Jacqueline Mesmaeker, Mythologie du Naufrage (1)

Jacqueline Mesmaeker

Si l’on perçait à travers la terre un axe depuis la Belgique,
on s’y trouverait à 50° 50’ S – 175° 38’ W, dans le Pacifique.

Jacqueline mesmaeker

Jacqueline Mesmaeker
Les Antipodes, 1979-2015

Film 8 mm numérisé, projection en boucle dans un tableau doré sculpté et patiné
Technique mixte, projecteur, trépied, encadrement 21 X 25,5 cm.
Film numérisé couleurs, sans son, 00.12.25 en boucle

Jacqueline Mesmaeker

Jacqueline Mesmaeker

Projection cinématographique très rapprochée et inversée : mer – ciel dans un petit tableau à fond bleu uni. Le Pacifique est représenté par la mer du Nord filmée à l’envers.
Le mouvement des vagues est lui-même inversé.

«Down, down, down. Would the fall never come to an end! ‘I wonder how many miles I’ve fallen by this time?’ she said aloud. ‘I must be getting somewhere near the centre of the earth. Let me see: that would be four thousand miles down, I think—’ (for, you see, Alice had learnt several things of this sort in her lessons in the schoolroom, and though this was not a very good opportunity for showing off her knowledge, as there was no one to listen to her, still it was good practice to say it over) ‘—yes, that’s about the right distance—but then I wonder what Latitude or Longitude I’ve got to?’ (Alice had no idea what Latitude was, or Longitude either, but thought they were nice grand words to say.)
Presently she began again. ‘I wonder if I shall fall right through the earth! How funny it’ll seem to come out among the people that walk with their heads downward! The Antipathies, I think.»

Lewis Caroll, Alice in wonderland

« Plus bas, encore plus bas, toujours plus bas. Est-ce que cette chute ne finirait jamais ? Je me demande combien de kilomètres j’ai pu parcourir ? dit-elle à haute voix. Je ne dois pas être bien loin du centre de la terre. Voyons : cela ferait une chute de six à sept mille kilomètres, du moins je le crois… (car, voyez-vous, Alice avait appris en classe pas mal de choses de ce genre, et, quoique le moment fût mal choisi pour faire parade de ses connaissances puisqu’il n’y avait personne pour l’écouter, c’était pourtant un bon exercice que de répéter tout cela)… Oui, cela doit être la distance exacte… mais, par exemple, je me demande à quelle latitude et à quelle longitude je me trouve ? (Alice n’avait pas la moindre idée de ce qu’était la latitude, pas plus d’ailleurs que la longitude, mais elle jugeait que c’étaient de très jolis mots, impressionnants à prononcer.)
Bientôt, elle recommença : Je me demande si je vais traverser la terre d’un bout à l’autre ! Cela sera rudement drôle d’arriver au milieu de ces gens qui marchent la tête en bas ! On les appelle les Antipattes, je crois.»

Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles

Jacqueline Mesmaeker

Jacqueline Mesmaeker

Jacqueline Mesmaeker

En 1979, Jacqueline Mesmaeker écrivait déjà « Filmer, c’est capter. Projeter, c’est peindre. Il faut tout faire pour que la capture s’éparpille, investisse un mille-feuille. […] particules multidirectionnelles, en mouvements non orientés, sans début, ni fin. (Note de l’artiste juillet 1979)

Comme dans la plupart de ses œuvres, toute la complexité de la vision provient ainsi d’abord du caractère souvent faussement saisissable de ce qui nous est montré. Le regard bascule, vacille systématiquement entre ce qui est reconnaissable et un élément étranger, qui vient brouiller la vision et le sens. Car il s’agit toujours, au fil des œuvres, de « désorienter le support » (Muriel Andrin, introduction aux Péripéties, édition Gevaert)

Jacqueline Mesmaeker

Dans sa configuration d’origine, l’oeuvre a précédemment été montrée à diverses reprises :

Exposition personnelle :
Installaties
De Vleeshal, Middelburg, 1982 Commissaire William Verstraeten
Expositions collectives :
La Grande Absente
Musée d’Ixelles, Bruxelles, 1983 Commissaire Pierre Sterckx
50 années de la Cambre
La Cambre, Bruxelles, 1979

Les Antipodes n’ont plus été montrées depuis 1983.
La fragilité du support filmique d’origine, la difficulté à mettre en oeuvre un film 8 mm dans une exposition, ont amené l’artiste à faire numériser la pellicule d’origine.
Aucune image, si ce n’est la bande amorce, n’a été supprimée
Le choix s’est porté sur un mini projecteur LED, permettant une projection 4:3 suffisamment lumineuse et parfaitement cadrée dans l’encadrement doré d’origine.
Ce mini projecteur stocke lui-même le film numérisé. Celui-ci, comme à l’origine est monté à l’endroit, projeté à l’envers.
Il restait à résoudre le problème du socle sur lequel fut posé le projecteur.
L’option du trépied photographique s’est imposée pour deux raisons :
La première est technique : elle permet d’ajuster le cadrage au plus près. Le micro projecteur ne permet pas de corriger une éventuelle image en trapèze. L’utilisation du trépied et le stockage du film dans le projecteur même permet d’alleger le dispositif, de donner toute la place nécessaire à l’image projetée et son cadre.
La seconde est plus conceptuelle et s’appuie sur cette déclaration précitée de l’artiste : « Filmer, c’est capter. Projeter, c’est peindre ». Le dispositif projecteur/trépied photo évoque cette dualité, entre outil de captation et outil de projection.

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