Jacques Lizène, La Fondation du Doute, Blois

Jacques Lizène participe à l’exposition inaugurale de la Fondation du Doute à Blois. Vernissage le 5 avril. WE d’ouverture les 6 et 7 avril.

La Fondation du Doute est un projet porté par l’artiste Ben. La fondation du Doute n’est ni un musée, ni un centre d’art mais un lieu original où règne l’esprit Fluxus. La Fondation du doute a plusieurs visages. C’est, bien sûr, un lieu où sont présentées les oeuvres importantes de cette période si active des années 1960-1970 : plus de 40 artistes sur deux étages, quelque 300 oeuvres, documents, archives et vidéos Fluxus, mais aussi « para et post Fluxus » comme le dit Ben, issus de sa collection personnelle, de celle de Gino Di Maggio (prêt des collections pour une durée de 8 ans), de la complicité d’artistes et d’autres collectionneurs comme Catarina Gualco. C’est également un lieu vivant, un réservoir d’idées, un espace d’expression, d’interrogation sur l’art, ses limites ou ses frontières.
Conçue par Ben, la Cour du doute est l’entrée monumentale du site, c’est aussi un espace de diffusion et de programmation d’événements.
Le Fluxus, café signé par Ben, est l’endroit de restauration et de convivialité de la Fondation ; ouvert aux expressions artistiques les plus diverses, il permet les rencontres, les débats, assure la vie du site. La Fondation du doute est un lieu étonnant où l’art, comme l’affirmait Robert Filliou, devrait rendre la vie plus intéressante que l’art.

Créer c’est douter et douter c’est créer » écrit Ben en frontispice de la Fondation du doute, le nouveau lieu de questionnement et de création que l’artiste installe à Blois. Le processus de création se déploie toujours dans l’errance, l’incertitude, la remise en question, la quête du choix juste. Comment « éviter le talent, éviter la variation, éviter l’astuce, éviter le superflu, éviter la décoration, bref, si seulement je pouvais tout éviter », écrit encore Ben sur le Mur des mots, créé en 1995.
Le doute est le compagnon de l’artiste. Il est lié à lui et même souvent l’habite, voire l’anime et le motive. La question est plus importante que la réponse et la fameuse inspiration ne se trouve pas dans l’assurance de l’existence d’une chose enfouie, mais dans l’incertitude de sa découverte. Qu’il soit artiste ou scientifique, c’est cette incertitude qui fait avancer quotidiennement le chercheur et qui alimente sa création.
Le « douteur » est le vrai savant, l’insatisfaction des réponses le maintient dans une sorte d’état continu de remise en question, faisant ainsi de sa faiblesse une force. La vocation du dubitatif est de douter pleinement, cela lui confère tous les pouvoirs et comme il ne sait pas, il garde la main sur tout ; au fond, il crée du désordre dans l’esprit de celui qui cherche à le convaincre ; son arme, le questionnement permanent.
Il ne s’agit pas de croire, mais de comprendre.
Douter c’est interroger et interroger encore, créer des voies, creuser des chemins sinueux au travers du réel, tracer des parcours éphémères, fouiller en tous sens la raison. Le doute est un remède contre tout aveuglement, une méthode inspirée pour vaincre la crédulité des opinions.
Le doute joue avec nos certitudes, c’est un état de conscience en quête de vérité au travers de nos vies qui, par nature, sont incertaines. Le « douteur », contrairement à la pensée commune, crée et construit des espaces de liberté, il n’oppose pas, il laisse des
espaces vacants, des temps de vacuité, des silences à remplir. Il est finalement toujours en action.
La Fondation du doute est un lieu singulier ; Ben Vautier l’imagine empli de la liberté des lieux en mouvement, animé de ce flux qu’il porte avec lui depuis cinquante ans ; pour notre part, nous le voulons le plus ouvert à toutes les formes, à tous les possibles pourvu qu’ils nous surprennent, qu’ils nous amusent, qu’ils nous persuadent que l’art, comme le dit si justement Robert Filliou, « c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». La vocation de la Fondation du doute est d’accueillir artistes, théoriciens, chercheurs, de créer une résidence vivante où les publics se rencontrent.
Comme pour Fluxus dont l’esprit occupera, par les oeuvres présentées, les espaces physiques – œuvres et documents issus de la collection personnelle d Ben, mais aussi de la complicité d’artistes et de collectionneurs comme Gino Di Maggio – la Fondation du doute doit promouvoir la « concomitance », l’importance de la non-importance, les détails de la vie, le tout possible, l’idée, l’humour, le gag, l’« event », la théorie, le manifeste, l’action, et, comme l’imagine Ben, un Art Total. La mécanique du doute pèse le pour et le contre, capte toutes les voix, enregistre et transmet, mélange et malaxe, mesure les limites de l’art, s’interroge et interroge les frontières.
La Fondation du doute est un lieu d’apprentissage ; implantée au sein d’un pôle d’enseignement artistique, elle ouvre de nouvelles perspectives de recherches, une pédagogie de l’écoute, de l’échange, de l’action. John Cage disait qu’« il n’est pas nécessaire que tous les sons soient organisés par un auteur ou par une intention, il suffit simplement que quelqu’un les écoute ». Pour comprendre, apprenons à tout écouter.

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