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Alevtina Kakhidze, Parliament of Plants II, Kunstmuseum Liechtenstein

Alevtina Kakhidze participe à l’exposition Parliaments of Plants II au Kunstmuseum Liechtenstein à Vaduz. Jusqu’au 22 octobre 2023.

Artistes participants : Polly Apfelbaum, Ursula Biemann, Anna Hilti, Alevtina Kakhidze, Jochen Lempert, Rivane Neuenschwander & Mariana Lacerda, Uriel Orlow, Silke Schatz, Thomas Struth, Athena Vida, Miki Yui, Zheng Bo.

With its Parliament of Plants exhibition in 2020–21, Kunstmuseum Liechtenstein spotlighted a set of momentous issues facing current society. Parliament of Plants II continues this discussion.

The exhibition Parliament of Plants II gives a voice to plants. It testifies to a new view of these beings, which are inextricably linked with our own survival. Over the past decades, a paradigm shift has been taking place in the sciences regarding our perception of plants, one that is also reflected in the exhibition’s artworks. Following on from Parliament of Plants (2020–21), the show develops a network of cooperations in a range of different disciplines, with guest contributions in the form of ‘inserts’.

Parliament of Plants II demonstrates the principle of symbiosis as a societal counter-image to the parasitic handling of nature. New insights regarding the world of plants feature alongside the knowledge of Indigenous cultures, questions pertaining to colonial and contemporary history, the handling of resources or our perception of time. The crucial question is: how can we achieve a symbiotic coexistence in which human and non-human beings can learn from each other?

The main themes of two ‘raised stands’ are Michel Serres’ Natural Contract and Lynn Margulis’ theory of symbiosis. Co-curated with Hans-Jörg Rheinberger, molecular biologist and historian of science.

Forest Mind marks the beginning of thematic fields that open in the third room on the upper floor with works by Polly Apfelbaum, Alevtina Kakhidze and Uriel Orlow. Their works raise questions about colonial history and current events, our approach to resources and engage with environments between nature and artificiality.

Recent current events are very present in Kakhidze’s drawings. The Kiev­based artist finds her anchor in plants. Writing when Russian troops were nearby in February 2022: ‘I behave like a plant: I stay in place, despite the shots. No fleeing!’ On cushions that you will find distributed throughout the entire exhibition space, we read: ‘Plants are pacifists as much as possible on this planet.’ She has written this sen­ tence on her studio door too, a message to all those arriving, even if they are soldiers. (exhibition booklet)

Le Monde est Rond, Alevtina Kakhidze, war’s diary

Alevtina Kakhidze, sans titre, encre sur papier, 42 x 29,7 cm, 2022
Alevtina Kakhidze, sans titre, encre sur papier, 42 x 29,7 cm, 2022
Alevtina Kakhidze, sans titre, encre sur papier, 42 x 29,7 cm, 2022
Alevtina Kakhidze, sans titre, encre sur papier,42 x 29,7 cm, 2023
Alevtina Kakhidze, sans titre, encre sur papier, 42 x 29,7 cm, 2022
Alevtina Kakhidze, sans titre, encre sur papier, 42 x 29,7 cm, 2023

Le Monde est Rond, Alevtina Kakhidze, Invasion 1,2,3

Invasion 1,2,3 est une œuvre qu’Alevtina Kakhidze a conçue pour la dernière édition de la Biennale Manifesta qui s’est tenue, l’été dernier, à Pristina au Kosovo. Installation constituée d’un narratif rédigé en ukrainien, d’une nouvelle graphique, traduction anglophone de ce récit, d’herbiers, de graines et d’un film  réalisé en réalité augmentée à 360 degrés, l’œuvre évoque le comportement  du solidago et de l’asclépiade, deux plantes réputées invasives. Ses considérations botanistes ont évidemment une portée de très stricte actualité, tant sur le plan de la guerre d’invasion menée par la Russie que sur le plan du climat.  

Alevtina Kakhidze, Invasion 1,2,3, narratif du roman graphique rédigé en ukrainien
Nouvelle graphique, crayon sur papier, (8) x 640 x 43 cm

Ce 24 février commence ce qu’ils appelleront plus tard en anglais l’invasion russe de l’Ukraine. Du monde entier, on commence à me téléphoner et à me proposer de m’aider à fuir vers des pays pacifiques. Je me comporte comme une plante : Je reste sur place, malgré les coups de feu. Pas de fuite!

