Archives de catégorie : Eran Schaerf

Eran Schaerf, Don’t Smile, Kunstmuseum Liechtenstein

Eran Schaerf participe à cette réflexion sur l’humour dans l’art, produite par Christiane Meyer-Stoll au Kunstmuseum Liechtenstein à Vaduz. Du 21 septembre au 20 janvier.

Le Communiqué du Musée :

« Comedy is simply a funny way of being serious. » Sir Peter Ustinov 
The exhibition « Don’t Smile », sets out to track humour, the trippingly light kind, the roguish, the dry, as well as the self-reflexive. Humour that examines language, logic, society, the day-to-day and the art system both gravely and with tongue in cheek.

What is it that distinguishes humour? How is it expressed? In the artworks on show, it is sometimes the encounter between different worlds and value systems – such as everyday reality and intellectual imagination – that initiates comedy. Or it is a shift that transfers things from their frame of reference into a new meaning, thus triggering smiles. It is especially the overlapping of verbal and visual levels that conjures an open and humorous way of seeing things. And despite the comic level, great seriousness underlies the works on exhibit.

The exhibition has been organized in close collaboration with the artists Josef Dabernig, Rainer Ganahl, Bethan Huws, Anna Kolodziejska, Vaclav Pozarek, Kay Rosen and Eran Schaerf. Each artist has created an atmospheric and compact narrative specifically for « Don’t Smile ». The overall effect is of an edginess spanned between multifaceted and challenging commentaries that incite ulterior and subtle, indeed enigmatic, humour.

Interwoven into the exhibition are a selection of historical artworks that set the tone and the frame of reference. Of note are especially Marcel Duchamp, René Magritte and Kurt Schwitters. As significant forefathers from the beginning of the 20th century, they still today pose valid questions on contextualization, on compositional elements, on language as a medium of the visual arts, on wordplay, on the mutating image, as well as on the art of thinking. In addition, with John Baldessari, Joseph Beuys, Marcel Broodthaers, Robert Filliou and Anne Marie Jehle, we find exemplary positions of the “see” change in 1960s art. “All artists make artworks” as Bethan Huws puts it in one of her word vitrines. But is that really so?

The exhibition is a production of Kunstmuseum Liechtenstein, curated by Christiane Meyer-Stoll. With John Baldessari, Joseph Beuys, Marcel Broodthaers, JOSEF DABERNIG, Marcel Duchamp, Robert Filliou, RAINER GANAHL, BETHAN HUWS, Anne Marie Jehle, ANNA KOLODZIEJSKA, René Magritte, VACLAV POZAREK, KAY ROSEN, ERAN SCHAERF, Kurt Schwitters

[sociallinkz]

Tokonoma, diray (11)

20 septembre

Il y a quelques jours, Suchan Kinoshita me proposait de demander à chaque artiste les intitulés exacts de chacune des œuvres intégrées dans « Tokonoma ». De fait, bien qu’elles participent aujourd’hui du dispositif, elles conservent, toutes, leur autonomie.

