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Walter Swennen, So far so good, une introduction

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Introduction

À l’occasion de sa grande exposition d’automne, WIELS présente une rétrospective de l’œuvre de l’artiste belge Walter Swennen (°1946, Forest/Bruxelles). Bien que les artistes tiennent son œuvre en haute estime et que ses toiles aient intégré de multiples collections privées et tous les musées belges, Walter Swennen ne jouit pas d’une notoriété importante auprès du grand public de son pays, ni sur le plan international. Ce projet d’exposition, entamée à Culturgest Lisbonne, où le commissaire d’expositions Miguel Wandschneider suit l’œuvre de très près depuis 1995, se focalise sur ses débuts et porte une attention particulière à la période du début des années 80, lorsque Swennen a tourné la page de la poésie pour se consacrer uniquement à la peinture. Grâce à une nouvelle étude documentée, réalisée en partenariat avec le collectif (SIC), cette transition spécifique, ainsi que bon nombre d’autres éléments sont abordés dans la publication qui accompagne l’exposition.

Le titre, So Far So Good (Jusqu’ici tout va bien), fait écho à l’attitude de l’artiste qui a tendance à tout relativiser, réfractaire comme il est à toute forme de mode ou d’autorité, alors que son œuvre impressionnante et sans concession occupe une place exceptionnelle dans le paysage artistique. À travers cette exposition, WIELS souhaite attirer l’attention du public sur cette oeuvre et lui porter l’appréciation, également internationale, qu’elle mérite.

La sélection des oeuvres présentées à WIELS commence par les toiles « écrites » ou les « écrits peints » de la fin des années 70, enchaîne avec les « débuts » officiels au tournant de la décennie suivante, et s’achève par des productions récentes. Au total, la rétrospective expose environ 130 des quelque 600 tableaux qu’il a produits, et présente une section de dessins, où l’on peut admirer une sélection de ses très nombreuses oeuvres sur papier. L’exposition se concentre sur la recherche et l’expérimentation picturale constante et intransigeante que Swennen a menées des décennies durant autour des motifs, du langage et des signes, des supports, du coup de pinceau, des techniques, des formats, des sens et des significations… Le montage et l’accrochage de l’exposition suivent le mode opérationnel de l’artiste : l’association libre et l’improvisation. WIELS ne s’en tient donc pas à une présentation classique selon un ordre chronologique, les styles successifs, le contenu ou le motif, mais a développé et suivi une logique picturale qui démontre que Swennen est l’un des peintres les plus innovants du moment.

Walter Swennen

Walter Swennen se fait remarquer aux débuts des années 80 avec ses peintures peuplées de personnages de bande dessinée et de motifs simples, banals, voire « naïfs », issus de l’environnement quotidien. Il est accueilli comme l’un des nouveaux peintres vitalistes dont l’art pictural « nouveau » ou post-moderne offre une alternative au formalisme ou à la réduction contemplative. Quelques années auparavant, Swennen a cependant déjà effectué la transition de la poésie à la peinture et présenté des peintures de textes poétiques s’apparentant au rébus et autres toiles écrites. À la faveur d’images philosophiques et d’un jeu de langage, il parvient à créer un espace de liberté pour mettre à l’épreuve, interroger et traduire de façon éclectique et improvisée tous les éléments développés préalablement. Swennen se forge rapidement une certaine réputation et dès le milieu des années 80, il monte de grandes expositions, dont deux rétrospectives, au PBA à Charleroi (1991) et au M HKA à Anvers (1996). Swennen décrit sa méthode picturale comme une création à partir d’une substance imprévisible, une émulsion avec ses surprises et ses lois : … Des tableaux. Une toile ou un panneau, parfois déjà encadré, un ready-made peint, et une image. Il va de soi que cela ne doit pas forcément se dérouler dans cet ordre. Mais même de la sorte, ce n’est pas simple, car le tableau se réalise par une image encore absente qui, si elle apparaît, est dépendante de la peinture. De même qu’avec une émulsion, si l’interaction est trop brusque, cela ne génère pas d’ensemble stable. Parce que cela ne provient pas du même côté du panneau. L’image n’est pas soluble dans la peinture…
Émulsion est un mot qui englobe la nature impénétrable à la fois de la matérialité de la pratique picturale et du langage.

Dans sa recherche de la relation entre le tableau, l’image et l’abstraction, Swennen opte plutôt pour des signes, des emblèmes et des motifs directement reconnaissables, que pour des images photographiques. Après les peintures « écrites », dans lesquels le langage ou l’écriture adopte le rôle principal, avec des textes parfois raturés, il alterne sa touche « gestuelle ». D’un point de vue chronologique, on peut reconnaître différentes phases qui montrent successivement la manière dont il définit les significations lisibles comme étant futiles et tragi-comiques et poursuit sa recherche du processus imprévisible, complexe et contradictoire de la pratique picturale.

Swennen estime que c’est plutôt suite à un concours de circonstances qu’il a cessé de se considérer comme un poète pour se glisser définitivement dans la peau d’un artiste peintre. Il a toutefois suivi une formation en art graphique (gravure) et fut initié dans sa jeunesse aux techniques de l’art pictural par une connaissance de sa famille. Il a également vécu de près la reconnaissance croissante dont jouissait Marcel Broodthaers en tant que plasticien, alors qu’il avait eu le plus grand mal à exister en tant que poète. L’évolution artistique de Swennen est riche et complexe et montre les différentes étapes de son cheminement qui l’ont rendu plus libre et plus aventureux, mais qui ont aussi immanquablement remis en question son œuvre.

On peut décrire son évolution de la sorte :

Au cours de la période initiale, en 1980-1981, il pratique l’action-painting gestuelle et peint des tableaux sur lesquels il écrit des textes fragmentaires et plurilingues ou se sert de l’écriture comme d’un prétexte faisant office de manière peindre. Ensuite, il choisit d’appliquer la coïncidence et la traduction pour déterminer ses sujets. Il sélectionne ainsi ses images dans des descriptions de dictionnaires bilingues ou appelle par exemple ses enfants pour qu’ils lui donnent des instructions sur le sujet, qu’ils lui disent « quoi peindre » ; l’adage moderniste du « sujet » de la représentation.

Dès 1984, l’écriture disparaît de ses tableaux. Il applique dès lors des manifestations hétérogènes de concepts, sous forme d’images, d’emblèmes et de signes directs. À partir du milieu des années 80, les motifs de la vie quotidienne, et plus particulièrement de l’univers de vie de ses enfants, se font plus fréquents.

En 1987, pendant une brève période, il s’impose en tant qu’exercice mental des obstacles qui entravent sa pratique picturale : dans l’obscurité, il peint par-dessus certaines scènes (souvent des momento mori, comme Sirène, un crâne et une bouteille vide), parfois à deux mains, à coups de pinceau horizontaux brusques et maladroits.

En 1988, il arrive à la conclusion que le problème de la figuration et de l’abstraction est un faux problème, et qu’« un tableau est toujours une image d’un tableau ». Il se met à peindre par-dessus des segments de représentations figuratives des poutres rectangulaires fermées. Le résultat final est un palimpseste de tableaux qui se superposent, approfondissant l’adage formaliste qu’une toile est censée refléter son propre processus de création.

À partir de 1991, il applique occasionnellement des structures de grilles sur toute la largeur de l’image, aussi bien des schémas peints que trouvés, qui dévient l’attention du spectateur par leur toile de fond complexe, dont la lecture n’est plus aussi simple et requiert autant de concentration que la représentation reconnaissable au premier plan. Il redéfinit ainsi le paradigme moderniste de la surface plane par rapport à un espace perspectiviste continu, en dissociant l’arrière-plan du premier plan ou en les faisant se fondre. Il introduit une iconographie qui rend un hommage ludique aux structures constructivistes de Kazimir Malevitch, mais il se sert pour cela de motifs figuratifs ou de supports comme des couvercles carrés et blancs de lave-linge, qui sont en soi des formes radicalement abstraites d’une surface plane, mais qui se présentent sous l’aspect transformé d’un élément d’appareil ménager. Une expression célèbre de l’époque est que tout support possible est également approprié pour véhiculer d’une image, ou qu’un support ne coïncide jamais avec le tableau, ni avec l’image.

En 1997, il consacre une série d’œuvres à la très ancienne et très populaire revue de fiction des éditions catholiques pour adolescents, Vlaamse Filmkens (films flamands). Ce qui l’attire sont les idées apparentées à la liberté relative des auteurs, qui découle de leur anonymat, une caractéristique qui s’inscrit dans le sillage du déplacement de l’autorité de la fonction-auteur que Foucault décrit dans l’article célèbre Qu’est-ce qu’un auteur ? Inspiré de Victor Servranckx, Swennen réalise autour de 1998 une série d’œuvres sur lesquelles on aperçoit les empreintes circulaires de boîtes de peinture qui forment un motif géométrique de cercles à la rondeur parfaite.

Le titre de la rétrospective How to Paint a Horse en 2008 fait référence à une série de manuels pour peintres amateurs, et plus particulièrement aux leçons de peinture à l’huile de Mona Mills. La distinction entre les genres de production visuelle – sorte de formules pour la réalisation de peintures « réussies » selon la tradition de l’art dit populaire et kitsch – et le fossé par rapport à ce qui est authentique ou original, innovant et singulier, constitue un dilemme que Swennen n’a jamais hésité à affronter.

Dès 2011, on voit émerger dans ses œuvres, outre ses iconographies courantes, des dictons, des jurons ou des projets personnels, tant dans des variations typographiques que dans des langues différentes. Ainsi, il produit des idéogrammes chinois « graphiques », mais illisibles, signifiants purement plastiques, coupés de leur sens. Mais il réalise par ailleurs différentes œuvres qui font référence aux motifs grotesques et aux « surfaces » viscérales des tableaux de Philip Guston.