Mais je descends toujours à la cave, à côté des betteraves et des choux, et je m’y allonge, me cachant des combats entre l’armée russe et l’armée ukrainienne. Dans le contexte des nouvelles concernant les chars russes qui se dirigent vers moi, la définition des plantes envahissantes crée un sentiment durable d’une expérience commune précisément avec les espèces locales : les espèces envahissantes se déplacent facilement à travers l’espace et le temps, pénétrant dans de nouveaux territoires ; ces envahisseurs font souffrir certaines espèces locales, et en font disparaître d’autres pour toujours.

En mars, les troupes russes occupent des villages qui sont à cinq kilomètres de chez moi….Je me rappelle comment, en 2014, quand la Russie a commencé la guerre avec l’Ukraine, en occupant certains territoires à l’est, des voisins m’ont dit : « on peut couper cette plante à côté de ton studio ? c’est un occupant ! » Je leur ai répondu, « cette belle plante ? « Ce sont des asclépiades. Elles sont invasives ». « Et d’où vient-elle si c’est une plante invasive ? » Je l’ai coupée moi-même et l’ai séchée.

Quelque temps plus tard, à l’autre bout de la planète, j’ai vu l’asclépiade « chez elle », là d’où elle vient », là où elle n’est pas « occupante », mais « un héros local ». C’était au Kansas, où cette plante est connue sous le nom de milkweed. J’y ai appris que les papillons monarques existent grâce à l’asclépiade ; ils boivent le nectar de sa fleur et leurs chenilles se nourrissent de ses feuilles. Les défenseurs de l’environnement de l’État américain ne comprendraient probablement pas les supplications de mes voisins de couper l’asclépiade, ou vatochnik.

L’asclépiade arrive en Ukraine pour satisfaire les demandes industrielles, mais sans succès ; « elle devient sauvage », « s’échappe des jardins botaniques », « fuit vers la nature », « commence à vivre comme elle l’entend ». Et sa vie en Ukraine devient « dominante », « privilégiée », « une vie sans ennemis » au-delà d’un système de contrôles et d’équilibres ». Parce qu’il n’y a personne en Ukraine qui pourrait, comme les papillons monarques, l’affaiblir, en consommant ses parties. Puis-je dire quelque chose sur la vie des autres êtres si je ne suis pas une plante ?

C’est la même chose, avec le Solidago, communément appelé verge d’or en Ukraine, cette plante se comporte de manière invasive, comme un étranger, un occupant, un intrus, un colonisateur. Je regarde ce système à sa racine: il n’y a pas de place pour d’autres plantes à cet endroit. Elle génère  jusqu’à 300 plantes par mètre carré, elle est sur le point d’entrer dans mon studio. À la maison, en Amérique du Nord, il est contrôlé par de grands animaux herbivores ; en Ukraine, les escargots sont les seuls à offrir une certaine résistance.

En avril, les villages occupés autour de moi sont libérés. Des armes lourdes sont utilisées. Il y a des victimes militaires des deux côtés, ainsi que des victimes parmi les civils des villages ukrainiens. « Les plantes invasives, à la différence des personnes, ne tuent pas instantanément les espèces locales ». Lorsque je me tiens à côté des deux tombes de mon village, je pense : « un tir à un poste de contrôle », « explosé sur une mine ». Les plantes invasives suppriment les plantes locales, mais c’est une lutte sans sang. Les plantes n’ont pas de sang, elles n’ont que des sucs, qui sont vert clair.

Avec leurs racines plus longues, elles absorbent les nutriments et l’eau ; avec leurs feuilles plus grandes, elles bloquent le soleil. Elles transforment l’environnement à leur guise. Et dans cet environnement, il n’y a plus de place pour les locaux. Mais les plantes ne tuent pas les autres plantes instantanément, et c’est pour cela que lorsque les troupes russes étaient proches, j’ai écrit sur la porte de mon atelier : Suivez l’exemple des plantes. Elles sont pacifistes autant que possible sur notre planète.

Comment les plantes locales peuvent-elles alors se défendre contre les plantes envahissantes ? Je ne peux pas affirmer avec certitude que les plantes se posent une telle question. « Peut-on armer les plantes locales, afin qu’elles puissent résister aux plantes envahissantes ? » J’appelle un botaniste de Kiev au téléphone, en espérant qu’il va bien ; quand on demeure en Ukraine, il n’y a aucune certitude sur le moment suivant.