Relisant les notes que j’ai prises durant ces quelques semaines, je me rend compte que toutes sont singulièrement ancrées dans le corpus personnel de chacun des participants et que leurs choix sont à cet égard particulièrement signifiants. Nous sommes surpris par la richesse de réflexions diverses qu’offre le dépôt de chacune d’elles au cœur même du dispositif. Toutes ces contributions y trouvent une énergie supplémentaire offrant dès lors un champ spéculatif élargi aux dimensions spirituelles du dispositif. Elles interagissent entre elles tout en participant de l’ensemble. Dans certains cas, elles génèrent même une lecture que l’on aurait, a priori, à peine soupçonné. Cette expérience spatio-temporelle a, en effet, multiplié les rapports, les contrastes, les conditions de perception, leur variabilité. Un visiteur, qui observait les artistes au travail, me faisait part de son admiration pour la précision des gestes ; il entendait par là, l’exactitude et la détermination du geste physique. Cette précision, me semble-t-il, est beaucoup plus fondamentale, ne laissant que peu de place au hasard. Chaque étape du travail fut en effet précise, y compris celles qui ne sont plus visibles, l’ensemble évoluant au rythme d’une mécanique interne d’autant plus troublante que jamais elle ne sembla s’enrayer. Certes, les artistes qui ont contribué à ce protocole initial se connaissent bien, parfois depuis longtemps ; ils ont une attention permanente pour leurs travaux respectifs. Certains ont déjà collaboré à des projets communs, Suchan Kinoshita prêtant sa voix à une pièce sonore d’Aglaia Konrad (Her City, 2005) ou collaborant à la mise en scène d’un film d’Eran Schaerf et d’ Eva Meyer (Pro Testing, 2011), Aglaia Konrad et Willem Oorebeek concevant une exposition de concert mise en espace par Kris Kimpe (Monolith/Life, 2011), Olivier Foulon s’appropriant une œuvre de Walter Swennen (Le Souffleur ou L’homme assis (dans le carré de) la peinture, 2008). Ces quelques exemples de connivences n’expliquent néanmoins pas tout. Il y  indubitablement, au delà des préoccupations personnelles, un sens commun, une forme d’être ensemble, entre les mots et les choses, là où l’image, dans son acception la plus large et y compris en son absence, fait sens. A ce titre, c’est ce Tokonoma, dans son entièreté, qui devient espace de pensée. Précaire, sans doute, et affirmé comme tel, dans un équilibre que d’un seul geste on peut anéantir. Il suffit pour cela d’ôter la rampe diagonale qui solidarise l’ensemble. Nous sommes ici, pour reprendre les termes qu’utilise Jacques Rancière, dans « un dispositif spatio-temporel au sein duquel mots et formes visibles sont associées en données communes ». Le problème posé, poursuit-il, « n’est pas d’opposer la réalité à ses apparences. Il est de construire d’autres réalités, d’autres formes de sens commun, c’est-à-dire d’autres dispositifs spatio-temporels, d’autres communautés des mots et des choses, des formes et des significations ». En quelque sorte créer des « configurations nouvelles du visible, du dicible et du pensable, et par là même un paysage nouveau du possible ». Ce « Tokonoma » n’a rien d’une nouvelle forme de cadavre exquis ; au contraire, chacun a réagi en connaissance de cause, informé de l’avancement des travaux, ou même de façon simultanée, en pleine compréhension de l’initiale proposition et du scénario envisagé par Suchan Kinoshita. Ce ne fut ni un network, ni un appel à participation à propos d’une préoccupation commune où chacun envisagerait l’une ou l’autre nouvelle production afin de se mettre en relation avec les autres participants. Au contraire, chacun puisa dans le corpus même de sa production, affirmant l’autonomie de l’œuvre ou des œuvres sélectionnées, tout en envisageant ce « display » comme un paysage nouveau du possible. Il me semble que tous partagent, d’une manière ou d’une autre et comme motivation première, celle qui conduit la nécessiter de créer, cette possibilité d’un ici et d’un ailleurs, d’un alors et d’un maintenant, sans pour autant anticiper le sens ou l’effet que l’œuvre produira. Y compris pour ce « Tokonoma », installation sans début, hormis bien sûr le Diagonale Dialemma de Suchan Kinoshita, catalyseur de ce statement, et sans fin annoncé car, de fait, celle-ci ne peut, de facto, être anticipée.

J’évoquais récemment avec Suchan Kinoshita l’espace investi par le dispositif, l’installation elle-même, y compris dans un sens pratique. Il faudra bien à un moment donné, et avec précaution, désolidariser la rampe de l’ensemble des plans qui s’y ancrent. Certes, ce « Tokonoma » a été dessiné aux dimensions de la nef de la galerie. Pourrait-il être installé ailleurs ? Assurément, me répond, Suchan Kinoshita, après n court temps de réflexion : l’installation crée son propre espace, physique et mental.