À aucune période, Swennen ne peint selon les styles courants ou n’aborde de sujets d’usage. Il soumet ainsi immanquablement son rôle et celui de « l’auteur », des « modes artistiques » et des « schémas attendus » par le marché et le public à une analyse lucide, mais non dénuée d’humour. Au début de sa carrière artistique, quand il s’adonne à la poésie et aux happenings, Swennen expérimente pleinement la création de textes et de métaphores associatifs, musicaux et critiques, selon les conceptions radicales de la poésie beat et des mouvements artistiques de l’époque à l’égard du langage et des imprimés. Il combine déjà l’impact moderniste de ces expériences – inspirées des improvisations, des rythmes et de la musicalité du free-jazz – avec un langage visuel profondément mélancolique et romantique qu’il puise dans sa connaissance érudite de la littérature et de l’art. C’est au cours de cette période que la paternité « automatique » ou « cachée » d’une œuvre voit le jour. Swennen est alors un promoteur enthousiaste du happening, un genre qui adopte une forme libre, permet tout et peut intégrer tous les sens et toutes les disciplines. Si sa participation à l’un des happenings de Marcel Broodthaers est très connue, les recherches menées dans le cadre de cette exposition ont révélé qu’il y en a eu bien d’autres.

Swennen adhère en effet à différents groupes plus ou moins fixes avec lesquels il exécute, outre ses œuvres poétiques, des événements provocants, ludiques et ayant pour but d’ébranler la perception de la forme et du contenu, des signes et des significations, ainsi que la communication.

Contrairement à la performance, l’artiste n’est pas la figure clé du happening, mais un exécutant qui érode, au moyen de mouvements, de fragments et motifs symboliques, la forme et la ligne narrative conventionnelle des événements actuels. Outre sa prédilection pour des associations de langage absurdes et le free-jazz, nous rencontrons ici un autre fondement de la méthode « d’improvisation-association » de Swennen. Ses études de psychologie lui ont permis de découvrir les bases théoriques supplémentaires de ses expériences destructives avec le langage, à savoir la psychanalyse qui pratique la parole libre et débridée, et plus particulièrement la pensée de Lacan sur le langage et la subjectivité. Au cours des années 70, il enseigne d’ailleurs tout un temps les idées et les théories de Freud et de Lacan à l’ERG (École de recherche graphique) à Bruxelles.

Un autre aspect de la remise en question de la fonction-auteur dans une culture de masse en développement constant se retrouve en outre dans la mise en évidence et la représentation de symboles du monde commercial et médiatique du pop art. Swennen n’y décrit pas seulement la transformation progressive en « produit » ou la marchandisation des expériences et sujets possibles, mais il révèle aussi la fonction de l’auteur dans la technique mécanique et impersonnelle. Le mouvement littéraire et expérimental du Nouveau Roman, qui explore les perspectives narratives de cette décennie, indique le climat dans lequel Swennen a entamé sa carrière d’artiste, bien avant qu’il ne devienne peintre.

Sa pensée poétique, qui prend forme au cours des années de l’œuvre « ouverte et finalisée, mais inachevée », se situe très loin de l’esthétique séduisante relative au produit que l’on retrouve dans le pop art ou le néo-pop des années 90, et son scepticisme à l’égard de « l’auteur revendiqué », auquel il préfère l’auteur anonyme ou caché, explique pourquoi son œuvre n’a rien à voir avec celle des peintres héroïques dits « nouveaux » ou « sauvages ». Swennen est un homme de l’euphémisme et de l’autodérision continuelle.

Dans cette perspective, la comparaison fréquente avec l’imprévisibilité provocante et l’hyperéclectisme de Martin Kippenberger ne tient plus, car le travail de Swennen est beaucoup moins troublant et ne s’articule nullement autour du culte de la personne et de la paternité de l’œuvre. Il se concentre plutôt sur l’aspect futile et tragi-comique de son entreprise, et de l’illusion de la forme et du sens. Swennen se rapproche plus d’un artiste comme René Daniëls, de son langage visuel associatif poétique et de ses allusions aux analyses conceptuelles de la peinture. Daniëls est un artiste qui, au-delà d’un développement pictural inventif, provocateur, non conventionnel et à contre-courant, travaille à partir d’une pensée poétique, et souvent avec une sérieuse dose d’humour noir. Swennen ne nie pas le dilemme, il l’aborde plutôt de manière frontale et consciente, par un processus ludique. Au fil des années, on peut considérer son exploration de la possible liberté et résistance inhérente à l’art pictural comme une succession « d’accidents » (comme il les appelle). Son attitude et sa pratique sont inconciliables avec une « formule personnelle » moderniste par son imprévisibilité, sa singularité et sa résistance au succès et à la marchandisation de son approche. C’est précisément ce qui fait de Swennen l’un des exemples les plus respectés des jeunes artistes.

Dirk Snauwaert

Biographie
Walter Swennen (°1946 Forest/Bruxelles) vit et travaille à Bruxelles.
Bien qu’il soit né dans une famille néerlandophone à Forest, derrière la prison comme il dit, à l’âge de cinq ans, l’éducation de Swennen se poursuit abruptement en français. Il n’est donc pas étonnant qu’il considère toute intervention artistique comme un acte de traduction. Après des études à l’académie des beauxarts (gravure), il suit brièvement une formation en philosophie pour ensuite entreprendre des études universitaires de psychologie, qu’il couronne par un doctorat. Dès le milieu des années 60, Swennen s’implique activement dans différents collectifs alternatifs, à tendance interdisciplinaire littéraire et artistique. Il enseigne la psychanalyse à l’ERG à Bruxelles. Vers 1980, il décide d’abandonner la « poésie nostalgique » pour se consacrer à la peinture, une transition qui prend une tournure définitive en 1981. Swennen a vécu et travaillé alternativement à Bruxelles et à Anvers (de 1994 à 2009). En 2010, il s’est réinstallé à Bruxelles. Au cours des dernières années, il a présenté les expositions personnelles, entre autres : Continuer à Culturgest Lisbonne (2013), au Kunstverein Freiburg (2012), How To Paint A Horse au Cultuurcentrum Strombeek & De Garage, Malines (2008), M HKA, Anvers (1994), Palais des Beaux-Arts de Charleroi (1991) et Palais des Beaux-Arts/Paleis voor Schone Kunsten, Bruxelles (1986). Parmi les nombreuses expositions de groups, on peut citer : Idiolect, Poëzie in Dubbeltijd, Arentshuis Brugge (2009), La Belgique Visionnaire/Visionair België (montée par Harald Szeemann, Palais des Beaux-Arts/Paleis voor Schone Kunsten, Bruxelles, 2005), Voir en Peinture (Frac Île-de-France/Le Plateau, Paris, 2003), La Consolation (Centre National d’Art Contemporain, Le Magasin, Grenoble, 1999) e Trouble Spot Painting (Anvers, 1999).

Notes biographiques

1946 — Né le 27 février à Bruxelles, derrière la prison de Forest, le second de six enfants. À partir de l’âge de cinq ans, est soudainement, et exclusivement, éduqué en français, alors que sa langue maternelle est le néerlandais. 1953-1954—Lecteur passionné du Journal de Mickey, de Tintin et de Spirou. Il apprend à dessiner en recopiant ces bandes dessinées. Système D et Mécanique Populaire, les revues de bricolage de son père, ingénieur et enseignant spécialisé en climatisation et chauffage, marquent également cette période.

1958 — Découvre la spectaculaire machine à faire des vagues du pavillon hollandais à Expo 58, l’exposition universelle de Bruxelles. Inspiré par le Kon-Tiki de Thor Heyerdahl, il construit un petit radeau avec des allumettes. Il revisitera ce motif à plusieurs reprises dans ses tableaux du début des années 1980.

1959 — Reçoit un exemplaire d’un recueil de poèmes de Paul van Ostaijen qui appartenait à son grand-père.

1960 — Alors qu’il poursuit sa scolarité au Collège Saint-Louis de Bruxelles, il suit des cours de peinture à l’instigation de sa mère. Les premières personnalités marquantes : son grand-oncle maternel, le peintre romantique Gaston Wallaert, ainsi que le peintre expressionniste français Bernard Buffet. La lecture de L’Homme révolté d’Albert Camus lui attire des ennuis à l’école.

1961 — Achète son premier disque de jazz, Coltrane Jazz, album du saxophoniste John Coltrane sorti cette année-là. Il développe un intérêt pour les improvisations, moins mystiques et plus libres, d’Ornette Coleman.

1962 — Lit Traité du désespoir de Søren Kierkegaard.

1964-1965 — S’inscrit en philosophie aux Facultés Saint-Louis à Bruxelles. Il arrête au bout d’une année et s’initie aux techniques de la gravure à l’Académie Royale des Beaux-Arts de la même ville. Une exposition marquante : ART: U.S.A: Now, tenue au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (PBA) où il voit des tableaux de Jim Dine et de Hans Hoffmann.

1965 — Découvre la poésie de la Beat Generation grâce à la publication récente d’une anthologie traduite par Jean-Jacques Lebel. Il commence à écrire de la poésie et donne des lectures publiques. Rencontre Marcel Broodthaers en avril lors de l’inauguration de son exposition Objets de Broodthaers à la Galerie d’Aujourd’hui, située au PBA. Il publie « Ballade Pop », un poème dédié à Broodthaers, dans le numéro de décembre de la revue littéraire Phantomas. 1966—Lit Manifeste Dada de Tristan Tzara, cette lecture marque le début d’une période d’actions et de collaborations éphémères qui durera trois ans. Il rejoint L’Entonnoir, un collectif, fondé sous l’égide de Pierre Goffin, qui rassemble essentiellement des peintres. Il organise un happening au club de jazz de Namur et participe le 8 décembre à Au pied de la lettre, un happening organisé et hébergé par Broodthaers, rue de la Pépinière à Bruxelles, et axé sur les écueils de la communication poétique.