« On ne peut pas. Ce sont des pacifistes. J’ai vu votre porte aux informations… L’invasion de ces espèces peut généralement être contenue par les humains. Quand ils utilisent l’amitrole ou le glyphosate – contre l’asclépiade, par exemple ». Mais que se passera-t-il si nous commençons à manger les plantes invasives, de la même façon que les chenilles de monarques mangent l’asclépiade, ou que les grands herbivores mangent le solidago.

Je ne peux pas affirmer avec une totale certitude que les plantes locales attendent que l’homme les sauve. « Malgré toutes les hypothèses concernant les envahissements d’espèces sur notre planète, ce sont les humains qui sont à blâmer, puisque les intrusions invasives d’espèces végétales commencent lorsque les gens construisent des bateaux, puis des avions ». Extrait de la définition des plantes invasives. Je ne peux pas affirmer avec une totale certitude qu’en raison de la culpabilité humaine, les plantes appellent l’homme à la responsabilité.

En juin, l’asclépiade commence à pousser. Je coupe les jeunes tiges et les mange, comme un papillon monarque. Mais je les fais d’abord frire avec de la farine de maïs et de l’huile végétale. Je la fragilise en en consommant des parties.

En juillet, je descends à nouveau à la cave à cause des sirènes des raids aériens qui annoncent les roquettes russes. Extrait des nouvelles du jour : « Les occupants russes continuent de voler les céréales ukrainiennes »…  » Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de guerre sur le territoire d’un pays qui nourrit une grande partie du monde.

En ce moment même, je pense que nous devons poursuivre les travaux de développement d’une forme pérenne de blé, la variété qui, je crois, était étiquetée M 34085 ; les travaux sur cette variété se sont arrêtés en 1937 ; ce blé est similaire à la céréale pérenne développée à Salina, le centre agricole du Kansas. Quand j’ai touché sa tige, mon coeur a fait un bond : On peut venir au champ comme à un pommier et en récolter pour mon pain, mon beurre et mon dîner ! »

Le blé pérenne a des racines aussi profondes que les arbres. C’est pourquoi il n’émet pas de dioxyde de carbone, comme les annuelles avec lesquelles tous les champs ukrainiens sont plantés. Dans mon esprit, j’ai une discussion avec Bruno Latour, qui a lu les nouvelles sur la guerre en Ukraine et sur le changement climatique, et n’a pas pu choisir quelle tragédie privilégier. « Ce que je ressens depuis que je lis en même temps les nouvelles de la guerre en Ukraine et le nouveau rapport du GIEC sur la mutation climatique. Je ne parviens pas à choisir l’une ou l’autre de ces deux tragédies ».

Dans cet échange imaginé, j’ai dit : Ha Ha Ha ! Je vous conseille de choisir l’Ukraine comme tragédie n°1, en raison de son sud et de son est occupés, où les batailles font actuellement rage. C’est là que nous cultivons du blé et des tournesols. C’est là qu’il y a une chance de les remplacer par des plantes vivaces, et donc de diminuer les émissions pour freiner les crises climatiques ! Je sors de la cave et j’appelle le botaniste de Kiev, en espérant qu’il va bien ; quand on reste en Ukraine, on n’a aucune certitude sur le moment suivant : « Si on a plus de plantes vivaces, y compris dans les champs, est-ce que cela empêchera l’intrusion de plantes invasives ? ». « Oui, cela rendrait leur intrusion plus difficile » …

Herbier, Solidago collecté en Ukraine et au Kansas
Herbier, Asclépiade collecté en Ukraine et au Kansas
agropyre vivace.

La plantation de céréales pérennes, telles que le Kernza, peut contribuer à la santé et à la stabilité du sol, retenir l’humidité et réduire les coûts de plantation ainsi que les émissions de gaz à effet de serre émanant des plantations annuelles.