[sociallinkz]

Eran Schaerf, Between Walls and Windows, Architektur und Ideologie, Haus der Kulturen der Welt, Berlin

Le Communiqué de la Haus der Kulturen der Welt :

In to the heart of Berlin’s government district, where decisions on the future of Europe are being negotiated, stands the Haus der Kulturen der Welt, formerly the Kongresshalle (congress hall): an architectural icon and relic of post-war modernity. The building and its history provide the point of departure for Between Walls and Windows. Architektur und Ideologie.

Only this autumn, from the 1st to 30th of September, the architectural monument, understood as an ideologically determined sculpture, will be returned to its original condition. With free admission and access from north, south, east or west, the exhibition promises new insights and perspectives on form, function, and history.

The project places the local history of the former congress hall in a new global context and casts a spotlight on the Haus der Kulturen der Welt as a sculpture. Curator Valerie Smith, head of the department of visual arts, film, and digital media, presents ten new site-specific productions by international renowned artists and architects, which turn the interior and outdoor spaces of the building into stages that question all that « architecture » can be.

The 2012 Pritzker Architecture Prize winner, Wang Shu, together with his wife and partner Lu Wenyu, will use for their Tile Theatre approximately 60,000 traditionally manufactured Chinese roof tiles recycled from their work for the 10th Venice Biennale of Architecture in 2006, thus creating an inhabitable pavilion on the roof of HKW. On the occasion of a visit by Kim Il-Sung to Indonesia in 1965 the former Indonesian President, Achmed Sukarno, presented his state guest with a specially hybridized orchid variety, which he insisted on naming « Kimilsungia. » Since then, the tradition of dedicating orchids to heads of state and political dignitaries has extended far beyond North Korea. At the main entrance of HKW, Arno Brandlhuber represents us to orchids as the transmogrification of power. Nowhere is ideology and architecture so closely linked than in embassy buildings. Terence Gower presents his research on US foreign policy as seen through architecture set in the stylized 1950s lounge interior of HKW.

In 1974, at the outbreak of the Carnation Revolution in Portugal, the 4 Estações Hotel in Maputo, Mozambique, was nearing completion. After remaining vacant and unfinished for 33 years the building was demolished in 2007 in order to make room for the US embassy. Ângela Ferreira follows the traces of destruction and reconstruction of ideologically motivated foreign policy both in Africa and beyond. The architect Hugh A. Stubbins saw his Kongresshalle, with the auditorium as its centerpiece, as the embodiment of freedom of speech and opinion. The theme of Iñigo Manglano-Ovalle installation is the influence of acoustic and spatial staging on the power of the spoken word. Immaterial structures also make a building into what it is. Marko Sančanin has improvised a ‘crypt’ of memories, of discarded or forgotten relics relating to the former Kongresshalle, arranged around an architectural drawing of the roof construction on a hidden wall of the HKW.

Eran Schaerf examines the constitution of the mass media and the space produced by it. The borders between fact and fiction, sender and receiver, user and author, become blurred questioning the production of space by means of language. From the roof terrace of the HKW there is a view of the Reichstag and the Kanzleramt (Chancellery). These two massive symbols of political power loom up as if they were cruiseliners on the brink of collision. The HKW roof kiosk drifts between them like a life raft. Here Studio Miessen creates an informal place of assembly. The kiosk changes from a hermetic vitrine to a walk-in display case. In the cloakroom the internationally operating architecture group, Supersudaca (sudaca: Spanish insult for Latin American immigrants) will stage a parody of Credit Rating Agencies, their influence on market dynamics and real estate investments taking up the cause of greater social justice.

Another way of approaching architecture and ideology is represented by the Initiative Weltkulturerbe Doppeltes Berlin (Initiative World Cultural Heritage Double Berlin), which aims to have the architectural ‘competitions’ of the once divided Berlin listed as UNESCO World Cultural Heritage. The congress halls in the Tiergarten (Haus der Kulturen der Welt) and at Alexanderplatz (BCC) are prime examples of dualling architectures: between 1945 and 1989, state, residential and cultural buildings were constructed in the divided Berlin to reflect the ideology of the respective systems.