1967 — Devient candidat en psychologie à l’Université catholique de Louvain (UCL). Il organise des happenings politisés en marge du campus. Il publie un poème mettant en miroir ses propres vers et dédié à Michelangelo Pistoletto dans Total’s, une revue dirigée par Jacques Charlier et publiée à Liège. Ce sera la dernière de ses trois contributions à celle-ci.

1968 — Le 28 mai, participe à l’occupation du PBA. Se désintéresse de l’art visuel et prend distance par rapport aux « facilités » de l’art conceptuel. Il forme le groupe Accuse, aussi actif qu’éphémère, avec Brigitte Baptista, Umberto Beni, Francine Lichtert et Jean Toche. Installé à Bruxelles, le collectif publie une traduction française de Paradise Now, la pièce controversée de Julian Beck du Living Theatre, ainsi que le premier et unique numéro de leur magazine éponyme, Accuse, qui comprend un manifeste sur les happenings écrit par Swennen. Le 21 novembre, le happening MultiFLUX se tient à Bruxelles, rue du Cirque, dans un magasin de matériel électrique désaffecté appartenant à César Putzeys. Robert De Boeck accueille la foule en tirant sur des bouteilles vides au-dessus de leurs têtes avec une carabine.

1969 — Dans un esprit proche du Mail Art, il réalise une enveloppe portant la mention open brief [lettre ouverte] contenant des petits bouts de papier, une cordelette nouée et un morceau de plastique entouré d’un élastique. Cette lettre fait partie intégrante d’un ouvrage collectif publié par Beni, ces éléments discrets et énigmatiques tranchent par rapport à la rhétorique accusatoire de la lettre, intégrée là par Toche, dirigée contre l’usage de la langue française caractérisant l’aristocratie. À la même période, Broodthaers mentionne Swennen comme une référence importante, aux côtés de Jean-Michel Vlaeminck et de Jacques Lacan, dans une lettre ouverte datée du 2 décembre 1969 écrite à l’occasion de son Exposition littéraire autour de Mallarmé tenue à la galerie Wide White Space à Anvers.

1970 — Réalise à l’invitation de Jacques Charlier la séquence d’ouverture d’un film sans titre qui sera projeté lors de la Biennale de Paris de 1971, et auquel ont contribué Charlier, Leo Josefstein, Bernd Lohaus, Guy Mees et Panamarenko. Swennen s’adresse directement au spectateur afin de démontrer la dimension erratique de la traduction et de la transmission des mots et des images. S’ensuit une décennie sans activité artistique (publique).

1972 — Assiste à la conférence que donne Lacan à l’UCL. Privilégie l’interprétation que fait Lacan de la règle fondamentale de Freud — « dire ce qui passe par la tête sans avoir peur de dire n’importe quoi » — comme moyen de déjouer le contrôle de soi. Il fait la connaissance de Nan Truyens, alors étudiante en psychologie à l’Université libre de Bruxelles (ULB), qui sera sa compagne jusqu’à sa mort en 2008.

1973 — Achève son mémoire de licence, soutenu et dirigé par Jacques Schotte, et obtient son diplôme en psychologie. Il mène une vie nomade, déménageant souvent. Il traverse des périodes de dépression sévère. On sait peu de choses sur les années qui suivent.

1977 — Remplace Alfredo Zenoni, à l’invitation de ce dernier, en tant que professeur de psychanalyse à l’École de Recherche Graphique (ERG) en juin. Donne cours deux fois par semaine. Naissance d’Els Swennen, sa première fille.

1979 — Occupe à Bruxelles un atelier dans un bâtiment industriel désaffecté situé au 48 quai du Commerce, avec Marianne Berenhaut, Jean-Pierre Jacquemin, Liliane Liesens, François et Marianne Maréchal ainsi que Bernard Villers. Il découvre et apprécie les tableaux africains appartenant à Jacquemin, notamment deux oeuvres de Moke, le peintre congolais de la vie moderne, ainsi que plusieurs peintures représentant Mami Wata, la déesse sirène portant des montres sur les bras. Naissance de Julie Swennen, sa deuxième fille.

1980 — Reprend son activité artistique en acceptant, sur un coup de tête, de combler un trou dans la programmation de la galerie de l’ERG alors récemment ouverte. Rétrospectivement, il considère cette exposition comme une liquidation de ses activités précédentes de poète et d’écrivain. Il publie un petit livre intitulé Roman. 1866-1980 dans lequel il compile ses notes prises durant les années 1970. Il commence à réaliser des dessins et des peintures de grandes dimensions, à prédominance monochrome, sur de longues bandes de papier. Il expose un portrait de van Ostaijen à l’occasion d’Occupations, une exposition collective initiée par Villers et présentée dans leurs ateliers et espaces de vie communs.

1981 — Est sélectionné pour le Prix perspectives 81, un concours national dédié aux peintres émergents organisé par le PBA. Il y expose les oeuvres sur papier commencées une année auparavant, recouvertes d’inscriptions peintes et de motifs métaphoriques. Ces oeuvres sont nonencadrées mais accrochées au mur de façon « traditionnelle ». Patrick Verelst, galeriste basé à Anvers représentant, entre autres, Julian Schnabel, offre à Swennen sa première exposition solo dans une galerie commerciale. Il poursuit sa série de peintures sur papier composées de mots peints, effacés de manière expressive, recouvrant la « page » ou annotant un motif central. Ces oeuvres contiennent des dédicaces à Heinrich Heine, Louis Artan et Gregory Corso.

1982 — Est invité à participer à deux importantes expositions de groupe consacrées à la peinture contemporaine en Belgique : La Magie de l’image, au PBA, et Le Désir pictural, à la Galerie Isy Brachot à Bruxelles. Il combine l’action painting à une multiplicité de langages simplifiés, « soit en écrivant directement sur le tableau soit en utilisant l’écriture comme prétexte pour peindre », selon l’artiste. Il s’en remet au hasard pour le choix de ses sujets : il trouve ses images dans les descriptions de dictionnaires bilingues (pour ne mentionner qu’une de ses sources d’inspiration régulière) et il lui arrive de téléphoner à ses filles pour qu’elles lui donnent des instructions quant à ce qu’il doit peindre.

1983 — Découvre via ses filles la bande dessinée Suske en Wiske [Bob et Bobette]. Il conçoit une intervention double inspirée de Het Spaanse Spook [Le Fantôme espagnol] de Willy Vandersteen (1974) pour l’exposition Speelhoven 83 organisée par Vincent Halflants et Leen Lybeer dans leur ferme du XVIe siècle. Il rencontre Micheline Szwajcer à Art Basel et accepte son invitation à présenter à Anvers une exposition solo dans sa galerie au printemps 1984.

1984 — Déménage à Anvers et loue un atelier sur Magdalenastraat. Exposition solo au Vereniging voor het Museum van Hedendaagse Kunst à Gand. Réalise une interview approfondie avec Flor Bex pour Artefactum, revue éditée par ce dernier. L’écriture semble disparaître de ses tableaux, le langage semble devenir plus méconnaissable et « hétérogène » en prenant la forme d’images.

1985 — Commence à écrire des courts textes auto-réflexifs pour des catalogues d’exposition sous le pseudonyme Eva Grabbe, en référence au dramaturge allemand du XIXe siècle Christian Dietrich Grabbe. Première exposition (en duo) avec Mark Luyten à la Galerie van Krimpen, à Amsterdam. La critique Anna Tilroe oppose la touche lisse et la palette douce de Swennen au « désordre railleur » de Walter Dahn, une opposition qui sera récurrente dans la presse néerlandaise. Il redécouvre à la même période le travail de Philip Guston. Sa vie quotidienne, notamment la présence de ses enfants, influence de plus en plus son oeuvre.

1986 — C’est l’année de ses 40 ans. Il décide de prendre une fois pour toute ses distances avec la nostalgie qui imprègne ses premières oeuvres et qui, dans l’expérience qu’en fait Swennen, est directement liée à la poésie. Première exposition solo dans une institution publique, au PBA, intégrée dans une série d’expositions organisée par Karel Geirlandt incluant également cinq artistes plus âgés. Les critiques décrivent Swennen comme « l’anti-peintre » de la bande, voire « l’anti-héros de la peinture ». Le curateur néerlandais Gosse W. Oosterhof l’invite à participer à l’exposition collective séminale Initiatief ’86, organisée à l’abbaye Saint-Pierre de Gand. La Communauté flamande se met à acquérir ses oeuvres au cours des cinq années suivantes. Il arrête d’enseigner.

1987 — Pendant une brève période, il s’impose des « contraintes picturales » comme une sorte de gymnastique mentale. Il recouvre certaines représentations (des memento mori tels que la sirène, le crâne et la bouteille vide) de coups de pinceaux épais, anguleux, appliqués dans le noir, en utilisant ses deux mains, selon une technique inspirée par Filip Francis qui avait récemment visité son atelier. Deux tableaux sont notamment réalisés en dix gestes calculés car la soeur de Swennen, une danseuse professionnelle, lui avait expliqué que les danseurs ne pensent pas : ils comptent.

1988 — S’installe dans une maison située sur Brialmontlei, à proximité du parc municipal d’Anvers. La radio-télévision belge flamande (BRT) produit un documentaire sur Swennen, réalisé par Karel Schoetens. Wim Van Mulders, critique, interviewe l’artiste pendant qu’ils visitent le zoo d’Anvers et la gare de Berchem — ses endroits préférés — ainsi que son exposition solo à la Galerie van Krimpen. Pour la première fois, Swennen présente des tableaux abstraits, ayant récemment affirmé que le problème de la figuration et de l’abstraction était un faux problème : « une peinture est toujours l’image d’une peinture ». Il commence peu après à couvrir la partie figurative de barres rectangulaires, articulant ainsi formellement sa conception de la peinture comme « une succession de hasards » : le peintre trouve, commence, ajoute, échoue, corrige et continue — le plus difficile étant de savoir à quel moment s’arrêter.

