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Jacques Lizène, art de banlieue, banlieue de l’art

Passage de Retz, Orangerie

A l’avant plan : Jacques Lizène, sculpture nulle 1980, en remake 1989 (collection Province de Hainaut)

A propos de la brique et des usines dans l’oeuvre du Petit Maître, encore un extrait de cet entretien entre Denis Gielen et Jacques Lizène :

Pour ma part, je préfère vous prendre au sérieux en essayant de comprendre les motifs qui vous ont poussés dès les années ’60 à prendre une attitude en faveur de la médiocrité en art. Cette pratique singulière de l’art que vous définissez également comme « art de banlieue » trouve-t-elle une première légitimité, même symbolique, dans ce lieu de naissance que vous prenez soin dans vos biographies de mentionner comme banlieue industrielle ?

Je suis né effectivement à la clinique d’Ougrée en 1946, dans la banlieue industrielle de Liège en Belgique, mais je n’y suis resté que quelques minutes. Cela ne m’a pas marqué en soi, même si je mentionne effectivement Ougrée comme un élément volontairement précis de ma biographique au moment où je revendique en 1974 « l’art de banlieue ( la banlieue de l’art) ». C’est ce qu’on appelle la licence artistique ou la licence poétique. A propos de mes peintures murales à la matière fécale, j’ai d’ailleurs déclaré un jour à Jean-Louis Sbille, journaliste à la RTBF à l’émission Cargot de Nuit produit par Anne Hislaire, que j’avais été jusqu’à mesurer les briques du mur d’enceinte de l’usine sidérurgique de Cockrill-Ougrée, en face de ma clinique natale, pour réaliser cette œuvre. C’était une manière de lui expliquer que la première chose que j’ai vu en sortant de la maternité était un mur de brique. Plus récemment, je suis même parti à la recherche de ce mur pour le filmer avec David Lucas, un jeune réalisateur qui me consacrait un film. Mais nous n’avons évidemment rien trouvé ; car ce mur n’a jamais existé ! C’est une manière de raconter une histoire, de produire un récit.

Et quelle histoire vouliez-vous inventer avec ce mur de brique ?

Il était très difficile de peindre un visage avec de la matière fécale. C’est une matière vraiment ingrate (ah !ah !ah !). Le plus simple pour réaliser de bonnes variations de tons, c’était de produire – comme les marchands de peinture – des espèces de catalogues de couleurs qui reprennent des séries de dégradés, ton par ton, case par case. C’était un peu comme certaines peintures de Gerhardt Richter, mais avec en plus la dimension figurative d’un mur de briques. Le choix du mur d’Ougrée me permettait ensuite de justifier mes tableaux en tant qu’œuvres d’art nul ou d’art de banlieue. C’était encore de la licence poétique.

 Cette banlieue industrielle dont les paysages sont pollués par les cheminées d’usines fait partie de votre iconographie. Je pense évidemment à la série des usines…

Comme je m’étais autoproclamé – pour reprendre le terme de  certains critiques, même si ça fait un peu Ubu Roi –  Petit Maître Liégeois  (en fait, je suis comme Jarry, un peu burlesque ),  il fallait bien que certaines de mes œuvres prolongent esthétiquement ce que ce titre impliquait dans la réalité. Et qu’est-ce que faisaient, par exemple, les petits maîtres hollandais qui étaient nés près de la mer ? Ils peignaient des marines ! Comme je n’étais pas né à la côte mais dans une banlieue industrielle, il fallait que je peigne des paysages d’usines ; mais en leur donnant bien entendu une dimension supplémentaire d’art nul. Des paysages d’usines, il y en avait déjà suffisamment dans le patrimoine de l’art du Hainaut et de Liège ; c’est donc pour cette raison que m’est venue l’idée de réaliser de petites usines à partir des matériaux que fabriquaient ces usines-là. C’est une forme de recyclage, dans un esprit non pas écologique mais poétique… poétique du nul, bien entendu !

 Comment définiriez-vous ce que vous appelé licence poétique ?

C’est une liberté que me suis donnée pour approcher au plus près le noyau de mon œuvre. En art, on peut mentir un peu, si ça sert l’œuvre et ne nuit à personne. Cette idée avait d’ailleurs choqué Jacques Van Lennep (pas l’artiste mais l’historien,  qui – à propos de licence artistique – se fait d’ailleurs appelé Jacques Lennep lorsqu’il signe ses travaux artistiques).  Mais pour revenir à cette histoire de mur : il n’y a pas vraiment mensonge puisqu’il vous suffit de prospecter un peu dans ce qui reste de Cockrill-Ougrée pour tomber sur des murs de briques de ce genre.  C’était seulement plus artistique de dire que ce mur se situait juste à la sortie de la clinique.

