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Pol Pierart, Day for night, collection Antoine de Galbert, le SHED, Rouen

Pol Pierart

Pol Pierart
Le bonheur, le malheur, 2001 (Film 14)
Film super 8 numérisé, couleurs, sans son, 00:06:48

Pol Pierart

Pol Pierart
Autoportrait avec ma Ville, 2005 (Film 15)
Film super 8 numérisé, noir et blanc, son, 00 :02 :43

Pol Pierart participe à l’exposition Day for Night, exposition de la collection vidéo d’Antoine de Galbert, collectionneur français et fondateur de la Maison Rouge. Portrait du collectionneur autant que collection de portraits d’artistes en acte, cette proposition s’inscrit dans le cadre du festival Normandie Impressionniste.

Vidéos de Pilar Albarracin, Michel Blazy, Blue Noses, Maxim Borolinov, Mohamed Bourouissa, Mircea Cantor, Patty Chang, Steven Cohen, Ann Hamilton, Elika Hedayat, Jean-Charles Hue, Sejla Kameric, Ange Leccia, Ramuntcho Matta, Tania Mouraud, Geert Mul, Hans Op de Beek, Lucien Pelen, Pol Pierart, Louise Pressager, Mika Rottenberg, Roman Signer, Stéphane Thidet, Barthélémy Toguo, Janaina Tschäpe, Adam Vackar, Where Dogs Run.

Exposition du 29 mai au 31 juillet 2016
Vernissage samedi 28 mai 2016 à partir de 18h30

Le communiqué de presse :

« Day for night » (ou nuit américaine) est une technique cinématographique permettant de filmer de jour, des scènes de nuit. Pour obtenir cette obscurité, propice à la projection d’images dans un lieu habituellement éclairé par la lumière du jour, les ouvertures du SHED ont été occultées, plongeant les 600 m2 de l’espace d’exposition dans la pénombre. Positionné au centre du lieu, un dispositif spécifique, fabriqué pour l’occasion, compose quatre surfaces de projection. Cube lumineux – sorte de lanterne magique –, il est entouré d’assises, permettant aux visiteurs de s’installer pour visionner 47 vidéos.
Ces 47 vidéos sont extraites de la collection d’Antoine de Galbert, collectionneur d’art français. A ce titre, elles incarnent les goûts et les obsessions d’un individu, ayant choisi de les partager en créant, en 2000, une fondation et un lieu d’exposition : la Maison Rouge. Foisonnante, la collection d’Antoine de Galbert témoigne de son intérêt pour les vanités – nature morte évoquant la fragilité et la brièveté de l’existence humaine. Cet intérêt se retrouve dans ses vidéos, où la performance, la mise en scène du corps de l’artiste par lui-même, voire la mise à l’épreuve du corps, occupent une place prépondérante. Ainsi dans The Chandelier Project (2002), performance filmée de Steven Cohen (artiste, performer et chorégraphe sud- africain né en 1962), l’artiste déambule sur talons hauts, maquillé et vêtu d’un lustre à pampilles, dans un township de Johannesburg voué à la démolition. Plus sarcastique, Barthélémy Toguo (né en 1967 au Cameroun, vit à Paris et Bandjoun) se met en scène dans The Thirsty Gardener, (2005) arrosant une plante en pot, faite de billets de banque. Minimaliste burlesque, Roman Signer (artiste suisse né en 1938) se montre, dans Punkt (2006), assis devant un chevalet, un pinceau à la main, sursautant au bruit d’un pétard qu’il a lui-même lancé et produisant ainsi la seule trace faisant le tableau…
Un programme chronométré permettra d’organiser sa visite comme on irait au cinéma, en choisissant sa séance. Chacun pourra venir spécialement pour découvrir le travail d’artistes de renommée internationale, tels que Michel Blazy (né en 1966 – une exposition se tient au Portique, au Havre, jusqu’au 2 juillet) et Mika Rottenberg (née en Argentine en 1976, dont une monographie ouvrira au Palais de Tokyo en juin prochain), présente dans l’exposition avec Sneeze (2012) ; d’artistes français émergents tels que Lucien Pélen (né en 1978 à Aubagne), dont le SHED présentera un ensemble de vidéos, frappantes par leur paysages sublimes et leur poésie beckettienne ; ou encore un ensemble de vidéos de Jean-Charles Hue, cinéaste et plasticien français né en 1968, remarqué pour deux de ses longs métrages : La BM du Seigneur (2011) et Mange tes morts : tu ne diras point (prix Jean-Vigo, 2014).
DAY FOR NIGHT sera la troisième exposition du SHED, nouveau lieu pour l’art contemporain, ouvert en septembre 2015, à l’initiative d’un groupe d’artistes et de curateurs. Il est situé dans une ancienne usine de mèche de bougie, l’usine Gresland, dans une vallée industrielle de l’agglomération de Rouen. La particularité du SHED est d’être géré par des artistes, qui ont collectivement acquis le lieu pour y aménager une résidence d’artistes, un espace d’exposition, des ateliers et des stockages.