1989 — Pour l’exposition Noise – Fenêtres en vues dirigée par Daniel Dutrieux au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Liège, il conçoit une rétrospective abrégée. Il réalise un compendium de son vocabulaire artistique sous la forme de huit peintures sur verre, chacune marquée d’un motif représentant une année de production, entre 1980 et 1988, le premier étant une souris.

1990 — S’installe dans une maison sur Sint-Hubertusstraat à Anvers. Participe à l’exposition collective Artisti (della Fiandra)/Artists (from Flanders) organisée au Palazzo Sagredo dans le cadre du programme off de la 44e Biennale de Venise. Swennen, alors âgé de quarante-cinq ans, est le seul peintre parmi des artistes plus jeunes. Première édition chez Marc Poirier dit Caulier.

1991 — Déménage dans un nouvel atelier au-dessus de L’Entrepôt du Congo, un bar d’artistes situé dans le quartier sud d’Anvers. Après une décennie passée à peindre, il présente sa seconde exposition solo dans une institution publique au Palais des Beaux-Arts de Charleroi, une exposition montée par son directeur, Laurent Busine, lequel soutient Swennen depuis longtemps. La critique regroupe ses travaux récents dans la catégorie du « post-Pop Art » et met à son crédit une impulsion heureuse à simplifier la peinture. Il introduit parfois une structure grillagée all-over, peinte ou ready-made, détournant l’attention du spectateur de la scène, de telle sorte que la complexité de l’arrière-plan, a priori non-reconnaissable, requiert autant d’attention que la figure, souvent familière, se situant en avant-plan.

1992 — Exposition solo à la galerie Nicole Klagsbrun à New York. Une rétrospective importante de René Magritte se tient au même moment au Metropolitan Museum of Art, ce qui conduit la critique à comparer les artistes. Pour Swennen, son intérêt se limite uniquement à la dite « période vache » de Magritte.

1993 — Au début des années 1990, il élabore au fil d’interviews un cadre de référence lui permettant de penser la peinture. Il se sent plus proche des « toiles fermées » de Willem De Kooning que des espaces picturaux ouverts de Jackson Pollock. En d’autres termes, comme chez Le Titien : « rien ne doit s’échapper de la peinture ». Il considère la peinture à la fois comme une « émulsion », alliant des éléments divers qui restent distincts, et comme « una cosa mentale » (Léonard de Vinci), ceci rendant tout discours au sujet de la peinture complexe et approximatif.

1994 — Première rétrospective de Swennen au MUHKA à Anvers, organisée par Liliane Dewachter. C’est la première exposition solo consacrée à un peintre depuis l’ouverture du musée en 1987. Eva Grabbe cesse d’écrire des textes pour des catalogues d’exposition. Voit l’exposition de Sigmar Polke au Carré d’art-Musée d’art contemporain de Nîmes. Il se plonge dans l’oeuvre, dense, de Spinoza.

1995 — Sa dernière exposition solo à la Galerie Micheline Szwajcer est marquée par des prises de position politique, perceptibles à la fois sur la toile et quant aux choix des supports. Il récupère des matériaux usagés, employés par les immigrants et les indigents pour construire leur propre habitat — sorte de rappel de ce qu’était le quartier sud autrefois, avant que le monde de l’art ne s’y installe.

1996 — Première exposition solo à la Galerie Cyan à Liège, aujourd’hui Galerie Nadja Vilenne qui représente Swennen depuis lors. Explore différentes possibilités de rendre hommage à Kasimir Malevitch aujourd’hui — soit par le biais de la figuration, soit en peignant sur les carrés blancs recouvrant les cuisinières, constituant en soi des formes radicalement abstraites déguisées en appareils domestiques. Considère que tout support est susceptible, de manière équivalente, de recevoir une image.

1997 — Après que le critique et commissaire d’exposition Hans Theys lui en ait amené une pile, il consacre une série de tableaux à Vlaamse Filmkens, un périodique populaire destiné à la jeunesse (catholique), publié depuis les années 1930. Il y apprécie particulièrement les aventures du Capitaine Caras et de son ennemi juré, le Capitaine Detzler, ainsi que l’anonymat et la liberté créatrice d’auteurs qui sont souvent en début de carrière et écrivent sous pseudonyme.

1998 — Après avoir réalisé deux oeuvres dédiées à Victor Servranckx, il réalise une série de toiles en traçant les contours circulaires de divers objets trouvés, ceci produisant une tension entre la forme géométrique et l’inaptitude de la main humaine et du médium pictural à la représenter parfaitement.

1999 — Orchestre une petite mise-en-scène pour Marie-Puck Broodthaers à Bruxelles : il présente deux peintures sur des chevalets installés derrière une vitrine, dont l’une représente un couple dansant formé par une moule et une frite, clin d’oeil au père décédé de la galeriste. L’exposition étant située dans un espace de petite dimension nommé Hyperspace, les spectateurs n’étaient admis qu’un à la fois, invités à s’asseoir dans un fauteuil et à regarder un troisième tableau installé contre un rideau couleur pourpre.

2001 — Participe à l’exposition collective Ici & maintenant organisée par Laurent Jacob dans les anciens entrepôts royaux Tour & Taxis, à Bruxelles. Alors que le projet initial prévoit d’accueillir cent artistes pendant cent jours, Swennen finit par travailler seul sur le site. Il plante une tente et profite de l’espace dont il dispose pour créer des oeuvres de plus grand format. Le public ne put observer que les traces de son activité récente.

2002 — En lieu et place de la discussion informelle initialement annoncée sous le titre Afin de ne pas interrompre son travail, il avait l‘habitude de manger à la table de travail/Questions de méthode, Swennen présente le 17 mai une vidéo de son atelier réalisée par ses soins dans le cadre des Soirées du NICC organisées par Koen Theys au café Greenwich, à Bruxelles.

2003 — Il reçoit le prix artistique annuel décerné par la Communauté flamande. 2005—Pour l’exposition La Belgique visionnaire – C‘est arrivé près de chez nous au PBA, initiée par Harald Szeemann, un tableau figurant un crâne et un entonnoir — ce dernier étant un des signes conventionnels symbolisant le fou — est inséré dans une narration pour ainsi dire autodépréciative faisant allusion à la personnalité double de la Belgique

2006 — Entame une collaboration avec la galerie Nicolas Krupp à Bâle. À Anvers, il réalise un tableau et un collage pour l’exposition collective Mute, tenue dans le cadre de 01.10, une série d’événements organisés en réaction à l’augmentation inquiétante du nombre de votes pour le parti nationaliste flamand, Vlaams Belang.

2007 — Reçoit le prix de la meilleure exposition nationale décerné par La Fondation pour les Arts de Bruxelles pour son exposition solo à la Galerie Nadja Vilenne à Liège. Il utilise le temps qui lui est imparti sur la radio culturelle flamande Klara pour défendre l’emploi d’un vocabulaire nuancé pour penser et parler au sujet de la peinture, pas uniquement en tant que produit fini. Il réagit à certains clichés émis au sujet de son travail en rejetant l’impulsion poétique qu’on lui prête et en réaffirmant sa défiance à l’égard du langage.

2008 — Plusieurs expositions produites dans diverses galeries créent une certaine attente pour son exposition solo How to Paint a Horse, se tenant entre De Garage à Malines et CC Strombeek à Grimbergen. Ce n’est pas une rétrospective mais une large sélection de tableaux accompagnée par un catalogue intégrant un inventaire étendu de ses oeuvres réalisées jusqu’à cette date. Le titre de l’exposition fait référence à une série de « manuels d’apprentissage » destinés aux peintres amateurs, plus particulièrement Painting Lessons in Oil de Mona Mills. C’est également une référence implicite aux deux questions principales qui sous-tendent son travail depuis presque trois décennies, et auxquelles il a proposé des réponses variées au fil de son évolution artistique : que peindre ? Et comment ?

2009 — Sa deuxième exposition solo à la galerie Nicolas Krupp suscite l’attention de la presse artistique internationale. Inévitablement se pose la question de savoir pourquoi l’oeuvre de Swennen n’a jamais été présentée au niveau international, ce d’autant qu’avec le recul « son style néo-expressionniste, très singulier, semble plus proche de celui des artistes new-yorkais de cette époque que de celui de ses pairs européens » (Quinn Latimer).

2010 — Il quitte Anvers pour Bruxelles le 1er décembre, deux ans après le décès de son épouse.

2011 — Il présente sa première exposition solo dans une institution hors-Benelux au Kunstverein de Freiburg où près de trente tableaux anciens et récents sont exposés. Le texte, ou du moins l’écriture est ramenée au premier plan, la plupart des oeuvres comprenant des slogans humoristiques, des jurons ou des dédicaces personnelles sous diverses formes typographiques et linguistiques. Il publie I Am Afraid I Told a Lie chez Gevaert Éditions cartographiant littéralement, bien que partiellement, ses innombrables notes et dessins pris au fil des ans.

2013 – Ouverture de Continuer à Culturgest, Lisbonne, à ce jour sa plus grande exposition solo à l’étranger. À travers une sélection des tableaux réalisés au cours des seize dernières années, Miguel Wandschneider, commissaire de l’exposition, cherche à souligner « la conscience toujours plus aiguë qu’a Swennen des problèmes propres de la peinture ». À l’occasion de la rétrospective présentée au WIELS, une liste détaillée de ses oeuvres, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, est établie. Confronté au fait qu’il a peint plus de six cents tableaux, Swennen conclut qu’il n’a pas été assez productif sur une base annuelle — du moins comparé à Picasso.

Établi par Caroline Dumalin en étroite concertation avec Walter Swennen.

