Archives mensuelles : septembre 2012

Tokonoma diary (10)

8 septembre

Tokonoma a canalisé un dialogue entre les artistes ; le dispositif, de ce fait, établit également un dialogue entre les œuvres. Celui-ci s’est resserré au fil du temps, de telle sorte que l’ajout d’une contribution, même de modestes dimensions, induit qu’il faille réévaluer l’ensemble. Ainsi, cette petite œuvre qu’Olivier Foulon a confié à Suchan Kinoshita, deux petites photocopies d’un encadrement de tableau, découpées et ajourées, de telle sorte qu’il ne subsiste plus que les deux encadrement découpés. Ceci n’est pas sans rappeler les travaux qu’Olivier Foulon mena à propos de « L’Enseigne de Gersaint » de Watteau et des encadrements successifs de cette œuvre conservée à Berlin. Gersaint, on le sait, édita  entre autre des gravures de Watteau, ses arabesques, ses petits sujets ornementaux, ses gravures d’ornements. Guillaume Glorieux le rappelle dans son livre « À l’enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchand d’art sur le Pont Notre-Dame » ; il écrit : « Très tôt, Gersaint a précisé l’usage auquel il destinait les gravures de Watteau qu’il éditait et commercialisait : « De pareils sujets peints sur des fonds blancs, conviennent à merveille aux découpures dont les dames font aujourd’hui de si jolis meubles », écrivait-il dans le Mercure de France en 1727, soit l’année où il commença à éditer des estampes avec Surugue ; toujours selon Gersaint, (…) « tous ces ornements réussissent parfaitement en découpures ».

Je ne sais si Olivier Foulon connaît ce texte, mais je constate qu’il découpe l’encadrement ornemental de l’Enseigne et que Suchan Kinoshita accroche ces découpures, comme chainées l’une à l’autre, sur le fond monochrome du mur de plâtre, central dans le dispositif. L’endroit semble aller de soi mais contraint dès lors Suchan Kinoshita à faire disparaître le dialogue précédemment établi entre le dessin de Walter Swennen, l’enchaînement des images de la « trahison » magritienne réévaluée par Eran Schaerf et ce mur banc monochrome aux arrêtes crémeuses. Qu’à cela ne tienne : l’œuvre d’Eran Schaerf fera désormais face à celle d’Olivier Foulon et le dessin de Walter Swennen émigrera. Suchan Kinoshita le décadre et le pose au sol, recouvrant une part du rectangle lumineux créé par ce projecteur de diapositives, très tôt déposé dans le dispositif mais auquel personne n’a encore dédié une image particulière. Suchan Kinoshita me fait remarquer que « quelque chose se passe », derrière le dessin de Swennen, dans l’ombre qu’il créée avec le plan vertical contre lequel il est posé ; elle constate également que l’agencement de ce petit dispositif rappelle « Le Souffleur ou L’homme assis (dans le carré de) la peinture », cette projection de diapositives qu’Olivier Foulon installa en 2008 (dans le carré) d’une peinture de Walter Swennen. Cette fois, c’est le dessin de Walter Swennen, cette superposition de plans, qui s’installe dans le carré de la projection lumineuse. On le voit, tout s’enchaîne, assurément.

Valerie Sonnier, In Search of Lost Time, Vancouver

Shannon Oksanen and Valerie Sonnier: In Search of Lost Time

UNIT/PITT Projects, Vancouver
September 7 to October 6, 2012

Opening reception and book launch, Friday September 14, 8pm
Curated by Myfanwy MacLeod.

UNIT/PITT Projects launches a new season of programming at 15 East Pender Street with an exhibition by Shannon Oksanen and French artist Valerie Sonnier, curated by Myfanwy MacLeod. This exhibition is accompanied by a three-volume publication, comprising artists’ books by Valerie Sonnier and Shannon Oksanen, and a critical volume by Myfanwy MacLeod. Join us on Friday, September 14 for the publication launch and opening reception. UNIT/PITT will also be open extended hours on the evening of Friday, September 7.