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Pol Pierart, Mon plus beau posthume, Yellow Now

A l’occasion de l’exposition consacrée à Pol Pierart au Grand Curtius à Liège, paraît un nouvel ouvrage concernant les photographies de l’artiste.
Pol Pierart
Mon plus beau posthume
Editions Yellow Now
64 pages, noir & blanc.

Pol Pierart

Six petits livres avec ses photographies ont paru entre 2000 et 2016 chez Yellow Now. Tous au format 17 x 12 cm ou 12 x 17 cm, 64 pages.
Les photographies mises en scène et appariées à des mots sont d’une grande sobriété de moyens. Les images vont à l’essentiel, rendant facile la lecture de l’œuvre, dont se dégage par ailleurs une certaine poésie. Il s’y entoure d’objets proches (son ours, son squelette…), appartenant à la vie quotidienne. Pol Pierart précise, non sans malice, qu’il n’a, au travers de ses créations, d’autre revendication que celle de chacun : changer le monde ! « La prétention ridicule de ce dessein ne vous échappera pas, mais ce qui importe réellement, c’est d’aller constamment dans ce sens.
1. Ça fait du bien d’ôter ses choses sûres, 2000.
2. Photos pour faire un monde, 2004.
3. Je suis photortographe, 2006.
4. La Vie en ronces, 2007.
5. Angoisse ça te regarde, 2013.
6. Mon plus beau posthume, 2016.

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Pol Pierart, Grand Curtius, Liège, une introduction

Au Grand Curtius, du 10 mars au 1er mai
Féronstrée 136 4000 Liège

Pol Pierart

Pol Pierart
Existera, 2013
Acrylique sur toile libre, 170 x 223 cm

L’EXPERIENCE CONTINUE

De Pol Pierart, on connaît bien sûr la peinture, des acryliques sur toiles libres, parfois aussi grandes qu’un calicot, ses travaux sur papier, ses photographies au format d’une carte postale, un médium qu’il décline dans la simplicité du noir et blanc. A ces pratiques, ce glissement continuel d’un médium à l’autre, Pol Pierart a ajouté, au tournant des années 2000, la réalisation de films courts. Paraphrasant Paul Nougé, dont on sait que l’œuvre est capitale pour tout saboteur de langage, je serais tenté d’écrire qu’ainsi, « L’expérience continue »1, tant ces quatre média s’inscrivent dans une pure continuité, cette mise en jeu des mots, ces mots mis en Je, un continuum que l’artiste nuance en tirant parti des spécificités propres à chaque médium, – l’amplitude de la peinture, l’immédiateté des travaux sur papier, la mise en scène des photographies, le scénario des films – , soucieux, toujours, de travailler de la façon la plus économe qui soit. Lorsqu’on l’interroge sur ses travaux, Pol Pierart, précise, non sans un soupçon de malice, qu’il n’a d’autre revendication au travers de ses créations que celle de tout un chacun : changer le monde ! « La prétention ridicule de ce dessein, ajoute-t-il, ne vous échappera pas, mais ce qui importe réellement, c’est d’aller constamment dans ce sens ». Discret, Pol Pierart agit avec une constance non démonstrative, « qui a ceci d’imprévisible qu’elle continue de retenir le regard et de bousculer nos habitudes de vision »2.

J’ai lu, un jour, que les photos de Pol Pierart étaient « trompeuses et drôles, affichant leurs faux airs de natures mortes et leurs vraies bizarreries »3. Drôles, pas toujours, drôlement lucides, certainement. Son éditeur les argumente en les qualifiant de photographies calembourgeoises4 ; l’adjectif est singulier. La plupart du temps, ce sont de petites mises en scène appariant des mots et des objets. Des cartons – cartels, des écriteaux, parfois des inscriptions interagissent avec les objets posés dans le champ, voire, lorsque l’artiste quitte l’atelier, avec le paysage urbain. Ce sont de courtes phrases qui fonctionnent comme des énoncés aphoristiques, de petites sentences péremptoires ; elles résonnent comme des slogans, des lieux communs, des phrases de routine, des truismes proverbiaux ou des annonces publicitaires. Pol Pierart substitue une lettre, un phonème pour un autre, il remplace un mot par un autre qui lui est proche, phonétiquement ou sémantiquement. Il bouscule les isotopies, il cherche une efficacité toute perlocutoire, il détourne et modifie le sens; plus simplement, il considère le langage comme une pâte à modeler, en toute irrégularité.