The extensive accompanying program explores the dimensions of architecture as an instrument in the history of architecture, philosophy, and politics and includes speakers and experts such as, Louisa Hutton & Matthias Sauerbruch, Ashkan Sepahvand, Joanna Warsza, and Karin Sander.

The program includes Tours de Babel, multilingual tours as well as guided tours by architect and designer Van Bo Le-Mentzel, curator Valerie Smith, and art historian Steffen de Rudder.

Fm-Scenario – Where Palms Stand – Mask – Delay

Eran Schaerf’s project examines the constitution of the mass media and the space produced by it. The project offers users an Internet archive (fm-scenario.net) containing audio modules such as listener calls, features, and news, where they can compile stories. One such compilation will form the initial scenario for Schaerf’s installation. Located in the interpreter booths of the main conference room, an architecture which reflects translation processes, the borders between fact and fiction, sender and receiver, user and author, become blurred questioning the production of space by means of language.

Eran Schaerf (*1962 in Israel) is a Berlin-based artist with an academic background in architecture, urban planning and photography. His practice focuses on architectures of discourse in the intersection of fashion, mass media, language and the built environment. It interweaves historical and contemporary political narratives in print, in space, on air, and – often in collaboration with the author and philosopher Eva Meyer – in film. His work has been shown widely in exhibitions such as the 54th Venice Biennale (2011), Skulptur Projekte Münster (2007), and Manifesta 2 in Luxemburg (1998).

fm-scenario – where palms stand – mask – delay is a project in the framework of fm-scenario – The Listener’s Voice, a project of a production e. V., Berlin and Bavarian Broadcasting Corporation / Dept. Radio Play and Media Arts in cooperation with Hartware MedienKunstVerein, Dortmund; Haus der Kulturen der Welt, Berlin; Les Complices*, Zurich; the Museum für Konkrete Kunst, Ingolstadt and the ZKM | Center for Art and Media, Karlsruhe. This project has been made possible by the generous support of the German Federal Cultural Foundation, 2012-2014

Between Walls and Windows
Architektur und Ideologie
Exhibition, Talks, Conference
September 1 – September 30, 2012

 

Tokonoma diary (10)

8 septembre

Tokonoma a canalisé un dialogue entre les artistes ; le dispositif, de ce fait, établit également un dialogue entre les œuvres. Celui-ci s’est resserré au fil du temps, de telle sorte que l’ajout d’une contribution, même de modestes dimensions, induit qu’il faille réévaluer l’ensemble. Ainsi, cette petite œuvre qu’Olivier Foulon a confié à Suchan Kinoshita, deux petites photocopies d’un encadrement de tableau, découpées et ajourées, de telle sorte qu’il ne subsiste plus que les deux encadrement découpés. Ceci n’est pas sans rappeler les travaux qu’Olivier Foulon mena à propos de « L’Enseigne de Gersaint » de Watteau et des encadrements successifs de cette œuvre conservée à Berlin. Gersaint, on le sait, édita  entre autre des gravures de Watteau, ses arabesques, ses petits sujets ornementaux, ses gravures d’ornements. Guillaume Glorieux le rappelle dans son livre « À l’enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchand d’art sur le Pont Notre-Dame » ; il écrit : « Très tôt, Gersaint a précisé l’usage auquel il destinait les gravures de Watteau qu’il éditait et commercialisait : « De pareils sujets peints sur des fonds blancs, conviennent à merveille aux découpures dont les dames font aujourd’hui de si jolis meubles », écrivait-il dans le Mercure de France en 1727, soit l’année où il commença à éditer des estampes avec Surugue ; toujours selon Gersaint, (…) « tous ces ornements réussissent parfaitement en découpures ».

