Jacques Charlier, Gerry Schum, watching TV, 1973

Jacques Charlier

Jacques Charlier
If I had know… I’d stayed home watching TV, Gery Schüm, 1973 Encre sur papier, 1 planche, 29,7 x 21 cm, 1973

GERRY SCHUM, WATCHING TV, 1973

 « If I had know… I’d stayed home, watching my TV », si j’avais su je serais resté à la maison devant la télé.. Non, Gerry Schum n’ira pas au Kunstmarkt de Cologne, il tourne le dos à Prospect, le célèbre projet de Konrad Fischer. Deux grandes ailes dans le dos, il est en route pour le paradis. Gerry Schum se suicide le 23 mars 1973, le dessin de Jacques Charlier est daté du 30 septembre de la même année. On admet généralement qu’avec Honoré Daumier, la caricature adhéra à l’histoire et devint la chronique la plus sûre de son époque. Avec Jacques Charlier, elle s’applique au petit monde de l’art international et devient très vite la chronique des années conceptuelles; elle met en relief les comportements de certains artistes, pastiche les situations, démontent les systèmes et campent des attitudes. Certes ses dessins sont bien souvent satiriques, mordants et caustiques (c’est le propre de la caricature) mais ils révèlent aussi la profonde admiration que Jacques Charlier a pour ces acteurs du monde de l’art, artistes, critiques, galeristes et curateurs. « Ces personnalités fortes des années 60/70 ont profondément marqué ma mémoire, écrira Charlier en 1997. De leur vivant, ils étaient déjà pour moi des mythes et des stars. Le look impassible de Konrad Fischer, par exemple, sa gestuelle, ses tics, ses humeurs, jusqu’au son de sa voix, étaient ceux d’un personnage hors du commun. Il a mis son talent d’artiste, qui en ferait pâlir plus d’un, de côté, pour monter celui des autres, avec une passion et une fidélité sans failles. Cela me touchait profondément. Je l’ai souvent caricaturé, sans flatterie aucune, en attaquant ses « « points faibles ». Malgré l’étonnement de certains, cela l’amusait beaucoup ». 1

Ce dessin de Gerry Schum est, en quelque sorte, également un hommage. Rappelons qu’en 1968, Gerry Schum, à peine sorti de la Film und Fernsehacademie de Berlin, jette les bases d’une galerie télévisée2. Le concept de la Fernsehgalerie Gerry Schum (galerie télévisuelle) qu’il crée en 1969 est motivé par l’idée de trouver un moyen d’exploiter la télévision, médium de masse, à des fins artistiques, et, partant, de rendre l’art plus accessible à un large public. Cette idée, dont le but était de créer spécialement des œuvres d’art pour la télévision plutôt que de réaliser et de présenter des documentaires sur des artistes, est à placer dans le contexte des courants artistiques émergents de l’époque tels les arts conceptuel et processuel, le Land Art et l’Arte Povera. Jacques Charlier s’inspirera directement des positions et des activités de Schum, avec qui il en discute d’ailleurs, lorsqu’en 1970, il met en place son projet de film collectif pour la Biennale de Paris de 1971. Dans sa note d’intention Charlier évoque « un film constitué de six séquences réalisées chacune par des artistes, un reflet des courants d’idées et prises de positions élaboré en Belgique ». « Il ne s’agira pas à proprement parler de cinéma, précise Charlier, mais plutôt d’un support d’idées ou de documents sur des travaux en cours. De diffusion soit cinématographique, soit télévisée, ce projet correspond parfaitement aux besoins de la communication actuelle sur le plan international ». 3
Vidéographie, cette émission du centre de production de Liège, créée par Robert Stéphane, Jean Paiul Tréfoit et Paul Paquay, quelques années plus tard, reprendra les grandes lignes de pensée, mais dans un autre contexte et suivant d’autres paramètres, de la démarche de Gerry Schum.

1 Dans les archives Charlier
2 A propos de Gery Schum : Philippe-Alain Michaud, Prendre place. Gerry Schum et l’histoire de la Fernsehgalerie, Les Cahiers du Musée national d’art moderne, été 2009, p. 68-85. Lire également la recension que Maïté Vissault fait de la rétrospective consacrée à Schum, initiée par la Kunsthalle de Düsseldorf en 2004 et qui circulera à travers l’Europe. Maïté Vissault, La Fernsehgalerie de Gerry Schum, ETC, no. 69, mars-avril-mai 2005, p.69-72.
3 Archives Jacques Charlier

[sociallinkz]