Bon nombre de ces courtes affirmations sont en effet des calembours, ces jeux de mots fondés sur une similitude de sons recouvrant une différence de sens. On repensera aux aphorismes de Paul Nougé, encore lui. « On sait ce que parler veut rire ». « A l’humour à la mort ». Dans ses « Notes sur la poésie »5, le poète surréaliste s’explique sur ses relations particulières au langage. Celui-ci, estime Nougé, et particulièrement le langage écrit, est tenu pour un objet, un objet agissant sans doute, c’est à dire capable à tout instant de faire sens, mais un objet détaché de qui en use au point qu’il devient possible, dans certaines conditions, de le traiter comme un objet matériel, une matière à modifications, à expérience. Dans l’œuvre de Pol Pierart, le langage est un objet modifiable à la manière d’un objet matériel, ces cartels et écriteaux dans l’image, que Pol Pierart met d’ailleurs en relation avec d’autres objets matériels, un ours en peluche, un squelette, un crucifix, des espadrilles, une mappemonde, un gant, toutes sortes d’objets courants et sans prestige. Ses mises en scènes sont simples et directes, percutantes. Tout appartient au quotidien du langage et de la vie. Un rien suffit à donner du sens. Il s’agit de « prendre les éléments de la création aussi près que possible de l’objet à créer, jusqu’à tendre à cette situation idéale où la chose souhaitée naîtrait, par l’introduction d’une seule virgule »6 : c’est là encore la leçon nougéenne. Escamoter une lettre dans un mot suffit parfois à en changer le sens. Ou même une partie de lettre. « Je me sens bien », tracé en majuscules, se transforme en « je me sens rien » dès le moment où l’artiste pose simplement le doigt sur la base du tracé de la lettre B. Un doigt, qu’il se permet d’ailleurs d’écrire « je doigt » dès que celui-ci se fait injonctif. Lorsqu’un un char d’assaut miniature écrase un petit squelette désarticulé, c’est « en char et en os ». Un inquiétant gant de cuir noir posé comme un rapace sur une mappemonde évoque « la loi du plus fort / la loi du plus mort ». Certaines de ces images sont de véritables Vanités, d’autres évoquent la difficulté d’être, l’inconvénient d’être né, l’inéluctabilité de la mort. « Un pied devant l’autre, les deux pieds devant ». De sa bêche, l’artiste retourne son jardin, c’est « Faire labour », une bêche à laquelle il accroche, plus tard, un écriteau tranchant : « Terre à taire » et qui, in fine, lui permet de creuser sa propre tombe car « Mourir, c’est finir le moi ». D’ailleurs, « tant qu’à mourir, autant le faire soi-même ». Pol Pierart pointe toutes nos angoisses existentielles, il épingle nos contradictions. « Exceptez-moi comme je suis ». Ses satires portent sur l’hypocrisie ou l’égarement religieux, « Prions – prisons » ; il souligne les cruautés planétaires, les injustices sociales, – « home street home » -, ou la simple difficulté d’être ensemble : « haine – humaine », « tout seul, on est rien, ensemble on est trop ». Ainsi passe-il du registre le plus trivial ou même atmosphérique car « Même la pluie tombe de travers » -, au registre le plus grave: « tout baigne – dans le sang ». Le calembour est ludique, l’intention, elle, est grave. Grave, grinçante même, drôle ou tendre à la fois. En un mot, de toute humanité et de toute inquiétude.

Le lien qui s’établit entre l’émetteur et le destinataire du jeu de mots nougéen, écrit Geneviève Michel7, est celui de l’éveilleur à l’éveillé : la légère distorsion éveille, en effet, l’attention, la curiosité, l’intérêt du lecteur; et le décalage de sens est sensé conduire le lecteur – regardeur attentif, réceptif, à une réflexion, à une remise en question, à un enrichissement de l’esprit. Pol Pierart n’a jamais considéré la création comme une fin ne soi, mais bien comme une adresse au spectateur. Par ses photographies, il nous apostrophe et nous éveille. Il s’est toujours revendiqué des phylactères de son enfance. Les grandes grèves de la sidérurgie liégeoise l’ont également marqué : revendications, calicots, panneaux et écriteaux ont influé son imaginaire. Il y a une similitude entre le slogan, qu’il soit publicitaire, social ou politique, et l’énoncé poétique, en ce sens qu’ils utilisent les mêmes ressources de la langue, bien que leurs fins soient évidemment différentes. Souvenons-nous de « la publicité transfigurée » de Nougé (1927), cette action où le poète promène dans les rues de Bruxelles un placard géant sur lequel est écrit : « Ce boulevard encombré de morts. Regardez vous y êtes »8. L’action, à l’époque, est passée parfaitement inaperçue, valeur d’usage du placard et valeurs d’échanges que celui-ci véhiculait complètement parasitées l’une par l’autre. On comprend dès lors mieux cette constance discrète, lucide et décidée de Pol Pierart. L’expérience continue, certes.

Si ses photographies agissent comme des apostrophes, la peinture, quant à elle, autorise l’artiste à saisir la présence physique du mot, de façon plus essentielle, plus existentielle même. Un mot ou deux, rarement plus, quel que soit le format de la toile libre qu’il investit, un lettrage simple, libre, normalisé. Biffures, ratures, tracés d’épaisseur différentes : le mot ici se transfigure offrant tout son potentiel polysémique. C’est là cette qualité spécifique du médium car, plus encore dans ses toiles et travaux sur papier, les mots sont aussi graphies, cette matérialité que l’artiste triture du pinceau de façon volontairement imparfaite. Les toiles libres de Pol Pierart ne sont pas que calicots poétiques : il nous faut ici évoquer la couleur, la peinture au plein sens du terme, celle-ci qui – à propos – se met si difficilement en mots. Ceux de Pol Pierart s’étalent dans la couleur de ses toiles le plus souvent monochromatiques, une matière vivante que l’artiste traite toute en nuances. Le peintre évite la couleur pure, il œuvre en transparences, ne dédaigne jamais l’inachevé, opte pour les infinies tonalités de la couleur posée en couches successives. Ainsi tire-t-il parti des qualités ontologiques du médium.

