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Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre…

Sculpture nulle 1980, art syncrétique 1964, l’interrogation génétique 1971, mettre n’importe quel objet sur la tête 1994. En remake 2011

Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité »

 

 

– Sculpture nulle 1980, art syncrétique 1964, l’interrogation génétique 1971, mettre n’importe quel objet sur la tête 1994. En remake 2011. Sculpture africaine, fougère artificielle, photocopie, acryl, 180 x 30 x 30 cm.

 Le Petit Maître précise que la demi vareuse est inspirée par celle de Pablo Picasso.

– Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité ». Technique mixte sur toile, 79 x 70 cm. Remake 2011

– Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène, une oeuvre d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité. Ah Ah Ah. Ainsi! ». Projet original, 1975, encre sur papier, 29,7 x 21 cm.

Cette sculpture nulle en remake, fougère pour couvre-chef, me rappelle la fiction rédigée par Jean de Loisy, publiée en préface de « Jacques Lizène, Tome III ». Fiction dont est extrait ce significatif passage :

« (…) Luc de Heusch décrivit brillamment la carrière du professeur Zangrie. Il insista en particulier sur la longue période d’incompréhension qu’il dut traverser en raison de ses travaux sur les clowns sacrés d’Amérique du Nord et du Nouveau-Mexique. Jacques Lizène, un peu assoupi jusqu’alors, sembla alerté par cette expression. Peut-être sentit-il une vague analogie entre ce terme et la longue ligne d’or dans laquelle s’inscrit son propre travail, de Rabelais à Jarry, de Picabia à Filliou. Mais le propos du conférencier, énumérant patiemment les pitreries de ces initiés amérindiens, généralement appelé « Heyokhas », qui, jamais trop turbulents, interrompent les cérémonies les plus sacrées, affirmant ainsi leur suprême détachement envers les credo de toutes sortes, semblait le captiver peu à peu.  Le professeur Zangrie, ce fut rappelé , ne recueillit en son temps que sarcasmes. Beaucoup dans la communauté anthropologique pensaient en effet que ses analyses surestimaient les comportements étranges de ces sorciers considérés par beaucoup de spécialistes comme de simples marginaux. L’orateur rappela alors, méticuleusement, plusieurs caractéristiques de l’attitude sacrée de ces sorciers qui, contrairement à l’opinion des savants européens d’alors, étaient respecté et même craints par leurs communautés. Il s’attarda par exemple sur l’usage qu’ils faisaient des excréments, n’hésitant pas à en maculer les murs, voir  à les dévorer gloutonnement pour, en mangeant l’immangeable, signifier qu’il leur revient de dire l’indicible, manifestant ainsi leur capacité à franchir toutes les frontières, de la vie et de la mort, du biologique, du vivant ou du sexuel. Il évoqua leur vie en marge des villages, leur goût de l’ambiguïté érotique, leur insistance à montrer que  « le bouffon doit en faire trop ». Le professeur présenta alors cette caste particulière des « contraires » cheyennes, qui, faisant mine de regarder au loin, baissent la tête vers le sol affirmant que c’est avec les fesses que l’on voit le mieux. Les mèmes qui, quand le rythme de la danse s’accélère, ralentissent, ou encore qui, quand les hommes tournent dans un sens font l’inverse, quand il faut accueillir, présentent leur dos, qui tournent la fourrure de leur tipi vers  l’exterieur et mettent le tuyau de la Pipe sacrée à la place du fourneau, ou encore qui interrompent les funérailles par des gestes obscènes… « L’outrance, dit l’orateur, est leur façon d’affirmer l’existence   d’un contre-monde et de mettre en question les limites normatives qui s’imposent aux sociétés humaines… »

Alors que Jacques Lizène manifestait soudain une grande agitation  et qu’il lançait quelques « oh ! oh ! oh ! » intempestif, Luc de Heusch, imperturbable malgré des protestations indignées qui fusaient du fond de la salle, rappela que Luc Zangrie comparait la longue période d’incompréhension qu’il vécut sur ces sujets à une épreuve initiatique. Il mit à profit cette solitude universitaire, rappela-il, pour cultiver son amitié avec des artistes aussi essentiels que Jorn, Magritte ou Jean Raine. Il est notable, ajouta Luc de Heusch, que les créateurs  dont il se sentit proche alors, aient tous été engagés dans un conflit entre la valeur suprême qu’ils reconnaissaient à l’art seul, contre les pseudo-valeurs de notre société, à leurs yeux usurpatrice et qu’ils accusaient  ainsi avec virulence parce qu’ils les savaient mensongères. Il voyait certainement en eux, un équivalent philosophique à la sagesse excentrique de ses amis zunis ou cheyennes.(…) »

 

– Art Idée à la façon des années 70, mais à la manière nulle, revue en 1989 : « Lizène se propose d’exposer chez Castelli à New-York, mais pendant la fermeture annuelle pour les vacances de la galerie (1989). Encre sur papier, 29,7 x 21 cm.

Jacques Lizène, contraindre le corps et fontaines de cheveux

Passage de Retz, Salle 1 (2)

 

Contraindre le corps à s’inscrire dans le cadre de a photo, 1971. 30 tirages NB, argentiques. 76 x 89 cm.

Contraindre le corps d’une jeune fille à s’inscrire dans le cadre de la photo, 1971

Oeuvre à vocation inachevée. Contraindre toute sorte de corps, nus, habillés, y compris des corps de policiers, à s’inscrire dans le cadre de la photo. Projet abandonné.
Jacques Lizène choisit de réactiver la présentation de l’oeuvre telle qu’en 1974-1975 au Château Malou à Bruxelles. La série des photos de la jeune fille contrainte à inscrire son corps dans le cadre de la photo est placée en échelle contre le mur. Au bas, Lizène ajoute une photo d’une dame, en Roture à Liège, armée de son balai. Et la titre : Personnage refusant de contraindre son corps dans le cadre de la photo. 1971.

 

 

 

– Petit maître à la fontaine de cheveux , remake 1983. Photographie rehaussée, 2011

Le balai est une allusion à :

LE BALLET D’ENTRETIEN DES LIEUX D’EXPOSITIONS
(corvée, en forme de danse, faire reluire le lieu écrin de l’art séductif) 1975
Régulièrement, hors des heures d’ouvertures du musée, un certain nombre de personnes viennent nettoyer les salles d’expositions. Elle réalisent de ce fait, obscurément, une danse sans prestige séductif : le ballet d’entretien des lieux d’exposition (pour que brille le lieu écrin de l’art séductif.
Ce pourrait également être le balai de Louise, cette dame en Roture qui refuse de se laisser contraindre dans le cadre de la photo.

