Valerie Sonnier, Acquisitions récentes 2009-2013, Frac Picardie, Amiens, l’image

Valerie Sonnier

Valérie Sonnier enseigne depuis 2003 le dessin et la morphologie à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Son travail plastique consiste à réactiver et transformer ses souvenirs, les objets ou situations rattachés à l’enfance. L’imagerie qu’elle convoque fait défiler tour à tour jouets, scènes de jeu, vues de la maison familiale où elle séjournait petite. Sa pratique la conduit à travailler indifféremment le dessin, la peinture ou le film super 8. Si le matériau de ses oeuvres repose parfois sur son propre vécu (extraits de films familiaux ou l’artiste enfant figure, photographies ou vidéos de la maison de sa grand-mère), il ne s’agit pas pour autant d’en établir le récit minutieux. Chaque moment , chaque scénette représentée évoque des sensations, une atmosphère qui trouvent résonnance dans les souvenirs de chacun. Le t raitement plastique leur confère une charge émotionnelle particulière, tant dans les dessins minutieux, les acryliques aux couleurs saturées que les films aux séquences pâties par le temps.

Comme point de départ à une série de dessins intitulée Les morts minuscules, la rencontre de Valérie Sonnier avec des objets lors d’une promenade aux Puces à Paris au début des années 1990. Elle revient chez elle avec, sous le bras, un jouet en bois et un livre de compte aux fins quadrillages. Ce jouet, en l’occurrence un camion laitier, est mis en scène et cohabite le plus souvent avec d’autres jeux. Le dessin s’attache à représenter avec minutie cet univers marqué par une inquiétante étrangeté. Le camion engage des relations équivoques avec une poupée et un squelette -marionnette quand il ne fraye pas avec la mort, dans la ligne de mire d’un révolver ou au contact d’un crâne.

D’autres dessins appartenant à la même série constituent les pages d’un cahier intitulé Le cahier de morts minuscules. Il retrace le parcours du camion, sorti de sa boite que l’artiste lui avait spécialement confectionnée et partant à la découverte du monde. Le caractère anodin de ces natures mortes est trompeur, il en sourd un sentiment plus ambivalent, voire grinçant. Si les différents éléments évoquent naturellement les jeux de l’enfance, ils sont manipulés par l’artiste de telle sorte à rappeler le temps qui passe, la mort à l’oeuvre, la destruction des choses. Les objets s’enlacent ou s’accouplent, le camion s’aventurant à l’intérieur devient un élément d’ érotisation, comme pour nous rappeler qu l’ enfance recèle inévitablement une part de violenc et de désir. Le cadrage cinématographique de certains dessins renforce la dimension fictionnelle, joue sur les échelles, permet au regard de tourner autour des objets.

Propos sur l’artiste :

Derrière leur apparente légèreté – derrière l’apparente légèreté des dessins de Valérie Sonnier –, les jouets sont d’une richesse symbolique et culturelle immense. Ils préparent à la vie de « grand » autant qu’ils permettent de s’en émanciper en éveillant notre imagination. C’est la raison pour laquelle il est si difficile de s’en séparer. Leur abandon est douloureux, car il signifie notre entrée dans l’âge adulte, fait d’amour et de rencontres, mais aussi de compétition, de responsabilités et au final, de néant. De même que le jouet est une réduction poétique du monde réel, le destin du petit camion laitier est la contraction mélancolique d’une vie humaine. (Bruno Girveau, L’insoupçonnable gravité du jouet).

Source : Frac Picardie, Des mondes dessinés

Frac picardie, Amiens 13 novembre 2013 – 21 février 2014

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