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Agenda octobre 2013

Events :

– 8 octobre à 19 h : Marcel Broodthaers, projection. Films de Marcel Broodthaers projetés en 16 mm, présentés par Maria Gilissen et Jacques Charlier. Académie Royale des Beaux-Arts de la Ville de Liège
– 18 octobre à 19 h : Emilio Lopez Menchero, André Cadere. Conversation avec Jean-Michel Botquin et Jacques Charlier, Space Collection, Liège

Expositions :

– A la galerie : Repeat / repaet. Exposition de groupe, accessible sur RV.

Olivier Foulon
– Wien (AT), curated by_vienna, Krinzinger Projekte, curated by Antony Hudek, jusqu’au 21 décembre

Jacques Halbert
– Paris (F), Grigri fétiches, Atelier des Vertus, du 26 sept au 13 oct

Honoré d’O
– Kortrijk, Kleurrijke Grisailles, Broelmuseum, 3 octobre – 8 décembre

Eleni Kamma
– Thessaloniki (Gr), The Mediterranean experience: The Mediterranean as a spatial paradigm for circulation of ideas and meaning, Macedonian Museum of Contemporary Art, 16 sept-31 dec.

Suchan Kinoshita
– Moscou (Ru), « More light », 5e Biennale de Moscou, 20 sept – 20 oct.

Aglaia Konrad
– Metz (F), Centre Pompidou, Vues d’en haut, jusqu’au 7 octobre.
– Istanbul (Tu), Şen Bilge, Kadir Has Üniversitesi, Cibali, 14 sept – 20 oct.
– Aalst (B), Netwerk, Diffractions of Destroyed Design, 15 sept – 17 nov.

Sophie Langohr
– Douai (F), Hybride, Ancien Hôpital général, 14 sept – 6 oct
– Geel (B), Middle Gate Geel, Halle et autres lieux, 29 sept – 22 dec (curator Jan Hoet)

Emilio Lopez Menchero
– Liège, Qui barre démarre, Space, En Féronstrée, 19 sept – 19 oct

Benjamin Monti
– Liège (B), Anonymes ? Gravures anciennes réinterprétées par Benjamin Monti, Université de Liège, galerie Wittert, du 28 sept au 25 jan 2014.
– Carjac (F), Centre Georges Pompidou, Alternatives, Bandes dessinées contemporaines, 22 sept – 17 novembre
– Paris (F), Rivoli 59, Bis + 3, du 15 au 27 octobre

Pol Pierart
– Montbéliard (F), Trois fois rien, le 19, CRAC Montbéliard, du 14 sept. au 24 nov. 2013

Eran Schaerf
– Berlin (D), Akademie des Kunst, Disorder of appearence (solo), du 21 sept. au 3 nov.

Walter Swennen
– Bruxelles, So far, so good, Wiels, du 5 octobre au 26 janvier 2014
– Wien (AT), curated by_vienna, Galerie nächst St. Stephan Rosemarie Schwarzwälder, Curated by Miguel Wandschneider. Jusqu’au 14 nov.

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Walter Swennen, So far so good, Wiels Centre d’art contemporain, Bruxelles, 5 oct 2013 / 26 jan 2014

Walter Swennen

Walter Swennen, Konijn & canard, 2001.Oil on canvas. Cera Collection/M-Museum, Leuven.

Télécharger le dépliant : WS-flyer

FR
WIELS consacre, en partenariat avec Culturgest Lisbonne, une exposition rétrospective à l’oeuvre trop peu connue de l’artiste belge Walter Swennen, qui comporte plus de 120 peintures et une sélection de son énorme production de dessins. Elle s’articule autour de l’évolution de sa pratique à partir des années 80, lorsque Swennen décide d’abandonner la poésie « nostalgique » pour résolument s’adonner à la peinture. Si l’on met en regard les jeux de mots monochromes de ses débuts, qui ressemblent à des rébus, et ses récentes énigmes visuelles et questions ludiques à propos de la relation figure et fond, de la manière de peindre ou du support, Swennen se révèle un artiste particulièrement cohérent et sans concession. Peu enclin à suivre des modes et des styles, il adopte une approche non conventionnelle et conceptuelle de l’art pictural, dans laquelle des souvenirs littéraires et inspirés de l’histoire de l’art apparaissent côte à côte avec ses doutes, son autodérision et des thèmes quotidiens ou triviaux. Qu’il s’agisse d’images teintées d’humour de sa période Pop précoce, ou des peintures mélancoliques et tragicomiques plus tardives, il discrédite avec un humour désarmant des illusions ou conventions tenaces, motivé par l’envie de déplacer à nouveau les frontières du jeu visuel et celles de la peinture.

NL
WIELS wijdt, in samenwerking met Culturgest Lissabon, een overzichtstentoonstelling aan het onderbelichte oeuvre van de Belgische kunstenaar Walter Swennen. Dit overzicht omvat ruim 120 schilderijen en een selectie uit zijn enorme productie van tekeningen. Centraal staat zijn schilderkunstige ontwikkeling vanaf 1980, toen Swennen besloot om de ‘nostalgische’ poëzie achter zich te laten en resoluut schilder te worden. Als we zijn vroege monochrome rebusachtige woordspelletjes naast zijn recente visuele raadsels en speelse vraagstukken over figuur-achtergrond, schilderwijze of drager plaatsen, blijkt wat voor een consequente en compromisloze kunstenaar Swennen is. Wars van modes en stijlen hanteert hij een onconventionele en conceptuele benadering van de schilderkunst, waar herinneringen aan de literatuur en de kunstgeschiedenis zij aan zij verschijnen met zelfrelativerende twijfels en dagdagelijkse of triviale thema’s. Of het nu gaat om de beeldhumor uit zijn vroege Pop-periode of de melancho- lische en tragikomische schilderijen van nadien: met een ontwapenende humor doorprikt hij hardnekkige illusies en conventies, vanuit de drang om telkens opnieuw het visuele spelplezier, zijn grenzen en die van de schilderkunst te verleggen.

EN
WIELS presents, in collaboration with Culturgest Lisbon, a retrospective exhibition of the work, still relatively unknown to the wider public, of Belgian artist Walter Swennen (b. 1946). The exhibition, which includes over 120 works, as well as a selection of his drawings, revolves around the evolution of his painting since the 1980s, when he abandoned ‘nostalgic’ poetry to devote himself squarely to painting. When we see his early monochrome wordplays, which resemble riddles, paired with the recent visual enigmas and playful questions about figure & ground, the support and how to paint, Swennen appears as a singularly coherent and uncompromising artist. Never very inclined to follow fads or styles, he adopts an unconventional and conceptual approach to pictorial art, one in which literary recollections and art-historical citations appear suffused with his doubts and self-deprecation, as well as with everyday and trivial themes. Whether in the playfully amusing images of his early Pop days or in the melancholic or tragicomical ones of his late period, Swennen, with disarming sense of humour, debunks illusions and deepseated conventions in his efforts to constantly displace the borders of painting and visual play. Curator: Dirk Snauwaert

Programme d’accompagnement :

– Conférences / visite de l’exposition :
09.10.2013, 19:00 Dirk Snauwaert (en)
16.10.2013, 19:00 Wim Van Mulders (nl)
13.11.2013, 19:00 Vincent Geyskens (nl)
27.11.2013, 19:00 Caroline Dumalin (en)
18.12.2013, 19:00 Laurent Busine (fr)

– Special presentations
06.11.2013, 19:00 Miguel Wandschneider (en) Lezing Conférence Lecture
11.12.2013, 19:00 Bart Verschaffel (en) Lezing Conférence Lecture
12.01.2014, 16:00 Walter Swennen / Olivier Foulon (fr) Gesprek Conversation
26.01.2014 Finissage Film screenings + presentatie(-ion) Raphael Pirenne (sic)

The exhibition will be accompanied by a major publication, produced by WIELS in collaboration with (sic).

05.10.2013 – 26.01.2014
Centrum voor Hedendaagse Kunst / Centre d’Art Contemporain / Contemporary Art Centre
Avenue Van Volxemlaan 354
1190 Brussel / Bruxelles
T +32 (0)2 340 00 53
Open / Ouvert
Woe – zo mer – dim
Wed – Sun 11:00 – 18:00

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Sophie Langohr, Jacques Charlier, Middle Gate Geel 2013, curator Jan Hoet

Sophie Langohr et Jacques Charlier participent à l’exposition Middle Gate Geel ’13 conçue par Jan Hoet.Cette exposition se concentre sur trois grandes catégories: le mythe, la psychiatrie et l’art. Plus concrètement, elle veut examiner l’interaction et l’influence mutuelle entre l’art mythique ou l’art plutôt religieuse, l’art brut et l’art moderne/contemporain. Il ne s’agit pas de distinguer leurs différences, mais d’accentuer leurs ouvertures et donc leurs liaisons, leurs affinités et leurs parallèles. En connectant le mythe, la psychiatrie et l’art, l’exposition veut créer un espace mental dans lequel peuvent surgir des idées autour de la présupposition de ce qui constitue l’art.
Par son contexte historique et contemporain, la ville de Geel fournit une dimension supplémentaire à l’exposition, vu qu’il s’agit d’un endroit unique au monde en ce qui concerne les soins psychiatriques et plus particulièrement les soins psychiatriques familiaux. Les patients du Centre de soin familial en psychiatrie sont en fait depuis des siècles placés dans des familles d’accueil et ainsi intégrés dans la société. Le dialogue entre les patients et les non-patients s’y trouve au premier plan. L’exposition épuisera pleinement ce contexte et vise à continuer, soutenir et intensifier ce dialogue.

Middle Gate Geel

Van 29 september tot en met 22 december loopt op drie locaties in de Kempense stad Geel Middle Gate Geel ’13, een groepstentoonstelling die focust op drie componenten, met name mythe, psychiatrie en kunst. De Vlaamse kunstkenner Jan Hoet is curator van dit project.

