Résonances, Marie Zolamian, Zone d’ombre 2016 – 2017

Eschatologie, Impavide, Sédition, Ribote, Sororité. Les titres des dernières peintures sur papier de Marie Zolamian ont de singulières résonances. Comme si l’artiste les avait choisi pour leur sonorité, se délectant de se les entendre dire à haute voix, explorant ainsi un idiome étranger, inconnu, aux syllabes mystérieuses et exotiques. Un apprentissage en quelque sorte, lui même plein de réminiscences. Ainsi poursuit-elle son « memento », nom masculin, du latin memento, souviens-toi. Un agenda ou un carnet, où l’on inscrit ce dont on veut se souvenir, un livre où sont résumées toutes les parties essentielles d’une question, d’une matière comme dans un Mémento d’histoire. Une Prière du canon de la messe commençant par ce mot latin, le mémento des vivants et le mémento des morts. Éminemment picturales, la précieuse et délicate générosité de leurs couleurs nous ouvre un univers singulier et confondant où se croisent et s’associent les cultures orientales et occidentales, les rites et les mythes, les légendes collectives et les histoires individuelles, dont la sienne.

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Eschatologie, 2016 (série Zone d’ombre 2016-17)
Huile sur papier, 17 x 24 cm

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Sororité, 2016 (série Zone d’ombre 2016-17)
Huile sur papier, 32 x 24 cm

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Ribote, 2016 (série Zone d’ombre 2016-17)
Huile sur papier, 17 x 24 cm

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Sédition, 2016 (série Zone d’ombre 2016-17)
Huile sur papier, 17 x 24 cm

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Impavide, 2016 (série Zone d’ombre 2016-17)
Huile sur papier, 24 x 32 cm

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Résonances, les images (1)

Résonances

Photo Charlotte Lagro

Résonances

Jacques Charlier
Peinture mystique I, 1988
Technique mixte, acrylique sur toile, objets trouvés, 200 x 350 cm

Résonances

Résonances

Photo Charlotte Lagro

Résonances

Photo Charlotte Lagro

Résonances

Marie Zolamian
Eschatologie, 2016
Huile sur papier, 17 x 24 cm

Résonances

John Murphy
Abstinence from the Image: An anatomy of …emptiness, 2006
Photographic print 186 x 231 cm

Résonances

Résonances

Guy Mees
Niveauverschillen, 1970
6 photographies NB, tirages argentiques, (6) x 12,5 x 8,8 cm

Résonances

Résonances

Résonances

Résonances

Lili Dujourie
Zonder titel (mannelijk naakt), 1977
Série de 6 photographies NB, tirages argentiques, (6) x 18 x 24 cm

Résonances

Résonances

Photo Charlotte Lagro

Résonances

John Murphy
The Discipline of Uncertainty, 2015
Photocopy, gouache, pen and ink on board, 46 x 54 cm

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Résonances, John Murphy, « Abstinence from the Image: An anatomy of …emptiness »

John Murphy

John Murphy
Abstinence from the Image: An anatomy of …emptiness, 2006
Photographic print 186 x 231 cm

