royal properties. Sovereignty is replaced by absence of authority, fear by laughter, victory by defeat, sacred rituals by ridicule, death by mockery and acquisition by dispersion.
In Jokes and Their Relation to the Unconscious, Freud expounds a theory of comic effect conceived in terms of expenditure: ‘What we laugh at is the excessiveness of the expenditure.’ It is in manifesting this expenditure that the artist imitates the clown. And this expenditure is made visible, its traits over the top, caricatured and theatrical, by certain physical signs of evacuation, of excretion, of emptying out. Now, what is being emptied out here, in these jets of water whose coping is the skull, whose source is the brain, is no less than the matter of intelligence, of logic, of discourse. The hair fountain is the sign, at the top of the skull, of this dynamic reflux of meaning. Portraits of the logos as a geyser. Idiocy has a passion for jets of water. It illustrates itself in fluid pulsations, projections and ejections of thinking materials at the top of the skull, that for many years was pierced in order to let the madness out, a madness that in popular imagery was, it so happens, shown with a funnel on its head.”
Compared to these bubbling thoughts put forward by Jean-Yves Jouannais in his book L’idiotie, art, vie, politique – méthode (Beaux-arts magazine, 2003), Jacques Lizène is much more prosaic, providing a nicely flat ending. As he told Denis Gielen in Le Vingt-cinquième Bouddha, “The big tuft of hair – which I called the Hair Fountain – comes from a childhood memory. When we were little, my brother and I had this stupid game: when we were washing our hair we thought it was funny to make it stand up on our head.”

Jacques Lizène, Passage de Retz, dressage d’une caméra et maladresses

Passage de Retz, salle 1

L’exposition n’est pas chronologique, elle met en désordre l’ensemble des enjeux que Jacques aborde dans son travail. Elle commence à la fois avec l’idée de la maladresse et, dans la même salle, avec une tentative de dressage d’une caméra qui montre une grande lucidité politique. Elle met en jeu le rapport à la domination des médias, à la soumission à l’ordre dominant. C’est une pièce qui est au fond très anarchiste et qui fait penser au discours sur la servitude volontaire. Entre la lucidité et la maladresse, l’exposition balance ses propositions conceptuelles de salle en salle. (Jean de Loisy, dans un entretien avec Philippe Regnier et Jacques Lizène)

– Tentative de dressage d’une caméra suivi d’une tentative d’échapper à la surveillance d’une caméra. 1971. NB, sonore, 2’00, portapack Sony transféré sur DVD. Ed Yellow.

« Elle est docile la caméra ?  Allez, fais le beau la caméra ». Claquant du doigt, Jacques Lizène tente de dresser une caméra. « Couché la caméra ! ». Ensuite il tente d’échapper à la surveillance d’une caméra.

– Sculpture nulle (1980), Meuble découpé, Nature morte à la maladresse (1973) en remake, peinture sur miroir façon Abstraction nulle (1986), Art syncrétique (1964) en Sculpture génétique en remake 2008.

 

– Sculpture nulle, 1980, art syncrétique 1964, sculpture génétique culturelle 1971-1984, le 24e Bouddha, sur une colonne pseudo dorique remake 2011  technique mixte, 160 x 45 x 30 cm.  – Entassement de toiles d’après un projet de 1970 à placer dans un coin, peinture nulle et non-communicative, 177 x 77 cm, 1988.

– Nature morte à la maladresse 1974, technique mixte (avec vin rouge), 2010. Technique mixte, 2 x 60 x 60 cm