Bezoekers krijgen in de Halle, Gasthuismuseum Geel en Kunsthuis Yellow Art werk te zien van lokale kunstenaars. Middle Gate Geel ’13 onderzoekt de kloof, de parallellen en het spanningsveld tussen kunst en outsiderart, waarbij de ultieme vrijheid en het gebrek hieraan een grote rol spelen.

Geel ’13 concentreert zich op drie grote categorieën: mythe, psychiatrie en kunst. Meer specifiek onderzoekt ze de wisselwerking en wederzijdse beïnvloeding tussen mythische of meer religieuze kunst, outsider- en insiderkunst kunst. Niet zozeer verschillen staan daarbij centraal, als wel openingen en dus verbindingen, affiniteiten en parallellen tussen deze drie fenomenen. Door mythe, psychiatrie en kunst met elkaar in relatie te brengen, tracht de tentoonstelling een mentale ruimte en dialoog te creëren waarbinnen inzichten kunnen ontstaan over de veronderstelling van wat kunst is.

Jan Hoet, geboren in Leuven in 1936, groeide op in Geel. Zijn vader was er psychiater-neuroloog, verbonden aan het Openbaar Psychiatrisch Zorgcentrum. Het huis waar de familie woonde is nu omgevormd tot het kunsthuis Yellow Art, waar Jan Hoet peter van is. De nu 75-jarige ‘kunstpaus’, ooit stichter en bezieler van het SMAK in Gent, curator van document IX in Kassel en ondermeer artistiek leider van MARTa in het Duitse Herford, werd in de adelstand verheven. Ridder Jan Hoet werd ook meermaals onderscheiden. Zo kreeg hij in 2009 het Verdienstkreuz 1 Klasse der Bundesrepublik Deutschland en een jaar later de Prijs van de Vlaamse Gemeenschap voor Algemene Culturele Verdienste. Dit jaar werd hij ook benoemd tot Ereburger van de stad Geel.

Sophie Langohr

Sophie Langohr
Vierge polychrome conservée au Grand Curtius de Liège, nouveau visage à partir de Raquel Zimmerman pour Shiseido de la série New Faces 2011-2012, photographies couleurs marouflée sur aluminium, (2) x 50 x 40 cm

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Emilio Lopez-Menchero, qui barre démarre (3)

Emilio Lopez Menchero, The pipe

2. The Pipe, 2010. Vidéo HD, son, couleurs. 8 min 26

Men at work. Douze hommes sur un chantier, portant à l’épaule un tube de polyéthylène gris, long d’une douzaine de mètres. L’image resurgit dans l’esprit d’Emilio López-Menchero tandis qu’il prépare la performance que lui a commandité Art Brussels pour son édition 2010. Et très vite une idée s’impose : Emilio López-Menchero se propose d’introduire dans l’enceinte de la foire un tube de PE de même longueur et même section, un peu comme l’on glisse le fil dans le chas d’une aiguille. Le tube, « the pipe », sera porté par une dizaine de fiers-à-bras qui, suivant une déambulation mesurée, un itinéraire programmé et planifié, tenteront de se frayer un chemin parmi les amateurs d’art, de négocier d’improbables virages, de déjouer les pièges posés par les escalators, les comptoirs d’accueil ou les bars à champagne. Esquissé sur papier, the Pipe, est noir comme un coup de crayon ou d’encre de chine. Les porteurs, comme dans la plupart des dessins de l’artiste, ressemblent à ces silhouettes anonymes esquissées par l’architecte théoricien Ernst Neufert, auteur des célèbres « Eléments des projets de construction », cette base méthodologique de la mesure de toute chose, de la norme et des prescriptions.

On repensera, bien sûr, aux déambulations d’André Cadere dans les foires d’art et les vernissages fréquentés par le cénacle de l’art contemporain,  à ces quatre célèbres images datées de 1974 qui représentent l’artiste vu de dos, vêtu de son célèbre tee-shirt rayé, portant sur l’épaule l’une de ses grosses barres de bois rond. La barre traverse la photo de part en part, comme si elle était sans fin. « Exposé là où il est vu » déclare André Cadere, à propos de son travail. Exposé là où « The Pipe » sera vu, dans les travées de la foire, peut-on paraphraser à propos de la performance d’Emilio López-Menchero.

On repensera également aux photographies de canalisations de Jacques Charlier, cette intrusion dans le champ de l’art de ces éléments de constructions souterraines, ces photographies toutes professionnelles. Charlier écrira, en 1968, à propos d’une série de clichés de canalisations : « Ces photos de presse sont en quelque sorte des photographies professionnelles publicitaires, vantant les derniers mérites de la technologie en matière d’égouttage. Leur caractère énigmatique peut non seulement rivaliser avec certaines recherches plastiques contemporaines, mais aussi les dépasser par leur monumentale capacité d’expression. Mais cela personne ne le dira jamais ou peut-être trop tard. Ainsi en va-t-il de l’art d’aujourd’hui qui détourne à son profit, sous l’alibi d’une création ésotérique, la réalité du travail, insupportable pour la minorité culturelle dominante ». Fernand Léger, au fil des pages de « L’esthétique de la machine », ne déclare pas autre chose lorsqu’il écrit : « La vie plastique est terriblement dangereuse, l’équivoque est perpétuelle. Aucun critérium n’est possible, aucun tribunal d’arbitrage n’existe pour trancher le différend du beau ». Et de vanter le Salon de la Machine plutôt que celui de l’Art : « S’ils (les fabricants de machines) pouvaient faire crever le stupide préjugé, s’ils savaient que les plus beaux Salons annuels sont les leurs, ils feraient confiance aux hommes admirables qui les entourent, les artisans, et ils n’iraient pas chercher ailleurs des incapables prétentieux qui massacrent leur œuvre ».

Casqués, habillés de leur tenue de chantier, sous la direction du contremaître López-Menchero, les douze hommes ont faufilé à diverses reprises ce tube dans  l’enceinte de la foire d’art contemporain. In fine, ils l’ont posé sur le gazon, face à l’entrée du bâtiment, telle une sculpture. Horizontale. Ainsi, « The pipe » et ses porteurs prirent la mesure de toute chose, y compris celle d’un espace social compact. Hommage à la réalité du travail, sculpture horizontale au caractère énigmatique, ce tube s’est ainsi vu conférer une monumentale capacité d’expression.

Emilio Lopez Menchero, Le rail

3. Le Rail, 2012. Vidéo HD, couleurs, son, 19 min 29.

Le déplacement de « The Pipe » dans l’enceinte d’une foire d’Art contemporain, est sans aucun doute à l’origine d’une performance plus récente, tout aussi incommode et envahissante et cette fois conçue à dimension de la ville : en 2013, Emilio López-Menchero met en scène, à Bruxelles, le déplacement d’un rail de chemin de fer, un Vignole de 18 mètres de long pesant une tonne. Huit plasticiens sont, en effet, sollicités pour déployer de nouvelles créations le long des trois kilomètres de la voie ferrée qui relie les gares du Nord et du Midi. Ils plongeront dans leur imaginaire pour y analyser et y canaliser l’histoire de cette faille urbaine ainsi que les forces sociales, architecturales et émotionnelles sous-jacentes. La jonction Nord – Midi est avant tout un espace conflictuel, tant par ses origines qu’en raison de son avenir: son aménagement a contraint personnes et bâtiments à disparaître tandis que son destin est source de rêves et d’opinions antithétiques. Son implantation a imposé de nouvelles frontières, divisé et marginalisé certains quartiers, mais permet aussi des expériences et des appropriations nouvelles.

Emilio López-Menchero prévoit donc de déplacer un rail au fil des boulevards, tout au long du tracé de la Jonction : Pachéco, Berlaimont, Impératrice, Empereur   transformeront le paysage bruxellois. Son intention première est de signifier et de rappeler la présence de la Jonction à l’échelle humaine, d’un point de vue historique, urbanistique et social au sein de la ville. Certes, la jonction a permis de résoudre la rupture de transport entre les gares du Nord et du Midi, mais il fallu pour cela raser des pâtés de maisons entiers, bâtis au 19e siècle dans la plus pure tradition hausmanienne. Rituel contemporain, cette déambulation est comme une tentative de résilience par rapport à cette cicatrice urbaine, aujourd’hui une série de grands boulevards qui, une fois la nuit venue, ont des allures de désert urbain.

A l’aide de sangles, une dizaine  d’ouvriers intérimaires tireront un rail d’acier qu’un camion grue aura auparavant déposé à l’entrée de la gare du Midi. Le rail, long de 18 mètres, posé sur des roulettes, sera tracté comme l’étaient les péniches, depuis les chemins de halage sur les berges des canaux.  Cortège, action collective, procession, ce convoi exceptionnel, qui d’ailleurs à ce titre sera escorté par des policiers cyclistes, rejoindra, dans l’effort, et en rythme, le parvis de la Gare du Nord, où l’artiste prévoit d’exposer le rail, tel une sculpture, cette fois encore un monument horizontal.

La réalité fut tout autre. En raison d’un problème de résistance du train de roues prévu, le rail ne quitta jamais la zone de la gare du Midi. Qu’à cela ne tienne, le projet est remis ; il subsiste néanmoins ce film témoin de l’aventure.

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Benjamin Monti, Anonymes ?, Université de Liège, galerie Wittert, vernissage le 26 septembre

collection Université de Liège

Le triomphe de l’enfant Jésus », détail d’un ensemble de 6 gravures sur bois, anonyme, XVI° Siècle, provenant de la vente de la collection  » Ambroise Firmin-Didot » en 1877. © Université de Liège (Belgique) – Collections artistiques – Galerie Wittert.