This exhibition explores various points of intersection between the works of these two artists. Oksanen’s work draws heavily on French film. From Robert Bresson’s Une Femme Douce to Albert Lamorisse’s The Red Balloon, these films frequently act as the basis for her paintings and inspiration for her own films that she frames within the context of craft-based practice. Her interest in craft and the handmade also extends to her painting and sculptural works. This is evident in her most recent sculptures shown at Union Gallery (London) earlier this year in her exhibition Sculptress. These sculptures pay homage to the sculptural works of Cy Twombly, Alexander Calder’s small playful works, Paul Klee’s puppets, and Franz West’s papier maché sculptures. Oksanen will be exhibiting new sculptural works.

Much of Valerie Sonnier’s work is also film-based. She has used a series of home movies from her own childhood to create drawings and paintings, as well as creating several 8mm films of her own using a child’s toy truck. Her drawings are akin to elaborate storyboards for films that illustrate an often strange and disturbing relationship between the little truck and several other vintage toys that Sonnier bought at a local flea market. Her most recent film, Pas sous la neige, will be shown for the first time in Vancouver. The film is set in an abandoned house that once belonged to Sonnier’s parents. It follows a pair of ghosts (her friends dressed up in sheets) as they move from room to room exploring the deserted space.
Putting on puppet shows, playing dress up or with toys are activities that belong to the realm of childhood. As adults, we often leave our imaginative play behind along with our childish fantasies. Through their work, Oksanen and Sonnier try to recuperate the child’s imagination and delight at the simple things in life. Here, the experience and memories of childhood are not forgotten but celebrated.

Shannon Oksanen (b.1967) lives and works in Vancouver. She obtained a degree in art history from the University of British Columbia in 1993. She has exhibited at the Contemporary Art Gallery, Vancouver; Vancouver Art Gallery, Vancouver; Charles H Scott Gallery, Vancouver; Union Gallery, London; 303 Gallery, New York; Seattle Art Museum, Seattle; Wattis Art Institute, San Francisco; and Fruitmarket Gallery, Edinburgh.

Valerie Sonnier (b.1967) lives and works in Paris. She obtained her Diploma from the Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris in 1993. She is a Professeur de dessin et de morphologie at the Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. She has exhibited at the Grand Palais in Paris, Museum of Fine Arts in Taiwan, Taipei and the Musée des Beaux-Arts, Montréal.

Jacqueline Mesmaeker, 21 mars 1975

21 mars 1975

Série de 33 photographies, 1975

L’œuvre est régie par un protocole strict : l’artiste demande à plusieurs personnes de prendre une photo noir et blanc de l’endroit où ils se trouveront le 21 mars à 17h23 précises. La série réunit ces photos banales prises à un même instant. Leurs moments se superposent et rendent compte de l’infinie diversité des points de vue et des attitudes à un moment donné. Jacqueline Mesmaeker délègue les prises de vue de ces petites images singulières liées ainsi à d’autres vies que la sienne.

VENDREDI 21 MARS 17H23 : FAIRE UNE PHOTO BANALE NOIR ET BLANC DE L’ENDROIT, QUEL QU’IL SOIT, OÙ VOUS VOUS TROUVEZ.

AYEZ LA GENTILLESSE DE NE PAS OUBLIER ET D’ENVOYER LE NÉGATIF AVANT LE 29 MAI 1975 À JACQUELINE MESMAEKER, 22 AVENUE ERNEST SOLVAY 1310 LA HULPE.

LE BUT EST DE RÉUNIR DES PHOTOS PRISES SIMULTANÉMENT DANS DES PAYS ET DES LIEUX DIFFÉRENTS : CUISINE, SALLE DE BAIN, BUREAU, RUE, ROUTE, CAFÉ, ETC…

VOULEZ-VOUS SI POSSIBLE CONTACTER VOS AMIS POUR LEUR DEMANDER LA MÊME CHOSE ?