– Grand mur des défécations, être son propre tube de couleur, 1977, peinture à la matière fécale et technique mixte (collection privée)

Tube. Dans le cas du Petit Maître, tube de couleur, et même « être son propre tube de couleur, 1977 ». Circuit fermé qui consiste à boire et manger, déféquer, peindre avec sa matière fécale, vendre ses toiles pour manger et boire, déféquer, etc… Rappelons ce qu’en dit Nicolas Bourriaud dans Formes de vieet plus particulièrement dans le chapitre « Formes vécues » (Denoël, 1998) : « […] Tous ces modes de faire dessinent un comportement qui s’inscrit dans une économie générale de l’existence. Prenons comme exemple la décision prise par Jacques Lizène de devenir un Petit Maître liégeois de la seconde moitie du XXe siècle, artiste de la médiocrité. Son programme de vie et sa production se confondent dans la revendication de la nullité, de l’insignifiance et du ratage. Poussant l’obsession de la caducité jusqu’à subir une vasectomie le rendant à jamais stérile (“La situation humaine étant ce qu’elle est, je ne procréerai pas”, 1965), se livrant délibérément aux activités créatrices les plus stupides, les plus désespérément banales et inefficaces (Sculpture nulle : une guitare surmontée d’une pioche, 1979), il décide en 1977 de “devenir son propre tube de couleur”, et trace avec sa matière fécale la représentation d’un mur de briques infini : la crétinerie voulue de la démarche s’allie ici à la platitude du sujet, et au caractère répétitif de l’acte de digestion. »

Brique. Renvoyant à la constante architecturale du pays, le motif de la brique rouge se retrouve fréquemment dans l’art belge (Magritte, Mariën, Broodthaers). Elément récurrent dans l’œuvre lizénienne, la brique intervient comme sujet de l’œuvre (Travelling sur un mur de briques, 1971, Super-8, coul., 3 min), comme élément de décor (le fond des photographies de « Contraindre le corps à s’inscrire dans les limites du cadre de la photo », 1971, « Petit Maître liégeois hésitant à entrer dans le cadre d’une ou l’autre photo », 1971) et élément de représentation des Peintures à la matière fécale.
Éclairées par le propos lacanien, la peinture au caca et sa formalisation par le motif de la brique conduisent à l’abîme du renoncement. Dans « Qu’est-ce qu’un tableau ? », Jacques Lacan interpelle : « L’authenticité de ce qui vient au jour dans la peinture est amoindrie chez nous, êtres humains, du fait que nos couleurs, il faut bien que nous allions les chercher là où elles sont, c’est-à-dire dans la merde […]. Le créateur ne participera jamais qu’à la création d’un petit dépôt sale, d’une succession de petits dépôts sales juxtaposés. C’est par cette dimension que nous sommes dans la création scopique – le geste en tant que mouvement donné à voir. » En d’autres termes, pour Lacan, la couleur est une sublimation par rapport à la merde, couleur naturelle. Ce qui importe chez lui est le rapport au regard. C’est le regard du peintre, qui se dépose sur la toile. Avec ses tableaux à la matière fécale, Lizène démonte la sublimation que comporte toute peinture, dans un geste qui est un retour, sans doute parodique, à l’état de nature. Mais, l’artiste ne renonce-t-il pas à proposer son mode de regard ? Il se réfugie dans un tabou qui provoque le dégoût recherché. Le recours à la désublimation n’est-il pas une négation de la démarche du peintre et de son éthique ? La peinture à la merde équivaut symboliquement à une peinture aveugle, comme le mur de briques est une surface aveugle, sans fenêtre. Là où le peintre transforme la merde en regard, Lizène, par le recours à la matière fécale, annule son regard.