– Petit maître à la fontaine de cheveux, photographie de Pierre Houcmant, 1980. Photographie marouflée sur toile, 50 x 60, 2011.

On remarquera que le remake de 1983, posé sur une caisse de transport, semble montrer du doigt, tel le Saint Jean de Léonard de Vinci, son alter ego de 1980. Celui-ci  accroché à la cimaise de telle sorte que sa fontaine de cheveux soit aspirée par cette bouche d’aération qui le surplombe.

Rappelons ces quelques considérations à propos de la « Fontaine de cheveux », parues dans « Jacques Lizène, Tome III »

Fontaine de cheveux, 1980. « Cette expérience de la perte, cette acceptation de la vacuité qui est un deuil, certains artistes la donnent à voir, non plus au travers d’un jet d’eau quelconque, symbole peuplant un paysage plus ou moins collectif mais d’un jet d’eau qui leur serait propre et jaillirait en quelque sorte d’eux, de leur crâne. La matière utile à la pensée échappe, s’élève en jets pressés. C’est “l’Artiste à la Fontaine de cheveux”. Jacques Lizène reprendra de multiples fois cette iconographie, cette mise en scène capillaire : cheveux longs dressés vaguement tenus en jet d’eau par du savon. De même que Duchamp dans le portrait photographique réalisé par Man Ray et utilisé sur l’Obligation pour la roulette de Monte-Carlo(1924). Sa tête y est recouverte de mousse à raser, ses cheveux sont ramassés et dressés en fontaine bifide.
Un détail lexical que rien ne permet d’exploiter ici sérieusement vaut néanmoins d’être évoqué pour l’anecdote. Dans le texte qui ouvre le débat et qui mènera au constat révolutionnaire selon quoi, non seulement la nature n’a pas horreur du vide, mais qu’elle conçoit en son endroit une raisonnable passion, Galilée utilise le terme de “cheveu” comme suit :  “Le maître fontainier ajouta qu’il n’était pas possible, ni avec les pompes, ni avec les autres machines qui font monter I’eau par attraction, de la faire monter un cheveu plus haut que dix-huit brasses, que les pompes soient larges, étroites ou minces comme un fétu de paille.”
Avec la “Fontaine de cheveux”, on retrouve par ailleurs la houppette des clowns ou le dispositif leur permettant de faire jaillir un jet d’eau au sommet de leur crâne. Le vieux clown interprété par Chaplin dans Limelight(1952), se préparant dans sa loge, arbore ce même toupet de cheveux, dressés et attachés en minuscule jet d’eau. On retrouve en effet là l’un des attributs de l’auguste, cette crête de cheveux telle qu’en portait déjà Grimaldi (1778-1837). Le clown, qui est traditionnellement la figure du roi assassiné, symbolise l’inversion de l’ensemble des propriétés royales. À la souveraineté se substitue l’absence d’autorité ; à la crainte, le rire ; à la victoire, la défaite ; aux rituels sacrés, le ridicule ; à la mort, la moquerie ; à l’acquisition, la dispersion.
Dans Le Mot d’ esprit et sa relation avec l’inconscient, Freud élabore une théorie de l’effet comique en termes de dépense : “Ce dont nous rions, c’est d’une dépense beaucoup trop grande.” C’est par la manifestation de cette dépense que l’artiste imite le clown. Et cette dépense se donne à voir, outrée dans ses traits, caricaturale, théâtrale, par certains signes physiques de l’évacuation, de l’excrétion, de la vidange. Or ce qui se vidange là, à l’occasion de ces jets d’eau qui ont pour margelle le crâne, pour source le cerveau, c’est la matière même de l’intelligence, de la logique, du discours. La fontaine de cheveux est le signe, au sommet du crâne, de ce reflux dynamique du sens. Portraits du logos en geysers. L’idiotie a cette passion du jet d’eau, s’illustrant en des pulsations fluides, projections éjections de matières pensantes au sommet du crâne, que longtemps la percé pour en extraire la folie, folie que l’imagerie populaire chapeaute par ailleurs d’un entonnoir. »
Face à cette jaillissante réflexion menée par Jean-Yves Jouannais dans son ouvrage L’idiotie, art, vie, politique – méthode (Beaux-arts magazine, 2003), Jacques Lizène est beaucoup plus prosaïque, dans un bel effet de chute : « La houppette – que j’ai appelée “Fontaine de cheveux” –, confie-t-il à Denis Gielen dans Le Vingt-cinquième Bouddha,provient d’un souvenir d’enfance. Avec mon frère, quand on était petits, on avait un bête jeu : on s’amusait en se lavant les cheveux à se les dresser sur la tête. »

