Archives mensuelles : février 2014

Jacques Lizène, extension du domaine du perçu non perçu 1973 (1)

Quelques oeuvres du perçu non perçu (1972) imaginés pour l’exposition « Perçu non perçu », galerie Yellow 1973

Jacques Lizène

Le perçu et le non perçu, 2 photographies NB, tirages argentiques, 65 x 50 cm, 1973.
« Objet : horloge. Entre la première prise de vue (photo n°1) et la seconde (photo n°2), il ne s’est pas seulement écoulé une minute mais 1441 minutes (24h1’) ».

Jacques Lizène

Le perçu et le non perçu, 1973, 4 photographie NB, tirages argentiques, texte imprimé, 30 x 50 cm. 1973–2011.
« Entre la première et la quatrième prise de vue, le photographe a absorbé trois bières blondes et fumé une cigarette de tabac noir… Entre la deuxième et la troisième prise de vue, le personnage photographié a, lui, absorbé deux bières blondes avec grenadine et fumé une cigarette de tabac brun… Entre la première et la deuxième prise de vue, le personnage photographié a retiré de sa poche une pochette d’allumettes que le photographe a emportée après la quatrième et dernière prise de vue ».

Jacques Lizène

Le perçu et le non perçu, 1973, 6 photographie NB, tirages argentiques, texte imprimé, cheveu. 40 x 30 cm. 1973–2011.
« Entre une de ces prises de vues, un cheveu a été enlevé à la chevelure de la jeune personne photographiée. Le perçu et le non perçu, 1973 ».

Jacques Lizène

Le perçu et le non perçu, 3 photographies NB, tirages argentiques, 1973. Photographies NB, tirage argentique, texte imprimé. 30 x 40 cm. 1973-2011.
« Sur la deuxième photographie, la chaussette noire portée au pied droit par le personnage photographié est porté par celui-ci au pied gauche sur la première et la chaussette noire portée au pied gauche sur la première photographie est portée au pied droit sur la deuxième tandis que sur la troisième photographie le personnage porte deux chaussette noires différentes de celles portées par celui-ci sur la première et la seconde photographie (ohlalalala !) ».

Note d’intention rédigée par Jacques Lizène, 1973. Tapuscrit sur Remington portative corrigé au crayon, 21 x 27 cm. Archives Yellow.

On photographie une première fois, par exemple, une adolescente, nue, en chaussettes noires. Ensuite on photographie une seconde fois, dans le même pose exactement cette jeune personne… mais entre la première et la seconde prise de vue, cette charmante personne a enfilé la chaussette qu’elle portait au pied gauche à son pied droit et sa chaussette droite au pied gauche. A la première lecture de ces deux photographies, le spectateur ne voit qu’un même nu et une même photo répétée deux fois… Cependant, un texte accompagnant ces photos lui révélera qu’elles ne sont peut-être pas semblables, que, peut-être, les chaussettes ont été interverties aux pieds de la jeune personne sur la deuxième photographie.

Communiqué. Tapuscrit sur Remington portative corrigé au crayon et à l’encre, 21 x 27 cm. Texte fortement amendé. Archives Yellow.

Si j’ai accepté de faire réaliser et de présenter une exposition à la galerie Yellow sur le thème « le perçu et le non perçu », ce n’est pas particulièrement parce que ce thème me tient « à cœur », mais plus simplement parce qu’il ne me déplait pas vraiment de garder et entretenir, par le seul fait d’exposer, le statut d’artiste et surtout celui que je m’amuse à m’octroyer de « petit maître liégeois de la seconde moitié du 20è siècle ». Aie, aie, aie. Voilà qui est dit. C’est toujours un « travail » sur la limite de perception du spectateur vis à vis d’une ou de plusieurs photographies. Ce « travail », c’est cela qui me le rend supportable plus ou moins, tend à l’humour, un peu.

Communiqué. Tapuscrit sur Remington portative corrigé au crayon, 21 x 27 cm. Recto/Verso. Texte moins amendé que le précédent. Archives Yellow.

