PAINTINGS !
Jaap De Graaf, Eric Deprez, Hannah Kalaora,
Brecht Koelman, Loic Moons, Gaetane Verbruggen, Wang Xiaochuan, Marie Zolamian
DROIT DE CITE A LA PEINTURE
De fil en aiguille, sans trop crier gare, la Galerie de Nadja Vilenne modifie le look de ses expositions et, avec le temps, d’une sorte de minimalisme pur et dur à un retour en force d’une peinture jadis honnie, elle rameute vers elle des publics davantage diversifiés. On peut penser que c’est un bon parti et un juste pari à l’heure où le foisonnement artistique trop souvent se tord la queue. Saluons donc cette exposition qui, sortant des sentiers battus du lieu, donne à voir, en ses espaces attachants et potentiellement attrayants, des tableaux.
Huit artistes s’y suivent aux cimaises et, s’y suivent, n’est pas entièrement exact car, ici et là, ils se mélangent et leurs collusions ne sont jamais gratuites. Les petits formats, sans y être la règle, réglent en quelque sorte la mise et cela permet de comprendre combien une petite peinture par son format réduit peut déclencher une monumentalité par la verve qui la sort des sentiers battus. Tous et toutes ne sont pas exclusivement liégeois, même si la plupart ont quelque chose à voir avec l’Académie des Beaux-Arts de la Cité ardente. Marie Zolamian, professeur en la vénérable institution, n’est sans doute pas pour rien dans cette particularité. Devenue artiste régulière de la galerie, elle a moissonné les participations avec les galeristes.
“La peinture, rien que la peinture !” pourrait agir en slogan de la présentation. L’exposition réunit les variantes d’un mode d’expression qui, si ici il ne brasse pas ses extrêmes, de l’abstraction à la peinture de plein air, brouille les codes actuels d’un art qu’on disait moribond il y a peu de temps encore. Botquin le dit franchement : “Nous avions vraiment envie de faire cette exposition de peintures. Elle vient à.la suite des propositions d’étudiants qui nous viennent d’année en année et la plupart des exposants sont plutôt jeunes, si l’on excepte Eric Deprez, la cinquantaine, et Marie Zolamian, quadragénaire.”
L’architecture même de la galerie est propice à pareille évaluation : spacieux, les murs autorisent des rapprochements qui ne se nuisent jamais entre eux. On peut clairement parler d’une harmonie entre les huit exposants. Eric Deprez se distingue par son abstraction très déliée, dynamique et, quelque part, joviale. Rien à voir entre ses peintures et celles de sa collègue aux Beaux-Arts, Marie Zolamian, plutôt soucieuse de ra conter des histoires peintes avouant leur part d’étrangeté et de mystère. Une Marie Zolamian qui s’est vue confier la réalisation d’une immense fresque en céramique de 3,5 m x 23 m, Welkom – Bienvenue-Willkommen-Welcome, 2017-2021, qui agira en fronton du Musée des Beaux-Arts d’Anvers, sa rénovation enfin conclue, on l’espère, en septembre 2022. Sur cette fresque, Zolamian ravivera le premier plan d’Anvers en 1450 et elle y explicitera des éléments divers des tableaux majeurs de la collection anversoise, sans oublier sa grande chimère. Une fameuse promotion pour la sympathique et efficace artiste liégeoise.
Limbourgeois de Hasselt, Brecht Koelman peint de très petits paysages. Retournant “sur le sujet” comme au bon vieux temps, Koelman peint en plein air et ses tableautins ont du charme. Du charme non pas suranné, mais de saison, l’artiste ne redoutant pas de peindre – au XXIe siècle ! – une vache. À l’opposé, pourrait-on dire – Loïc Moons multiplie les couches de couleurs et libère la peinture de ses carcans. Son abstraction virevolte entre les couches chromatiques et, parfois, s’attarde sur une sorte de personnage à l’emporte- pièce. Et puis, dans la petite salle à l’arrière du vaste espace du rez-de-chaussée, il y a le Franco-Chinois de Paris Wang Xiaochuan, qui étudia à Liège et y revient avec des petites scènes bien sympathiques, que l’on peut situer entre figuration abstraite et une propension à peindre la figure humaine dans l’espace. À l’étage, l’Israélienne de Liège, Hannah Kalaora renoue avec la nature morte ou, plus explicitement en son cas, avec un univers quotidien sans autres effets que sa vérité : un poivron rouge ici, une cuillère et une chaise là-bas. Venu de Maastricht, Jaap de Graaf s’attache à une abstraction plutôt insolite, déjantée, quand Gaëtane Verbruggen, qui occupe toute une petite salle à elle seule, libère ses doutes dans de très petits tableaux peints sur bois. Des figurations très précises, minutieuse en lesquels intérieur et extérieur se combinent. Lieux habités et lieux clos, les uns et les autres sans âme qui y vive, les touchants rendus de la Néerlandaise avouent une parenté, lointaine, avec les peintures de Pirenne.
À la Galerie Nadja Vilenne, la peinture a retrouvé des assises qu’il serait regrettable de ne pas saluer. Une peinture qui, vu ses antécédents notoires, a bien le droit d’exister aux côtés d’une contemporanéité éclatée tous azimuts. C’est dire aussi si la peinture demeure un mode d’expression avec lequel il faut compter. D’autres exemples existent !
Roger Pierre Turine (dans le supplément Arts Libre)
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