S’ils sont aujourd’hui numérisés, les films de Pol Pierart, ont été réalisés avec une caméra super 8, un format que l’artiste a choisi non par nostalgie, mais bien pour l’aspect familier, voire même familial du format, son caractère courant et sans prestige, ce grain de l’image tellement pictural et si particulier. Les photographies de l’artiste sont de petit format, les films le seront aussi, dépassant rarement les trois minutes. En amont, ils sont très précisément écrits, la postproduction se résume dès lors à peu de choses. Le plus souvent, seul le bruit mécanique du projecteur accompagne le défilement des images. Pol Pierart renoue – c’est naturel – avec le cinéma muet : ses cartons, cartels et inscriptions prennent ici tout leur sens. A la fois scénariste, réalisateur et acteur de ses images, une seule complice prête son concours pour des scénarii en duo, aussi graves que drôles, parfois même désopilants. C’est, une fois encore, l’économie des moyens mis en œuvre qui prime ; ces films – sketches en sont d’autant plus percutants et incisifs. Réalisés pour la plupart dans l’environnement familier du cinéaste, ce sont des films courts cousus de petites choses décousues, de celles qui tissent le quotidien. L’un ou l’autre sortent de ce cadre domestique, tel cet « Autoportrait avec ma ville » (2005), une longue déambulation au gré des paysages urbains, des enseignes et inscriptions en tout genre que le cinéaste repère et associe, phrasant ainsi l’espace urbain : «dans une ambiance de joie», «liquidation», «Bourgeois», «crise», «monstres», «donner sa vie», «tu dois collaborer» se succèdent au fil des plans, littéralement extraits du paysage urbain. On repensera au détournement dialectique situationniste, à la théorie de la dérive de Guy Debord, cette technique de passage hâtif dans des ambiances variées, indissociablement lié à la reconnaissance d’effets de nature psycho géographique et à l’affirmation d’un comportement ludique et constructif, une dimension qui, c’est sûr, plane sur toute l’œuvre de Pol Pierart, comme une attitude inscrite au cœur même du travail.

Jean-Michel Botquin
Liège, février 2016.

1 Marcel Mariën est à l’origine des deux volumes de Nougé publiés en 1956 et 1967 (aux éditions Les lèvres Nues, repris en 1980 et 1981 à l’Age d’Homme, coll. Cistre Lettres différentes) et intitulés respectivement Histoire de ne pas rire et L’expérience continue.
2 Julie Bawin, « Je peins donc nous sommes », L’humanité de l’art selon Pol Piérart, dans l’Art Même #34, 2007.
3 Philippe Dagen, « Pol Pierart, acrobate des doutes », dans Le Monde, 8 décembre 2002.
4 A l’occasion de cette exposition, les Editions Yellow Now éditent un sixième volume des photographies de Pol Pierart : « Mon plus beau Posthume ».
5 Paul Nougé, Notes sur la poésie, dans Les Lèvres Nues, n°3, octobre 1954
6 Paul Nougé, Pour s’approcher de René Magritte, repris dans Histoire de ne pas rire, Les lèvres nues, Bruxelles, 1956
7 Geneviève Michel, Paul Nougé, la réécriture comme éthique de l’écriture, Université de Barcelone, 2006
8 Michel Biron, Le refus de l’œuvre chez Paul Nougé, dans Textstyles, n°8. Novembre 1991. Surréalismes de Belgique.

Pol Pierart

Pol Pierart
Tout seul on n’est rien, ensemble on est trop, 2008
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Las, 2009
technique mixte sur papier, 42 x 50 cm

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Jacques Lizène, Pol Pierart, World Academy Project for Expo 2015, Milano

Pol Pierart

Jacques Lizène et Pol Pierart participent au « World Academy Project for Expo 2015 » qui se tient à Milan. Initié par la célèbre Accademia di Bella Arte di Brera (où étudièrent, entre autres, Dario Fo, Lucio Fontana ou Piero Manzoni), ce projet rassemble une centaine d’artistes des quatre coins du monde à qui il fut proposé de produire de monumentaux calicots relatifs au thème même de l’Exposition Universelle : « Feeding the planet, Energy for Life ». Tous évoquent donc, de près ou de loin, les problématique globales de la nutrition.
Ces bâches, au rythme d’un work in progress, sont installées au cœur de la Piazza Citta di Lombardia, érigée par l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei.
Pol Pierart, pince sans rire, y envoie un « pain sans rire » mondialisé. Jacques Lizène a conçu quant à lui une « pittura nulla » (1966), « pitture con materie fécali » (1977), croisant son propre visage avec celui de Piero Manzoni. Circuit fermé, mal bouffe, autarcie, voilà de la merde d’artiste. Se souvenant que Piero Manzoni est mort prématurément par un froid et neigeux matin d’hiver, Lizène introduit dans sa bâche, en guise d’achrome, un fragment de Neige du Capitaine Lonchamps. Un « Semiffredo », en quelque sorte.

