Jacques Lizène, l’Empreinte des Sensibles, Périgueux

Quelques murs, des colonnes, des restes de fresques,des sols, des canalisations. Le site de Vesunna présente les vestiges d’une vaste villa gallo-romaine. Un musée y rassemble des objets découverts lors des fouilles : fragments du quotidien, sculptures incomplètes, éléments d’architecture. Le parcours à l’intérieur du bâtiment de Jean Nouvel invite le visiteur à surplomber tout d’abord l’ensemble du site puis, par un système de passerelles, il s’insinue au plus près des vestiges, s’enfonce dans le sol, entre progressivement en contact avec le passé. Grâce à des outils didactiques, la compréhension s’affine. Ces quelques traces anciennes suggèrent clairement l’image de la villa et évoquent des modes de vie disparus. L’archéologie permet ainsi d’appréhender les signes préservés par le temps, témoins de l’Antiquité en Aquitaine.

Jacques Lizène

Jacques Lizène, Filmer le bas des murs au cours d’une longue promenade urbaine, 1971, N.B, sans son, 8 mm, transféré sur DVD, 4’53 ». Ed. Yellow. Collection FRAC Aquitaine.

Dans le cadre d’un programme d’expositions réunies sous l’intitulé « Art & Archéologie » organisé en partenariat avec le Frac Aquitaine, le Pôle International de la Préhistoire et le Musée d’Aquitaine, L’Empreinte des sensibles aborde cette relation aux traces. À la différence des pièces archéologiques ou des ruines existantes, les oeuvres contemporaines présentées ne sont pas des fragments de réalité. Issues d’une subtile observation du monde, elles alimentent plutôt une réflexion sur les modes d’apparition et d’interprétation des formes. Tout d’abord, les traces sollicitent une attention particulière en étant parfois à la limite du visible. Il convient de s’approcher, d’affiner le regard et de devenir hyper réceptif. Ainsi, Jacques Lizène, dans sa vidéo, nous invite à observer, à nous pencher, à guetter des indices sur le sol d’un banal trottoir. Qu’y-a-t-il donc à voir ? L’absence ou une quelconque présence ? À l’évidence, les traces évoquent la disparition. Elles sont les témoins intermédiaires d’une existence révolue, d’une action à imaginer, d’un vide à combler. L’empreinte de flaque de Serge Provost, les circonvolutions d’une toupie par Rainier Lericolais, les photogrammes de Pierre Savatier, la sculpture de Sébastien Vonier révèlent autant de présences éphémères et évanescentes. Par ailleurs, le temps joue sur l’effacement des traces du passé. Elles s’évanouissent, ton sur ton, stimulant toujours davantage nos facultés de discernement dans une attention bienvenue. Ainsi les motifs populaires gravés sur les plaques de zinc de Antoine Dorotte évolueront dans des contrastes changeants. Pour la délicate peinture de Jane Harris, c’est une forme étrange qui se laisse deviner par certains jeux de reflets. Étrange aussi le double polyèdre de Raphaël Zarka. Il se pose sur le site même de la villa, comme une présence incongrue qui se développe, comme une géométrie résurgente qui déploie de multiples connexions. C’est une forme artificielle que l’on retrouve à différentes époques, dans différentes cultures, comme le signe d’une appartenance commune à une même humanité. L’attention portée aux traces nous convie ainsi à un rapport sensible au monde. Objets archéologiques ou artefacts contemporains sont des éléments de relation entre nous et une altérité qui nous touche.

Oeuvres du FRAC Aquitaine ( Fonds régional d’art contemporain) avec les artistes : Antoine Dorotte, Jane Harris, Reinier Lericolais, Jacques Lizène, Serge Provost, Pierre Savatier, Sébastien Vonier, Raphaël Zarka.
Commissariat : François Loustau et Frac Aquitaine
Vesunna, site gallo-romain, Périgueux. Du 21 juin au 2 novembre 2014.

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