HONORE δ'O

AU VOLANT - MORE IMPOSSIBLE POETRY

 

LA MERVEILLEUSE LÉGÈRETÉ DE L'ART

par Claude Lorent

 

L'artiste flamand Honoré δ'O, en résidence en galerie liégeoise, offre une exposition exceptionnelle de pure poésie.

La situation n'est pas banale. Pour ne pas dire insolite. Les résidences d'artistes en institution sont inexistantes en Communauté française et aucun accord ne lie le Nord et le Sud du pays en matières culturelles, a fortiori artistiques. C'est donc le privé qui prend le relais par une initiative à saluer d'un grand coup de chapeau. Délogé de son atelier gantois pour des raisons immobilières, Honoré δ'O, artiste flamand dont la réputation internationale est solidement établie, qui a représenté la Flandre à la Biennale de Venise et a exposé au B.P.S.22 Charleroi, au Muhka à Anvers...a été invité à prendre résidence dans la galerie de Nadja Vilenne à Liège pendant au moins quatre mois! Sans se faire prier, l'artiste y a déménagé son atelier, un vrai Merzbau, envahi donc par son travail et s'est remis à la tâche dans l'espace où se manifestent les Lizène, Charlier, Capitaine Lonchamps et autres plasticiens ou pataphysiciens, tous quelque peu indociles mais hautement créatifs.

 

Résultat ? Il occupe les deux étages de la galerie par une exposition qui fera date, c'est certain, et s'est constitué un storage - laboratoire dans une salle adjacente. La galerie elle-même a dû glisser vers d'autres pièces et poursuit ses activités. En tout cas, il serait dommage de manquer cette expo car sans être rétrospective (une pièce clé date-de 1990), elle elle fait le point comme si le recul et la nécessité de se réimplanter ailleurs avaient conduit l'artiste à repenser son travail dans un esprit de monstration.

 

Pas d'envahissement du lieu mais plutôt une occupation de positionnement dans laquelle chaque oeuvre, bien distincte entre néanmoins en relation avec les autres, d'abord sur un plan esthétique par la blancheur (la virginité, la transparence) et la couleur qui donnent un ton et une teneur à l'ensemble, l'exigence interne à la démarche est alors parfaitement saisissable, ensuite par le condensé que représente chacune des interventions dans lesquelles on perçoit la volonté de resserrer un propos dont le potentiel est extensible comme le montrent les pièces construites sur le mur. En cette esthétique de l'agencement sans plan préétabli, intuitif et inductif, dès lors qu'un objet en appelle un autre par association à quelque niveau qu 'elle agisse, l'essence de l'oeuvre est avant tout poétique. Les mots sont des objets et les phrases des accordailles , le tout débouchant sur une pluralité de sens selon les références personnelles et les émotions qui peuvent s'y glisser, tout en conservant la part précieuse de l'énigme agissant comme un catalyseur pour favoriser le vagabondage de l'imaginaire.

 

L'artiste propose ainsi des ré -visions en des mini- installations où les éléments souvent hétéroclites sont finalement transcendés par les notions de légèreté, de fragilité, de délicatesse, d'insolite beauté, avec une pincée de piment drolatique apportant une originalité étonnante et intrigante. Un tel traitement apporte un e incroyable magie (il faut voir la projection vidéo) à des objets aussi anodins que la frigolite, des cotons tiges, des boules d'ouate ou un casque ancien , des masques bleus...

Honoré δ'O est un alchimiste qui transforme le banal en poésie plasticienne.

 

Par Cécilia Bezzan, dans H.ART :

 

La récente exposition d'Honoré δ'O à la galerie Nadja Vilenne (Liège) est l'occasion d'une mise au point, à la manière d'un objectif cherchant la meilleure focale pour saisir pertinemment l'objet de sa convoitise. De façon éminemment poétique, Honoré δ'O interroge l'éternisation - selon sa propre expression - de ses pièces. Aussi n'est-il pas inintéressant d'apprendre qu' il s'agit de sa première exposition personnelle depuis le déménagement de son atelier de la Peperstraat à Gent. Cet état de transition imposée l'amène notamment à recourir au médium photographique, jusqu'à présent inusité dans sa démarche. Génératrice d'avatars essentiels, la mécanique autarcique de l'artiste réorganisant à l'envi ses créations ne pouvait sans doute-t-elle pas souffrir la fixation (photographique) des choses. Ici, l'image s'enrichit donc d'un statut auto-documentaire propre à fournir à l'artiste un apaisement quant à la nécessité de dire ce qui a été et ne sera plus. La question de l'éternisation interroge dès lors la manière de préserver la fragilité de l'oeuvre contre toute fonction domestique pourtant essentielle à son accomplissement chez le collectionneur; alors qu'il nous a habitués à des propositions in situ oscillant, selon l'espace de commande, entre dilatation 'spatiophage' (tel que ce fut le cas, par exemple, au BPS 22, Charleroi, en 2006) et interventions ponctuelles, cadrées de manière précise, aptes à 'faire image' (par exemple: 'Over the Edges', Gand, 2000), l'exposition à la Galerie Vilenne se lit précisément comme le terrain d'exercice de l'artiste problématisant cette dialectique de l'expansion et de la concentration. Si l'espace du rez-de-chaussée donne à voir plusieurs assemblages sculpturaux se présentant sous caisson transparent comme muséifiés selon le vœu formel exégétique de l'artiste, l'étage propose plusieurs interventions murales jouant la dissémination (bibliothèque, par ex.). Qu'il s'agisse de leur beauté fragile, de leur apparent ésotérisme ou de leur caractère enchanteur (je pense notamment aux phylactères d'ouate évoquant la BD, symboles d'une conversation en cours), les mythologies d'Honoré δ'O continuent de ravir; l'artiste excellant dans la capacité à rejouer, à rebattre et redistribuer les cartes d'un univers métaphorique composé de polystyrène et de coton blancs,de masques bleus, de tubes de PVC gris et encore d'autres matériaux fétiches.

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016