Jacques Lizène

L’Expo 2015, officially Esposizione Universale 2015, will take place in Milan between 1 May and 31 October 2015.
The proposed theme is “Feeding the Planet, Energy for Life” and it intends to include everything related to food, from the problem of the lack of food in some areas of the world to nutrition education, to issues related to GMOs.
The focus will be on technology, innovation, culture, traditions and creativity as related to the field of nutrition and food. In this context, the WORLD ACADEMY project aims to present “visual evidence” by some of the most representative internationally recognized contemporary artists, who will produce a visual message for the show.
All the reproductions of the artists’ “messages” will be affixed in the Piazza Città di Lombardia, in the new skyscraper, he- adquarters of the Lombardy Region, which is a sponsor of the event.
The bases on which the artistic images will be displayed (henceforth called sails) will be placed on suspended steel cables, which are an integral part of the building, and arranged at various heights to make it possible for them to be seen from every angle, like a cloud of messages arriving from around the world.
The event will be organized as a work in progress which will progressively be enriched by new images as they arrive at the Brera School of Painting.

Piazza Città di Lombardia

 

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Wild Open Space, Les Moissons de la Cité, Grand Curtius Liège

Jacques Lizène

Eleni Kamma, Jacques Lizène, Emilio Lopez-Menchero, Sophie Langohr, Pol Pierart et Marie Zolamian participent à l’exposition “Wild Open Space, Les Moissons de la Cité”, exposition rétrospective des 80 oeuvres acquises par la Space Collection. Au Grand Curius à Liège, du 25 juin au 13 septembre. Vernissage le 24 juin.

Lancée en 2002 par l’artiste belge Alain De Clerck, la SPACE Collection construit un réseau de villes européennes liées entre elles par une collection transfrontalière d’art contemporain.
Les œuvres sont acquises grâce à des sculptures interactives implantées dans l’espace public. Quand un passant glisse une pièce dans une des bornes de la SPACE, il anime une sculpture et reçoit un ticket avec un poème ou un cadeau culturel. L’argent récolté est augmenté grâce à du mécénat et permet d’acheter des œuvres d’art. A Liège et à Maastricht, les deux premières génératrices de culture ont déjà permis d’acquérir 80 œuvres mélangeant les genres, les supports, les techniques et les artistes.

Launched in 2002 by Belgian artist Alain De Clerck, SPACE Collection is building a network of European cities linked by a trans-border collection of contemporary art.
The works are acquired thanks to interactive sculptures set up in public spaces. Whenever a visitor inserts a coin into a SPACE machine, he animates the sculpture and gets a ticket to poetry or cultural prize. Then, money is collected, increased by sponsorphip and transformed into works of art. In Liege and Maastricht, the first culture machines already allowed to buy 80 works mixings genres, material supports, techniques and more or less renowned artists.

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Benjamin Monti, Jacques Lizène, Emilio Lopez Menchero, Pol Pierart, Walter Swennen, Le Grand Large, Mons 2015

Le Grand Large

Le Grand Large, territoire de la pensée, 2015

Proposé par Bruno Robbe et Daniel Dutrieux, découvrez des lithographies et des drapeaux réalisés par 24 artistes belges et internationaux. 24 artistes ont été conviés pour la création d’une édition originale de drapeaux et de lithographies, en tirage limité. Deux œuvres en dialogue étroit. Les drapeaux occuperont l’espace public et l’exposition au Magasin de papier présentera l’accrochage de l’ensemble des estampes originales et les projets de drapeaux.

Oeuvres de :
Boris Beaucarne, Jean-Marc Bustamante, Charley Case, François Curlet, Edith Dekindt, Luc Deleu, Peter Downsbrough, Jot Fau, Benoit Félix, Michel François, Jacques Lizène, Emilio Lopez Menchero, Pieter Laurens Mol, Jean-Marie Mahieu, Benjamin Monti, Jean-François Octave, Pol Pierart, Jean-Pierre Ransonnet, José Maria Sicilia, Walter Swennen, David Tremlett, Angel Vergara, Bernard Villers, Lawrence Weiner.

Inauguration et double vernissage :
Le samedi 20 juin de 15:00 à 17:00 à la Galerie du Magasin de papier
Rue de la Clef, 26 – 7000 Mons
18:00 s au Club House du Grand-Large
Rue du Grand Large 2A – 7000 Mons

Exposition du 19/06 au 27/09/2015:

À la Galerie le Magasin de Papier (lithographies)
Sur le site du Gand Large et ville intra muros (Drapeaux).

Dès le prochain solstice d’été, l’exposition Le Grand Large – Territoire de la Pensée invite à traverser Mons et à redécouvrir le Grand Large, port de plaisance extra muros. Organisée à l’initiative des Editions Bruno Robbe et de Daniel Dutrieux dans le cadre de Mons, Capitale européenne de la culture, cette exposition réunit vingt-quatre artistes autour d’une proposition originale sur le territoire, et plus particulièrement autour de l’idée du départ en territoire inconnu. Chacun des artistes a réalisé deux œuvres en résonance : un drapeau ainsi qu’une lithographie qui se déplie telle une carte géographique.