Tout l’art de John Murphy consiste à rassembler une constellation de signes révélateurs d’une expérience poétique. John Murphy dialogue sans cesse avec des œuvres existantes provenant pour la plupart d’un corpus littéraire, pictural, cinématographique, principalement avec des auteurs, des peintres, des cinéastes qui ont (ré)inventé le symbolisme, Mallarmé, Magritte, Resnais, par exemple. Ainsi occupe-t-il l’espace mental qui se créée entre les mots et les images. L’intervalle, comme l’ont remarqué les cinéastes Dziga Vertov et Jean-Luc Godard ou encore le philosophe Gilles Deleuze, est une affirmation du présent, celui du regardeur tout autant que celui du créateur. Par delà même ses expositions, conçues comme des pléiades signifiantes, Murphy suscite le développement dans l’esprit du spectateur d’un large faisceau d’associations, enrichi par ce dialogue entre passé et présent.
De l’utilisation qu’il fait de la photographie et principalement des photogrammes de films qu’il utilise (Fellini, Losey, Antonioni,…), Murphy à l’habitude de déclarer qu’elle n’est en rien différente de la peinture. Ainsi, cette image extraite de La Grande Bouffe, la grande abbuflata, de Marco Ferreri (1973), séminaire gastronomique et suicide collectif, en mangeant jusqu’à ce que mort s’ensuive, de quatre hommes fatigués de leurs vies ennuyeuses et de leurs désirs inassouvis. On y voit Ugo Tognazzi, s’apprêtant à donner la pâtée à Michel Piccoli étendu sur sa couche et flanqué, à gauche, d’un Philippe Noiret se bâfrant tout autant. Etrange triangulation des visages sous un voile au plissé baroque. La montagne de purée à l’avant plan est déjà le ventre d’un Piccoli bientôt moribond et qui mourra victime d’une indigestion. On pense à la truculence et aux débordements d’une vie faite d’excès des scènes de table peintes par Jacob Jordaens, lorsque le Roi boit, exubérant dans sa démesure, profitant de toute occasion pour ignorer les normes et les règles, tandis que le bras nu de Piccoli qui traverse le « tableau » de part en part nous fait penser à celui du Marat assassiné de Jacques Louis David. L’image précisément choisie par John Murphy est déjà une mise au tombeau. John Murphy rapproche cette image de Marco Ferrerri à d’autres dessinées par Giambattista et Giandomenico Tiepolo, des Pulchinello, masqués, ventrus, bossus, préparant, se bâfrant et digérant la polenta. « Abstinence from the Image: An anatomy of …emptiness » : Murphy évoque ici le vide de tous les excès.

John Murphy

John Murphy
The Discipline of Uncertainty, 2015
Photocopy, gouache, pen and ink on board, 46 x 54 cm

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Résonances, James Lee Byars, The black Book, 1971

Résonances

James Lee Byars
The Black Book, 1971
Offset sur papier, 42 x 27,5 cm

L’œuvre de l’artiste américain James Lee Byars (1932-1997) résiste à toute tentative de catégorisation ou de stricte définition. Fortement influencé par ses nombreux voyages ainsi que par la philosophie Zen ou le théâtre Noh qu’il découvre au cours des années qu’il passe au Japon, James Lee Byars développe une œuvre aux limites du minimalisme, de l’art conceptuel et des arts performatifs.
En 1969, Byars conçoit une œuvre appelée « The World Question Centre », qui consiste en une tentative de recueillir des questions auprès de ceux qu’il considère parmi les « 100 esprits les plus brillants » de l’époque. Filmée le 28 novembre 1968 par Jef Cornelis, cette performance est diffusée en direct sur la BRT. A chacun des intervenants, l’artiste pose la même question : « Pourriez-vous nous présenter une question que vous jugez pertinente à l’égard de l’évolution de votre propre savoir ? ». James Lee Byars s’adresse à un certain nombre d’intellectuels, d’artistes et de scientifiques. Parmi ceux-ci les artistes Marcel Broodthaers et John Cage , l’écrivain Simon Vinkenoog, le docteur Robert Jungk ou encore Uri Avnery, écrivain et journaliste israélien. Les questions, posées par téléphone, sont discutées en studio par Byars entouré d’un cercle de personnes toutes habillées d’une robe rose dessinée par l’artiste pour l’occasion.
En 1971, James Lee Byars conçoit The Black Book dans un même esprit. Cette fois, il collectionne cent questions produites par autant de scientifiques, dans différents domaines. Il les fait imprimer en très petits caractères, illisibles à l’oeil nu. L’œuvre est produite par les collectionneurs Nicole et Herman Daled. Offset imprimé à 5000 ou 6000 exemplaires, The Black Book existe en deux éditions distinctes, l’une en lettres dorées sur un papier chiffon noir, l’autre imprimée en noir sur un papier blanc. L’édition est distribuée par James Lee Byars à ses invités le 22 février 1971 lors d’une promenade en Forêt de Soignes, non loin de Bruxelles. Jacques Evrard photographie l’événement. Elle sera également montrée la même année au Los Angeles County Museum et par la galerie Michael Werner à Cologne.