Je ne sais si Olivier Foulon connaît ce texte, mais je constate qu’il découpe l’encadrement ornemental de l’Enseigne et que Suchan Kinoshita accroche ces découpures, comme chainées l’une à l’autre, sur le fond monochrome du mur de plâtre, central dans le dispositif. L’endroit semble aller de soi mais contraint dès lors Suchan Kinoshita à faire disparaître le dialogue précédemment établi entre le dessin de Walter Swennen, l’enchaînement des images de la « trahison » magritienne réévaluée par Eran Schaerf et ce mur banc monochrome aux arrêtes crémeuses. Qu’à cela ne tienne : l’œuvre d’Eran Schaerf fera désormais face à celle d’Olivier Foulon et le dessin de Walter Swennen émigrera. Suchan Kinoshita le décadre et le pose au sol, recouvrant une part du rectangle lumineux créé par ce projecteur de diapositives, très tôt déposé dans le dispositif mais auquel personne n’a encore dédié une image particulière. Suchan Kinoshita me fait remarquer que « quelque chose se passe », derrière le dessin de Swennen, dans l’ombre qu’il créée avec le plan vertical contre lequel il est posé ; elle constate également que l’agencement de ce petit dispositif rappelle « Le Souffleur ou L’homme assis (dans le carré de) la peinture », cette projection de diapositives qu’Olivier Foulon installa en 2008 (dans le carré) d’une peinture de Walter Swennen. Cette fois, c’est le dessin de Walter Swennen, cette superposition de plans, qui s’installe dans le carré de la projection lumineuse. On le voit, tout s’enchaîne, assurément.

Tokonoma, Jacqueline Mesmaeker, Valerie Sonnier, triple vernissage ce 28 juin

Triple vernissage ce jeudi 28 juin à la galerie Nadja Vilenne, dans le cadre des Parallel Events de Manifesta 09

Tokonoma (titre provisoire)

Suchan Kinoshita, Aglaia Konrad, Willem Oorebeek, Eran Schaerf, Olivier Foulon, Walter Swennen, Kris Kimpe (architect), Joerg Franzbecker (curator). And guests.

Le processus de ce dispositif commun, de cette œuvre collective, est en route depuis le début du mois de mai. On trouvera trace des premières étape de ce processus sur le blog de la galerie : #tokonoma. Nous vous invitons à venir découvrir un premier statement, avant que ce processus de création collective ne reprenne. Il ne se terminera que le 30 septembre.

Jacqueline Mesmaeker (Franz Hals / Paul Claudel)

Après son premier solo à la galerie fin 2011/2012, alors qu’elle est l’invitée d’Olivier Foulon au Wiels à Bruxelles dans le cadre de Un-Scene II et qu’elle exposera durant l’été aux côtés de Peter Downsbrough et de Philippe Durant au Musée des Arts Contemporains du Grand Hornu dans le cadre de l’exposition « Le Miroir et les Chemins » (commissaire Denis Gielen), Jacqueline Mesmaeker dévoile une œuvre à la galerie : « Franz Hals / Paul Claudel », réactivation d’un travail montré en 1990 au Franz Hals Museum de Haarlem. Jusqu’au 15 août.

Valerie Sonnier (Faire le photographe)

Le public de Art Brussels a pu découvrir quelques uns de ses dessins. En voici d’autres. Ainsi qu’un livre, récemment publié aux Editions Yellow Now, avec des textes de Bruno Girveau et Dominique Païni : « Le Cahier des morts minuscules ».

Dans les premières pages des Cahiers de Malte Laurids Brigge, Rainer Maria Rilke écrit : « On savait jadis (ou peut-être sentait-on) que l’on avait la mort en soi tel un noyau dans le fruit. Les enfants avaient une petite mort en eux, les adultes une grande. » […]
C’est peut-être l’idée d’une échelle réduite de la mort qui a conduit Valérie Sonnier à réaliser ces séries de dessins, il y a maintenant un peu plus de vingt ans, pour l’éloigner, cette mort, la rendre moins terrifiante, jouer avec elle. Jouer, ce n’est pas autre chose que s’emparer d’un monde en modèle réduit pour s’en rendre maître. Or, seuls les jouets permettent d’appréhender le monde des adultes tout en s’en préservant.