Invasions. 1.2.3.
Film by 360 camera, 22 min.,
Ukrainian. subtitles: English, German, French
Commissioned by Manifesta 14
which took place in Kosovo, 2022
Edition: 7 + an artistic copy
Idea: Alevtina Kakhidze
Script and direction: Alevtina Kakhidze, Piotr Armianovski
Camera and editing: Piotr Armianovski
Sound editing: Serhii Kulbachnyi
Music: Maksim Shalygin
Performers:
Alexander Krolikowski, artist
Alevtina Kakhidze, artist
Olexii Kovalenko, botanist, National Museum of Natural history of NAS of Ukraine,
author of « Alien plants: How hogweed and ragweed conquer the Earth »
Anatol Stepanenko, artist, film director and poet
Tamara Hryhorivna, resident of the village of Muzychi, Kyiv region

Dans le film « Invasion.1.2.3, qu’elle réalise en réalité augmentée à 360 degrés, on découvre Alevtina Kakhidze visitant la tombe de sa mère, s’enquérir des nouvelles tombes du cimetière causées par la guerre, parcourir des bâtiments en ruine armée d’un arrosoir. Avec un ami, elle évoque la journée du 24 février 2022, les raisons qui l’on poussée à ne pas fuir. Elle nous mène à la découverte des champs d’asclépiades, en compagnie d’un ami botaniste de Kiyv. On la voit enfin chez elle, cuisiner l’asclépiade invasive suivant une antique recette cherokee, tandis que des images de films évoquent les combats dans les zones occupées d’Ukraine.

Alevtina Kakhidze en performance au Centre Pompidou à Paris ce dimanche 18 septembre

Alevtina Kakhidze « Where The Wild Things Are/Ukraine within the Russian Law ». A press conference by Ukrainian artist Alevtina Kakhidze, based on Victor Yanukovych’s encounter with the media in the Russian city Rostov-On-Don. Moderated by Oleksii Ananov, TV moderator, journalist, cultural commentator from Kiev. St.Petersburg, Russia. 25 October 2014.

Quelques jours à peine après l’invasion de la Russie en Ukraine, et en réaction à ces événements, le Centre Pompidou avait organisé une assemblée solidaire pour donner la parole à des figures de la scène artistique ukrainienne. Alevtina Kakhidze y avait participé en conférence Zoom. Le Centre poursuit, dans le cadre du festival Extra!, l’attention portée à ce conflit majeur en proposant un débat suivi d’une performance d4alvtina Kakhidze ce dimanche 18 septembre

17h, Forum-1
« Rencontre Ukraine-Russie : la guerre continue »

En quoi cette guerre bouleverse-t-elle les équilibres internationaux et européens ? En quoi amène-t-elle l’Europe à se réinventer ? Qu’implique la résurgence de l’impérialisme russe dans la sphère culturelle ?

En présence d’Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en sciences politiques. Ses recherches portent sur les sociétés post-soviétiques, avec deux axes principaux : les conflits armés et l’action protestataire. Elle travaille sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine depuis 2014 et publie en septembre Jamais Frères ? Russie-Ukraine, une tragédie postsoviétique (éditions du Seuil). En présence d’André Markowicz, traducteur de l’œuvre de Dostoïevski, de Gogol et de Tchekhov. Il a publié récemment Et si l’Ukraine libérait la Russie ? (éditions du Seuil). Rencontre animée par Sylvain Bourmeau, directeur de la revue AOC (Analyse Opinion Critique), producteur de l’émission La suite dans les idées sur France Culture.    Rencontre organisée dans le cadre du cycle European Challenges initié par la Fondation Evens.

18h, Petite salle 

Performance : Alevtyna Kakhidze, La Méthode de construction de la vérité politique

Interrogeant l’invasion russe de l’Ukraine et abordant les questions polémiques autour de cette guerre continue, l’artiste ukrainienne Alevtyna Kakhidze, née en 1974 à Zhdanivka, propose une version renouvelée de sa performance La Méthode de construction de la vérité politique, d’abord conçue pour la biennale d’art contemporain Manifesta 10 à Saint-Pétersbourg en 2014, peu après l’occupation de la Crimée par la Russie. Sous le format d’une conférence de presse, mêlant dessins, performance et écriture, l’artiste imagine des réponses à des questions politiques formulées selon les points de vue différents du touriste, du médiateur, du « combattant contre l’électricité » et du jardinier. L’adaptation de cette performance a été proposée et accompagnée par Sasha Pevak, commissaire d’exposition.

En partenariat avec le Centre national des arts plastiques (Cnap) et le collectif Beyond the post-soviet. Avec le soutien de l’Institut ukrainien, l’Ambassade d’Ukraine en France et DOFA fund. La recherche et la production ont été soutenues par TOGETHER UNTIL _ __ (what)* ? et le Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac.