Le Grand Large, plan d’eau artificiel de plus de 45 hectares, est initialement conçu pour régulariser le niveau d’eau entre le canal Nimy-Blaton et l’Escaut. Le site distant seulement de trois kilomètres de la ville représente pour tout Montois une échappée facile. Sa superficie est pratiquement similaire à celle de la ville intra muros. Par analogie, ce constat scelle la relation entre le territoire en creux et le mont que constitue Mons topographiquement. Il est intéressant de pointer par ailleurs que le développement urbanistique se fait progressivement en direction du Grand Large. Une belle métaphore…
Une promenade urbaine proposée depuis le Magasin de Papier, où sont exposées les lithographies pliées, jusqu’au site du Grand Large bordés des drapeaux est reprise sur une carte inédite du territoire. Le choix du support paraît tout simplement évident mais pour lui donner encore plus de sens les commissaires de l’exposition, Daniel Dutrieux et Bruno Robbe, ont travaillé en association avec l’Institut Géographique National (IGN). La cohérence finale de leurs multiples intentions ont induit des prises de position à la fois géographique et poétique, tel l’emploi de la carte IGN pour servir de guide à l’exposition ou bien encore les sites choisis, le creux et le mont, et les supports des œuvres, la lithographie et le drapeau, en tant qu’antipodes qui dialoguent.

L’exposition prospective questionnant la vaste notion de territoire évoque par ailleurs une figure montoise, Jean-Charles Houzeau de Lehaie (1820-1888), journaliste, scientifique et astronome autodidacte, prolixe en termes d’écrits, ayant vécu une vie incroyable. Une multitude d’articles témoignent de son érudition, dans des domaines aussi variés que l’astronomie, l’histoire, la géographie, la sociologie, la zoologie, la géologie. Le Grand Large – Territoire de la Pensée devient un magnifique prétexte pour lui rendre hommage. Un changement de cap marque particulièrement la vie du philanthrope voyageur à l’âge de 37 ans : il prend littéralement le large et traverse l’Océan Atlantique pour rejoindre la Nouvelle- Orléans. Il y prend fait et cause contre l’esclavagisme et défend ses idées au travers de lettres et d’articles. Vingt ans plus tard, il reviendra en Belgique pour prendre la tête de l’Observatoire royal. Des multiples facettes d’Houzeau, les commissaires de l’exposition ont retenu son engagement humaniste et sa passion pour l’observation (à l’œil nu bien souvent) de la voûte céleste. Au delà des frontières, des préjugés et des nationalismes, cet homme d’avant-garde a su garder une ouverture d’esprit et a osé remettre en question tant les conditions sociales que les idées parfois bornées de ses contemporains.
Faisant sans détour référence à l’actualité du pays, à l’heure de rengaines nationalistes trop souvent entendues, l’exposition tend également à dissoudre toute forme d’appartenance aberrante et de frontières restrictives, à l’instar du drapeau de Robert Filliou conçu pour enjamber les frontières nationales. Un autre hommage est rendu à cet artiste qui considérait que « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » dont les créations généreuses et les fascinants dispositifs laissent une place à l’expérimentation. Fondateur d’un projet nommé Territoire de la République Génial, il présente ses recherches en 1971 au Stedelijk Museum d’Amsterdam où les visiteurs sont invités à échanger leurs points de vue sur la République idéale. Le drapeau qu’il réalise l’année suivante concrétise certaines de ses idées. Cadre vide soutenu entre deux mâts (dont le premier se trouverait dans un pays et le
second dans l’autre), il est à considérer davantage comme un acte poétique : il met en question les territoires qu’un ‘simple’ drapeau délimite trop souvent. A l’occasion de l’exposition, les organisateurs ont décidé de créer une nouvelle version de ce drapeau : à l’about des deux mâts, un calicot mentionne l’un des Longs Poèmes courts à terminer chez soi 1 écrit par Filliou en 1961.
Prendre du recul afin de percevoir la réalité dans son ensemble est une des intentions formulées en amont du projet ; la terre apparaît majoritairement bleue en s’éloignant du sol et les seules frontières visibles sont celles de l’eau soulignant le contour des terres émergées. Se saisissant de cette image, les commissaires font prendre conscience du rapport entretenu par l’homme sur son territoire et la nécessité qu’il a eue un jour de définir le sien en délimitant celui de son voisin. Le territoire de la pensée sera cette étendue sans limite accessible par tous, à tout moment. En regard à cette observation, Luc Deleu fait une proposition magistrale. Sa lithographie comme son drapeau pointent l’antipode de Mons et le site du Grand Large au beau milieu de l’Océan Pacifique. Quant à Michel François, il noircit entièrement la cartographie centrale d’une carte du Monde type Michelin comprenant tous les drapeaux nationaux en pourtour. Le noir s’obtient en mélangeant leurs couleurs et augure un territoire dont les limites auraient disparu. Une autre lecture serait davantage liée à la symbolique du noir représentant la menace, voire le désespoir d’un monde régi par le pouvoir de ces nations.