Née en 1967, Valérie Sonnier vit et travaille à Paris.
Elle est professeur de dessin et de morphologie aux Beaux-arts de Paris depuis 2003. Diplômée de cette même école en 1993, elle a suivi le séminaire de Jeff Wall à l’Université de British Columbia à Vancouver pendant la dernière année de son cursus. Elle développe, depuis, un travail personnel à travers une pratique multimédia. Elle utilise le dessin, la peinture, la photographie et le film Super 8 pour tisser des liens entre ses souvenirs intimes et la mémoire collective de l’enfance, et pour aborder les notions de présence, absence, apparitions fantomatique.
Exposition à la galerie jusqu’au 15 août. Signature du livre le 28 juin.

Durant l’été, jusqu’au 15 août, la galerie est accessible sur Rendez Vous. 00.32.4.227.19.91 – 00.32.475.90.52.26.

Tokonoma, diary (9)

16 juin

Des murs derrière des murs. Je me rends compte que ce Tokonoma est une partie où les joueurs avancent leurs pions sur un échiquier où tout se répond, comme s’il s’agissait, consciemment ou intuitivement, d’enchaîner, de rebondir, de mettre en situation des propositions qui, tout en restant singulières, participent au tout et donnent lieu à de nouvelles lectures. Ainsi, le dessin de Walter Swennen, daté de 1997, accroché sur le plan de carreaux de plâtre, non loin de cette trahison des images revisitée par Eran Schaerf agit presque commune une mise en abyme. N’est-il pas la superposition de deux plans, l’un blanc, surface kaolin, l’autre mur de briques rouges, ces deux plans ponctués à gauche d’une tache, là même où serait accroché ce dessin ? Il brouille même, et complexifie, cette idée qu’ « un objet fait supposer qu’il y en a d’autres derrière lui ».

Nouveaux trucs, nouvelles combines, dirait Marcel Broodthaers, Walter Swennen aime les systèmes D. La peinture serait plus une affaire de tactique que de stratégie. Lorsque Suchan Kinoshita l’a invité à participer à ce Tokonoma, Walter Swennen ne lui a pas parlé peinture mais a fait savoir qu’il était prêt à venir planter des clous. Les châssis de Walter Swennen sont parfois de magnifiques systèmes D. Ses sculptures aussi, lorsqu’il bâtit une cabane dans une galerie d’art, s’empare de deux pinces à linge pour créer un avion (celui de Joseph Beuys, dira-t-il) ou compose une fontaine à l’aide de trois pots de Sigma satin, d’une plante maigrichonne et de quelques canettes ou boîte de conserve. Walter Swennen a créé cette fontaine alors que, littéralement, il plantait sa tente, littéralement, en guise d’atelier temporaire dans l’un des espaces de Tour & Taxis  à Bruxelles pour l’exposition « Belgian System », un système B en quelque sorte, en 2001.  Walter Swennen a placé sa fontaine au sein du dispositif, légèrement en retrait tandis qu’il accroche sur la cimaise la plus brute, celle en carreaux de plâtre, une petite huile au couteau, comme un souvenir de cette journée où, collectivement, il fut question de l’inclinaison de la rampe diagonale du « Tokonoma ». Sept traits colorés apparaissent sous le couteau du peintre. Ils sont comme les plans verticaux du dispositif, les quatre premiers traversés par une diagonale. Quatre entailles, un trait diagonal, c’est là, aussi, le système D de toute numération.