Modérateur : Oleksiy Ananov

Alevtina Kakhidze, From the Battlefield, SEA Foundation, Tilburg

En juillet, Alevtina Kakhidze a participé à l’exposition From the Battlefield, un commissariat de Maria Vtorushina, exposition organisée à la SEA Foundation à Tilburg aux Pays-Bas 

From The Battlefield is an exhibition program that amplifies the direct testimony of those who provide evidence of the war in Ukraine and those who are fighting to protect freedom and hope more broadly. By presenting words, notes, images, documents, and works of artists, curators, and thinkers, From the Battlefield investigates life’s simultaneously banal and aspirational qualities. Each work acknowledges in large or small ways that flickering illuminations and sparks of hope, when amplified through social efforts, can be built into powerful forces.

From The Battlefield focuses on the strength of making small decisions of dignity and freedom when also sacrificing for victory in the circumstances of war. Cultivating small and fragile experiences that help individuals and communities live through inhumane conditions (these experiences grow into volunteering, crowdfunding and self-organized initiatives) can be as significant as earning the world’s solidarity attention or receiving material and tactical support. And to find ways to live when loved ones are being killed is a form of resistance.

The programme was conceived by Maria Vtorushina who was invited for an emergency residency for artists and art labours through Artists at Risk.

Alevtina Kakhidze, Manifesta 14, Prishtina

vue de l’installation
Vue de l’installation
Alevtina Kakhidze, graphic novel, 16 dessins.

1.

On February 24, that witch they will later call in English the Russian invasion of Ukraine starts. From all over the world, they start phoning me and offering to help me flee to peaceful countries. I behave like a plant: I stay in place, despite the shots. No fleeing!

Ce 24 février commence ce qu’ils appelleront plus tard en anglais l’invasion russe de l’Ukraine. Du monde entier, on commence à me téléphoner et à me proposer de m’aider à fuir vers des pays pacifiques. Je me comporte comme une plante : Je reste sur place, malgré les coups de feu. Pas de fuite!

2.

But I still go down to the cellar, next to the beets and the cabbages, and lie there, hiding from the fighting between the Russian army and Ukraine’s military. Against the background of news about the Russian tanks moving in my direction, the definition of invasive plants creates a sustained sense of an experience in common precisely with the local species:  the invasive species easily move across space and time, entering new territories; these includers cause some local species to suffer, and others to disappear forever.

Mais je descends toujours à la cave, à côté des betteraves et des choux, et je m’y allonge, me cachant des combats entre l’armée russe et l’armée ukrainienne. Dans le contexte des nouvelles concernant les chars russes qui se dirigent vers moi, la définition des plantes envahissantes crée un sentiment durable d’une expérience commune précisément avec les espèces locales : les espèces envahissantes se déplacent facilement à travers l’espace et le temps, pénétrant dans de nouveaux territoires ; ces envahisseurs font souffrir certaines espèces locales, et en font disparaître d’autres pour toujours.

 

  1.  

In March, Russian troops occupy villages that are five kilometers from me… I recall how, in 2014, when Russia begin the war with Ukraine, occupying some territories in the east, the neighbors say, “can we cut this plant next to your studio? it’s an occupier!” I ask back, “this beautiful one?” This is vatochnyk. It is invasive”. “And where is it from if it’s an occupier?” I cut it off myself and dry it.

En mars, les troupes russes occupent des villages qui sont à cinq kilomètres de moi…. Je me rappelle comment, en 2014, quand la Russie a commencé la guerre avec l’Ukraine, en occupant certains territoires à l’est, des voisins m’ont dit : « on peut couper cette plante à côté de ton studio ? c’est un occupant ! » Je leur ai répondu, « cette belle plante ? «  Ce sont des asclépiades. Elles sont invasives ». « Et d’où vient-elle si c’est une plante invasive ? » Je l’ai coupée moi-même et l’ai séchée.

4

Sometime later, halfway across the planet, I saw vatochnik “at home”, where it “came from” where it is not “occupier”, but “a local hero”. This was in Kansas, where this plant is known as milkweed. There, I learned that Monarch butterflies exist thanks to milkweed; they drink the nectar from its flower and their caterpillars feed on its leaves. The US state’s environmental activists would likely not understand the pleas of my neighbors to cut down the milkweed, or vatochnik.