Hair Fountain, 1980. “This experience of loss, this acceptance of emptiness which is a form of mourning, is something that some artists make visible, not in any usual kind of fountain, as a symbol occupying a more or less collective landscape, but in a fountain that is their own and that, in a sense, springs out of their head. The material useful for thought escapes, rises up in hasty jets. Such is ‘the Artist with the Hair fountain.’ Jacques Lizène has used this image, this capillary mise-en-scène, several times, his long hair vaguely held like a jet of water by soap. In a similar way, in the photographic portrait made by Man Ray and used in Monte Carlo Bond (1924), Marcel Duchamp’s face is covered in shaving foam, his hair pushed together and raised up in a double fountain.
There is a lexical detail that, although there is nothing that can be seriously done with it here, is well worth mentioning for its own sake. In the text that opens the debate and that leads to the revolutionary realisation that, not only does nature not abhor a vacuum, but actually has a fair passion for it, Galileo uses the term ‘hair’ as follows: ‘The master fountain maker added that it was not possible, either with the pumps, or with the other machines that make the water rise up by means of attraction, to make it rise a hair’s breadth higher than eighteen, whether the pumps are broad, narrow or as thin as a wisp of straw.’
With the Hair Fountain we come back to the clown’s tuft or the device that enables them to make water spurt from the top of their head. The old clown played by Chaplin in Limelight (1952), when he see him making up in his dressing room, has this same tuft, pulled up and tied in a tiny fountain. What we have here is one of the attributes of the auguste clown, that crest of hair already worn by Grimaldi (1778-1837). The clown, who is traditionally the figure of the assassinated king, symbolises the inversion of all the royal properties. Sovereignty is replaced by absence of authority, fear by laughter, victory by defeat, sacred rituals by ridicule, death by mockery and acquisition by dispersion.
In Jokes and Their Relation to the Unconscious, Freud expounds a theory of comic effect conceived in terms of expenditure: ‘What we laugh at is the excessiveness of the expenditure.’ It is in manifesting this expenditure that the artist imitates the clown. And this expenditure is made visible, its traits over the top, caricatured and theatrical, by certain physical signs of evacuation, of excretion, of emptying out. Now, what is being emptied out here, in these jets of water whose coping is the skull, whose source is the brain, is no less than the matter of intelligence, of logic, of discourse. The hair fountain is the sign, at the top of the skull, of this dynamic reflux of meaning. Portraits of the logos as a geyser. Idiocy has a passion for jets of water. It illustrates itself in fluid pulsations, projections and ejections of thinking materials at the top of the skull, that for many years was pierced in order to let the madness out, a madness that in popular imagery was, it so happens, shown with a funnel on its head.”
Compared to these bubbling thoughts put forward by Jean-Yves Jouannais in his book L’idiotie, art, vie, politique – méthode (Beaux-arts magazine, 2003), Jacques Lizène is much more prosaic, providing a nicely flat ending. As he told Denis Gielen in Le Vingt-cinquième Bouddha, “The big tuft of hair – which I called the Hair Fountain – comes from a childhood memory. When we were little, my brother and I had this stupid game: when we were washing our hair we thought it was funny to make it stand up on our head.”

Jacques Lizène, Passage de Retz, dressage d’une caméra et maladresses

Passage de Retz, salle 1

L’exposition n’est pas chronologique, elle met en désordre l’ensemble des enjeux que Jacques aborde dans son travail. Elle commence à la fois avec l’idée de la maladresse et, dans la même salle, avec une tentative de dressage d’une caméra qui montre une grande lucidité politique. Elle met en jeu le rapport à la domination des médias, à la soumission à l’ordre dominant. C’est une pièce qui est au fond très anarchiste et qui fait penser au discours sur la servitude volontaire. Entre la lucidité et la maladresse, l’exposition balance ses propositions conceptuelles de salle en salle. (Jean de Loisy, dans un entretien avec Philippe Regnier et Jacques Lizène)

– Tentative de dressage d’une caméra suivi d’une tentative d’échapper à la surveillance d’une caméra. 1971. NB, sonore, 2’00, portapack Sony transféré sur DVD. Ed Yellow.

« Elle est docile la caméra ?  Allez, fais le beau la caméra ». Claquant du doigt, Jacques Lizène tente de dresser une caméra. « Couché la caméra ! ». Ensuite il tente d’échapper à la surveillance d’une caméra.

– Sculpture nulle (1980), Meuble découpé, Nature morte à la maladresse (1973) en remake, peinture sur miroir façon Abstraction nulle (1986), Art syncrétique (1964) en Sculpture génétique en remake 2008.

 

– Sculpture nulle, 1980, art syncrétique 1964, sculpture génétique culturelle 1971-1984, le 24e Bouddha, sur une colonne pseudo dorique remake 2011  technique mixte, 160 x 45 x 30 cm.  – Entassement de toiles d’après un projet de 1970 à placer dans un coin, peinture nulle et non-communicative, 177 x 77 cm, 1988.

– Nature morte à la maladresse 1974, technique mixte (avec vin rouge), 2010. Technique mixte, 2 x 60 x 60 cm

 

Suchan Kinoshita, Diagonale Dialemma

A propos de la participation de Suchan Kinoshita à « Impossible Community » :

According to Suchan Kinoshita, ‘the notion of being an artist is so loaded with meaning, – says Suchan Kinoshita, – we’re sort of pretentious in a way. I prefer this notion of the musician, the worker, or the dancer. Being perhaps the director or the creator of the piece, but also the player.’ In fact, she also wants to ‘move the role of the public into a player,’ and vice versa.

Within the project Detours for Joggers elaborated for the Casino Luxembourg Museum the joggers whose ‘running course’ passed through the Museum’s ‘park-like surrounding’ were invited ‘to include the exhibition space into it as an intermezzo.’ Without altogether interrupting their athletic exercise, they made ‘a shift from the role of jogger into the role of spectator.’

‘In Public I that took place at the Städtische Galerie Nordhorn, a museum with both gallery and theatre spaces, Kinoshita created a situation where a theatre audience and a gallery audience could coexist.’ Each part of this mixed audience, while still being the public, were players in the eyes of the other. In Sala Recalde (Bilbao) she invited six professional singers with classical training to make a rehearsal in the exhibition galleries: while proceeding from an artwork to another, they were on the way to improve their singing technique as well as to evolve into art-lovers.

Diagonal-Dialemma

The interactive installation made for the Impossible Community project gives a good idea of Suchan Kinoshita’s artistic personality. The diagonal of the title is a wooden plank diagonally securing vertical planes of different size, material and colour. Those vertical planes, being the second element of the installation, are, precisely, the dialemma, referred to in the second part of the title. Each plane sets aside a small section of space, an exhibition space of a sort. Still, the plane itself forms a façade, which is as well exhibited. The planes are fixed in grooves, which are too small to secure the hold, – this stage of a sort, with quite a range of theatre backdrops, is ready to collapse in any moment and mix up all spacing and spatial planes. At last, the third element of this work is the voice reading quietly one of the short stories by Daniil Kharms. The text resounds in different languages; with each translation based not on the original but on a previous translation, misinterpretations accumulate, like in Chinese whispers game.

Kinoshita’s anarchist art aspires to blur the lines between traditional roles in the creative process, between different disciplines and spaces, and to draw together viewing and acting, the message and its translation. She produces new meanings in some place or another only to initiate a ripple effect that should create new meanings in new places – those beyond the artist’s control.

Honoré d’O, 11 icons in Moscow

11 Flemish Icons
(Stop-spots of Enlightenment)

An ephemeral traject of 11 elementary sculptures is spread out/over/through the museum as a levitated echo of something basic and functional as a metroline, to make the city working well. But on this metro of the mind travels an imaginative lightness which places itself completely next to the practical question of life. Though from there, as lifted in the sky of a world without gravity, this light of poetry, made from ‘non-serious’ substance, gives breath to the over-objectivated environment.