Ce que l’acte de planter un drapeau évoque devient révélateur pour certaines démarches. « Il est doublement et indissolublement lié d’une part à l’autorité, de l’autre au territoire sur lequel celle-ci s’exerce, explique l’historien Yves Randaxhe. Et associer ces notions à celle du déplacement suppose l’idée de conquête. Dans l’imaginaire collectif – et spécialement dans les légendes nationales –, le drapeau ne déploie vraiment tout son pouvoir que sur le champ de bataille. Sans doute, sa présence s’y explique-t-elle pratiquement par la nécessité de situer les positions des combattants dans le chaos du combat. »
Certains artistes vont interroger les symboles issus du drapeau lui-même comme d’autres vont puiser dans l’imaginaire lié au voyage, au large, au lâcher prise, à la rupture, ou faire référence au temps qui s’écoule et aux nuages qui passent. Ainsi le drapeau de Pol Pierart – une main tendue vers le ciel tenant un bout de papier sur lequel il est inscrit CHangeANT – rentre-t-il en dialogue avec les nuages en arrière-plan ou celui de Benoît Félix, liant ciel bleu et nuage blanc en son centre dans une communion parfaite. Idem encore pour le travail de François Curlet dont l’empreinte de pavés au sol perd tout repère une fois portée par le vent. Le rapport de plongée/contre-plongée est par ailleurs fort intéressant. Dans le choix de l’implantation des drapeaux et du parcours rythmé dans l’espace urbain se tisse un lien fort directement imprégné des spécificités du territoire concerné. La collection des vingt-quatre drapeaux de l’Edition du Grand Large prend place sur les berges du site ; elle est complétée par une sélection des collections In de Wind du Centre Culturel de Strombeek et World Wild Flags & Words on Flags de Liège qui profitent des hampes disponibles dans l’espace urbain pour hisser leurs couleurs.

Le drapeau, dans son contexte artistique, est devenu vecteur de communication. Il arbore pourtant un contenu partiel et difforme, quasi impossible à percevoir entièrement : le mouvement par grand vent le fait constamment osciller tandis qu’une fois le vent tombé, il est replié sur lui-même. Le lien ténu entre les deux supports, carte et drapeau, est remarquable dans le travail de Bernard Villers puisqu’il laisse les plis d’une carte imprimés sur le drapeau composer avec les plissés dus au vent. Chaque artiste interroge cette situation et la résout différemment, travaillant le drapé comme un tableau ou une image insaisissable. Le ciel en arrière-plan l’est lui aussi. Variant en fonction de la météo d’un blanc coton au bleu azur passant par de multiples teintes de gris, il modifie heure par heure la lecture des drapeaux.
La série de lithographies pliées a été réalisée dans l’atelier des Editions Bruno Robbe, une référence depuis sa fondation en 1950. Le savoir-faire familial s’est depuis adapté aux techniques nouvelles, mais aussi à l’évolution des demandes et, comme le démontrent les œuvres de cette exposition, à une finalité différente. En effet, pour cette édition, Daniel Dutrieux et Bruno Robbe proposent une version pliée des estampes. Le fait même de la rabattre sur elle-même pourrait être perçu comme un geste iconoclaste dans la présentation de la lithographie traditionnelle, parfaitement plane habituellement et encadrée. En prônant l’usage et l’action itérative (déplier/plier), les commissaires font ici très clairement référence à la carte géographique. La trace laissée par les plis sur l’estampe en altère volontairement l’allure initiale, ce qui sert mieux encore le propos artistique. La lithographie pliée s’apparente manifestement au domaine de l’édition et plus spécifiquement du livre d’artiste par la manipulation de l’objet. Le choix d’un coffret pour la protéger restaure néanmoins son aspect précieux. Elle laisse entrevoir le territoire de la pensée de chaque auteur ; l’œuvre d’art peut dès lors être envisagée telle un territoire à explorer. Le geste est donc très important, c’est lui qui mène à la découverte de l’image et manipuler la carte est déjà une préparation au voyage.

Le Grand Large – Territoire de la Pensée est une exposition qui s’approprie un territoire, les lithographies pliée imaginées par les artistes attendent une interprétation, une ‘légende’ en quelque sorte, pour exister tandis que les drapeaux flottant au vent modifient le symbole de pouvoir qu’ils représentent en un symbole artistique libre. Ceux-ci rythment le parcours quand leurs images déployées cadencent la pensée. Elle se veut ici aussi émancipatrice que celle qui devrait nous animer quand l’appel du large se fait sentir. (Cécile Vandernoot)

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Pol Pierart, Exercices de Styles (2)

Pol Pierart

Pol Pierart
Tout seul on n’est rien, ensemble on est trop, 2008
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Suivant, 1998
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Tout seul on n’est rien, ensemble on est trop, 2008
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Une vie à peine éclose, une vie à peine est close, 2000
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Le foutur, 2001
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

