KONRAD FISCHER

 

On l’oublie parfois, mais à l’origine Korand Fischer était peintre, signant ses tableaux Konrad Lueg, du nom de sa mère. Il étudie à l’académie des Beaux Arts de Düsseldorf, ses camarades d’atelier ne sont autres que Manfred Kuttner, Sigmar Polke ou Gerhard Richter. C’est d’ailleurs avec ce dernier qu’il organise en 1963 dans un magasin du centre de Düsseldorf « Ling with Pop. A demonstration for Capitalist Realism », première apparition publique des deux artistes. « Living with Pop » est une exposition alternative au « white cube » de la galerie d’art, contestant d’ailleurs le rôle de celle-ci. Cela n’empêchera pas Fischer de devenir lui-même galeriste, inaugurant avec son épouse Dorothée et la complicité de Carl André un espace d’exposition au 12 de la Neubrückstrasse dès 1967. Le lieu s’appelle simplement « Chez Konrad Fischer ». Il invitera ainsi au fil du temps toute l’avant garde internationale à Düsseldorf. Dresser la liste des expositions qu’il organise revient à établir une véritable encyclopédie de l’art conceptuel et minimaliste de ces années-là. Bruce Nauman, Carl Andre, Donald Judd, Dan Flavin, Sol LeWitt, Hanne Darboven, Richard Long, Robert Ryman, Robert Mangold, Bernd et Hilla Becher, Jan Dibbets, Gilbert & George, On Kawara, Piero Manzoni, Joseph Beuys, Giuseppe Penone ou Mario Merz passeront par là.

Konrad Fischer exercera également des activités curatoriales. Contestant l’esprit très national de la première édition de la foire de Cologne en 1968, il crée Prospect la même année, y invitant artistes et galeristes internationaux. La première édition se déroule à la Kunsthalle de Düsseldorf. En 1969, Fischer organise la légendaire exposition « Konzeption/Conception. Documentation of Today’s Art Tendencies » au Städtisches Museum de Leverkusen. « Prospect 1971 », l’année même où Jacques Charlier propose son film collectif à la Biennale de Paris, est exclusivement dédié à la photographie et au film d’artiste. L’édition de 1973 sera consacrée à la peinture. Enfin, « Prospect/Retrospect  Europa 1946-1976 », projet ô combien ambitieux, clôturera la série en 1976.

C’est cet itinéraire que Charlier évoque en dix planches, les débuts de Konrad Lueg, à la fulgurante ascension de Konrad Fischer, génial businessman, galeriste pointu et homme de pouvoir, jusqu’au sacre du Konrad Kaiser régnant sur le temple de l’Art. Cette série de dessins est tracée en 1975, quelques temps avant « Prospect/Retrospect », dont bien sûr on parle déjà beaucoup dans les milieux informés. Fernand Spillemaekers de la galerie MTL, avec lequel Jacques Charlier collabore, fulmine et se promet de prendre position, d’éditer une publication, d’ouvrir la polémique. Il en a déjà le titre, cela s’appellera « Retro/Suspect ». Spillemaekers ne passera  pas à l’acte, mais son projet de titre cinglant n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : dans les dessins de Charlier, c’est un monumental « Retro/Suspect » qui occupe le fronton du temple de l’Art de Kaiser Konrad.

 

 

 

 

 

 

Recommander ce contenu

optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016