These ‘icons’ are radically unhistorical and unpolitical, they are short pure moments of rest during the daily move. Even in the lost time of waiting for the train the mind can create the touch of meditation. The cheap sterile industrial white materials without any art patina are composed into simple noble contemporary shrines. Their unsaid religiosity and sacro-absurdity embrace the profane conditio humana with a complementary sphere of care and joy.

The risky courage of the choosen materials suggests also a forgotten value towards great history and eternity: the quality of your daily participation now must lift itself above the average value of cultural economy.

Honoré’s philosophy of ‘the open body of art’ gives space for artistic experiences from the subjective point of vue of the passant, the passenger, the visitor, the one who sees the ‘stops’. Icons are stop-spots, operating in the awareness as junctions do in a network, or stations in ‘your’ metro. The spread setting of the iconographic stations enlarge the field of spirit over a more extensive range, mapping the human move. You buy awareness with attention. By integrating a continuum of these stopspots in the reflection on (your) life, you’re turning your capital into fortune.

Levitative inter-view by Inge Braeckman with Honoré d’O on the work-titled eraflew<welfare contribution to « The Impossible Community », Mmoma Moscou, sept 2011

Your first artistic act was the creation of your self as an artist, the creation of another self: in the 1980’s you gave birth to an alter ego, another ‘ego’. The name Honoré d’O is a heteronym, it is not the name that your parents gave to you. While nowadays everybody likes to talk about the person and the personal life of an artist, you hide your person, like for example the poet Fernando Pessoa did. You escape from your personal life to give shape to your artistic life. Is it a sort of escapism which penetrates also in your art, is it also part of your being?

A name to hide yourself is a pseudonym, it’s a fake name that covers your real identity. A heteronym is a real name of your being, presenting a hidden personality of your person. Pessoa used many heteronyms to give a multipersonal expression to the many incompatible ways of thinking which may live together in one person. I became Honoré d’O because I didn’t want to fulfill a profession in the society nor in the booming system that ranges as a non-stoppable train towards the terminus. By the name-giving act I could leave the officially designed person, and bring into light the inner person. To be an artist was not an initial intention. Later the word ‘artist’ seemed the only suitable name for the social position ‘hors competition’. In the professionalized society of today it’s clearer than ever before: you must be on the train, accepting the terminus.

Your second act as ‘an artist’ was to work for six years, and during that period to show none of your works because you did not want to participate immediately, because you believe in a kind of anonymity to distinguish art from the faceless mass.

To find an image of connected experience, of relational ethics and esthetics, was the primary goal. The exploitation of these results would have turned into a clash of interests. I wanted to keep the investigation as far as possible in the philosophical meditative intimate mediation, my absence in public life was copiously feeding the joy of the labor. In fact ‘To earn your life’ was taken as an insult. To be born in the ‘law of the gratuitous’ causes a short circuit with the trading law of actuality. My steps are running the traject of the quest, reflecting about solidarity between birth and existence, humour and dialectic, not with the taskto make money. Participating in the functional sense was never in my mind.

That is why you often use ‘light’, delicate and fragile materials, which are associated with air, or you compose works with sweet and toys, with sterile, empty, industrial, cheap elements, which are associated with consumption and concrete vulnerability. Your materials do not only want to emphasize Kundera’s ‘the unbearable lightness of being’, they also want to show that the creation of links, of engagement and transitory context is more important than the result-object. In the opening pages of Peter Sloterdijks Sferen bubbles are compared with marbles disappearing into ‘space’. Some of your works consist of marbles. Is there any link with Sloterdijks philosophy in which he talks about the connection between the bubble and the bubble blower who excludes the rest of the world by making the bubble?

In the idea of the ‘open body of art’ the environment is sucked up in the piece. The inter-relational co-existence between piece, public life, artist, time, theme and space get involved in the supra-swinging field of changing processes. Frivolity had to appear in the engagement for higher knowledge. Degagement is a mentality with more irony and more decisiveness, in disgust with ‘decisions’, which are sojourning in a lower dimension. Honestly the art piece is mostly an obstacle for representing the critical and poetically light-hearted spirit of artistic life, what forces the radical awareness of the difference between cultural production (product based) and art (spirit based). The best way is to force myself to oblige you to do the effort in the logic of the pleasure and the need. Individual concentration articulates con-science rather than social landscape generalizes attention. All right, words mustn’t mix the alchemics immediately, to stay clear about a fresh approach to an art term that firstly fits to art before it fits to function, to application, to society, to history. But I already start to scrape the production patina off the image, the preparation even seeks to cut away the patina of history. Illustrative actuality or explicative ideas give ‘absent’. No fame, no names, no soviet, no china, no bioboom, no psycho or pharmacy, no jurisdiction, charity politics or wall-calendars. The airy artwork surpasses its aim to be a solution! It shrinks from materialistic inspiration and, in the end, gives us a thorough grip on the ever-elusive idea of total – therefore changing – value, of everlasting, endless, creative capital.

Once you told me that you believe in creation, in the nature and the soul of art, but not in the camera, not in the press.

Now, after reading e.g. Peter Sloterdijk I can say: the aeropieces are space building co-fragile and co-isolated entities with an inner auto-legitimate connectivity that touches the world through the transparent borders of their immune system. Overwhelmed by the atmosphere, one leg standing in a topographical axioma, the intellect takes the air as the handle and spins out marks to consult extreme examples of open-bodied intimacy. The earlier marble-circuits were running back and forward, animating the space with opposite and contradictorial points of view. Today I can openly say that I believe in camera and press, not in poetry.

Excuse me! You don’t believe in poetry anymore?

Lies and earthquakes are recognized as a part of the hybrid fundament of the truth. Strategies blow a stiff breeze over the daily spontaneous beauty of visual language. The global drive hunts profit. Tactics for economical effect establish global poetry, they menace the naive and idealistic idea of subject based poetry. But due to a self-reflective character, unwilling to understand why human’s world wants to be so explicit, the introvert option became the standard. By plying the surroundings into the piece, the inversed installation pushes the extravert dominancy beneath the new floating equilibrium in in-situ-, in contact-working, in responsibility respons.