Tokonoma, diary (8)

12 juin

Ce chapelet de photographies qu’a envoyé Eran Schaerf et que j’évoquais dans mon précédent billet n’est pas sa seule œuvre présente dans le dispositif du Tokonoma. J’ai déjà  précédemment cité « Séjour », cette bâche utilisée comme abri – écran, impeccable mise en tension de l’espace d’exposition qu’Eran Schaerf déployait en 2008 lors d’un solo à la galerie. Cette bâche semble, ce qui est normal pour un abri temporaire, avoir trouvé une place provisoirement définitive – ou l’inverse –, soigneusement pliée et posée sur la caisse contenant le blackout screen de Willem Oorebeek. Eran Schaerf a également envoyé un troisième travail, une variation sur « ABC Society, » une œuvre mettant à nouveau, la question du langage au centre de ses réflexions. Il s’agit d’un second chapelet d’images, une appropriation d’une suite de dessins de René Magritte  intitulée « Les mots et les images », ce fondamental travail linguistique quant à l’énoncé, au nom, à l’objet nommé, aux images, aux formes, aux objets, aux contour visibles des objets, aux figures, suite de dessins dont le plus célèbre est sans doute celui du cheval – objet, cheval – image et cheval – nom. Eran Schaerf s’approprie quelques uns de ces dessins, qu’il transforme d’ailleurs, comme un nouveau phrasé, rejouant ainsi, sans légendes, les dix-huit énoncés magritiens.

Ce chapelet de mots et d’images est accroché au bord du mur de carreaux de plâtre, lisse et blanc, parfaitement fini.  Dans l’une des planches que René Magritte dessine en 1928, planches qu’il destine à « La Révolution Surréaliste (1929) » (et dont certains originaux sont montrés cet été à Bruges), il y a, entre autres dessins, celui d’un mur de briques. Et Magritte légende celui-ci : « un objet fait supposer qu’il y en a d’autres  derrière lui », ce qui est parfaitement logique dans la ronde des dessins mis en chaine par Eran Schaerf. Ceci prend une signification tout à fait singulière dans ce dispositif où effectivement, il y a des objets et même des murs, derrières les murs.

Tokonoma, diary (7)

11 juin

Lors de sa dernière visite à la galerie, Joerg Franzbecker a déposé une photographie dans le dispositif du Tokonoma. Un autoportrait de Claude Cahun, daté de 1927. Entre deux poids sphériques, Claude Cahun pose en entraineur haltérophile,  maquillée, double accroche-cœur sur le front, portant un short noir, des collants clairs ; un cœur est dessiné sur la cuisse tandis qu’elle a écrit sur son maillot : « Je suis à l’entrainement. Ne m’embrasse pas », « I’m in training. Don’t kiss me ». Récemment réévaluée lors d’une rétrospective au Musée du Jeu de Paume à Paris, longtemps méconnue, « l’œuvre photographique de Claude Cahun s’est imposée ces dernières années comme l’une des plus originales et des plus fortes de la première moitié du XXe siècle. Elle marque rétrospectivement un jalon capital dans l’histoire du surréalisme tout en faisant écho à l’esthétique contemporaine ». Jouant des pseudonymes et des différences sexuelles, proche de Henri Michaux et de Jacqueline Lamba-Breton, de Robert Desnos et de René Crevel, Claude Cahun que André Breton considérait comme « un des esprits les plus curieux de ce temps », entendait l’art comme un moyen de « voyager à la proue de soi-même ». L’artiste se cherche elle-même, dans un jeu de miroirs et de métamorphoses permanent. Ce sont sans doute ses autoportraits qui ont suscité le plus d’intérêt. L’artiste s’y sert de sa propre image pour démonter un à un les clichés associés à l’identité. Claude Cahun s’est réinventée à travers la photographie, comme à travers l’écriture, en posant pour l’objectif avec un sens aigu de la performance, habillée en femme, en homme, cheveux longs ou crâne rasé, chose des plus incongrues pour une femme de l’époque.

Joerg Franzbecker a montré cette photographie, ainsi que deux autres autoportrait des Claude Cahun, dans un projet qu’il a mené à Berlin en 2009, une suite d’expositions, ou plutôt de scenarii, intitulée « Fake or feint », « faux ou feinte », référence au dribble footballistique. Le premier de ces scenarii consista en une confrontation de ces trois photographies et d’une installation d’Eran Schaerf, « Voile », une réinterprétation combinée de plusieurs travaux antérieurs, touchant tous au code vestimentaire, un travail éminemment plastique, mais aussi politique, puisque Eran Schaerf s’attache à interroger et à mettre en valeur les codes sociaux, moraux ou culturels liés aux moeurs vestimentaires, un continuel « recasting », qui aboutit à constituer le vêtement comme un élément linguistique, avec ses assemblages, ses glissements de sens ou ses correspondances.

