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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary Art, Bruxelles (1)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Torero torpédo, col d’Aubisque, 2008
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 120 x 100 cm. Edition 5/5

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Toréro Torpédo, face à Miroir d’époque Regency de Marcel Broodthaers (1973), 2005
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 105 x 130 cm. Edition 5/5
Collection privée

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition

D’origine belgo-espagnole, lorsqu’il enfourche son vélo torero torpédo, revêtu du costume de lumière du toréador, les mains bien appuyées sur les cornes acérées de sa monture, le voici hybride d’Eddy Merckx et de Manolete, rendant hommage à Picasso. La performance le mènera durant l’été 2008 au sommet du col d’Aubisque , cela mérite, sur fond sonore de paso-doble, d’être salué. Le corps et son émancipation, à commencer par le sien, a toujours été au centre de ses préoccupations, qu’il s’agisse de se prendre pour un sumo dandinant, magnifique combat du lutteur contre son reflet dans un miroir (Ego Sumo, 2003), d’être, à quelques jours de la remise d’un projet, figé par le stress et le doute, sans voix et la tête prête à éclater, ce qui lui donnera l’idée de se couvrir du bonnet à poil et d’endosser l’uniforme d’un garde du Palais de Buckingham devant les Halles de Schaerbeek à Bruxelles (Garde de Schaerbeekingham, 2010), ou de s’exhiber nu, debout sur une table ronde, campant la stature de Balzac déshabillé par Rodin (Trying to be Balzac, 2002) . On l’a même vu à diverses reprises dans un numéro de claquettes (mais oui, assurément, il peut faire quelque chose de ses dix doigts), assis torse nu sur un tabouret, un casque audio sur les oreilles, claquant des doigts et des talons sur des rythmes de Camarón de la Isla. Le public n’entend pas la musique, tandis que l’artiste n’entend pas même le son qu’il produit : la performance est quasi autistique (Claquettes, 2010). Cette question de l’émancipation du corps — et de l’esprit — l’amènera à reconsidérer de façon critique l’œuvre de l’architecte théoricien Ernst Neufert, auteur du célèbre « Bauentwurfslehre » (Éléments des projets de construction), cette base méthodologique de la mesure, de la norme et des prescriptions, publiée pour la première fois en 1936 à Berlin, bible dont les architectes se servent encore aujour¬d’hui. Les silhouettes idéalement normées qui parsèment les croquis domestiques et vernaculaires de Neufert, traversent depuis longtemps les œuvres et dessins d’Emilio López-Menchero qui, par ailleurs, cite volontiers un autre architecte, Hans Hollein, et son Manifeste de 1968 : « Alles ist Architektur » . Oui, tout est architecture, y compris la construction de soi.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Ensor, 2010.
Concept & performance : Emilio López-Menchero, photo : Emilio López-Menchero & Carmel Peritore. Costume et maquillage : Carmel Peritore.
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 76,5 x 61,5 cm. Edition 10/10