Is it possible to postpone your so called ‘wind philosophy’ and to press the point of your project in terms of your interest in ‘visual’ air? What about the constructions? In the economy, aswell in the art world, the object still dominates. When people spend their money, they want to posses something, they want a return that remains ‘for ages’. You avoid the product making, the economy of art and its publicity. So your work seems to consist of antimatter. Of just breathing? How far does the role of emptiness play its not fulfilling game? I guess tangible absence as a concrete feeling will be withheld.

Thank you, an aerodynamic wish, let’s spread the sun over our common intacts. Once you left the compétition and the obstacle rush of the product, it is one step, one second to art, one breath…
Logic sees no successful change of global vision without broadcasted media and techno-global power.There is leisure time in the new world. But the need for a complete human humiliation is pertinent. Excellent emptiness doesn’t appear unless you open up the packet. The explosion provides new, virgin and free territory.

Concrete?

A few onsets and their sedimentary disposits! Airy traces can be interpreted as starting points where the project began its ballistic traject, or as initial sketches for sphères where fragile elements in levitated interdependence try to cohabit, shaping light and air for upcoming settlements of baby communities, which are reflected by poetry, imagining delighted pleasure gardens beyond the techno-structural evidences, far away from the terror of the success and the programme of the show. Happy artistic praxis of meditation is indeed detecting life flux besides the market. The breath of the day, res extra commercium, treats the universal competitive essence of consumption with contempt. The belief in artistic humanity is far beyond the escape proposal via cultural commitment.

How impossible is the community in your work? Your known positive vision/look on life, catastrophes included, appears to be confronted with an inaccessible destination. How do you look at the idea of a failure?

I feed the assumption that all elements are ready and in full disposition to act our motives. Moreover, destination seems to move itself in our direction. The postponement of ‘the impossible community from june to september 2011was a brilliant start, the apparition of a substantial vide is an occurence of pure metaphysical opportunity. The sense of life came nearby and nearly truth. My project is to celebrate the postponement, to avoid decisions in this vacant being, to honor the incidental deus ex machina. The latin pro-iacere means to throw forward. The project consists of accepting fortune and of maintaining the permanent will of continuation to throw the project as far as possible.Fate offered us a new type of time, a displaced ‘now’, we must wait to use it, to fill it, to overload it with significantissimae, we must avoid to produce the aged and tired humanity, flowing with inventiveness, milk, ingenuity and honey, satisfactive successes, dished up by history, distinguishing not enough what is the personal story and what is the common story. We fertilize the time with the emptiness of the solution and with an untouched potential of approximity. We fertilize reflection on lost life to serve us with vision on a restarted life in a far future.

In the Mmoma you show plexi boxes and globes, representing an intimate and internal world. In contrast with the marble, they show the inside and they contain something, let’s say that they are metaphors for your whole world as an artist. The greek philosopher Aristoteles says that all movements take place, free from the viewer, in a finite perfect globe (or sphere), that personifies the world. Do you agree with that?

Aristoteles’ society lived in the old protective globe, the one and unique universal bulb where people and gods were unified in certitude. Now we live in just one tiny bubble of expansive foam, surviving in co-isolation and co-fragility with foam neighbors who organize their own religious praxis and entertaining destiny of indulgence. The standby modus of danger and failure is denied. I’m planning to blow this pseudo-theoretical wind philosophy through the museum in tiny placebo air particles, composed together in spheric condensations of spiritual ambiance and ambition, focusing on the in-depth profundity of inner mythology and enlightened co-mentality……….. (let’s say to customize the earlier holiness in visionary environment.)
Not at all for testing the institutional tolerance or tickling the PR of the project, I’m continuing to drag confusion along the road, dressed up with musicality in the psychoperipathetic meta-walk-talk rhythm. The Impossible Community touches me in the dead center. The personal discomfort to cope with the world was my departure point of origin, where I decided to refuse being a civilian part of the problem and to inhabit an interiorized vicinity. I proposed myself and the curator the preposition of the impossible individual, a blind person who experiences a postponed fun in a left society. Let me imagine 6 indoor and 2 outdoor transparent spread braille points. The joy to share weightless symbols, in the language of coral, in the logics of pre- and post-historical proto-evidences,…
why not gathering around a first fire-making scene, attended by a free standing horse flower from Aristoteles’ orchard. The more or less eloquent Latin name: ‘taraxacum officinalis sativum’ is easily planted and subsequently cultivated in a dictionary. That’s why. A stroll plus roundabout in the deviation. The Greek cemetery will be faded under more layers of cultural wasteland. And than. The eyes. Look at them.The eyes, as eternal initiators of the fittest adaptation, longing to travel via the vehicle of free perception, will ostentatiously turn their back to the description. Eyes are called to fly from culture to culture, more particular from era to era, and they uttered the wish to accompany us in our  hurry to deliver the translation ‘asap’ in the hot spot Mmoma Moscou. Pasaeromeraflew<asap more welfare. Worktitletime. These clear and cryptic ingredients found the installation.

 

Honoré d’O au Parvis de Pau : No Polliplan Tic Tac Space

Honoré d’O expose au Parvis de Pau. Titre de l’exposition : No polliplan Tic Tac Space (si la langage remplace le titre). Vernissage ce jeudi 14 octobre. Exposition accessible jusqu’au 11 février 2012.

« Avec des objets au départ insignifiants, glanés par-ci par-là, Honoré d’O se lance dans des compositions prenant des allures de sculptures complexes qui s’inscrivent à leur tour dans l’architecture environnante. Le tout s’emboîte comme des poupées gigognes, des éléments de différentes tailles que l’on peut coudre et découdre à loisir. » in «Honoré d’O Francofffonies !» (2006)