Bruxelles, 21 mars 1975. 17h23.

Athènes, 21 mars 1975. 17h23.

Train Bruxelles Arlon, 21 mars 1975. 17h23

Bremershaven, 21 mars 1975. 17h23.

Bruxelles 21 mars 1975, 17h23

Bierges, 21 mars 1975. 17h23.

21 mars 1975. 17h23.

Lu dans le texte d’Anaël Lejeune, Faire Voir (in Jacqueline Mesmaeker, oeuvres 1975 – 2011)

Actualité du regard

On souhaiterait à présent conclure en reformulant l’enjeu théorique dont seraient porteuses les quelques oeuvres envisagées et qui nous semble avoir émergé au terme de ce bref parcours : créer des images capables d’interpeller le spectateur afin de lui signifier que son regard est constitutif du fonctionnement du dispositif visuel que met en place l’oeuvre d’art, et ce, en thématisant les modalités et les conditions fondamentales auxquelles elles font voir quelque chose et figurant de la sorte autant de signes renvoyant réflexivement le spectateur à son propre acte de contemplation. Ces oeuvres, pourrait on résumer, fournissent le spectateur de signes performant qui actualisent son regard. Un tel enjeu, de par sa teneur théorique, confirme volontiers la dimension conceptuelle du travail de Jacqueline Mesmaeker, tendance artistique à laquelle il n’est en effet que trop raisonnable de le rattacher comme y invitent les oeuvres protocolaires telles que « 21 mars 1975 17h23 » (1975) ou « Time Table Fax » (1997). Reste qu’il conviendrait assurément de saisir comment ce travail, dont on a cherché à dégager l’un des enjeux, prend également l’énonciation même de celui-ci à contre-pied. Car si en effet, dans sa tendance dominante, l’art conceptuel repose principalement sur les deux postulats que l’idée dont est porteuse l’oeuvre d’art en constitue l’aspect le plus important au point de se caractériser d’abord par la volonté de substituer une proposition langagière à l’objet d’une expérience sensible, et que la nature de l’art elle même en constitue le sujet privilégié16, il faut voir comment l’oeuvre de Jacqueline Mesmaeker résiste à semblable disposition. C’est que le concept ou le prédicat théorique que recèlent ses oeuvres ne les précèdent pas pour ainsi dire mais, ainsi que nous avons cherché à le montrer, s’élabore aussi bien qu’il se vérifie depuis les oeuvres elles-mêmes. Celles-ci déploient donc une sorte de pensée visuelle en acte quant à leur propre nature. Aussi, si Jacqueline Mesmaeker répond à l’une des propositions qui soutiennent l’art conceptuel, il faut constater comment ses préoccupations rejoignent celles d’artistes illustres, également associés à cette tendance tels que Mel Bochner, Robert Smithson ou Douglas Huebler pour ne citer que quelques figures historiques, qui ont eux aussi, contre le postulat linguistique de ce courant, cherché à examiner réflexivement les modalités et les moyens spécifiques dont dispose l’activité plastique pour engendrer du sens selon une logique proprement visuelle. À ce compte, on pourrait tout aussi bien considérer les dernières pages d’Après lecture des Mémoires d’Outre-tombe telle une allégorie de cette position. À l’instar du portrait photographique de Lawrence Weiner – tenant d’un certain conceptualisme austère – affecté visuellement par les motifs décoratifs floraux adjacents qui contribuent ainsi à en révéler les conditions matérielles, l’oeuvre de Jacqueline Mesmaeker montre que c’est peut-être en en passant par l’expérience visuelle et sa jouissance que s’élabore au mieux la pensée théorique des pouvoirs de l’oeuvre d’art.

A voir au MAC’S Grand Hornu, jusqu’au 14  octobre