Si j’ai accepté de faire réaliser et de présenter une exposition à la galerie Yellow sur le thème « le perçu et le non perçu », ce n’est pas particulièrement parce que ce thème me tient « à cœur », mais plus simplement parce qu’il ne me déplait pas vraiment de garder et entretenir, par le seul fait d’exposer, le statut d’artiste et surtout celui que je m’amuse à m’octroyer de « petit maître liégeois de la seconde moitié du 20è siècle ». Je préfèrerais peut-être par gentille prétention ajouter « et de la fin du 21ème », mais finalement la postérité ou l’idée que l’on peut avoir de la sienne possible doit être trop contraignante quand l’on vise trop haut et beaucoup trop loin. Je me contenterais donc de me croire et de faire croire être « »un petit maître ». Voilà qui est dit. Mais quand même parlons un peu de ce qu’est le « perçu et le non perçu ». En tout cas dans mon exposition, cela est fort simple. On photographie par exemple une allée de gravier en gros plan, avec toujours le même cadrage pendant 36 vues mais entre la 35e et la 36e prise de vue, un gravier est retiré. A la première lecture de cette série photographique, le lecteur croit ne voir qu’une même photo répétée 36 fois alors qu’effectivement, la 36e est différente des 35 autres qui la précède. Voilà. Hopla. Le même processus est répété avec d’autres éléments ou d’une façon autre, mais c’est toujours un travail sur la limite de perception du spectateur, vis à vis d’une ou de plusieurs photographies. Et ce travail (c’est cela qui me le rend supportable plus ou moins) tend au troisième voire au deuxième degré, à l’humour, un peu.

Trois oeuvres du perçu non perçu, en remake, 2001.

Jacques Lizène

Le perçu et le non perçu, 1973. Entre ces deux prises de vue, un brin d’herbe manque, remake 2001. Technique mixte sur calque, 29,7 x 21 cm.

Jacques Lizène

Le Perçu et le non perçu 1973. Entre les deux prises de vue, une brindille a été enlevée, remake 2001. Technique mixte sur calque, 29,7 x 21 cm.

Jacques Lizène

Le perçu et le non perçu, 1973. Entre les deux prises de vue, un caillou a été enlevé. Remake 2001. Technique mixte sur calque, 29,7 x 21 cm

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Honoré d’O, El Hotel electrico, Muhka, Antwerpen

Honoré d’O participe à l’exposition El Hotel Electrico (curator Edwin Carels) au Muhka à Anvers/Antwerpen. Il conçoit pour l’occasion une variation sur « if language substistutes the title ».

Muhka
du 21 février au 11 mai 2014

Honoré d'O

À quel moment l’animation se hisse-t-elle au rang d’art visuel? Que reste-t-il de l’animation quand elle quitte la salle de projection ou l’écran de télévision pour se manifester dans d’autres espaces? L’exposition El Hotel Eléctrico – Chambres Libres part en quête de différentes possibilités du phénomène ‘animation’ au sens large, et prend pour point de départ le média sous ses premiers aspects, lorsque les conventions et clichés de l’industrie cinématographique n’imposaient pas encore leurs limites et restrictions à cette discipline artistique.

Quand l’animation quitte le cadre délimité de l’écran de cinéma pour apparaître au musée, elle n’offre plus une expérience exclusivement visuelle au spectateur, mais crée un lieu qui incite à l’exploration. El Hotel Eléctrico est conçu comme un essai visuel, une expérience spatiale. L’animation est envisagée ici comme l’accession à un champ de force : la manipulation d’images et d’objets dans des salles de musée « mises en scène », le franchissement d’intervalles.
Quand on « se présente à la réception » d’El Hotel Eléctrico, on arrive dans une autre dimension spatio-temporelle. À l’instar de l’hôtel, le musée est un lieu où chaque visiteur est un hôte provisoire. La tension entre le public et l’intime, les intérieurs neutres et les objets personnalisés, la veille et le sommeil, le travail et la rêvasserie, génère des paradoxes ludiques dans chaque « chambre » d’El Hotel Eléctrico.
El Hotel Eléctrico offre un cadre alternativement joyeux et macabre, monochrome et chamarré, magique et secret à des œuvres de Robert Breer, David Claerbout, Robert Devriendt, Léon Foucault, Sara van der Heide, Pierre Huyghe, Katrin Kamrau, Julien Maire, Anthony McCall, Lars Morell, Matt Mullican, Philip Newcombe, Honoré d’O, Roman Ondák, Cornelia Parker, Philippe Parreno, Bart Prinsen, The Quay Brothers, Yann Sérandour, Tommy Simoens, Michael Snow, Clare Strand, Javier Téllez, Luc Tuymans.

When does animation become art? What remains of animation when it leaves the cinema or TV screen, and manifests itself in other spaces? The exhibition El Hotel Eléctrico – Rooms Available sets out in search of the many expressions of the phenomenon of ‘animation’ in a broader sense, starting with the medium in its earliest forms, at the time when this artistic practice was not yet constrained by the conventions and clichés of the film industry.

