FONTAINE DE CHEVEUX 1980

 

FONTAINE DE CHEVEUX

 

Au quai Branly,  Les Maître du Désordre.  Sous la fontaine de cheveux de Jacques Lizène : un masque de joie iroquois,  un masque haume  hopi ou navajo, dit Tête de boue, un masque de Kashina Koyemshi, également dit Tête de Boue ainsi qu’un masque d’Atsara (Tibet). A gauche, Arlequin de Pablo Picasso. Parmi les hommes – limites, certains se distinguent par leur condition de clown : ce sont les bouffons rituels d’Amérique du nord, qui ont leurs homologues en Afrique et parfois en Asie. Ils ont comme fonction de rendre manifeste le censuré, le refoulé, le réprimé. Ils ne respectent rien ni personne et leurs attaques  frappent à l’occasion des cérémonies les plus solennelles.

 

Jaillissement d’une pensée qui déborde, la fontaine de cheveux dressée sur la tête de Jacques Lizène, le « Petit Maître liégeois » comme il se nomme, rappelle le dispositif de la houppette des clowns Auguste qui leur permet de faire jaillir un jet d’eau au sommet de leur crâne. La fontaine de cheveux est le signe d’un excès de sens, d’une outrance manifeste, le jaillissement incessant de la turbulence.

 

L’idiotie a cette passion d’une projection au sommet, ici gerbe capillaire, que longtemps l’on a percé pour en extraire la folie dans l’imagerie populaire, sous la forme d’un entonnoir. La houppe rappelle également celle des bouffons rituels d’Amérique du Nord, connexion avec le souffle du Grand Esprit.

CADRE VIDE

 

Cadre doré et vide, posé contre un mur : on pensera à la fenêtre morte de 1970, hommage à la non procréation. La fenêtre et le tableau fonctionnent d’ailleurs comme des oxymores : si le tableau de la fenêtre est ce qui la borde dans l’architecture, la surface du tableau agit comme une fenêtre ouverte sur le monde. Lorsque Jacques Lizène pose un châssis de fenêtre au sol, déclarant la fenêtre morte, il rejoint l’idée du tableau perspectif d’Alberti. «On conçoit que la fenêtre, écrit Gérard Wajmann dans "Fenêtre", chroniques du regard et de l’intime (Verdier 2004), incarne l’idée même du tableau perspectif, celle qui implique le terme de ‘perspectiva’, soit une vision traversante  –  perspicere signifiant bien en latin voir à travers  – ; voir c’est voir à travers, mais non à travers quelque chose : à travers un trou. Voir c’est toujours voir par un trou. La fenêtre est l’incarnation qu’il n’y a pas de vision sans fenêtre. » Pour Lizène, postulant l’erreur de la matière, il n’y a pas de perspective pour l’humanité, pas de vision d’avenir. Inutile d’élargir l’horizon, au loin il n’y a rien à voir.

 

Sur le cadre vide, l’artiste pose une sculpture génétique (1971), croisement d’une photocopie de son propre autoportrait de 1980, dit à la fontaine de cheveux avec un masque cimier de l’ethnie Ekoi. Ce cimier Ekoi, recouvert de peau animale, porte une coiffure cornue, en quelque sorte une fontaine de cheveux, que le Petit Maître double d’un pinceau. Encore de l’art spécifique.

 

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016