Pol Piérart, Exercices de Styles (1)

Pol Pierart

Vue d’exposition

Pol Pierart

Pol Pierart
Etres humains, maints intrus, 2001
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pieratt

Pol Pierart
Notristoire, 2004
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Monsieur tout le m’honte, 2003
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

Pol Pierart

Pol Pierart
Ma ville après la pluie est belle comme une femme qui sort de sa douche, 2003
Photographie NB, tirage argentique sur papier baryté, 9,8 x14,2 cm. Edition 10/10

(…) J’ai lu, un jour, que les photos de Pol Pierart étaient « trompeuses et drôles, affichant leurs faux airs de natures mortes et leurs vraies bizarreries ». Drôles, pas toujours, drôlement lucides, certainement. Le titre de ce cinquième opus est d’ailleurs révélateur : «Angoisse ça te regarde ?». Très singulières, ces photographies le sont tout autant. Ce sont, la plupart du temps, de petites mises en scène, appariant des mots et des objets. Des cartons, des écriteaux, parfois des inscriptions interagissent avec les objets posés dans le champ, voire, lorsque l’artiste quitte l’atelier, avec le paysage urbain ; ils donnent à lire de courtes phrases qui fonctionnent comme des énoncés aphoristiques, des petites sentences péremptoires; ces courtes phrases résonnent comme des slogans, des lieux communs, des phrases de routine, des truismes proverbiaux ou des annonces publicitaires. Pol Pierart substitue une lettre, un phonème pour un autre, il remplace un mot par un autre qui lui est proche, phonétiquement ou sémantiquement. Il bouscule les isotopies, il cherche une efficacité toute perlocutoire, il détourne et modifie le sens; plus simplement, il considère le langage comme une pâte à modeler, en toute irrégularité.

Bon nombre de ces courtes affirmations sont en effet des calembours, ces jeux de mots fondés sur une similitude de sons recouvrant une différence de sens. Je repense aux aphorismes de Paul Nougé. «On sait ce que parler veut rire». «A l’humour à la mort». «Le jeu des mots et du hasard». «Il faut penser à travers tout». Paul Nougé, en effet, n’est assurément pas loin. Je retrouve dans ses «Notes sur la poésie», publiées dans «Les Lèvres Nues», ce passage sur le langage. Les œuvres de Pol Pierart m’en semblent, en effet, fort proches : «Le langage, estime Nougé, et particulièrement le langage écrit (est) tenu pour un objet, un objet agissant sans doute, c’est à dire capable à tout instant de faire sens, mais un objet détaché de qui en use au point qu’il devient possible dans certaines conditions de le traiter comme un objet matériel, une matière à modifications, à expérience. D’où l’intérêt, tout particulier des jeux qui ont pour élément principal le langage : jeux de mots, devinettes, charades, papiers pliés ; l’intérêt des démarches qui tendent à situer le langage en tant qu’objet, à l’analyser : grammaire, syntaxe, sémantique; l’intérêt de ses manifestations naïves les plus détachées que puisse admettre le commun des esprits: réclames, anecdotes, fables, apologues; ou pour mieux dire, là où le commun des esprits en use avec le plus de liberté, avec le seul souci, indépendamment de toute préoccupation d’expression ou de véracité, d’un effet à produire». Oui, dans l’œuvre de Pol Pierart, le langage est un objet modifiable à la manière d’un objet matériel, un objet très concret, un carton, un écriteau, que Pol Pierart met d’ailleurs en relation avec d’autres objets matériels, un ours en peluche, un petit squelette, un crucifix, des espadrilles, une main, des clous, une mappemonde, un gant, une commode, un miroir, des objets courants et sans prestige, l’effet produit, créateur de sens, n’étant d’ailleurs pas sans conséquences.(…) (JMB)

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