Voilà qui résume bien l’art de cet artiste insolite dont le travail teinté d’humour et de poésie flirte néanmoins dangereusement avec les limites des lieux dans lequel il s’inscrit. Dans le hall d’entrée du Parvis, Honoré d’O construit un énorme dédale constitué d’innombrables objets : petits paysages sous vitrines, mécaniques fantastiques et volumes aux formes énigmatiques, qu’il associe à une multitude de tubes plastiques décrivant sur les murs d’étranges circonvolutions. Ces objets, sculptures et volumes semblent pouvoir évoluer à leur gré et, se déployant ou se repliant sur eux-mêmes, envahissent de manière quasi organique l’ensemble de l’espace. Honoré d’O compose ici une exposition comme il peindrait un « all-over » dans l’espace et se sert sans exclusive des murs, sols, plafonds et des objets les plus insolites : rouleaux de papier toilette, tubes PVC, pinces à linge et pelles à tarte, pour composer des oeuvres tentaculaires, ubuesques mais toujours poétiques. Or, c’est dans ce labyrinthe – élaboré de façon empirique puisqu’il est toujours constitué des mêmes éléments arrangés, ré-arrangés et présentés en de nouvelles combinaisons – que le visiteur devra faire un choix d’un itinéraire s’il veut s’échapper de ce méandre contaminant. Pour cela, il est possible qu’il soit invité à participer ou qu’il ait à manipuler un sculpture, bouger un tube… Car, comme de coutume, l’exposition est conçue de manière vivante et ludique, dans une interaction directe avec la déambulation/ respiration du spectateur dans l’espace. Magali Gentet

 

Le Parvis, centre d’art contemporain
Centre Méridien
Route de Pau
65420 Ibos
www.parvis.net

Jacques Lizène, Désastre jubilatoire, au Passage de Retz à Paris

Jacqueline Frydman a le plaisir de vous inviter au vernissage de l’exposition :
JACQUES LIZENE, DESASTRE JUBILATOIRE, Rapide rétrospective 1964-2011

le samedi 15 octobre de 18 à 21 heures

Commissariat de l’exposition : Jean de Loisy
Avec la collaboration de : Jean Baptiste de Beauvais

Passage de Retz, 9, rue Charlot, 75003 Paris
L’exposition est accessible du 16 octobre au 27 novembre 2011.

Une Rapide rétrospective  1964-2011, en quelques dates, relevées par Jean Baptise de Beauvais :

1964 : Jacques Lizène dessine de petites choses en les croisant : « Croiser toutes sortes de choses comme des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures. » Ou encore : « Découper et mélanger deux styles. »

1964 : Traverse sans raison, pendant plusieurs heures, le même passage piéton, attendant chaque fois de l’autre côté que le feu soit vert pour lui.

1965 : Définit ce qu’il nomme Art d’attitude précisément en choisissant de ne pas procréer.

1966 : Jacques Lizène prend position pour « l’Art sans talent ».

1966 : Déclare : « La situation humaine en général étant ce qu’elle est, je ne procréerai pas »

1968 : Décide de qualifier ses démarches de « sans importance ».

1970 : Décide, suite à la lecture d’un article de Pierre Restany de 1969 qui affirme que Daniel Spoerri n’est pas « un petit maître », de s’autoproclamer « Petit Maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle, artiste de la médiocrité et de la sans importance. »

1970 : Déclare : « D’une manière générale, les choses étant ce qu’elles sont, Jacques Lizène ne procréera pas… Hopla ! Il subira volontairement la vasectomie (stérilisation par coupure des canaux déférents)… Dès ce moment il portera en lui « une sculpture interne ».

1971 : Propose de filmer l’entrée d’un train en gare de La Ciotat, puis de faire un remake du film éponyme (l’équipe de tournage imitant un train comme les enfants le font en jouant). Propose également de filmer le bord des films comiques, comme des bords d’œuvres.

1971 : Déclare : « Dans le domaine de l’art, seul l’humour, même médiocre, ou ses tentatives, m’importe. Je tends, et je n’ai jamais rien fait d’autre, à la facétie. La facétie en art (même quand elle semble manquer d’intérêt) a comme qualité principale et c’est là son mérite, d’être justement facétie… Elle se suffit à elle-même »

1971 : Crée l’Institut de l’Art Stupide, dont il se constitue en toute bonne foi, le seul représentant. L’avenir lui apprendra qu’il était loin d’être le seul membre.

1974 : Se déclare comme « étant de la Banlieue de l’art », ce qui lui permet de s’assumer comme un artiste hors des activités centrifuges de l’art, ou, selon le point de vue duquel on veut regarder son travail, de ramener certaines de ses préoccupations au centre de l’art.

1975 : Décide d’assurer sa propre publicité. (« Art autopublicitaire : collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition votre mobilier et vos tableaux de maîtres »).

1977 : Décide de devenir son propre tube de peinture. Il peint alors avec sa matière fécale, contrôlant le mieux possible son alimentation afin d’obtenir des coloris variés. «  Démarche : survivre, boire, manger, déféquer, peindre avec, tenter la transformation en argent, pour… à nouveau boire et manger, déféquer, peindre avec, transformer… pour etc. »

1980 : Détermine le principe d’Autohistoricité. Il devient, dès lors, son propre historien de l’art, en définissant notamment le cadre théorique de ses œuvres («  démarche pernicieuse, à la limite du ridicule, à vocation ennuyeuse, sans séduction, qui n’amuse que son auteur, même pas drôle… »), tout en leur afférant une chronologie rigoureuse. Devient dans la foulée l’invariable auteur de remakes de ses propres travaux, comme en atteste la reconstitution quasi systématique des ses Sculptures génétiques qui se réinventent d’elles-mêmes selon les circonstances.

1980 : Crée, en écho aux Nouveaux fauves ou aux Néo-géo, la Nouvelle Abstraction nulle qu’il intègre immédiatement.

1987 : Pris dans une tourmente d’inspiration, il crée l’art Néo-déco qu’il rallie également.

1990 : Se rend compte qu’il est l’un des inventeurs du Conceptuel comique et se déclare comme tel.