Anonymes ? Gravures anciennes réinterprétées par Benjamin Monti
Université de Liège – Galerie Wittert

le jeudi 26 septembre 2013 à 18h
Université de Liège
Galerie Wittert
7 place du 20-Août 4000 Liège
Belgique

Exposition accessible du 28 septembre 2013 au 25 Janvier 2014, du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h, le samedi de 10h à 13h. Fermeture le 31 octobre, les 1er, 2 et 11 novembre et du 23 décembre 2013 au 5 Janvier 2014 inclus. Entrée libre. Infos : www.wittert.ulg.ac.be

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Emilio Lopez-Menchero, qui barre démarre (2)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere devant le Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, (avec barre index B57 code B 14003002, dit « le bâton de NY »)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 80 x 57,5 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, rue du Serpentin, Ixelles (avec barre index B57, code14003002, dit bâton de NY)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 60 x 73,5 cm, 2013.

(…)
Si ce « Trying to be Cadere » est un travail de studio, il en est d’autres réalisés parmi la foule, sur le trottoir. Emilio López-Menchero aurait bien rallié le café de l’Oasis à Kain, dans la région de Tournai. On s’en souvient, André Cadere agissait principalement au cœur même du milieu de l’art ; mais s’il déambule principalement dans les vernissages, il lui arrive de sortir des sentiers battus par les amateurs et professionnels de l’art contemporain. Ainsi, avec la complicité de Bernard Marcelis, il invite à la présentation d’une barre de bois rond au Café de l’0asis à Kain, chez monsieur Georges Bolus, cafetier, au 86 de la rue d’Ormont, le 12 décembre 1975. Tout comme le fit Cadere, Emilio López-Menchero aurait bien aimé se faire photographier devant la porte de l’Oasis, sous l’enseigne et la publicité pour une marque d’apéro, barre de bois rond à l‘épaule ; l’Oasis a malheureusement disparu, il n’y a plus qu’un champ à la place du café. Dès lors Emilio López-Menchero a préféré déambuler à Bruxelles, son champ d’action naturel. Il emprunte pour ce faire une autre barre de bois rond, constituée de 52 segments, noir, vert, rouge et blanc, certifiée en 1975 et avec laquelle Cadere déambula dans les rues de New York ; une série de photographies en atteste. Mêlant la fiction à la réalité, l’archive, l’hommage et l’interprétation, López-Menchero se promène en rue, l’air méditatif, portant la longue barre de bois rond à l’épaule, flâneur ne se souciant pas des réactions que la vue de cet étrange porteur ne manque pas de déclencher. Me revient en mémoire, ce petit film noir et blanc tourné par Alain Fleischer, daté de 1973, montrant Cadere montant et descendant le boulevard des Gobelins à Paris. Il se poste ensuite devant les lourdes portes du Palais des Beaux Arts, chemise blanche, pantalon sombre, veste légère, tel que le fit Cadere en septembre 1974, alors que Marcel Broodthaers exposait au Palais. Cherchez l’erreur ; elle est de mise dans le travail d’André Cadere : L’enseigne « Palais des Beaux Arts / Paleis voor Schone Kunsten » a disparu. Les pavés du trottoir aussi. S’inspirant d’un des clichés new yorkais, il se fait photographier le soir, casquette planté sur la tête, la barre de bois rond à la main, sur une terrasse du quartier Nord. On devine dans la pénombre deux tours, aux fenêtres éclairées. Enfin, il rejoint, non loin de Flagey, l’avenue des Eperons d’Or pour deux derniers  clichés : le voici, d’une part, en tee-shirt rayé, barre posée au sol, comme s’il était le gardien de la mémoire de l’ancienne galerie MTL, la première qui après celle des Locataires à Paris, montra le travail d’André Cadere. Sur la seconde, le voici en campagne, portant casquette, musette et barre de bois rond, main dans la poche, défiant l’objectif. En fait la pose que Cadere adopte devant l’Oasis à Kain. C’est là comme un juste retour : la barre de bois rond que porte Emilio López-Menchero fut montrée et acquise chez MTL.  Hommage à Fernand Spillemaeckers, artiste plasticien, romaniste, critique d’art, théoricien et galeriste hors du commun.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, devant l’ex galerie MTL en pose « café de l’Oasis »,(avec barre index B57 code B 14003002, dit « le bâton de NY »)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 80 x 65 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, devant l’ex galerie MTL (avec barre index B57 code B 14003002, dit « le bâton de NY »)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 80 x 65 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, quartier Manhattan, Bruxelles, (avec barre index B57, code14003002, dit bâton de NY)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 80 x 60 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, rue de la Brasserie, Ixelles, (index B57, code14003002, dit bâton de NY)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 60 x 72,5 cm, 2013.

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Jacques Charlier, les Lichtenstein que Roy n’a pas peint, Hasselt, No Style only Ideas

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Use your brain, 2013
Acrylique sur toile, 100 x 120 cm

Jacques  Charlier

Jacques Charlier
Tears, 2013
Acrylique sur toile, 100 x 70 cm

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Please Roy, not you, 2013
Acrylique sur toile, 120 x 80 cm

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Get me a copy, 2013
Acrylique sur toile, 120 x 100 cm

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Ce n’est pas ça, 2013
Acrylique sur toile, 75 x 95 cm

Jacques Charlier – No style, only ideas
Centre culturel d’Hasselt.
Jusqu’au 10 novembre

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Eran Schaerf, Disorder of Appearance, Akademie der Künste Berlin

Eran Schaerf

Eran Schaerf
Panorama, 2013 (Detail)
Foto: Eran Schaerf
© VG Bild-Kunst, Bonn 2013

Eran Schaerf Disorder of Appearance

Eran Schaerf erhält den diesjährigen Käthe-Kollwitz-Preis. Der 1962 in Tel Aviv-Jaffa geborene und seit 1985 in Berlin lebende Künstler, Hörspielautor und Filmemacher bewegt sich zwischen unterschiedlichen Medien und verschiedenen Sprachen. Seine Arbeiten wurden international gezeigt, wie auf der 54. Biennale di Venezia (2011), bei Skulptur Projekte Münster (2007), bei der Manifesta 2 in Luxemburg (1998) und auf der Documenta 9 in Kassel (1992). Seine Ausstellungen ähneln Probe räumen oder Dokumentationen, sind Untersuchungen von Bildern und Texten, ihrem Ver h ältnis zueinander, ihrer theatralischen Mittel und ihres politischen Gehalts. Verschiedene Er zählweisen und Möglichkeitsräume treten so zutage. Eran Schaerfs Ausstellung Disorder of Appearance, die er für die Akademie der Künste entwickelt hat, macht dies mit der Installation Panorama erfahrbar.

Ausstellung: 21. September – 3. November 2013, Di–So 11–19 Uhr Eintritt ¤ 5/3, bis 18 Jahre und am 1. Sonntag im Monat Eintritt frei. Sonntag, 6. Oktober, 17–22 Uhr, Eintritt ¤ 6/4 Documentary Credit – Filme von Eran Schaerf und Eva Meyer Filmabend mit Künstlergespräch, Moderation Hanne Loreck

Eran Schaerf

Eran Schaerf
Stock Footage #2897, 2013
Foto: Eran Schaerf/fm-scenario
© VG Bild-Kunst, Bonn 2013

Käthe-Kollwitz-Preis 2013 der Akademie der Künste an Eran Schaerf

Eran Schaerf erhält den mit 12.000 Euro dotierten Käthe-Kollwitz-Preis 2013. Mit dem Preis würdigt die Akademie der Künste ein international herausragendes Werk, das in stets neuartigen Werkprozessen mit unterschiedlichen Materialien und Medien die Grenzen sozio-kultureller Systeme auslotet. Das Wissen um die Rolle medialer Kommunikationssysteme in einer globalisierten Welt sowie deren Raum- und Zeitbezüge sind die relevanten Faktoren in Eran Schaerfs künstlerischem Koordinatensystem. Der Jury gehörten die Mitglieder der Sektion Bildende Kunst Heinz Emigholz, Hubertus von Amelunxen und Ulrich Erben an. Der Preis wird am 20. September 2013 verliehen. Eine auf den Ausstellungsort fokussierte Auswahl von aktuellen Werken des Künstlers in der Akademie der Künste, Hanseatenweg, schließt daran an.

Eran Schaerf wurde 1962 in Tel Aviv-Jaffa geboren. Er lebt und arbeitet seit 1985 in Berlin. Nach seinem Studium der Architektur an O.R.T. in Givatayim (IL) und an der Hochschule der Künste, Berlin, übernahm er eine Professur an der Hochschule der Bildenden Künste in Hamburg und lehrt derzeit an der Zürcher Hochschule der Künste. Der Künstler erhielt u.a. Auszeichnungen und Stipendien der Akademie der Künste, Berlin (1999), des Landes Baden-Württemberg (1999) und der Deutschen Akademie der darstellenden Künste für das Hörspiel des Jahres 2002. Seine Arbeiten wurden u.a. auf der 54. Venedig Biennale (2011), den Skulptur Projekte Münster (2007) und auf der Manifesta 2 in Luxemburg (1998) gezeigt.

Schaerf begann in den 1990er Jahren als Vertreter einer jüngeren Künstlergeneration, Ansätze aus der Konzeptkunst der 1970er Jahre aufzunehmen. Dabei beschäftigt er sich vor allem auch mit der durch Marcel Duchamp angestoßenen „Auseinandersetzung mit dem Standort der Kunst im gesellschaftlichen Kontext“. Der Preisträger lässt sich mittels Zeichnung, Sprache, Film (u.a. mit Eva Meyer) und Fotografie, Rauminstallation und Hörspiel auf künstlerisch einzigartige, komplexe Werkprozesse ein, die politische und historische Themen sowie individuelle und kollektive Wirklichkeiten analysieren. 1996 installierte er im Bahnwärterhaus der Galerie der Stadt Esslingen sein „Re-enactment“ mit verschiedenen Stoffen, Modeschmuck, Textfragmenten, Fotos und Displays aus seinem Objekt-Fundus, begehbar im Raum über einen „Laufsteg“ aus Paletten. Diese Installationen sind an jedem Ort anders; Schaerf lässt Interpretationsmöglichkeiten in alle Richtungen offen. 2002 realisierte er mit „Die Stimme des Hörers“ eines seiner intermedialen Projekte. Das Nachrichtenhörspiel besteht aus einem fiktiven Radiosender, der Höreranrufe annimmt. Die Anrufe werden von einem Softwareprogramm eingearbeitet und beantwortet. Auf fm-scenario.net können Nutzer aus Fragmenten der „Stimme des Hörers“ eigene Geschichten zusammenstellen. Eine dieser Montagen bildete dann auch den Ausgangspunkt für eine Installation, die Schaerf 2012 im Haus der Kulturen der Welt in Berlin realisierte: In den Dolmetscherkabinen des Auditoriums – in einer Architektur, die Übersetzungsprozesse widerspiegelt – verwischte er die Grenzen zwischen Wirklichkeit und Fiktion, Sender und Empfänger, Nutzer und Autor.