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Résonances, Lili Dujourie, Sans titre, nu masculin, 1977

Résonances

Lili Dujourie
Zonder titel (mannelijk naakt), 1977
Série de 6 photographies NB, tirages argentiques, (6) x 18 x 24 cm

Hommage à …I (from a series of 5 Hommages, 1972) is one of Lili Dujourie’s first video works. It belongs to the experimental stage of video art, when the technology was still in its infancy. In Hommage à …I, a naked woman – the artist herself – rolls around in white bed-sheets in slow motion. At first it seems that she’s asleep. But after a while she starts to move, rolls in and out of the bed, in a rhythm that makes one think of the twilight state between wakefulness and sleep. The piece is recorded in real-time, without editing. It shows a space that unfolds in time and a figure that’s caught there. Sensuality, the passage of time, boredom – here they go hand-in-hand. The video links to tradition of the female nude, one of art-history’s most venerable motifs. Lili Dujourie deliberately chooses a theme that had no place in the dominant conceptual art-scene of the 1970s. The artist is also her own model, and explains this choice as follows: “The woman has always been ‘the model’, and I wanted to do away with this – as a woman I could hardly manipulate another woman! (…) If you want to evoke the intimacy of the female nude, then you have to do it yourself, you can’t ask a model to do that for you.” Lili Dujourie redefines conventions regarding the relationship between model and maker, between who’s doing the looking and who’s being looked at. The title refers to a homage to art history. No so much one particular image as the whole of art history, all those images that keep resonating in the artist’s memory. The poses that Dujourie assumes are determined by recollections of nudes from art tradition, in her own words “a physical transformation of everything that I’ve seen in my life”.

In Madrigal and Enjambment a bare wooden floor fills the screen. The dressed figures – a woman and a man respectively – roll, fold and unfold themselves, in between alternating interludes. Madrigal is a continuation of the Hommages series, in which Lili Dujourie investigates the image of the naked body. In this series of videos the artist herself often plays the model. In this work, Lili Dujourie unexpectedly turns behind her back and stares into the camera with a foggy gaze. The image suddenly comes into focus, the overview disappears. A madrigal is a musical composition for several voices. The picking of this title is determined by the poetic quality of the word, by the associations and memories the concept of the madrigal evokes from the artist. In 1976 Lili Dujourie elaborated this idea, this time using a man as the model. There is hardly any difference. The man rolls over the floor, just like Lili in Madrigal, but it takes a while before you realize it is a man. The title ‘enjambment’ refers to the deceleration in the rhythmical progression of a love poem. With Enjambment the artist wishes to approach the male in all his fragility, not in his toughness or strength. She wanted to “capture something in the male nude which leans towards the female side of the male”.

Lili Dujourie uses the same model from het video Enjambement for this series of black and white photographs from 1977. The models rolls across the floor and it’s not always clear whether it’s a male or a female model. These photos are a precursor for the colour photos with female nudes that appear later. In her series Dujourie explores not just the sculptural qualities of the human body, but also its fragility.

(source Muhka)

Lili Dujourie

Lili Dujourie

Lili Dujourie

Lili Dujourie

Lili Dujourie

Lili Dujourie

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Aglaia Konrad, Copy Construct, CC Mechelen, ce 24 mars

Aglaia Konrad

Copy Cities, 2003 – 2004
12 cahiers DIN A4, photocopies couleurs et NB, édition 7/7 sous custode. #01 Urban creatures
#02 Desert Cities
#03 Dakar (survey #01)
#04 Les jumelles
#05 Elasticity Spread
#06 Suburbs
#07 Dakar Cuts
#08 Seoul (survey #02)
#09 Undecided Frames
#10 Some Cities
#11 Makowsky’s Bungalow Colony, High Falls, NY
#12 Hoover Over

Aglaia Konrad participe à l’exposition « Copy Construct » (curated by Kasper Andreasen) au Centre Culturel de Mechelen (Malines).
25 mars > 4 juin. Vernissage ce 24 mars à 20h.

The exhibition Copy Construct departs from different artistic practices and speci c works by artists that are based on ‘reproduction’ or ‘copy’. The selected works are inherent to the production of printed matter or artist’s books. This implies that different artistic media such as painting, drawing, photography, video, sculpture, and graphic design can manifest themselves through graphical problematics and their meanings.
Alongside the 25 works of the artists, a little less than 300 books from the KASK collection (School of Arts, Ghent) and private collections from Belgium and England are displayed in the exhibition. The exhibition architecture is designed by Kris Kimpe and Koenrad Dedobbeleer and is accompanied by a publication, designed by Joris Dockx, which includes a bibliography of the exhibited books, different contributions by the artists, an interview with a book collector, etc.