2003 : Déclare : « D’une certaine manière, oui. Je peux également déclarer que je suis le vingt-cinquième Bouddha. Vous connaissez la légende ? Le vingt-quatrième Bouddha aurait dit qu’avant lui il y aurait eu vingt-trois Bouddhas que les hommes n’auraient pas reconnus… Et moi, je dis : “le vingt-cinquième c’est moi !” (Ah ! ah ! ah !). Mais ce n’est pas gratuit comme affirmation, car si on examine rapidement l’histoire du vingt-quatrième bouddha, et son attitude, il y a des points en commun avec ma démarche. Vous savez qu’il est né dans une famille sans problème, c’était même un prince – et pour ma mère, j’étais une sorte de prince ! (Ah ! ah ! ah !). Un beau jour, il quitte son palais et découvre un monde imparfait avec ses malades, ses morts et ses souffrances. C’est en voyant le monde dans cet état qu’il décida de prendre cette position de retrait et de retraite intérieure qui fut la sienne. C’est un peu ce que je fais, moi aussi, n’est-ce pas ? (Ah ! ah ! ah !) »

2004 : Déclare : « (Presque) jamais le visionnaire n’a été perçu comme tel en son temps.  Aie ! AhAhAhAh ! (en réponse à une lettre d’invitation d’Harald Szeemann à l’exposition Belgique Visionnaire)

2010. Déclare à Stéphane Corréard, pour le magazine « Particules » : « Jef Koons fait parfois des œuvres intéressantes et parfois complètement nulles. Son grand homard par exemple est vraiment une œuvre nulle.  Il ne l’a même pas croisé avec un saumon. C’eut été beaucoup plus stupide mais moins nul. Si on me propose d’exposer à Versailles, je ferai cela, uniquement cela, dans toutes les tailles.  Dont un sur un petit socle, comme ces poissons qui remuent et qui chantent. Oh Oh Oh ».

2011. Projette d’exposer, sur une idée de 1993, dans tous les musées du monde. Mais virtuellement.

Le Communiqué de Presse, révisé par l’artiste (Le Ratur’Art est une pratique lizénienne depuis 1975)

 

Jacques Lizène, autoproclamé « petit-maître liégeois », se définissant lui même comme artiste de la médiocrité pris en 1966 le parti de « l’art sans talent ». Depuis cette période ,  sa position délibérément iconoclaste sabote les emphases du grand art et, se situant délibérément du côté de la part maudite de la création qu’est la médiocrité casse les postures autoritaires du jugement. Sa démarche qu’il qualifia en 1965 d’art d’attitude le conduit à utiliser tous les supports à la disposition de l’art moderne, body art, vidéo, installations, peinture, chansonnettes, non sans corrompre par l’absurde ou la dérision l’esprit et le potentiel de chacun de ces moyens, les faisant basculer dans le ratage ou la trivialité.

Pourtant après plus de quarante ans de cette obstination a explorer la banlieue de l’art, comme malgré lui, son œuvre radicale circonscrit un territoire absolument singulier où prime l’expression  d’une liberté absolue et dont l’influence sur les générations suivantes ne cesse de croître. Jacques Lizène, soutenu sans faille depuis des années par des regardeurs aussi divers que Jean Yves Jouannais, Ben, Arnaud Labelle-Rojoux, Guy Scarpetta ou Harald Szeeman, rejoint par son attitude, la lignée des scandaleux qui des cyniques à Jarry, de Dada à Cravan ou Picabia, résistent à toutes les récupérations, déjouent les scénarios de la critique et les panthéons préfabriqués.

L’exposition présentée par le passage de Retz sera la première occasion en France de découvrir l’ensemble de cette œuvre libre, burlesque, désespérée, bruyante et très souvent à la pointe de l’invention dans l’art de son époque. Ainsi, depuis ses premières œuvres d’attitude dans les années 60, les vidéos dès 1970, la vasectomie comme sculpture intérieure en 1970, les photographies perçues-non-perçues commencées en 1972, les peintures à la matière fécales de 1977 ou ses nombreuses performances et réalisations musicales jusqu’aux peintures et sculptures génétiques d’aujourd’hui, ses oeuvres tracent un sillage énergumène dans lequel se mêlent l’art et la vie et qui en dépit des dénégations de l’artiste,  constitue in fine un corpus majeur exceptionnel.

 

Jacques Lizène, sculptures nulles (1980)

sculptures nulles 1980, remake 2009 et 2011

Il y a un  parallèle certain entre Liège et Katowice : ce sont deux bassins industriels. Katowice est l’un des principaux centres industriels d’Europe, mais c’est surtout la plus importante ville de l’agglomération industrielle de Haute Silésie. La ville prospéra et se développa grâce à ses grandes ressources minières (principalement le charbon) présentes dans les massifs montagneux alentours. L’exploitation des minéraux accélérée par la révolution industrielle contribua à une forte croissance de la population, ainsi qu’au développement de l’industrie de l’acier et de la transformation des minéraux.
Il était donc naturel que Jacques Lizène montre des sculptures nulles sous forme d’usines. L’une des deux, couverte de neige carbonique, a été produite sur place, avec des matériaux de récupération locaux tandis qu’au vernissage, une performance avec fumigène, échoua lamentablement.

Usines. Les usines font, bien sûr, partie du paysage mental (et physique) de l’artiste. « Comme je suis né dans une banlieue industrielle et que je me suis autoproclamé Petit Maître, explique-t-il, il fallait que je peigne des paysages d’usines ; mais en leur donnant, bien entendu, une dimension supplémentaire d’art nul. Des paysages d’usines, il y en avait déjà suffisamment dans le patrimoine wallon ; c’est donc pour cette raison que m’est venue l’idée de réaliser de petites usines à partir des matériaux que fabriquaient ces usines-là. C’est une forme de recyclage, dans un esprit non pas écologique mais poétique… Poétique du nul, bien entendu ! ».  Les Sculptures nulles (1980) de Lizène prennent régulièrement l’allure d’usines ou d’archéologies contemporaines, ce qui souvent revient au même. Lizène y introduit dès que possible « le thème de la fumée comme élément sculptural ». Il est d’ailleurs singulier que celui-ci soit le plus souvent associé à des fumigènes de music-hall. C’est le burlesque de ces Sculptures nulles. La fumée s’échappe donc des cheminées de ces usines, ce que Lizène nommera un Art d’altitude pour faire référence à l’Art d’attitude. Il lui arrive de les concevoir à l’« emporte-pièce », en matériaux légers, aussi vite construites, aussi vite escamotées. (extrait de Jacques Lizène, Tome III)

Sculpture nulle 1980 (avec fumigène et neige carbonique), remake 2011 (production BWA Katowice et galerie Nadja Vilenne)

