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Jacques Charlier, Le Jardin du Paradoxe, collection de printemps

Jacques Charlier

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JACQUES CHARLIER
Collection de printemps, 1987
Collection privée, Liège, courtesy galerie Nadja Vilenne & Collection Province de Liège, fonds Cirque Divers.

(…) Enfin, invité à exposer au Cirque en 1987, Jacques Charlier fera finement allusion à cette poétique de l’objet façon Cirque Divers et à ses performances du quotidien. Sa Collection de printemps, une opération de grande envergure, a assurément marqué les esprits. Alors qu’il anime à Liège, de 1965 à 1968, le groupe « Total’s Undergound » et édite une revue intitulée Total’s, l’édition souterraine liégeoise, Jacques Charlier, grand lecteur de Baudrillard, œuvre dans la transparence; ou plutôt il met la transparence en œuvre. Il crée un pinceau transparent, un drapeau transparent aussi, avec lequel, en compagnie des Totalistes, il défilera dans les rues de Bruxelles, lors de la première marche antinucléaire, en 1967. « Si j’avais eu du blé, dit-il, j’aurais créé du mobilier transparent, une salle de séjour entière par exemple, comme une caricature du bonheur idéal. Que nous promettait-on d’autre qu’une vie en aquarium (transparent) dans lequel on pourrait se balader à poil! La transparence était idéal de tout. La réalité en fut tout autre. Il nous faut bien admettre qu’au plus la transparence est devenue objet de préoccupation, au plus le mystère s’est épaissi. » Tout est dans la transparence donc, tous ces « désirs communs de bonheur, succès nanciers, mariage, enfants, maison, santé, frigo, TV, chalet de campagne et danses sociales », lit-on encore dans l’édito de la première livraison de Total’s.
Vingt ans plus tard, en 1987, il ne s’agira plus de produire des objets transparents, mais une impression sur tissu, un impressionnant métrage limité, couvert d’une déclinaison d’objets, entonnoir (évidemment), clochette, scie et marteau, plume, petite femme nue portant bouquet de fleurs, brosse à reluire, botte, lampe de poche, crayon, parapluie, clé à molette, ours, chien et canard, morceau de fromage et champignons divers, pinceau, tube de couleur, bloc à jouer, pelle et cutter, tout cela, sériellement imprimé sur fond rouge par la firme Wollux de Mouscron. Le projet de Charlier est, d’abord, de créer une collection de prêt- à-porter qui permettra d’organiser un défilé performatif. Une armée de couturières et de doigts d’or se met au travail et réalise hauts et bas, soutiens, chemises, culottes, pantalons, caracos, strings et jupettes, certaines à froufrou; l’une des couturières crée même un bibi tarabiscoté. La mode prend ici des voies des plus débridées, la créativité est complète. Et ce n’est pas tout: Charlier se réserve suffisamment de métrage pour des nappes et serviettes afin de dresser la table, de recouvrir fauteuils et canapé, de monter des toiles sur châssis qui seront accrochées, dans un beau rythme minimal et sériel, au-dessus de ce canapé, de transformer un paravent (pratique, pour aller en toute discrétion tro- quer pièce vestimentaire printanière contre pièce vestimentaires printanière), de fabriquer rideaux, couettes et abat-jour. Bref, il conçoit et compose un environnement total, un mystère épaissi dans l’uniformisation. Changer de look et d’image de marque, l’effet comique est garanti, « comédie à laquelle
chacun de nous participe quotidiennement, en fabriquant des signaux pour communiquer, qu’ils soient vestimentaires, gestuels ou langagiers ». « Ce qui passe de mode entre dans les mœurs. Ce qui disparaît des mœurs entre dans la mode. » La citation est de Jean Baudrillard; elle est, encore aujourd’hui, un des moteurs de l’œuvre de Jacques Charlier. (…)

Extrait de : Le Jardin du Paradoxe, Regards sur le Cirque Divers, 2018, Editions Yellow Now.

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