When animation leaves the confined frame of the movie screen and pops up in a museum, it no longer offers the visitor a purely visual experience, but rather creates a space in which exploration is encouraged. El Hotel Eléctrico was conceived as a visual essay, a space-related experience. Animation here is understood as entering a force field: the manipulation of images and objects in ‘staged’ museum rooms, the bridging of intervals.
In El Hotel Eléctrico, visitors step into another time and space. For much like a hotel, a museum is a place where every visitor is but a temporary guest. The tension between public and private, between neutral interiors and personalized objects, between waking and sleeping, and between working and dreaming creates playful contrasts in every single ‘room’ of El Hotel Eléctrico.
El Hotel Eléctrico presents an alternatingly merry and macabre, monochromatic and brightly coloured, magical and mysterious framework for works by Robert Breer, David Claerbout, Robert Devriendt, Léon Foucault, Sara van der Heide, Pierre Huyghe, Katrin Kamrau, Julien Maire, Anthony McCall, Lars Morell, Matt Mullican, Philip Newcombe, Honoré d’O, Roman Ondák, Cornelia Parker, Philippe Parreno, Bart Prinsen, The Quay Brothers, Yann Sérandour, Tommy Simoens, Michael Snow, Clare Strand, Javier Téllez, Luc Tuymans.

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Suchan Kinoshita, Walter Swennen, Arco Madrid 2014, les images (3)

Suchan Kinoshita

Walter Swennen

Walter Swennen
Bleu royal, 2009
Huile sur papier marouflée sur panneau, 30 x 40 cm

Walter Swennen

Walter Swennen
Bleu et jaune, 2011
Huile sur papier marouflée sur panneau, 30 x 40 cm

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita, Tokonoma, technique mixte, 200 x 120 x 80 cm, 2014

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Suchan Kinoshita, Walter Swennen, Arco Madrid 2014, les images (1)

Walter Swennen

Walter Swennen
Barque funèbre, 2014
Huile sur toile, 60 x 80 cm

Walter Swennen
Poisson vert, 2012
Huile sur bois, 45 x 57 cm

Walter Swennen

Walter Swennen
Poisson vert, 2012
Huile sur bois, 45 x 57 cm

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita, Tokonoma, technique mixte, 200 x 150 x 80 cm, 2014

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Jacques Lizène, cartel sans oeuvre, 1973

C’est sans doute, l’une des plus pertinentes applications de l’extension du domaine du « Perçu – non perçu » (1972) : le cartel sans œuvre, principe que Jacques Lizène conçoit en 1973. Notons que divers travaux annoncent ce protocole et dispositif. Parmi ceux-ci, dans le domaine filmique, « L’absence de sujet filmé », œuvre perdue, mais très aisément reproductible. En 1971, Lizène réalise un film en gardant le cache sur l’objectif de la caméra. Projeter le film revient à projeter un carré noir. L’artiste commente son œuvre en qualifiant son geste de « très sot ! Très bien ».

Cela tombe sous le sens : le principe du cartel sans œuvre est d’exposer un cartel, sans l’œuvre que celui-ci décrit. Lapalisse ne l’aurait pas mieux dit. C’est très sot, donc c’est très bien. Ainsi, en l’occurrence : « Naïades. Jeunes femmes nues s’ébattant bruyamment au bain » (1973). Jacques Lizène aurait pu l’exposer seul, placé à bonne hauteur, isolé sur la cimaise. Il a préféré cette fois le placer comme un cartel, à côté d’une toile trouvée et quasi vierge, à peine préparée. Dans un précédent remake, en 2012, ce même cartel évoquant le bain des naïades accompagnait un petit encadrement vide. Singulière osmose du pictural et du scriptural, où le visible n’est plus, il ne reste au spectateur qu’à imaginer ces nymphes nues et aquatiques, filles de Zeus, divinités champêtres, habitant les fontaines, les marais, les lacs, les sources, les rivières et fleuves, et toute l’histoire de l’art, tant les naïades et plus généralement les femmes nues au bain, y abondent.  Il y aura, assurément, autant d’images mentales des « Naïades », que de lecteurs du mot « Naïades »

Si les Naïades sont hors champ, tout comme le lieu du bain, on remarquera que Jacques Lizène met l’accent sur le sens de l’ouïe, jouant sur toutes les limites de nos champs de perception. Ces Naïades ne prennent pas seulement leur bain, elle s’y ébattent, et même bruyamment. Cette information supplémentaire, quelque peu inattendue dans le domaine pictural, annonce un prochain remake. Le cartel des Naïades sera accompagné d’un enregistrement sonore.  Une captation sonore de bruits de piscine, ou de cour de récréation, annonce le Petit Maître, qui décidemment, ne s’ennuie pas un seul instant.

Cartel sans oeuvre

Naïades.
Jeunes femmes nues s’ébattant bruyamment au bain.
Cartel sans œuvre, 1973. En remake, 2014.

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