Tube. In the Minor Master’s case, tube of colour, and even “being your own tube of colour, 1977.” A closed circuit that entails eating and drinking, defecating, painting with your faecal matter, selling your canvases to eat and drink, defecating, etc… Remember what Nicolas Bourriaud said about this in Formes de vie and more particularly in the chapter “Formes vécues” (Denoël, 1998): “…All these ways of doing things portray a behaviour that belongs to a general economy of existence. Let us take as an example Jacques Lizène’s decision to become a Minor Master from Liège of the Second Half of the 20th Century, an Artist of Mediocrity. His life plan and production merged in the assertion of worthlessness, insignificance and failure. Taking his obsession for nullity to the point of undergoing a vasectomy that made him permanently sterile (‘The human situation being what it is, I shall not procreate,’ 1965), in 1977 he decided to ‘become his own tube of colour’ and used his faecal matter to paint the representation of an endless brick wall: the intentional idiocy of this approach here combining with the platitude of the subject and the repetitive nature of the act of digesting

Brick. Evoking an architectural staple of the country, the motif of the red brick is found frequently in Belgian art (Magritte, Mariën, Broodthaers).A recurrent element in the Lizénian oeuvre, brick intervenes as a subject of the work (Travelling Shot on a Brick Wall, 1971, Super-8, col., 3 mins), as an element of the surroundings (the background in the photographs of Forcing the Body to Fit Itself into the Frame of the Photo 1971, Minor Master from Liège Hesitating Before Entering the Frame of One Photo or the Other, 1971) and an element of representation of the Paintings in Faecal Matter.Illuminated by Lacan, the poo painting and its formalisation by the motif of the brick lead to the abyss of renunciation. In “What Is a Painting?” Jacques Lacan interjects: “The authenticity of what emerges in painting is diminished in us human beings by the fact that we have to get our colours where they’re to be found, that is to say, in the shit. […] The creator will never participate in anything other than the creation of a small dirty deposit, a succession of small dirty deposits juxtaposed. It is through this dimension that we are in scopic creation – the gesture as displayed movement.” In other words, for Lacan, colour is sublimation in relation to shit, the natural colour. What matters to him is the relation to the gaze. It is the painter’s gaze, which is deposited on the table. With his paintings in faecal matter, Lizène deconstructs the sublimation involved in all painting, in a gesture that is a return, no doubt a parodic one, to the natural state. But does not the artist refrain from proposing his way of looking? He takes refuge in a taboo that provokes the required disgust. Is not the recourse to desublimation not a negation of the painter’s approach and his ethos? The shit painting is symbolically equivalent to blind painting, just as the brick wall is a blind surface, without a window. Whereas the painter transforms shit into the gaze, Lizène, by using faecal matter, cancels his gaze

Ci-dessus : Perçu non perçu 1973, Art de Banlieue, banlieu de l’art 1973, Petit maître regardant le bord de la photo, remake 1979. Photographie NB, tirage argentique, rehaussée à l’encre. 13 x 18 cm. Projet de carton d’invitation pour la présentation de Quelques séquences d’art sans talent