Curated by Kasper Andreasen

With work by: Kasper Andreasen, Peter Downsbrough, Vincent Geyskens & Jan Op de Beeck, Henri Jacobs, Jan Kempenaers, Kris Kimpe & Koenraad Dedobbeleer Stephanie Kiwitt, Aglaia Konrad, Alon Levin, Sara MacKillop, Gregorio Magnani, Marc Nagtzaam, Willem Oorebeek, Frans Oosterhof, Ria Pacquée, Simon Popper, Guy Rombouts, Mitja Tušek, Anne-Mie Van Kerckhoven (Club Moral) & the KASK Collection et al.

and publications by: Brumaria, Sébastien Conard, Arnaud Desjardins, De Enschedese School, Mekhitar Garabedian, Thomas Geiger (Mark Pezinger Verlag), Jef Geys, Groepsdruk (& others), Karl Holmqvist, Jochen Lempert, Louis Lüthi, Jurgen Maelfeyt, Mark Manders, Karel Martens, Tine Melzer, Dan Mitchell, Kristen Mueller, Olaf Nicolai, Sophie Nys, Quick Magazine, Kurt Ryslavy, Joachim Schmid, David Sherry, Erik Steinbrecher, Derek Sullivan, Elisabeth Tonnard, This Week, Erik van der Weijde, Maud Vande Veire, Gert Verhoeven, Leen Voet, Jan Voss, Fritz Welch

Aglaia Konrad

Aglaia Konrad & Willem Oorebeek
6 memo’s for the beloved.
System – Curiousity – Memory – Form – Display – Simplicity Lithographies, 2016

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Marie Zolamian, Musée du Carroi, Chinon

Marie Zolamian

Marie Zolamian, Sans titre, de la série A servir, 2013

Le Musée du Carroi à Chinon, rabelaisienne cité du vin, accueille ce printemps une importante sélection de verres à boire des Collections de la Ville de Liège, l’une des plus prestigieuses au monde, riche d’environ 10.000 pièces, datant de l’Antiquité nos jours. Les verres sont issus de divers pays avec, comme points forts, les verres vénitiens ou réalisés à la façon de Venise, le cristal de Bohême ainsi que les œuvres d’époque Art nouveau ou Art Déco. Marie Zolamian expose en contrepoint, à l’invitation de Cindy Daguenet, commissaire de l’exposition.

Dans notre idée de présenter un parcours chronologique sur l’histoire du verre à vin de ses origines à nos jours dans toutes les vitrines du troisième étage du musée, il nous paraissait important d’accorder de la place à une artiste de notre époque pour offrir au public un dispositif constitué de deux séries d’œuvres sur papier et d’une vidéo sur la thématique de l’eau et du vin. Marie Zolamian utilise dans ses œuvres, sa mémoire et ses origines mais également des expériences et des rencontres qu’elle a pu faire ses dernières années notamment lors d’une résidence à Birzeit en Palestine.
La série « A servir » présente une procession de femmes parées de coupes, d’aiguières, de flacons remplis de liquides : rouge, bleu ou ocre. Alanguies sur une jarre, accroupies sur un tapis avec un flacon dans leurs mains, puisant l’eau dans un puits au beau milieu d’une oasis, les femmes sont au centre de cette série, à la fois servantes et prêtresses. Le titre « A servir » joue sur ce double sens puisqu’il laisse entendre le mot « asservir », être réduit à la servitude, ce que tout au long de notre histoire les hommes et les textes sacrés imposeront aux femmes.

Musée du Carroi, Chinon
du 25 mars au 18 septembre 2017

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Between fantasy and denial / Entre fantasme et déni, 2012, vidéo, son, couleurs, 24 min 56