Factories. Factories are of course part of the artist’s mental (and physical) landscape. “As I was born in an industrial suburb and proclaimed myself a Minor Master, he explains, I had to paint factory landscapes, but by giving them an added dimension as worthless art. There were already enough factory landscapes in the Walloon heritage; that’s where I got the idea of making small factories using materials those factories produced. It’s a form of recycling, but in a poetic sense, not an ecological one… The poetics of worthlessness, of course!” Lizène’s Worthless Sculptures (1980) regularly look like factories or contemporary archaeologies, which often comes down to the same thing. Lizène introduced “the theme of smoke as a sculptural element” as soon as possible. Indeed, the fact that the smoke is most often associated with music-hall smoke machines is quite singular. It is the burlesque aspect of these Worthless Sculptures. Smoke rises up from the chimney stacks of these factories, which Lizène named “Altitude Art,” in reference to Attitude Art. He sometimes makes them “cut and dried” in lightweight materials that can be spirited away as soon as they’re built. (Jacques Lizène, Tome III)

Sculpture nulle 1980, usine à l'emporte pièce remake 2009

Sculpture nulle 1980 en remake 2011, performance avec fumigène (ratée)

Jacques Lizène, placards à tableaux en remake

Toute l’exposition de Jacques Lizène à Katowice est conçue comme un vaste placard à tableaux

Cupboardful of Paintings. There is no point in putting Lizène’s mediocre paintings in a cupboard. Since 1970, the Minor Master had done that job himself. He piles up his works any old how, puts aside the unimportant artists. Or rather, no, he doesn’t: he exhibits his cupboards against the picture wall, in a stupid reversal of situation in which what is essential is not showing the canvases but the cupboard itself. Lizène first piled up his canvases at the 1970 exhibition Specific Art de 1970 during his action Unhanging of Canvases, when he invited the public to come and see the exhibition being taken down, and therefore the “backstage of art” (1970). During the unhanging, when he was engaging in a second action that consisted in reducing the length and width of the gallery, he piled up his canvases in a corner. Backstage. Art’s backstage is the stretcher for the canvas, its armature, its structure. Backstage is the hidden wretchedness, the insignificant works that are stored away, the brushes and brooms of the cupboards. Behind the scenes are al the forgotten works in the museum storerooms, works by the mediocre, the lowly and unknown, all those that Lizène redeems, exhuming them along with the cupboards that house them.

This interest in the materiality of painting, its painting and frame, was confirmed by the remakes. Lizène painted Heaps of Canvases, he painted them backwards, sometimes with the front at the back, or at the front. Heaps of worthless canvases, of Canvases in the Canvas, of New Worthless Abstracts, of Neo-Rock Canvases, of Neo-Deco Canvases, with or without other added wretchedness, brushes or brooms, other works. He also composed them as Worthless Sculptures. Thus, since the end of the 1990s, in exhibition remakes, Jacques Lizène regularly recomposes in cupboardsful a whole set of canvases, of orphan framings, of Worthless Sculptures, of Mediocre Drawings, adding a broom here, there a sloping projection on canvas, or again a pre-drunk bottle of champagne, in a trivial question of Behaviour Art. The logic is implacable and the very principle of the cupboardful of paintings can be applied to any museum storerooms. Some, their directors tense at the idea of slighting their stores, refused; others accepted. In 2003, Lizène thus composed at the Musée des Beaux-Arts de Brest a cupboardful of paintings from the institution and a frame of frames, while in a fine wreck of gazes, he sank a few seascapes on the museum’s picture walls. The Minor Master is planning to constitute a cupboardful of paintings with works from the storerooms of Venetian museums.

 

Placard à tableaux. Il est inutile de mettre les toiles médiocres de Lizène au placard ; depuis 1970, le Petit Maître s’en charge lui-même. Il entasse ses œuvres, pêle-mêle, mise au placard de l’artiste sans importance. Ou plutôt non, il expose ses placards à la cimaise, dans un stupide retournement de situation, où l’essentiel n’est pas de montrer les toiles, mais bien le placard lui-même. C’est dans l’exposition Art spécifique de 1970 que Lizène entasse ses toiles pour la première fois, lors de l’action Décrochage des tableaux, moment où il invite le public à venir voir le décrochage de l’exposition et ainsi donc « l’art de l’envers du décor » (1970). Durant le décrochage, alors qu’il développe une seconde action qui consiste à réduire la longueur et la largeur de la galerie, il entasse ses toiles dans un coin. L’envers du décor. L’art de l’envers du décor, c’est le châssis de la toile, son armature, son ossature. L’envers du décor, ce sont les misères que l’on cache, les œuvres insignifiantes que l’on stocke, les brosses et balais des placards. L’envers du décor, ce sont toutes ces œuvres oubliées dans les réserves des musées, celles des médiocres, des sans grades et des sans noms que Lizène rédime, les exhumant en même temps que les placards qui les abritent.

Cet intérêt pour la matérialité de la peinture, son châssis, son cadre ne se démentira pas au fil des remakes. Lizène peint des Entassements de toiles, il les peint à l’envers, parfois l’endroit sur l’envers, ou à l’endroit. Entassement de toiles nulles, de Toiles dans la toile, de Nouvelles Abstractions nulles, de Toiles néo-rupestres, de Toiles néo-déco, avec ou sans l’ajout d’autres misères, des brosses et des balais, d’autres œuvres. Il les compose également en Sculptures nulles. Ainsi, depuis la fin des années 90, en remakes d’expositions, Jacques Lizène recompose régulièrement en placards un ensemble de toiles, d’encadrements orphelins, de Sculptures nulles, de Dessins médiocres, y ajoutant parfois, ici un balai, là une projection penchée sur toile, où là encore une bouteille de champagne, bue au préalable, c’est là une triviale question d’art comportemental. La logique est implacable et le principe même du placard à tableaux peut s’étendre à n’importe quelle réserve de musée. D’aucuns, dont les directions se sont crispées à l’idée d’un crime de lèse-réserves, ont refusé, d’autres ont accepté. Ainsi au Musée des beaux-arts de Brest : Lizène y compose en 2003 un placard à tableaux des œuvres de l’institution ainsi qu’un cadre de cadres, tandis que dans un beau naufrage de regards, il fait chavirer quelques marines aux cimaises des salles du musée. Le Petit Maître projette de constituer un placard à tableaux avec des œuvres des réserves des musées vénitiens.

Placard à tableaux d'art spécifique, 1969-1970

Placard à tableaux, toiles dans la toiles, en remake, 1998

entassement de caisses, placard à tableaux en remake 2011

entassement de toiles, placard à tableaux, en remake 2011

Entassement de caisses, art syncrétiques, chaises découpées, en remake 2011

meubles découpés, en remake 2011, naufrage de regard, art néo déco en chantier