Banlieue (banlieue de l’art, art de banlieue). Jacques Lizène est né à Ougrée, une banlieue industrielle de Liège, en 1946. En 1974, il se déclare de la banlieue de l’art.
Être de la banlieue de l’art, c’est incontestablement adhérer à cette « Révolte des Médiocres » menée en 1967 par Robert Fillliou, révolte d’artistes médiocres mais, entendons bien, fort avertis, refusant « d’être culturellement colonisés par une race autodésignée de spécialistes de la peinture, de la sculpture, de la poésie, de la musique », et qui affirment haut et fort la possibilité d’autres voies créatrices, par contredit radical, fût-ce au risque de l’infamie. Être de l’art de banlieue, c’est aussi plonger dans cette banalité, cette désespérance du monde dont témoigne le Petit Maître. Un an auparavant, en 1973, Lizène réalise avec Guy Jungblut une séquence photographique intitulée Banalité Banlieue. Lizène est en repérage au cœur même de ce faubourg industriel où il est né pour un film qu’il réalisera deux ans plus tard, film dont l’original est perdu et dont il n’existe pas de copie. Dans cette suite de photographies, on retrouve les longs murs aveugles d’Ougrée, les usines et les ateliers, des Vespas et des 50cc pétaradantes, des maisons ouvrières, la devanture d’un marchand de guitares électriques, l’école de mécanique, l’entrée de la clinique, le café des Sports, la buvette, le Cockerill, les grilles du cinéma Le Splendid et le Sarma, bref des fragments de paysages d’une banlieue industrielle. Des photographies sans vie, qui agissent comme un décor, celui de la « Civilisation Banlieue », un décor dont on subodore l’envers. Cet « envers du décor », Lizène l’évoque en marge d’autres photographies, images arrêtées du Regard au bas des murs(1971), un film parfaitement déprimant où la camera déambule, au ras du sol, dans un espace urbain et enregistre le bas des murs, les caniveaux et soupiraux, le pavé suintant la crasse. Chacune de ces photos est annotée et sur l’une d’elles, on lit : « Derrière n’importe lequel des détails du paysage urbain, il y a la présence de la fatigue d’un ou de plusieurs individus. Et pour certains d’entre eux (peut-être) une certaine misère sexuelle à vivre… »
Clichés en noir et blanc, film, textes, les travaux se suivent et se répondent : Lizène campe en effet un personnage fictif et l’envers du décor. Il nous narre « l’histoire de la misère de Marc W… Apprenti d’usine à Ougrée », au fil de ces photographies rehaussées au cirage, ce qui leur confère le ton sépia de l’archive et une sorte de saleté indéfinie. Pour une exposition à l’ICC à Anvers, Lizène compose ses photographies, il les place en bordure d’un drap de lit tendu sur le mur. Pas fort net le drap de lit, grisâtre, orné de quelques poils pubiens et de larges taches de sperme. Des textes sur feuillets, tapés sur une Remington portative, complètent l’œuvre et la documentent : il s’agit bien là d’un voyage anthropologique au cœur de la civilisation banlieue, de son décor, et de traces de masturbation solitaire. L’œuvre, considérée comme sexuellement incorrecte, subira les foudres de la censure, elle sera recomposée, avec une tentative de sourire du Petit Maître, des tentatives sonores de rire et une photo de la série « Contraindre le corps à s’inscrire dans le cadre de la photo » que Lizène introduit comme portrait d’une indigène de la civilisation banlieue, une indigène contrainte par la banlieue elle-même.
Le sexe et la multitude (1966), la foule des anonymes portraits AGCT (1971), les films réalisés en milieu urbain, la vie camp de travail, plus tard dès 1977 les murs de briques peints à la matière fécale : Lizène révèle un univers déprimant dans sa banalité, sans aucune perspective, un monde harassé, cachant bien mal ses misères solitaires et quotidiennes. Il s’en extrait par ses tentatives de rire ou de sourire, par des pirouettes et pitreries telle cette œuvre de 1976, une suite de collages, un sondage à la porte d’une usine d’Ougrée. Aux ouvriers et employés qui sortent de l’usine, il compte poser la question : « êtes-vous pour le sacrifice et la contrainte contre la jouissance ? ». Lizène accumule les photos de camions, de voitures, d’ouvriers solitaires qui quittent les ateliers et les commente : « Sans réponse, trop vite, trop loin, ne parle pas français… » « Sans réponse, évidemment on n’a pas pu poser la question et de toute façon, on ne l’aurait pas posée, cette question. On n’allait pas les limer plus encore avec nos sondages à la sot. » Cette revendication lizénienne d’être de la banlieue de l’art trouvera un prolongement par la création du Cirque Divers, d’une certaine gaieté, fondé à Liège en janvier 1977 et dont il est l’un des membres fondateurs. Le Cirque sera « un entonnoir-couloir où les rencontres se souderont en une goutte, une scène où les gestes quotidiens seront théâtralisés, une piste où les clowns se tordront entre le Rire et la Mort, un miroir où se reflétera notre monde dans sa béatitude (bête attitude). » Se revendiquant comme « dernière représentation de l’Art Banlieue, unique et inique », animé par Michel Antaki, « Jardinier du Paradoxe et du Mensonge universels », ce lieu incarnera incontestablement ce radical contredit énoncé par Robert Filliou.

Ci dessus : Jacques Lizène présente : L’agrandissement photographique d’une peinture (de 9 cm de haut et 12 cm de large) découverte à l’intérieur de la Civilisation Banlieue. Peinture réalisée avec précision, aplication et grand mérite (valeur  / mérite / travail). (Haut les Coeurs ). Tirage argentique sur papier baryté  et texte imprimé. 1975

Cette photographie a été montrée à la Neue Galerie à Aachen en 1975, en référence à la collection Ludwig, riches de toiles pop et hyperréalistes américaines. Belgien, Junge Künstler I. Neue Galerie, Aachen (D)

Derrière ces détails du paysage urbain, il y a la présence de la fatigue d’un ou de plusieurs individus. Et pour un seul, tous ou quelques uns d’entre eux la réalité vécue de la misère sexuelle et  (peut-être)  une certaine détresse difficilement supportable. Le perçu et le non perçu, suite de photographies NB, 1973  Photographies NB argentiques et texte, 70 x 100 cm.

Derrière ces détails du paysage urbain, il y a la présence de la fatigue d’un ou de plusieurs individus. Et pour un seul, tous ou quelques uns d’entre eux la réalité vécue de la misère sexuelle et  (peut-être)  une certaine détresse difficilement supportable. Le perçu et le non perçu, suite de photographies NB, 1973  Photographies NB argentiques et texte, 70 x 50 cm.

