Jacques Lizène, Désastre jubilatoire, au Passage de Retz à Paris

Jacqueline Frydman a le plaisir de vous inviter au vernissage de l’exposition :
JACQUES LIZENE, DESASTRE JUBILATOIRE, Rapide rétrospective 1964-2011

le samedi 15 octobre de 18 à 21 heures

Commissariat de l’exposition : Jean de Loisy
Avec la collaboration de : Jean Baptiste de Beauvais

Passage de Retz, 9, rue Charlot, 75003 Paris
L’exposition est accessible du 16 octobre au 27 novembre 2011.

Une Rapide rétrospective  1964-2011, en quelques dates, relevées par Jean Baptise de Beauvais :

1964 : Jacques Lizène dessine de petites choses en les croisant : « Croiser toutes sortes de choses comme des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures. » Ou encore : « Découper et mélanger deux styles. »

1964 : Traverse sans raison, pendant plusieurs heures, le même passage piéton, attendant chaque fois de l’autre côté que le feu soit vert pour lui.

1965 : Définit ce qu’il nomme Art d’attitude précisément en choisissant de ne pas procréer.

1966 : Jacques Lizène prend position pour « l’Art sans talent ».

1966 : Déclare : « La situation humaine en général étant ce qu’elle est, je ne procréerai pas »

1968 : Décide de qualifier ses démarches de « sans importance ».

1970 : Décide, suite à la lecture d’un article de Pierre Restany de 1969 qui affirme que Daniel Spoerri n’est pas « un petit maître », de s’autoproclamer « Petit Maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle, artiste de la médiocrité et de la sans importance. »

1970 : Déclare : « D’une manière générale, les choses étant ce qu’elles sont, Jacques Lizène ne procréera pas… Hopla ! Il subira volontairement la vasectomie (stérilisation par coupure des canaux déférents)… Dès ce moment il portera en lui « une sculpture interne ».

1971 : Propose de filmer l’entrée d’un train en gare de La Ciotat, puis de faire un remake du film éponyme (l’équipe de tournage imitant un train comme les enfants le font en jouant). Propose également de filmer le bord des films comiques, comme des bords d’œuvres.

1971 : Déclare : « Dans le domaine de l’art, seul l’humour, même médiocre, ou ses tentatives, m’importe. Je tends, et je n’ai jamais rien fait d’autre, à la facétie. La facétie en art (même quand elle semble manquer d’intérêt) a comme qualité principale et c’est là son mérite, d’être justement facétie… Elle se suffit à elle-même »

1971 : Crée l’Institut de l’Art Stupide, dont il se constitue en toute bonne foi, le seul représentant. L’avenir lui apprendra qu’il était loin d’être le seul membre.

1974 : Se déclare comme « étant de la Banlieue de l’art », ce qui lui permet de s’assumer comme un artiste hors des activités centrifuges de l’art, ou, selon le point de vue duquel on veut regarder son travail, de ramener certaines de ses préoccupations au centre de l’art.

1975 : Décide d’assurer sa propre publicité. (« Art autopublicitaire : collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition votre mobilier et vos tableaux de maîtres »).

1977 : Décide de devenir son propre tube de peinture. Il peint alors avec sa matière fécale, contrôlant le mieux possible son alimentation afin d’obtenir des coloris variés. «  Démarche : survivre, boire, manger, déféquer, peindre avec, tenter la transformation en argent, pour… à nouveau boire et manger, déféquer, peindre avec, transformer… pour etc. »

1980 : Détermine le principe d’Autohistoricité. Il devient, dès lors, son propre historien de l’art, en définissant notamment le cadre théorique de ses œuvres («  démarche pernicieuse, à la limite du ridicule, à vocation ennuyeuse, sans séduction, qui n’amuse que son auteur, même pas drôle… »), tout en leur afférant une chronologie rigoureuse. Devient dans la foulée l’invariable auteur de remakes de ses propres travaux, comme en atteste la reconstitution quasi systématique des ses Sculptures génétiques qui se réinventent d’elles-mêmes selon les circonstances.

1980 : Crée, en écho aux Nouveaux fauves ou aux Néo-géo, la Nouvelle Abstraction nulle qu’il intègre immédiatement.

1987 : Pris dans une tourmente d’inspiration, il crée l’art Néo-déco qu’il rallie également.

1990 : Se rend compte qu’il est l’un des inventeurs du Conceptuel comique et se déclare comme tel.