(…) Dans sa pratique artistique, Marie Zolamian collecte, juxtapose, compose les éléments mémoriels, qu’ils soient proches ou lointains, singuliers et collectifs. Ainsi occupe-t-elle ce nouveau territoire d’expérience sensible, intime et inscrit dans le monde, enrichi de sens. Et comme dans un continuum, Marie Zolamian complète ici le dispositif mis en place d’une lente procession de femmes, esquisses sur papier inspirées de miniatures orientales et persanes. Elles sont prêtresses et servantes, évoquent à la fois le don, l’altérité, l’ivresse des sens et la soumission. Il fut question de l’huile et de l’eau ; toutes, cette fois, font l’éloge et l’offrande du vin, ce rituel séculaire, qui tout comme ceux qui concernent l’eau lustrale, se situe au carrefour des cultures et des civilisations. Je repense au poème mystique d’Ibn Al Fâridh, cet auteur du treizième siècle, à ces célèbres vers d’ «Al-Khamriya» : «Prends-le pur, ce vin, ou ne le mêle qu’à la salive du Bien-Aimé ; tout autre mélange serait coupable…». Et devant l’or liquide de la tasse en verre de Birzeit, le coeur du poème mystique résonne singulièrement : « Notre verre, écrit Ibn Al Ffâridh, était sa pleine lune, lui, il est un soleil ; un croissant le fait circuler. Que d’étoiles resplendissent au fond du verre quand on s’en abreuve». (JMB)

(…) In her artistic practice, Marie Zolamian collects, juxtaposes and composes pieces of memory, whether distant or recent, singular or collective. In doing so, she occupies this new area of experience that is sensitive, personal and a part of the world, enriched with meaning. As in a continuum, Marie Zolamian completes the process with a slow procession of women: sketches on paper inspired by oriental and Persian miniatures. They are priestesses and servants, conveying giving, otherness, the drunkenness of the senses, and submission. These are oil and water and all, this time, bring an offering of praise and wine, a secular ritual that, just like those involving the lustral water, sits at the crossroads of cultures and civilisations. I am reminded of the mystical poem by the 13th century author, Ibn al Fâridh, and his famous ‘Al-Khamriya’: “So take it straight, though if you must, then mix it, but your turning away from the beloved’s mouth is wrong.” Likewise, watching the liquid gold of the Birzeit glass, the heart of the mystical poem has particular resonance: “Our glass,” writes Ibn al Fâridh, “was its full moon, the wine a sun circled by a crescent. When it is mixed, how many stars appear!” (JMB)

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Résonances, Guy Mees, Niveauverschillen, 1970

Guy Mees

Guy Mees
Niveauverschillen, 1970
6 photographies NB, tirages argentiques, (6) x 12,5 x 8,8 cm
Collection privée, courtesy galerie Nadja Vilenne.

Tout récemment, la galerie Nadja Vilenne a projeté le film collectif que Jacques Charlier produit pour la Biennale de Paris, édition 1971, un film conçu dans un esprit très proche des travaux de Gerry Schüm, destiné à rendre compte des états de l’art en Belgique à l’aube des années 70. Parmi les contributions à cette œuvre collective, il y a cette singulière et désarmante séquence signée Guy Mees : « Portretten » (« Portraits »). Celui-ci poursuit un travail en cours, un cycle d’oeuvres sur les « différences de niveaux ». Le travail a débuté en 1969 et se poursuivra jusqu’en 1974. C’est une suite de photos, de films et de projections de diapositives, des travaux réalisées en intérieur ou en extérieur, dans des lieux d’expositions, des jardins privés ou des lieux publics. Tous participent d’un même principe à l’allure performative : trois personnes (des quidams, des amis, la famille, l’artiste lui-même, son épouse Lotte ou son galeriste Marc Poirier dit Caulier) apparaissent sur des blocs itongs de hauteur différentes, disposés en escaliers à l’instar d’un podium d’honneur. Au fil des clichés, toujours en série de six, ils intervertissent leur place face à l’objectif de l’appareil photographique qui n’est là que pour enregistrer ce processus de régulation, ses perturbations et mises en perspective. Guy Mees analyse ainsi les processus de distinction, d’interchangeabilité, de différences, de classification, de sérialité ou de normalisation, à l’heure où surgit un large débat sociétal portant sur les relations de pouvoir et régulations hiérarchiques, né du mouvement contestataire de 1968. Les portraits filmiques sont enregistrés de la manière la plus simple qui soit. Un seul plan d’ensemble ; au fil des images, les trois protagonistes échangent leurs places. Les portraits photographiques, de la planche contact aux grands tirages professionnels, édités en studio, respectent tout ce principe d’anonymat qui caractérise l’ensemble. L’exécution est consciemment non artistique, la photographie d’amateur s’introduisant ainsi dans le champ de la photographie conceptuelle. Alors que notre monde est aujourd’hui en butte à bien des compétitions qui mettent en danger de fragiles équilibres, ces travaux de Guy Mees nous ramènent à une très saine relativité. Guy Mees, en effet, n’établit aucune hiérarchie définitive.

