Walter Swennen, So far so good, Wiels, les images (4) et revue de presse

Walter Swennen

Walter Swennen

Exhibition view of Walter Swennen: So Far So Good (05.10.2013 – 26.01.2014) at WIELS Contemporary Art Centre, Brussels. Photo: Kristien Daem.

Lu dans le Soir sous la plume de Jean-Marie Wynants :

Le bonheur ! En consacrant sa grande exposition de rentrée à Walter Swennen, le Wiels a frappé fort et juste. Deux étages ne sont pas de trop pour rendre justice à cet artiste d’une liberté rare, suivant sa propre route sans se tracasser des modes et du marché.
Dire cela pourrait donner l’impression d’un artiste totalement à l’écart de l’univers artistique. C’est pourtant tout le contraire en ce qui concerne Walter Swennen qui n’a jamais cessé de s’interroger sur la peinture, son « utilité », la manière de l’aborder aujourd’hui…
Le parcours du Wiels le montre magistralement en surprenant le visiteur dès l’entrée. Au lieu des vastes espaces auxquels on est habitué, deux étages ont été réaménagés de manière quasiment muséale. Grandes cimaises blanches, vitrines pour les dessins et autres documents, banquettes permettant de souffler à mi-parcours…
On retrouve dans cette présentation même l’ironie de l’artiste et une part de ses interrogations sur le monde de la peinture. On constate ensuite que, contrairement à l’habitude, la chronologie a été oubliée (à quelques rares exceptions près) au profit d’associations d’idées, de genres, de couleurs, de thèmes, de formes traversant les époques, les techniques, les supports. De 1980 à aujourd’hui.
Faussement sage, cette plongée dans l’univers de l’artiste rend pleinement justice à la variété de son inspiration, à ses liens avec le langage (et sa méfiance à l’égard de celui-ci), à son intérêt pour toutes les formes de culture, des plus populaires aux plus savantes.
C’est que l’homme a connu un parcours pas banal que le visiteur peut découvrir dans de grands panneaux explicatifs ou dans le catalogue édité à cette occasion.
Né en 1946 à Bruxelles au sein d’une famille nombreuse et flamande, il est, dès l’âge de 5 ans, éduqué exclusivement en français. On peut sans doute trouver dans ce changement brutal certains germes de sa passion pour le langage mais aussi de l’idée que tout acte artistique est avant tout un acte de traduction.
Fan de BD, le jeune Walter recopie joyeusement les personnages qu’il découvre dans Tintin, Spirou et le Journal de Mickey. Il lui en restera une passion pour ces personnages aux allures bonhomme qu’on retrouve dans nombre de ses peintures. Les enfants ne s’y trompent pas qui s’amusent comme des fous en visitant son exposition. Mais là encore, réduire l’artiste à son utilisation des codes de la BD transposés en peinture serait une grave erreur. Ce n’est là qu’une des multiples facettes d’une œuvre aussi riche que variée.
Car de nombreux facteurs sont venus contribuer à façonner sa personnalité artistique. D’une part, la découverte de la poésie à travers, notamment, l’œuvre de Paul van Ostaijen. D’autre part, celle de la peinture qu’il pratique dès ses humanités, poussé par sa mère. Ensuite, la musique et singulièrement celle de John Coltrane qui lui fait découvrir le pouvoir de l’improvisation. La gravure également qu’il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, après avoir tenté une année de philosophie. Il n’oubliera rien de tout cela, se nourrissant autant des poètes de la beat generation que de l’art de Marcel Broodthaers.
Revue confidentielle, poésie, occupation du Palais des Beaux-Arts en 68, le jeune Swennen est partout et se fait un nom dans le monde artistique tout en poursuivant ses études en psychologie.
En 1980, il opère soudain un virage, lâchant l’écriture pour revenir à la peinture. Les superbes œuvres des débuts, avec leur noir profond mettant en valeur des mots devenus personnages de sa peinture sont rassemblées dans une même salle. Chant du signe du poète qui s’éloignera ensuite du monde des mots tout en parsemant régulièrement ses peintures de lettres, signes et autres succédanés d’écriture.
Tout cela, on le retrouve au Wiels, disséminé à travers les salles où poésie, humour, réflexion sur le monde et sur l’art surgissent sous les aspects les plus divers. Utilisant les supports les plus variés (papier, toile, bois, métal…), Walter Swennen invente un monde singulier de couleurs, de formes, de personnages, de sens.
On y découvre même quelques petites sculptures bien à l’image de son art, bricolées à partir d’éléments épars comme cet avion fait de bouts de bois, d’un peu de fil de fer et d’une pince à linge.
Un art à la fois ludique et profond, pratiqué avec passion mais sans jamais se prendre au sérieux comme le rappelle un des nombreux aphorismes « swennenien » : « Métaphore où je pense ! »

MAD Le Soir

MAD Le Soir

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