Archives quotidiennes :

Jacques Lizène, Proposition d’artistes pour un circuit fermé de télévision, 1971, Argos, The 1970s

À partir de 1970, Guy Jungblut, le galeriste de Yellow Now, sa femme Andrée Blavier et l’artiste Jacques Lizène remarquent également le potentiel du nouveau médium. Cette année-là, l’artiste américano-japonais Shinkichi Tajiri enregistre plusieurs performances avec une caméra Portapak lors d’une soirée vidéo et performances organisée à Liège, dont celles d’Otto Muehl. En 1971, le tout premier événement vidéo en Belgique, Propositions d’artistes pour un circuit fermé de télévision, se tient à la galerie Yellow Now. Dans les fiches d’artiste, les « propositions » soumises révèlent immédiatement le potentiel utopique du médium. Certaines oeuvres sont brillantes par leur simplicité. L’exposition THE 1970s : présente notamment la reconstitution de Sculpture Interne de Jacques Lizène. Une caméra filme le dos dévissé d’un écran, révélant ainsi les « organes » de la télévision.

Jacques Lizène. Proposition pour un circuit fermé de télévision. Sculpture interne. Il suffit de dévisser le dos du récepteur TV, d’ôter son couvercle et de filmer avec la caméra les organes intérieurs de ce récepteur. Bien éclairer l’intérieur du récepteur.
Jacques Lizène, proposition pour un circuit fermé de télévision, Sculpture interne, 1971, réactivation 2022
Jacques Lizène, proposition pour un circuit fermé de télévision, Sculpture interne, 1971, réactivation 2022
Jacques Lizène (1946-2021)
Interruption de lumière, 1971
Film NB sans son, 8 mm transféré, 3’39
Production Yellow Now, Liège 

Un seul long plan fixe long de plus de trois minutes : la caméra fixe une prise électrique au bas d’un mur. Une main apparaît dans le champ et retire la prise. Noir. Interruption de lumière. Coupure. Le générique, tapé sur la Remington portative de l’artiste précise : « L’auteur n’apprécie pas vraiment son film. S’il l’a réalisé, c’est parce qu’il se méprise un peu de temps en temps… (peut-être) ».

Ce film s’inscrit dans un cycle d’œuvres où l’on retrouve Volet Clos, Noir Funèbre, Extinction de l’œuf et bien sûr la Vasectomie, sculpture interne : D’une manière générale, les choses étant ce qu’elles sont, Jacques Lizène ne procréera pas…Hopla ! Il subira volontairement la vasectomie (stérilisation par coupure des canaux déférents). Dès ce moment, il portera en lui une sculpture interne. Coupure

Sandrine Morgante, The Galleries Show, Antwerpen, preview

Pour le Galleries Show 2 organisé par Office Baroque, Sandrine Morgante revisite Taalbarrière, une installation récemment exposée à l’IKOB à Eupen, à l’occasion de du Prix de l’art féministe 2022. Taalbarrière, fait apparaître, au travers d’une série de 60 dessins, les déterminations culturelles, psychologiques, socio-économiques et géographiques des communautés linguistiques belges.

SANDRINE MORGANTE a grandi dans la campagne liégeoise, puis a étudié à La Cambre à Bruxelles, où elle a également été assistante et conférencière, avant d’entamer une résidence au HISK à Gand. Son travail a été présenté dans diverses institutions belges dont l’IKOB, le WIELS (Regenerate, 2021), Art Contest, le Musée de la Boverie et la Space Collection à Liège, mais aussi sous forme de contributions aux magazines Archivio, la Revue Roven, Kluger Hans et TIM. Ses dessins, qui portent sur l’écriture et la parole, sont la retranscription visuelle de dialogues issus d’interviews, d’enregistrements audio de pensées nocturnes, ou de souvenirs de conversations spontanées.

Sandrine Morgante, Taalbarriere, 2021, vue de l’exposition à l’IKOB Eupen (photo Dani Gherca)
Sandrine Morgante, Taalbarriere, 2021, vue de l’exposition à l’IKOB Eupen (photo Dani Gherca)

sur le site du magazine politique et culturel Agir pour la culture, Aurélien Berthier commente le travail :

Que veut dire apprendre une langue dans un contexte de conflit linguistique et de concurrence interrégionale ? Quel imaginaire ça développe et comment ça joue sur l’apprentissage (ou son impossibilité) d’une langue étrangère jugée ennemie ? La plasticienne bruxelloise Sandrine Morgante interroge dans son projet « Taalbarrière » la manière dont est vécu le conflit linguistique belge par des élèves de secondaire qui apprennent la langue de l’autre communauté. Après recueil de leur parole, elle recouvre des feuilles de cours de langue de la retranscription d’extraits de leurs témoignages mis en dessin. On y lit des stéréotypes communautaires (battus en brèche… ou pas), les blocages dans l’apprentissage et les récits personnels de chacun·e face à la culture de l’autre. Le tout dans des tournures de phrases créatives et poétiques, propres à celui ou celle qui tente une autre langue.

Une soixantaine de ces dessins sont exposés sur un alignement de tables de classe symbolisant la barrière linguistique. Ces écrits fragmentaires dessinés sur les copies en noir et blanc de manuels scolaires, mis bout à bout, racontent un aspect de la Belgique actuelle, tellement divisée. Elle rend visible des disparités sociales, économiques et culturelles de tout genre entre les régions du pays.

Recopier les paroles des élèves sur des pages de manuels scolaires n’est pas anodin. Face à l’attente d’un parler très standardisé induit par ces méthodes des cours de langue, les gribouillages en écriture automatique qui recouvrent la feuille de cours agissent comme pour juguler l’ennui. Et introduire vie et rêverie.

Il s’agit de « révéler le hors cadre de la feuille, de montrer que la mauvaise réponse scolaire est peut-être aussi finalement la bonne réponse au niveau du sens et de la motivation à apprendre une langue ».

Les paroles récoltées sont aussi mises en scène dans un montage audio serré de 55 minutes. Cette création sonore fait dialoguer virtuellement les deux communautés. On passe d’une langue à l’autre, avec ses erreurs révélatrices, ses bricolages et ses belles inventions. À écouter sur SoundCloud

Sandrine Morgante, Taalbarriere, 2021 (détail)
Sandrine Morgante, Taalbarriere, 2021 (détail)
Sandrine Morgante, Taalbarriere, 2021 (détail)