Guy Mees

Guy Mees

Guy Mees

Guy Mees

Guy Mees

Guy Mees

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Résonances, Jacques Charlier, Peintures Mystiques

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Peinture mystique I, 1988.
Technique mixte, acrylique sur toile, cadre mouluré, objets trouvés (lance, sculpture, main en plâtre, console ouvragée, feuillage artificiel, livre), 200 x 350 cm

PEINTURES MYSTIQUES

« Cela se fait lentement… progressivement… Je constitue des familles d’objets… J’établis des filières assez précises, des scénarii… Je parcours chaque semaine des dizaines de kilomètres pour écumer les brocantes, les magasins… Je procède par coups de foudre successifs… Je passe plus de temps à chercher et à négocier qu’à travailler réellement. La mise en scène finale, les peintures sont faites assez rapidement, mais je suis toujours étonné du résultat. J’ai alors, moi aussi, l’illusion que toutes ces choses ont toujours vécu ensemble »[i]. Jacques Charlier répond à son hétéronyme Louis Vandersanden ; il évoque une série d’œuvres qu’il réalise durant les années 80. Bien qu’il s’agisse le plus souvent d’installations associant toile et objets divers, elles sont le plus souvent titrées « Peinture ». Parmi celles-ci, ces compositions où s’entrecroisent « peintures religieuses » et « peintures mystiques ». Et celles-ci ne sont pas une mince affaire. Jacques Charlier a en effet décidé de remettre sur un piédestal la plus célèbre bergère de France, Jeanne d’Arc, Sainte Jeanne d’Arc devrais-je dire, puisque béatifiée en 1909 et canonisée en 1920. Il est d’ailleurs piquant de constater que c’est Léon XIII qui initia la procédure en canonisation de Jeanne, après avoir également béatifier Rita de Cascia que Jacques Charlier, durant ces années 80, fréquente tout aussi assidument. Le pape déclarera à la signature de l’introduction de la cause : « Jeanne est nôtre ». Et oui, déjà ! Léon XIII ne sera de loin pas le dernier. La captation mémorielle, jusqu’à une véritable privatisation du mythe à des fins nationalistes, est toujours bien d’actualité.

Charlier chine donc les plâtres et les bronzes représentant Jeanne, avec ou sans étendard, à pieds ou à cheval, hiératique, orante ou donnant l’assaut, en armure ou heaume au pied. Au vu de la moisson, Jeanne a campé sur de nombreux buffets familiaux. Il rassemble de vieux livres, des biographies pleines de voix et de fracas, des hagiographies poussiéreuses, des objets divers, un cratère aux raisins factices, des lances, un portrait de style symboliste de la combattante auréolée. Ses propres toiles, lorsqu’elles ne sont pas nocturnes sont occupées par des ciels immenses. Règne ainsi dans ces diverses compositions comme un goût suranné pour le gothic revival, une atmosphère factice, théâtrale et dramatique, un souffle empreint de romantisme noir teinté de symbolisme. Ces dispositifs associatifs qui transfigurent en reliques les reliquats de l’histoire du goût et des idées, chinés sur les marchés, approchent ainsi le mystère, ses réalités transcendantes et indiscernables.

La plus sombre – « Peinture mystique I » – est également la plus lumineuse : une pointe de lance est posée contre la toile, touchant en plein une sphère céleste qui déchire la masse des nuages. Je pense à la redondance de « La Nuit Obscure » du mystique Jean de la Croix, aux premiers vers du poème, « dans une nuit obscure, par un désir d’amour tout embrasé… ». L’obscurité et la nuit ne sont pas uniquement synonymes de danger et d’effroi, mais aussi de mystère et de rêve, domaines tout à la fois ambivalents – et attirants – qui peuvent conduire à l’abîme comme à la connaissance. A côté de cette toile monumentale, aux dimensions d’une peinture d’Histoire, encadrée d’une moulure aussi factice qu’imposante, Jeanne caracole sur son piédestal. De l’autre côté de la peinture, un livre relié, « Le Ciel, nouvelle astronomie pittoresque », par Alphonse Berget, est posé sur une console et sous une main de plâtre noire comme la nuit. C’est la réponse du Berget à la bergère, une astronomie pittoresque, celle qui mérite d’être peinte, au côté de ces cieux peints, tempétueux et déchirés. Au pied de la console, de fausses branches de vigne vierge sont embrasées de couleurs automnales.