Quelque temps plus tard, à l’autre bout de la planète, j’ai vu l’asclépiade « chez elle », là d’où elle vient », là où elle n’est pas « occupante », mais « un héros local ». C’était au Kansas, où cette plante est connue sous le nom de milkweed. J’y ai appris que les papillons monarques existent grâce à l’asclépiade ; ils boivent le nectar de sa fleur et leurs chenilles se nourrissent de ses feuilles. Les défenseurs de l’environnement de l’État américain ne comprendraient probablement pas les supplications de mes voisins de couper l’asclépiade, ou vatochnik.

 

5.

Milkweed arrives in Ukraine to satisfy industrial demands, but not successfully; “it goes wild”, “escape from botanical gardens”, “flees back to nature”, “begins to live the way it pleases”. And its life in Ukraine becomes “dominant”, “privileged”, “a life without enemies” beyond a system of checks and balances”. Because there is no one in Ukraine who could like the Monarch butterflies, weaken it, by consuming its parts. Can I say anything about the life of other beings if I am not a plant?

L’asclépiade arrive en Ukraine pour satisfaire les demandes industrielles, mais sans succès ; « elle devient sauvage », « s’échappe des jardins botaniques », « fuit vers la nature », « commence à vivre comme elle l’entend ». Et sa vie en Ukraine devient « dominante », « privilégiée », « une vie sans ennemis » au-delà d’un système de contrôles et d’équilibres ». Parce qu’il n’y a personne en Ukraine qui pourrait, comme les papillons monarques, l’affaiblir, en consommant ses parties. Puis-je dire quelque chose sur la vie des autres êtres si je ne suis pas une plante ?

6.

It’s the same thing, with Solidago, commonly known as goldenrods in Ukraine, this plant behaves invasively, as a foreigner, occupier, intruder, colonizer. I look at this root system: there is no place for other plants there. It sends to 300 shots per square meter, it is about to get in my studio. At home, in North America, it is controlled by large herbivore animals; in Ukraine, the snails are the only one who offer some resistance.

C’est la même chose, avec le Solidago, communément appelé verge d’or en Ukraine, cette plante se comporte de manière invasive, comme un étranger, un occupant, un intrus, un colonisateur. Je regarde ce système à sa racine: il n’y a pas de place pour d’autres plantes à cet endroit. Elle envoie jusqu’à 300 plantes par mètre carré, elle est sur le point d’entrer dans mon studio. À la maison, en Amérique du Nord, il est contrôlé par de grands animaux herbivores ; en Ukraine, les escargots sont les seuls à offrir une certaine résistance.

7

In April, the occupied villages around me are liberated. Heavy weaponry is used. There are military casualties on both sides, and casualties among the civilians from the Ukrainian villages as well. “Any invasive plants, in difference from people, do not kill the local species instantly”. As I stand next the two graves in my village, I think: “a shot at a checkpoint”, “blew up on a mine”. Invasive plants suppress local plants, but this is a bloodless struggle. Plants don’t have blood; they only have juices, which are light green.

En avril, les villages occupés autour de moi sont libérés. Des armes lourdes sont utilisées. Il y a des victimes militaires des deux côtés, ainsi que des victimes parmi les civils des villages ukrainiens. « Les plantes invasives, à la différence des personnes, ne tuent pas instantanément les espèces locales ». Lorsque je me tiens à côté des deux tombes de mon village, je pense : « un tir à un poste de contrôle », « explosé sur une mine ». Les plantes invasives suppriment les plantes locales, mais c’est une lutte sans sang. Les plantes n’ont pas de sang, elles n’ont que des sucs, qui sont vert clair.

8.

With the longer roots, they take in nutrients and water; with the larger leaves, they block out the sun. They transform the environment to suit themselves. And in this environment, there is not place left for the locals. But plants do not kill the other plants instantaneously, and that’s that when the Russian troops were near, I wrote on the door of my studio: Follow the example of plants. They are pacifists as much as possible on our planet.

Avec leurs racines plus longues, elles absorbent les nutriments et l’eau ; avec leurs feuilles plus grandes, elles bloquent le soleil. Elles transforment l’environnement à leur guise. Et dans cet environnement, il n’y a plus de place pour les locaux. Mais les plantes ne tuent pas les autres plantes instantanément, et c’est pour cela que lorsque les troupes russes étaient proches, j’ai écrit sur la porte de mon atelier : Suivez l’exemple des plantes. Elles sont pacifistes autant que possible sur notre planète.