(…) «Si le propre du calembour est d’être employé à des fins purement ludiques, les jeux de mots de Nougé témoignent eux d’intentions graves, écrit Geneviève Michel. En effet, le lien qui s’établit entre l’émetteur et le destinataire du jeu de mots nougéen est censé être celui de l’éveilleur à l’éveillé : la légère distorsion éveille l’attention, la curiosité, l’intérêt du lecteur; et le décalage de sens est sensé conduire le lecteur attentif, réceptif, à une réflexion, à une remise en question, à un enrichissement de l’esprit». Sans aucun doute est-ce là l’esprit qui anime également Pol Pierart, pour qui la création n’est jamais une fin en soi, mais bien une «adresse» au spectateur. Le format carte postale des tirages barytés s’inscrit dans cette optique. Leur encadrement de bois noir, serré sur l’image également : il s’agit de «faire part», dans toutes les acceptions du terme. Pol Pierart s’est toujours revendiqué des phylactères de son enfance. Les grandes grèves de la sidérurgie liégeoise l’ont également marqué : revendications, calicots, panneaux et écriteaux ont influé son imaginaire. Il y a une similitude entre le slogan, qu’il soit publicitaire, social ou politique, et l’énoncé poétique, en ce sens qu’ils utilisent les mêmes ressources de la langue, bien que leur fin pragmatiques soient différentes. Paul Nougé, encore lui, l’avait bien compris ; l’expérience de la «publicité transfigurée» est à ce sujet exemplaire. En 1927, Nougé promène dans les rues de Bruxelles un placard géant sur lequel il est écrit : «Ce boulevard encombré de morts. Regardez vous y êtes». Valeur d’usage et valeur d’échange se parasitent, tout comme sphère privée, celle de la littérature, et sphère publique, lieu d’une tentative de socialisation de l’art. L’apostrophe se veut directe; l’indifférence que suscita cette performance atteste que l’efficacité de l’art est plus facile à concevoir qu’à démontrer en pratique.(…)

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Pol Piérart, Exercices de Styles (1)

Pol Pierart

Vue d’exposition

Pol Pierart

Pol Pierart
Etres humains, maints intrus, 2001
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pieratt

Pol Pierart
Notristoire, 2004
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Monsieur tout le m’honte, 2003
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Ma ville après la pluie est belle comme une femme qui sort de sa douche, 2003
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

(…) J’ai lu, un jour, que les photos de Pol Pierart étaient « trompeuses et drôles, affichant leurs faux airs de natures mortes et leurs vraies bizarreries ». Drôles, pas toujours, drôlement lucides, certainement. Le titre de ce cinquième opus est d’ailleurs révélateur : «Angoisse ça te regarde ?». Très singulières, ces photographies le sont tout autant. Ce sont, la plupart du temps, de petites mises en scène, appariant des mots et des objets. Des cartons, des écriteaux, parfois des inscriptions interagissent avec les objets posés dans le champ, voire, lorsque l’artiste quitte l’atelier, avec le paysage urbain ; ils donnent à lire de courtes phrases qui fonctionnent comme des énoncés aphoristiques, des petites sentences péremptoires; ces courtes phrases résonnent comme des slogans, des lieux communs, des phrases de routine, des truismes proverbiaux ou des annonces publicitaires. Pol Pierart substitue une lettre, un phonème pour un autre, il remplace un mot par un autre qui lui est proche, phonétiquement ou sémantiquement. Il bouscule les isotopies, il cherche une efficacité toute perlocutoire, il détourne et modifie le sens; plus simplement, il considère le langage comme une pâte à modeler, en toute irrégularité.

Bon nombre de ces courtes affirmations sont en effet des calembours, ces jeux de mots fondés sur une similitude de sons recouvrant une différence de sens. Je repense aux aphorismes de Paul Nougé. «On sait ce que parler veut rire». «A l’humour à la mort». «Le jeu des mots et du hasard». «Il faut penser à travers tout». Paul Nougé, en effet, n’est assurément pas loin. Je retrouve dans ses «Notes sur la poésie», publiées dans «Les Lèvres Nues», ce passage sur le langage. Les œuvres de Pol Pierart m’en semblent, en effet, fort proches : «Le langage, estime Nougé, et particulièrement le langage écrit (est) tenu pour un objet, un objet agissant sans doute, c’est à dire capable à tout instant de faire sens, mais un objet détaché de qui en use au point qu’il devient possible dans certaines conditions de le traiter comme un objet matériel, une matière à modifications, à expérience. D’où l’intérêt, tout particulier des jeux qui ont pour élément principal le langage : jeux de mots, devinettes, charades, papiers pliés ; l’intérêt des démarches qui tendent à situer le langage en tant qu’objet, à l’analyser : grammaire, syntaxe, sémantique; l’intérêt de ses manifestations naïves les plus détachées que puisse admettre le commun des esprits: réclames, anecdotes, fables, apologues; ou pour mieux dire, là où le commun des esprits en use avec le plus de liberté, avec le seul souci, indépendamment de toute préoccupation d’expression ou de véracité, d’un effet à produire». Oui, dans l’œuvre de Pol Pierart, le langage est un objet modifiable à la manière d’un objet matériel, un objet très concret, un carton, un écriteau, que Pol Pierart met d’ailleurs en relation avec d’autres objets matériels, un ours en peluche, un petit squelette, un crucifix, des espadrilles, une main, des clous, une mappemonde, un gant, une commode, un miroir, des objets courants et sans prestige, l’effet produit, créateur de sens, n’étant d’ailleurs pas sans conséquences.(…) (JMB)

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