Dans ce cycle de « Peintures mystiques », Jacques Charlier associe l’histoire, le mythe et l’héritage de la déraison, en fait l’essence même du destin politico-religieux de l’image de Jeanne, figure maléfique pour Shakespeare, héroïne épique pour Jean Chapelain, personnage burlesque pour Voltaire, incarnation du peuple français cristallisant le sentiment national pour l’historien Jules Michelet, instrument du complot clérical pour Anatole France, féministe avant l’heure pour les suffragettes, femme opprimée pour Léonard Cohen ou Luc Besson. « Ce qui m’a attiré dans le phénomène pucelle, explique Jacques Charlier à Louis Vandersanden, ce sont les changements de polarité qu’a subit son image. Jeanne est d’abord condamnée par l’Eglise qui la brûle. En 1570 elle devient la patronne des catholiques contre les réformés… En 1793 les fêtes en son honneur sont supprimées, des statues sont fondues, on brûle son chapeau… (rires), ensuite Bonaparte autorise à nouveau le 8 mai. Puis les restaurateurs de la monarchie l’annexent, le patriotisme du 19e siècle et l’armée emboîtent le pas, suivis par tous les partis politiques… En 1942, Victor Vermorel souligne le caractère existentialiste de Jeanne ». Condamnée par l’Eglise qui la réhabilitera, digérée par les modes et les courants de pensée, mythe romanesque qui a inspiré maintes œuvres dans tous les arts, figure instrumentalisée par tous les courants philosophiques et idéologiques, l’image de Jeanne est tellement bipolaire qu’elle incarna la « sainte laïque », un comble du genre. Maître du factice et de la simulation, Jacques Charlier, depuis l’établissement de sa Zone Absolue (1970), a toujours été intéressé par ces principes de bipolarité, tout comme il ne cesse de sonder les phénomènes de mythes et de modes. Les objets qu’il introduit dans ses dispositifs y participent et réoxygènent des clichés bien précis. Surgit ainsi dans ses « Peintures mystiques » comme une contre-plongée oppressante, qui nous fait basculer du mysticisme à l’obscurantisme. En témoigne, cette « Peinture mystique IV », plus moderne, j’allais écrire d’après guerres, et que l’on prend comme une claque, Jeanne orante transfigurée, un drapeau français élimé frappé de la croix de Lorraine à ses pieds. Adulée à droite et à gauche dès la guerre franco allemande de 1870, pucelle convoitée, deux camps s’arrachent l’icône. A droite, elle est guerrière, monarchiste et pieuse, à gauche, elle est bergère issue du peuple, trahie par le roi et brûlée par l’Eglise. Ecartelée entre de Gaulle et Pétain, le premier ne cesse d’utiliser son souvenir, tandis que Vichy la récupère en la substituant à Marianne. Elle est aujourd’hui confisquée par l’extrême droite et je repense à cette parodie du 20 mai 2016 où un cortège de 5000 personnes suivit la dernière relique en date de Jeanne, un anneau qui lui aurait appartenu et qu’a acquis le parc de loisirs du Puy-du-Fou lors d’une vente aux enchères londonienne pour la bagatelle de 377.000 euros. Signe des modes et des temps. Jacques Charlier a bien raison : « Cela a assez duré… il faut reprendre Jeanne d’Arc à Le Pen… ».

[i] Jacques Charlier, L’Art à contretemps, pp.80-81

Jacques Charlier

Jacques charlier

Jacques charlier

Jacques charlier

Jacques charlier

Jacques charlier

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Peinture mystique I, 1988.
Technique mixte, acrylique sur toile, cadre mouluré, objets trouvés (lance, sculpture, main en plâtre, console ouvragée, feuillage artificiel, livre), 200 x 350 cm

Jacques Charlier

Jacques Charlier

Jacques Charlier

Jacques Charlier

Jacques Charlier
Peinture mystique IV, 1988.
Technique mixte, acrylique sur toile, 120 x 100 cm, socle, statuette en bronze, livre et drapeau.

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