 

9.

How can the local plants then defend themselves from the invasive ones?  I cannot affirm with full certainly that plants pose such a question to themselves. “Can one arm local plants, so that they could resist the invasive ones?” I call a Kyiv Botanist on the phone, hoping that he is OK; when you remain in Ukraine, there is no certainty about the next moment.

Comment les plantes locales peuvent-elles alors se défendre contre les plantes envahissantes ?  Je ne peux pas affirmer avec certitude que les plantes se posent une telle question. « Peut-on armer les plantes locales, afin qu’elles puissent résister aux plantes envahissantes ? » J’appelle un botaniste de Kiev au téléphone, en espérant qu’il va bien ; quand on demeure en Ukraine, il n’y a aucune certitude sur le moment suivant.

10.

“One can’t. They are pacifists. I saw your door on the news… The invasion of such species can usually be contained by humans. When they use amitrole or glyphosate – against milkweed, for example”. But what if we start eating invasive plants, the way monarch caterpillars eat milkweed, or large herbivores eat solidago.

« On ne peut pas. Ce sont des pacifistes. J’ai vu votre porte aux informations… L’invasion de ces espèces peut généralement être contenue par les humains. Quand ils utilisent l’amitrole ou le glyphosate – contre l’asclépiade, par exemple ». Mais que se passera-t-il si nous commençons à manger les plantes invasives, de la même façon que les chenilles de monarques mangent l’asclépiade, ou que les grands herbivores mangent le solidago.

11.

I cannot affirm with full certainty that local plants are waiting for humans to save them. “Whitin all the hypotheses about species invasiveness on our planet, it is humans who are to blame, since invasive intrusions of plant species begin when people build ships, then airplanes”. From definition of invasive plants. I cannot affirm with full certainty that, because of human guilt, plants call upon humans to take responsibility.

Je ne peux pas affirmer avec une totale certitude que les plantes locales attendent que l’homme les sauve. « Malgré toutes les hypothèses concernant les envahissements d’espèces sur notre planète, ce sont les humains qui sont à blâmer, puisque les intrusions invasives d’espèces végétales commencent lorsque les gens construisent des bateaux, puis des avions ». Extrait de la définition des plantes invasives. Je ne peux pas affirmer avec une totale certitude qu’en raison de la culpabilité humaine, les plantes appellent l’homme à la responsabilité.

12.

In June, milkweed starts growing. I cut the young stems and eat them, like a monarch butterfly. But I fry them up first with cornmeal and vegetable oil. I make it weaker, consuming parts of it.

En juin, l’asclépiade commence à pousser. Je coupe les jeunes tiges et les mange, comme un papillon monarque. Mais je les fais d’abord frire avec de la farine de maïs et de l’huile végétale. Je la fragilise en en consommant des parties.

In July, I again descend to the cellar because of air raid sirens that warn about Russian rockets. From those day’s news: “Russian occupiers continue stealing Ukrainian grain… “ It has been a long time since there was a war on the territory of a country that feeds a large portion of the world.

En juillet, je descends à nouveau à la cave à cause des sirènes des raids aériens qui annoncent les roquettes russes. Extrait des nouvelles du jour : « Les occupants russes continuent de voler les céréales ukrainiennes »…  » Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de guerre sur le territoire d’un pays qui nourrit une grande partie du monde.  

14.

At the very moment, I think that we need to continue work on developing a perennial form of wheat, the variety that, I believe, was labeled M 34085 work on this variety stopped in 1937; this wheat is similar to the perennial grain developed in salina, the agricultural hub in Kansas. When I touched its stem, my heart skipped a beat: One can come to the field like to an apple tree and harvest some for my bread and butter and dinner!”

En ce moment même, je pense que nous devons poursuivre les travaux de développement d’une forme pérenne de blé, la variété qui, je crois, était étiquetée M 34085 ; les travaux sur cette variété se sont arrêtés en 1937 ; ce blé est similaire à la céréale pérenne développée à Salina, le centre agricole du Kansas. Quand j’ai touché sa tige, mon cœur a fait un bond : On peut venir au champ comme à un pommier et en récolter pour mon pain, mon beurre et mon dîner ! »

15.