Der Käthe-Kollwitz-Preis wird jährlich an einen bildenden Künstler vergeben. Der Preis wie auch die dazugehörige Ausstellung und der Katalog werden mitfinanziert von der Kreissparkasse Köln, Trägerin des Käthe Kollwitz Museums Köln. Preisträger der letzten Jahre waren Douglas Gordon (2012), Janet Cardiff & George Bures Miller (2011), Mona Hatoum (2010).

Eran Schaerf

Eran Schaerf
Karneval der Kulturen, Berlin, 1996
Serie s/w-Fotografien, Ausführung variabel
Foto: Eran Schaerf
© VG Bild-Kunst, Bonn 2013

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Emilio Lopez-Menchero, qui barre démarre (1)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, de face (avec barre index 04, code B 12003000, d’après « André Cadere 1974 », de B. Bourgeaud)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 130 x 110 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, de dos (avec barre index 04, code B 12003000, d’après « André Cadere 1974 », de B. Bourgeaud)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 82 x 130 cm, 2013.

Trying to be Cadere

La photographie est bien connue des amateurs ; elle fut prise en 1974 par Bernard Borgeaud. Vêtu de son tee-shirt favori, André Cadere porte sur l’épaule une de ses grosses barre de bois rond. Certifiée en 1975, indexée HC4, codée B12003000, elle est constituée de 21 segments de bois peints en noir blanc et rouge, mesure 198 cm pour une section de 9,4 cm et figure aujourd’hui au catalogue de la collection du FRAC Nord Pas de Calais. Avec le même tee-shirt, Cadere se fait photographier de dos, barre sur l‘épaule. Il publiera cette photo en quatre exemplaires identiques ; seul le texte de la légende variant d’une image à l’autre. Remises dans le bon ordre, elles forment une proposition complète qui définit précisément toute la singularité de sa pratique artistique : « La barre de bois rond est un assemblage de segments peints dont la longueur égale le diamètre et se succédant d’après une méthode comportant des erreurs. Exposé là où il est vu. Ce travail est contraire aux textes et photo ici imprimés. Dépendant des contraintes de ce livre, texte et photo ont un seul rapport avec ce qu’ils décrivent : l’incompatibilité. Cadéré, 1974 ».

Ces photos sont le point de départ du « Trying to be Cadere » d’Emilio López-Menchero. Et l’accessoire – si je puis dire, c’est-à-dire la barre de bois rond, a ici toute son importance. Comme il le fit en incarnant James Ensor, empruntant le « vrai » bibi fleuri dont se coiffa le baron ostendais pour son autoportrait de 1883-89, ce portrait où Ensor tente lui-même d’incarner Rubens, Emilio López-Menchero a demandé à pouvoir camper devant l’objectif avec la barre de bois rond authentique, celle représentée sur la photographie d’origine. Comment faire autrement d’ailleurs, dès le moment où il s’agit d’incarner Cadere, tant celui-ci s’identifie à cette constellation de barres de bois rond qu’il constitua comme une peinture sans fin tout au long de sa courte carrière. Dans un entretien qu’il accorde à Lynda Morris, André Cadere évoque ses déambulations dans les vernissages et les foire d’art, la singularité de ce geste qui consiste à porter le travail avec soi, à l’exposer et à le présenter de cette façon. « Dans six mois, vous aurez retrouvé vos esprits », lui disait-on régulièrement. C’est clair : au tournant des années 70, Cadere fait figure d’original. Et Lynda Morris se souvient : même le galeriste Konrad Fischer lui confie, à la foire de Cologne en 1972 : « Le Français ? Il va partout avec son bâton, et il parle aux gens, ne t’inquiète pas ». J’aurais tendance à déclarer la même chose à propos d‘Emilio López-Menchero: « L’Espagnol ? Il a tenté d’incarner Picasso, le Che, Rrose Selavy, Cindy Sherman, Frida Kahlo, Raspoutine et Arafat, Engels ou Balzac. Aujourd’hui, c’est Cadere et il se montre aux gens. Ne vous inquiétez pas. Dans six mois, il n’aura pas retrouvé ses esprits ».

Qu’est ce qui peut bien pousser, en effet, Emilio López-Menchero à ces tentatives d’incarnations successives, une bonne quinzaine déjà au total ? L’artiste initie par ces citations une réflexivité et une recréation, mêlant le familier et l’inédit, la reconnaissance et la surprise, l’érudition et la facétie. Transformiste un brin excentrique, López-Menchero, tout en changeant d’identité, trouve la sienne. « Être artiste, dit-il, c’est une façon de parler de son identité, c’est le fait de s’inventer tout le temps ». Chaque œuvre est singulière, chaque « Trying to be » est une aventure particulière, chacun est une construction existentielle, composée d’éléments autobiographiques, de renvoi à d’autres productions, d’une mise en scène de soi-même, d’une réflexion sur les signaux émis par l’icône mise en jeu. C’est, in fine, une construction de soi au travers d’une permanente réflexion sur l’identité et ses hybridités, visitant quelques mythes, leurs mensonges et vérités. López-Menchero déambule entre exhibition, travestissement et héroïsme domestique. Il expose son travail et s’expose à la fois.

Quelques temps avant sa mort en 1978, André Cadere écrit à Yvon Lambert : « Je veux dire aussi de mon travail et de ses multiples réalités, il y a un autre fait : c’est le héros. On pourrait dire que le héros est au milieu des gens, parmi la foule, sur le trottoir. Il est exactement un homme comme un autre. Mais il a une conscience, peut-être un regard, qui d’une façon ou une autre, permet que les choses viennent presque par une sorte d’innocence ». C’est sans aucun doute, une juste définition de la pratique artistique ; elle sied tout autant à Emilio López-Menchero qui a, on le sait, pour principale préoccupation de, sans cesse, retisser du lien et du sens au cœur même de la société.

Si ce « Trying to be Cadere » est un travail de studio, il en est d’autres réalisés parmi la foule, sur le trottoir. Emilio López-Menchero aurait bien rallié le café de l’Oasis à Kain, dans la région de Tournai. On s’en souvient, André Cadere agissait principalement au cœur même du milieu de l’art ; mais s’il déambule principalement dans les vernissages, il lui arrive de sortir des sentiers battus par les amateurs et professionnels de l’art contemporain. Ainsi, avec la complicité de Bernard Marcelis, il invite à la présentation d’une barre de bois rond au Café de l’0asis à Kain, chez monsieur Georges Bolus, cafetier, au 86 de la rue d’Ormont, le 12 décembre 1975. Tout comme le fit Cadere, Emilio López-Menchero aurait bien aimé se faire photographier devant la porte de l’Oasis, sous l’enseigne et la publicité pour une marque d’apéro, barre de bois rond à l‘épaule ; l’Oasis a malheureusement disparu, il n’y a plus qu’un champ à la place du café. Dès lors Emilio López-Menchero a préféré déambuler à Bruxelles, son champ d’action naturel. Il emprunte pour ce faire une autre barre de bois rond, constituée de 52 segments, noir, vert, rouge et blanc, certifiée en 1975 et avec laquelle Cadere déambula dans les rues de New York ; une série de photographies en atteste. Mêlant la fiction à la réalité, l’archive, l’hommage et l’interprétation, López-Menchero se promène en rue, l’air méditatif, portant la longue barre de bois rond à l’épaule, flâneur ne se souciant pas des réactions que la vue de cet étrange porteur ne manque pas de déclencher. Me revient en mémoire, ce petit film noir et blanc tourné par Alain Fleischer, daté de 1973, montrant Cadere montant et descendant le boulevard des Gobelins à Paris. Il se poste ensuite devant les lourdes portes du Palais des Beaux Arts, chemise blanche, pantalon sombre, veste légère, tel que le fit Cadere en septembre 1974, alors que Marcel Broodthaers exposait au Palais. Cherchez l’erreur ; elle est de mise dans le travail d’André Cadere : L’enseigne « Palais des Beaux Arts / Paleis voor Schone Kunsten » a disparu. Les pavés du trottoir aussi. S’inspirant d’un des clichés new yorkais, il se fait photographier le soir, casquette planté sur la tête, la barre de bois rond à la main, sur une terrasse du quartier Nord. On devine dans la pénombre deux tours, aux fenêtres éclairées. Enfin, il rejoint, non loin de Flagey, l’avenue des Eperons d’Or pour deux derniers clichés : le voici, d’une part, en tee-shirt rayé, barre posée au sol, comme s’il était le gardien de la mémoire de l’ancienne galerie MTL, la première qui après celle des Locataires à Paris, montra le travail d’André Cadere. Sur la seconde, le voici en campagne, portant casquette, musette et barre de bois rond, main dans la poche, défiant l’objectif. En fait la pose que Cadere adopte devant l’Oasis à Kain. C’est là comme un juste retour : la barre de bois rond que porte Emilio López-Menchero fut montrée et acquise chez MTL. Hommage à Fernand Spillemaeckers, artiste plasticien, romaniste, critique d’art, théoricien et galeriste hors du commun.

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