Emilio Lopez Menchero, Le Rail, Bruxelles, Jonction Nord Midi, performance ce 12 avril

Il y a trois ans, Emilio Lopez Menchero introduisait dans la foire Art Brussels un tube de canalisation en PVC noir, long de 12 mètres porté par une douzaine d’hommes. Comme l’on glisse le fil dans le chas d’une aiguille, ces porteurs  déambulèrent dans la foire suivant un itinéraire programmé, tentant de se frayer un chemin parmi les amateurs d’art, de négocier d’improbables virages, de déjouer les pièges posés par les escalators, les comptoirs d’accueil ou les bars à champagne. « Exposé là où il est vu », pour reprendre la célèbre assertion d’André Cadéré déambulant avec ses célèbres barres de bois rond sur l’épaule, « The pipe » et ses porteurs prirent ainsi la mesure de toute chose, y compris celle d’un espace social compact. Hommage à la réalité du travail, sculpture horizontale au caractère énigmatique, ce tube s’est ainsi vu conférer une monumentale capacité d’expression.

Cette année, sur le même principe, Emilio Lopez Mechero travaille aux dimensions de la ville : il met en scène la déambulation d’un rail de chemin de fer tout au long du tracé de la Jonction Nord – Midi. C’est tout aussi incommode, inconfortable et envahissant.

Emilio Lopez Menchero répond à une invitation de Recyclart et du commissaire Michel Dewilde. Huit plasticiens sont, en effet, sollicités pour déployer de nouvelles créations le long des 2,8km de la voie ferrée qui relie les gardes du Nord et du Midi. A ciel ouvert, et/ou à l’intérieur, dans les gares qui jalonnent ce tracé. Ils plongeront dans leur imaginaire pour y analyser et y canaliser l’histoire de cette faille urbaine ainsi que les forces sociales, architecturales et émotionnelles sous-jacentes. « La jonction Nord – Midi, précise les promoteurs de l’initiative, est avant tout un espace conflictuel, tant par ses origines qu’en raison de son avenir: son aménagement a contraint personnes et bâtiments à disparaître tandis que son destin est source de rêves et d’opinions antithétiques. Son implantation a imposé de nouvelles frontières, divisé et marginalisé certains quartiers, mais permet aussi des expériences et des appropriations nouvelles. En ce sens, nous présentons la jonction ferroviaire comme un vaste espace ‘liminal’, une zone de transition où seuils et intervalles guident les voyageurs, les visiteurs et les habitants vers d’autres fonctions et dimensions ».

Ce vendredi 12 avril, à l’aide de sangles, une dizaine  d’ouvriers intérimaires tireront un rail d’acier qu’un camion grue aura auparavant déposé à l’entrée de la gare du Midi. Le rail, long de 18 mètres, posé sur des roulettes, sera tracté comme l’étaient les péniches, depuis les chemins de halage sur les berges des canaux.  Cortège, action collective, procession, ce convoi exceptionnel, qui d’ailleurs à ce titre sera escorté, rejoindra, dans l’effort, et en rythme, le parvis de la Gare du Nord, où le rail sera exposé pendant tout la durée de l’exposition, tel une sculpture, un monument horizontal. L’intention première d’Emilio Lopez Menchero est de signifier et de rappeler la présence de la Jonction à l’échelle humaine, d’un point de vue historique, urbanistique et social au sein de la ville. Rituel contemporain, cette déambulation est comme une tentative de résilience par rapport à cette cicatrice urbaine que représente toujours cette jonction souterraine et ferroviaire.

Le rail quittera la gare du Midi à Bruxelles ce vendredi 12 avril entre 9 et 10h

[sociallinkz]