Au fil de cette série de portraits – autoportraits, ces tentatives réitérées de se mettre dans l’esprit du modèle, son « Trying to be James Ensor » (2010) occupe une place singulière. Jamais Ensor n’a cessé de se représenter : on lui doit plus d’une centaine d’autoportraits. « Jeune, fringant, plein d’espoir et de fougue, triste mais somptueux parfois, ainsi apparaît-il dans ses premiers tableaux, commente Laurence Madeline . Bientôt cependant il laisse exploser sa rancœur en soumettant son image à de multiples métamorphoses. Il est un hanneton, il se déclare fou, il se « squelettise »… Il s’identifie au Christ, puis à un pauvre hareng saur. Il se caricature, se ridiculise… Il est l’auteur et la marionnette de comédies ou de tragédies ». Parmi ces autoportraits, il y a celui au chapeau fleuri de 1883-1888 où James Ensor se prend lui-même pour Pierre Paul Rubens. James Ensor a ironiquement troqué le chapeau — avec panache — du maître, contre un bibi à fleurs et à plumes. « En ce temps-ci ou chacun est tout le monde, le poète, le peintre, le sculpteur, le musicien ne vaut que s’il est authentiquement lui-même », écrira Emile Verhaeren à propos du baron ostendais.
Cet autoportrait au bibi est une sorte de « Trying to be » avant la lettre ; il ne pouvait évidemment échapper à Emilio López-Menchero. Quelques mois plus tard, dans la foulée, il se précipitera dans la salle Rubens du Musée Royal des Beaux-Arts de Bruxelles et y proposera une performance qu’il titre, non sans lyrisme : « Autoportrait adolescent de mon éblouissement jaloux et de mon ébahissement illimité face à l’Histoire de la Peinture ! » (2011). Le film qui résulte de cette intervention nous fait découvrir l’artiste dessinant, s’inspirant des peintures du maître. La peinture est, en effet, fantasme de gamin qui contraint son père à lui acheter des tubes de couleurs, sans délai ni retard, à la sortie d’une visite familiale au musée des Offices à Florence. Emilio López-Menchero avait alors quinze ans ; il se réfugia à l’hôtel pour peindre. Depuis, il n’a jamais quitté les champs de la peinture. Ce n’est, finalement, qu’en 2012 qu’il osa, enfin, la rendre publique lors d’une première exposition qu’il consacra exclusivement à la peinture. (JMB)

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition

Emilio López-Menchero
Autoportrait adolescent de mon éblouissement jaloux et de mon ébahissement illimité face à l’Histoire de la Peinture ! 2011
Vidéo HD, 16 :9, son, couleurs

L’Autoportrait adolescent de mon éblouissement jaloux et de mon ébahissement illimité face à l’Histoire de la Peinture ! ( 2011), vidéo représentant Emilio López-Menchero habillé en gardien de musée dans la salle Rubens des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, projette d’emblée le spectateur dans l’univers de l’exposition artistique par une transgression des codes de comportement et d’identification de ses acteurs. Le gardien de musée (López-Menchero) ne contrôle pas les visiteurs, il copie au bic quatre couleurs sur des dizaines de feuilles A4 les tableaux du maître puis les jette par terre, suscitant ainsi la curiosité des visiteurs, certains les ramassent et les emportent. La référence au maître évoque le Chef d’oeuvre inconnu d’Honoré de Balzac (personnage omniprésent dans l’oeuvre de López Menchero, Trying to be Balzac) qui rassemble trois générations de peintres dans un atelier parisien en 1612 : le jeune Nicolas Poussin qui rend visite à Frans Pourbus, (qui vient de se distancer de son maître Rubens) et Frenhofer, vieillard grisonnant, qui se débat à son tour avec l’héritage de son maître à penser, Mabuse. Entre les trois peintres s’installe une alchimie particulière qui allie vécu et art, humeur et inspiration. Des tableaux voient le jour sur la toile qui cherche à être réalité. Poussin « regarde » l’image de Frenhofer au travail pour pouvoir « être » lui – et imite ainsi le fonctionnement même de l’art. Comme l’écrit Georges Didi-Huberman, cette nouvelle fonctionne comme un mythe et permet une multiplicité d’entrées : mythe sur l’origine, les moyens et l’extrémité de la peinture. Les limites de l’oeuvre entre être et représentation. Elle met en exergue la question esthétique de « l’incarnat » en peinture ainsi qu’elle met en jeu le statut même du rapport qu’entretient la peinture figurative (un plan, des couleurs) avec son objet (une peau, des humeurs).8 N’est-ce pas aussi la motivation qui anime Emilio López-Menchero ? Ses Trying to be ne reflètent-ils pas ce passage incessant entre l’objet et le sujet ? Entre soi et son double « l’artiste » ? (Carine Fol)

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition (photo Phlippe De Gobert)
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