Maen Florin, Playing at being human, Sint-Janskerk, Malines – Mechelen (5)

Maen Florin, Black Beard 2018, h.108 cm, céramique. Photo : Steven Decroos

Maen Florin expose trois de ses Big Heads, en l’église Saint – Jean, Sint Janskerk, à la fois dédicacée au Baptiste et à l’Evangéliste, ces deux figures qui entoure l’avant – j’allais écrire l’Avent – et l’après christique. On se souviendra bien sûr du martyre de Jean le Baptiste, de sa tête réclamée par Hériodade et de la danse lascive de sa fille Salomé devant le roi Hérode. «Demande moi ce que tu veux, je te le donnerai » déclara Hérode, subjugué, à Salomé. Celle-ci demanda la tête du Baptiste afin de l’offrir, sur un plateau, à sa mère. Sur un plateau, Maen Florin, nous offrit également ses Big Heads, durant l’été 2018, dans l’écrin du parc Ter Beuken à Lokeren, de grands disques de béton qui ne pouvaient qu’évoquer cette thématique récurrente dans l’histoire de l’art, celle de la décollation. Décollées, les sculptures de Maen Florin le sont pour la plupart. A Malines, aux trois grandes têtes posées à même le sol de l’église, elle en ajoute une autre plus petite, couchée, et qui semble profiter d’un sommeil, peut-être éternel, délicatement déposée sur les bancs des marguilliers en bois sculpté, où prenaient place les riches bienfaiteurs de la paroisse. Je repense à cette autre tête couchée, déposée au musée. Pas de sang, pas de violence, son cou est orné d’une couronne de fleurs.

« La mort de Jean-Baptiste, écrit Julia Kristeva, est le thème par excellence sur lequel devait se bâtir cette figurabilité qui spécifie le destin de l’Occident, parce qu’elle concilie l’incision et la perspective, le sacrifice et la résurrection : sa figure nous apparaît désormais comme la figure de la Figure ». Dans « Visions Capitales » Kristeva évoque un splendide dessin d’Andrea Solario, « amoureux d’un saint plus endormi que torturé, savourant déjà le paradis, à moins que ce ne soit la danse que lui prépare Salomé ». L’autrice voit en cette œuvre du maître italien comme le nœud inaugural de la figuration moderne : « Il condense la logique de la Figure en tant que manière de voir, attitude de représentation. (…) A partir de là, nous devons nous préparer à vivre la figure dans sa coupe et dans son volume, dans son tranchant et dans sa danse ». Les termes utilisés sont là sans ambiguïté.

Figure. A propos de Maen Florin, le terme me semble capital. Le sens courant de figura, « forme plastique », provient de la racine fingere (modeler), fingulus (le potier), fictor (modeleur), effigies (portrait). La littérature latine amplifiera le terme : figura pour apparence extérieure, contour, plus abstraitement, forme grammaticale, forme plastique, forme géométrique, figure rhétorique. Les Pères de l’Eglise, Saint Augustin en tête, donneront à la figure le sens de « prophétie en acte », en fait ce qui pré – figure…, accentuant l’importance de l’action corporelle de l’être réel, abordant non seulement la forme mais aussi et surtout la substance. « Nous sommes loin de l’icône et de son économie d’incision, d’inscription du vide dans une image à ressemblance relative. La Figure, écrit encore Kristeva, cherche des ressemblances dans la durée de l’histoire humaine, elle les force même, pour en laisser ouverte la promesse, la prophétie, l’action toujours à venir ».

Assurément, Maen Florin sculpte des Têtes, celles que l’on peut perdre, elle les modèle, au plein sens du terme. Mais surtout elle sculpte des figures, pas uniquement des caractères, mais ce qui fondamentalement, substantiellement, incarne l’humanité, capable – même – de toute inhumanité.

Maen Florin, Whitewashed 2018, h.85 cm, céramique. Photo : Steven Decroos
Maen Florin, Lying head I 2020, h.35 cm x l.45 cm, céramique. Photo : Steven Decroos
Main Florin, Soutine 2018, h.104 cm, céramique. Photo : Steven Decroos
Maen Florin, Red Hair, 2018, h.109 cm, céramique. Photo : Steven Decroos

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