2003 : Déclare : « D’une certaine manière, oui. Je peux également déclarer que je suis le vingt-cinquième Bouddha. Vous connaissez la légende ? Le vingt-quatrième Bouddha aurait dit qu’avant lui il y aurait eu vingt-trois Bouddhas que les hommes n’auraient pas reconnus… Et moi, je dis : “le vingt-cinquième c’est moi !” (Ah ! ah ! ah !). Mais ce n’est pas gratuit comme affirmation, car si on examine rapidement l’histoire du vingt-quatrième bouddha, et son attitude, il y a des points en commun avec ma démarche. Vous savez qu’il est né dans une famille sans problème, c’était même un prince – et pour ma mère, j’étais une sorte de prince ! (Ah ! ah ! ah !). Un beau jour, il quitte son palais et découvre un monde imparfait avec ses malades, ses morts et ses souffrances. C’est en voyant le monde dans cet état qu’il décida de prendre cette position de retrait et de retraite intérieure qui fut la sienne. C’est un peu ce que je fais, moi aussi, n’est-ce pas ? (Ah ! ah ! ah !) »

2004 : Déclare : « (Presque) jamais le visionnaire n’a été perçu comme tel en son temps.  Aie ! AhAhAhAh ! (en réponse à une lettre d’invitation d’Harald Szeemann à l’exposition Belgique Visionnaire)

2010. Déclare à Stéphane Corréard, pour le magazine « Particules » : « Jef Koons fait parfois des œuvres intéressantes et parfois complètement nulles. Son grand homard par exemple est vraiment une œuvre nulle.  Il ne l’a même pas croisé avec un saumon. C’eut été beaucoup plus stupide mais moins nul. Si on me propose d’exposer à Versailles, je ferai cela, uniquement cela, dans toutes les tailles.  Dont un sur un petit socle, comme ces poissons qui remuent et qui chantent. Oh Oh Oh ».

2011. Projette d’exposer, sur une idée de 1993, dans tous les musées du monde. Mais virtuellement.

Le Communiqué de Presse, révisé par l’artiste (Le Ratur’Art est une pratique lizénienne depuis 1975)

 

Jacques Lizène, autoproclamé « petit-maître liégeois », se définissant lui même comme artiste de la médiocrité pris en 1966 le parti de « l’art sans talent ». Depuis cette période ,  sa position délibérément iconoclaste sabote les emphases du grand art et, se situant délibérément du côté de la part maudite de la création qu’est la médiocrité casse les postures autoritaires du jugement. Sa démarche qu’il qualifia en 1965 d’art d’attitude le conduit à utiliser tous les supports à la disposition de l’art moderne, body art, vidéo, installations, peinture, chansonnettes, non sans corrompre par l’absurde ou la dérision l’esprit et le potentiel de chacun de ces moyens, les faisant basculer dans le ratage ou la trivialité.

Pourtant après plus de quarante ans de cette obstination a explorer la banlieue de l’art, comme malgré lui, son œuvre radicale circonscrit un territoire absolument singulier où prime l’expression  d’une liberté absolue et dont l’influence sur les générations suivantes ne cesse de croître. Jacques Lizène, soutenu sans faille depuis des années par des regardeurs aussi divers que Jean Yves Jouannais, Ben, Arnaud Labelle-Rojoux, Guy Scarpetta ou Harald Szeeman, rejoint par son attitude, la lignée des scandaleux qui des cyniques à Jarry, de Dada à Cravan ou Picabia, résistent à toutes les récupérations, déjouent les scénarios de la critique et les panthéons préfabriqués.

L’exposition présentée par le passage de Retz sera la première occasion en France de découvrir l’ensemble de cette œuvre libre, burlesque, désespérée, bruyante et très souvent à la pointe de l’invention dans l’art de son époque. Ainsi, depuis ses premières œuvres d’attitude dans les années 60, les vidéos dès 1970, la vasectomie comme sculpture intérieure en 1970, les photographies perçues-non-perçues commencées en 1972, les peintures à la matière fécales de 1977 ou ses nombreuses performances et réalisations musicales jusqu’aux peintures et sculptures génétiques d’aujourd’hui, ses oeuvres tracent un sillage énergumène dans lequel se mêlent l’art et la vie et qui en dépit des dénégations de l’artiste,  constitue in fine un corpus majeur exceptionnel.