The perennial wheat has roots as deep as the threes. This is why it does not emit carbon dioxide, like the annuals with which all Ukrainian fields are planted. In my mind, I have a discussion with Bruno Latour, who read the news about the war in Ukraine and about climate change, and could not choose which tragedy to prioritize. « Ce que je ressens depuis que je lis en même temps les nouvelles de la guerre en Ukraine et le nouveau rapport du GIEC sur la mutation climatique. Je ne parviens pas à choisir l’une ou l’autre de ces deux tragédies ».

Le blé pérenne a des racines aussi profondes que les arbres. C’est pourquoi il n’émet pas de dioxyde de carbone, comme les annuelles avec lesquelles tous les champs ukrainiens sont plantés. Dans mon esprit, j’ai une discussion avec Bruno Latour, qui a lu les nouvelles sur la guerre en Ukraine et sur le changement climatique, et n’a pas pu choisir quelle tragédie privilégier. « Ce que je ressens depuis que je lis en même temps les nouvelles de la guerre en Ukraine et le nouveau rapport du GIEC sur la mutation climatique. Je ne parviens pas à choisir l’une ou l’autre de ces deux tragédies ».

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In this imagined exchange I said: Ha Ha Ha! I advise you to select Ukraine as tragedy n°1, because of its occupied south and East, where battles are now raging. This is where we grow wheat and sunflowers. This is where is a chance to replace them with perennials, and thereby lessen the emissions to hold back the climate crises! I come out of the cellar and call the Kyiv botanist, hoping that he is OK; when you remain in Ukraine, there is no certainty about the next moment. “If we have more perennial plants, including in the fields, will this stop the intrusion of invasive plants?”. “Yes, it would make it more difficult for them to intrude” …

Dans cet échange imaginé, j’ai dit : Ha Ha Ha ! Je vous conseille de choisir l’Ukraine comme tragédie n°1, en raison de son Sud et de son Est occupés, où les combats font actuellement rage. C’est là que nous cultivons le blé et les tournesols. C’est là qu’il y a une chance de les remplacer par des plantes vivaces, et ainsi diminuer les émissions pour retarder les crises climatiques ! Je sors de la cave et j’appelle le botaniste de Kiev, en espérant qu’il va bien ; quand on reste en Ukraine, on n’a aucune certitude sur le moment suivant. « Si nous avons plus de plantes vivaces, y compris dans les champs, cela empêchera-t-il l’intrusion de plantes invasives ? ».  » Oui, cela rendrait plus difficile leur intrusion « ….

Dans le film « Invasion.1.2.3, qu’elle réalise en réalité augmentée à 360 degrés, on découvre Alevtina Kakhidze visitant la tombe de sa mère, s’enquérir des nouvelles tombes du cimetière causées par la guerre, parcourir des bâtiments en ruine armée d’un arrosoir. Avec un ami, elle évoque la journée du 24 février 2022, les raisons qui l’on poussée à ne pas fuir. Elle nous mène à la découverte des champs d’asclépiades, en compagnie d’un ami botaniste de Kiyv. On la voit enfin chez elle, cuisiner l’asclépiade invasive suivant une antique recette cherokee, tandis que des images de films évoquent les combats dans les zones occupées d’Ukraine.

 

Paréidolie, Marseille, les images

Gaetane Verbruggen
Benjamin Monti
Benjamin Monti, Histoires naturelles
Benjamin Monti, Tou doit disparaître
Benjamin Monti – Jacques Lizène
Jacques Lizène
Jacques Lizène
Jacques Lizène
Jacqueline Mesmaeker
Jacqueline Mesmaeker, Les Variables
Alevina Kakhidze

Alevtina Kakhidze, Paréidolie, Marseille, preview

Alevtina Kakhidze
Crisis on politics in family, state and garden 2014 – 2022
11 drawings on various supports (paper, notebooks), variable dimensions displayed in a showcase, 70 x 130 cm
2014 Crisis in my marriage. A lot of not solved… A ring. A book.
Husband, me, 14.03.2014. Simone de Beauvoir (my husband is reading Simone de Beauvoir’s essay)
During the crisis with my husband in 2014 I was keep telling: lie of my husband hurts me more than lie of Putin… I was mistaken… 24.02.2022
Crisis in country
Gardening is mainly about politics
Happy Birthday Greetings
My friends at war during this spring.
13. donations:
To Armed Forces of Ukraine To family of refugees
To Armed Forces of Ukraine To Armed Forces of Ukraine To Ambulance
To Zoo
To animals
To cancer patients