Suburb (Suburb of Art, Suburb Art) Jacques Lizène was born in Ougrée, an industrial suburb of Liège, in 1946. In 1974, he declared that he was from the suburb of art. The “Revolt of the Mediocre” led in 1967 by Robert Filliou, the revolt of mediocre artists who, let us be clear, very lucidly refused “to be culturally colonised by a self-designated race of specialists on painting, sculpture, poetry or music,” and who affirmed loud and clear that other creative paths were possible, by way of radical contradiction, and even at the risk of infamy. To be part of suburb art is also to dive into that banality, that despair of the world attested by the Minor Master. One year later, in 1973, Lizène and Guy Jungblut made a photographic sequence entitled Suburb Banality. Lizène was location hunting at the heart of the industrial suburb where he was born for a film that he would make two years later, the original of which is now lost, and of which there exists only a copy. In this succession of photographs we can see the long windowless walls of Ougrée, the factories and workshops, the spluttering Vespas and mopeds, the workers’ housing, the front of an electric guitar shop, the mechanical engineering school, the entrance to the clinic, the Café des Sports, the drink stand, the Cockerill works, the gates of the Splendid cinema, the Sarma department store – in a word, fragments of landscapes of an industrial suburb. Lifeless photographs, like a stage set, that of the “Suburb Civilisation,” a stage whose backstage is easy to imagine. This “backstage” was evoked by Lizène in the margins of other photographs, the frozen images of View along the Bottom of the Walls (1971), a particularly depressing film in which the camera moves along an urban space at ground level and records the bottoms of the walls, the gutters and the basement windows, the street oozing filth. Each of these photographs is annotated, and on one of them we read: “Behind any detail of the urban landscape is the presence of the tiredness of one or more individuals. And for some of them, a certain sexual deprivation to be experienced (perhaps)
Black-and-white photos, film, texts – the works answer each other as they follow on in sequence. Lizène sets out a fictive character and the backstage reality. He tells us “the history of the misery of Marc W… Factory apprentice in Ougrée” in these photographs heightened with wax, which gives them an archive-like sepia colour and a kind of ill-defined soiled quality. For an exhibition at the ICC in Antwerp, Lizène made a composition with his photographs, placing them on the edge of a bed sheet hung on the wall. This bed sheet was not very clean, greyish, adorned with a few pubic hairs and big sperm stains. Texts on loose sheets, typed on a portable Remington, completed the work and documented it: here was an anthropological journey into the heart of the suburb civilisation, its environment, and traces of solitary masturbation. Considered sexually incorrect, the work brought down the anger of the censors, and was recomposed with an Attempt to Smile by the Minor Master, loud Attempts to Laugh and a photo from the series Forcing the Body to Fit Itself into the Frame of the Photo that Lizène introduced as the portrait of a native of the suburb civilisation, a native constrained by the suburb itself.
Sex and the Multitude (1966), the crowds of anonymous AGCT Portraits (1971), the films made in the urban environment, the films made in the urban environment, life as labour camp, later, starting in 1977 the brick walls painted in faecal matter: Lizène reveals a world that is depressing in its banality, a place with no prospects, a harassed world, struggling weakly to hide its solitary and quotidian wretchedness. He pulls himself out of it by his Attempts to Laugh or Smile, his pirouettes and clowning, as in that work from 1976, a succession of collages, a survey at a factory gate in Ougrée. His plan was to ask the workers and employees leaving the factory, “Are you in favour of sacrifice and constraint and against pleasure?” Lizène accumulated photographs of trucks, of cars, of solitary workers leaving the workshops, and commented, “No answer, too fast, too far, doesn’t speak French…” “No answer, of course; it was not possible to put the question, and anyway, he wouldn’t have asked that question. We weren’t going to screw them all over again with our stupid surveys.” This Lizénian claim to be from the suburb of art was extended by the creation of the Cirque Divers, d’une certaine gaieté [Diverse/Winter Circus, of a Certain Gaiety] founded in Liège in January 1977, of which he was one of the founder members. The Circus was to be “a funnel-corridor where encounters will weld together in a drop, a stage where quotidian gestures will be theatricalised, a ring where clowns will be in and needing stitches, between Laughter and Death, a mirror reflecting our world in all its beatitude (bête attitude).” Putting itself forward as the “last representation of Suburb Art, unique and iniquitous,” animated by Michel Antaki, “he Gardener of the Universal Paradox and Lie,” this place would incontestably embody this contradicted radical proclaimed by Robert Filliou.