Ainsi, on pouvait lire dans le dossier de presse de ce premier scénario de « Fake or feint » :

Claude Cahun‘s (1894-1954) photographic work was widely overlooked by art history until its rediscovery in the 1980s, when, against the background of feminist debates, it gained unexpected relevance. Influenced by contemporary currents of symbolism and surrealism, her self-portraits display a unique perspective on the body, staged as a projection screen for social norms and personal and external desires. A play with disguise and gender masquerade inquires the relation of gaze and being seen, and the way this becomes effective in the visual setup of the portrait. Her work thereby refers to cultural stereotypes of her time, which are decoded and subverted, confronting them with a subtle and unpredictable expressivity. Shown are three photographic works from the 1920s.

Eran Schaerf sets up a combined re-enactment of prior works.
The installation Voile lances the room with a cloth panel, its course following the basic architectonic structures. In a gesture of reduplication a second, semi-transparent room is created. The attention is directed to the way how architecture opens the room as a stage for views and movements, thus enabling and structuring social interaction. This diaphanous barrier, resembling a curtain or a veil, is a marking that unfolds a play of visibility that crosses the coding of the public and the intimate.
The situation established by Voile is continued by a narration of the Sapeurs, drawing on clothing as a practice with manifold cultural, gender-related and functional codifications. La Sape (short for: La Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes) is a movement originating from Kongo. Its mostly male protagonists use western designer brands for distinctive self-representation.
Eran Schaerf frames the intricate trails of global exchange and the contradictions arising from acts of appropriation and translation into a narrative setting: A shirt by Paul Smith becomes a momentum of crisis in the life of a Sapeur. In Paris, the Sapeur comes across a shirt, which has its own history of migration. It is tailored from a Kanga, a rectangular piece of cloth, which in Africa serves in different functions as a garment.

Chaque tissu presque comme un mot. L’un des envois d’Eran Schaerf poursuit cette logique. Il s’agit d’une série de photographies d’une manifestation urbaine, sorte de city parade sans doute photographiée à Berlin, où se mêlent les codes vestimentaires et ceux du travestissement, les slogans des calicots, les impressions de textes sur les accoutrements, le langage des corps, des uniformes, des costumes traditionnels. Toutes ces photographies sont enfilées en chapelet sur une chainette de métal. Sur l’une d’elles, on peut lire, inscrit sur la veste d’un manifestant : Break the chain ».  L’œuvre consiste ainsi en une séquences d’images successives, amarrées à un même lien, rappelant en quelque sorte la rampe diagonale de ce Tokonoma et l’enchaînement des propositions au cœur du dispositif.

Suchan Kinoshita a choisi d’accrocher cette chaîne d’images  à même la surface du « platenbild » d’Aglaia Konrad, créant ainsi, par superposition, une tension et une relation entre ces deux travaux.

En introduisant cette photographie de Claude Cahun dans le dispositif, Joerg Franzbecker décline sur un autre mode le sens de cette œuvre commune en construction, car c’est bien ainsi qu’elle semble trouver peu à peu sa singularité.  Théoricien, critique d’art et commissaire d’exposition, il fait référence à son propre travail de créateur de situation et de pensée, prend appui sur un travail mené avec l’un des six artistes participants au processus et fait référence au fait qu’il a mis l’œuvre d’Eran Schaerf, presqu’en un dispositif commun, en dialogue avec celle d’une autre artiste, en l’occurrence Claude Cahun que voici dès lors invitées dans ce dispositif, suivant un autre cheminement que celui qui amena Suchan Kinoshita à introduire la lettre ouverte de Marcel Broodthaers parmi les contributions.