CAP : un groupe, un éditeur – 8 Mai – 19 juin 2022
L’exposition commémore les cinquante années du CAP (Cercle d’art prospectif) et des éditions Yellow Now dont les activités furent régulièrement associées au groupe et à ses artistes.
Sont exposés les membres du CAP depuis sa fondation en 1972 : Pierre Courtois, Jacques Lennep, Jacques Lizène, Jacques Louis Nyst et Jean-Pierre Ransonnet. Les œuvres sélectionnées datent des années 1970, période cruciale dans l’histoire de l’avant-garde. Des vidéos sont par ailleurs diffusées, rappelant que le groupe fut un pionnier de l’art vidéo en Belgique. Précurseur, il formula aussi, dès ses débuts, les principes d’une esthétique relationnelle. Une cinquantaine d’artistes belges et étrangers, de Boltanski à Vostell, participèrent aux expositions et publications, parmi lesquelles Mémoire d’un Pays noir en 1975 et Le Jardin, lectures et relations en 1977. La Maison de la culture de Namur consacra au CAP, en 2002, une rétrospective, accompagnée d’une publication retraçant son histoire.
La galerie Yellow débuta, en 1969, avec une exposition de Jacques Lizène. À partir de 1972, elle entama, sous le nom de Yellow Now, une activité éditoriale qui, depuis, n’a jamais cessé. Plusieurs ouvrages ont été consacrés au CAP et à ses membres : des livres d’artistes pionniers (Nyst, Pour un visiteur futur, 1975 – Ransonnet, Lierneux, Les lieux et les liens, 1976 – Lennep, Alfred Laoureux collectionneur, 1979) ; des ouvrages collectifs pluridisciplinaires (Le Jardin, 1977 – Relation et relation, 1981), ainsi que des monographies consacrées à Lizène. Ransonnet et Lennep.
Centre d’art contemporain EXIT – Château de Petit Leez.
Lu l’article de Rafaël Pic dans Le Quotidien de l’art
…. S’ils étaient surtout des observateurs, les artistes sont donc devenus acteurs, volontairement ou malgré eux. Certains ont pu rejoindre l’Ouest, Bruxelles, Paris, la Pologne… La plupart sont en Ukraine, cachés dans les caves ou prêts à prendre les armes. Pavlo Makov, qui doit représenter l’Ukraine à la Biennale de Venise (laquelle maintient pour l’instant la présence du pavillon russe), a annoncé avec ses commissaires (Lizaveta German, Maira Lanko, Borys Filonenko) que les préparatifs de son installation étaient suspendus. Aux dernières informations, il était toujours à Kharkiv, deuxième ville du pays, que les troupes russes ont investie hier. Face aux bombardements, les artistes ont continué de produire. Alevtina Kakhidze, actuellement à 25 km de Kiev, avait prévu d’aller à un vernissage ce jeudi. Elle qui a vécu aux Pays-Bas en 2004-2005, enseigné à Rennes en 2015 et 2018, et qui avait actuellement des projets à Lviv ou en Estonie, a tenu un journal graphique pendant la montée des périls du mois de février. L’humour noir y maquille l’attente anxieuse puis le déluge de feu. « J’ai reçu des invitations de nombreux pays – Autriche, Portugal, Suisse – mais je n’ai pas l’intention de quitter l’Ukraine. C’est évidemment une escalade extrême mais nous vivons depuis 8 ans dans une situation instable, turbulente. Il y a eu Maidan à l’automne 2013 avec la répression violente des forces de l’ordre puis l’occupation du Donbass. Ma mère vivait là-bas, sous le feu, et est morte en 2019 au check-point… » Si son site personnel est désormais inaccessible, elle explique que la communauté d’artistes tente de rester en contact par messagerie. « Nous essayons de créer une stratégie commune pour collecter de l’argent à l’étranger et le faire parvenir à ceux qui en ont besoin ici. Nous avons eu un Zoom avant-hier, nous conservons beaucoup d’amis dans la communauté artistique en Russie. Mais il est clair qu’il est impossible de coexister avec les envahisseurs, avec ce poison totalitaire, qui représente une société différente de celle en laquelle nous croyons. »….
Maastricht 1989 Minimale, la stèle se dresse au pied du jubé de l’église Saint Augustin à Maastricht. C’est un parallélépipède de béton vibré. Les quatre fers à béton qui en émergent sont traces visibles du processus de fabrication et de son ancrage dans le réel. La stèle est accompagnée de cinq gammagraphies d’un chandelier. Elles ont été réalisées par le département Énergie de Cockerill Sambre à Seraing et sont imprimées sur un papier baryté. En fait, ce chandelier a été inclus dans la masse de la stèle, au moment où celle-ci fut coulée. Auparavant, Jacqueline Mesmaeker a eu soin de réaliser un photogramme de ce flambeau à cinq branches, une empreinte sur une longue planche noire photosensible, réalisée à la lumière d’une bougie. Cette empreinte rejoint le dispositif. L’œuvre porte un titre : Stèle 29*29*165. Ce sont les mesures de cette stèle de béton. Sa hauteur correspond à la taille de l’artiste.
Bruxelles 1990 A l’occasion de l’exposition de Stèle 29*29*165 galerie Guy Ledune, Jacqueline Mesmaeker réévalue le dispositif. La stèle fera face aux gammagraphies et au photogramme, mais celui-ci est désormais emballé dans un drap noir, un linceul en quelque sorte. Il disparait, lui aussi, aux regards.
Aalst 1990 Cette fois, l’œuvre est exposée au centre d’art De Werf, dans un grand espace ouvert et lumineux. La stèle est placée face à de larges baies vitrées. Les cinq gammagraphies sont déposées au sol, dans le juste prolongement de la stèle, comme si elles en étaient l’ombre. Exit, cette fois, le photogramme, qui n’est pas exposé. Cette exposition collective a pour titre : Tempels Zuilen Sokkel (Temples, Piliers, Socles) Jacqueline Mesmaeker n’a jamais considéré l’art comme une collection d’objets statiques, mais comme une cristallisation temporaire de la forme et du contenu. Il lui arrive ainsi régulièrement de revisiter ses propres œuvres via des ajouts subtils, des déplacements d’éléments ou l’utilisation d’autres média, mis au service d’une présentation renouvelée. Les états de Stèle à Bruxelles et Aalst en attestent, l’évolution du dispositif enrichit le sens et multiplie les lectures.
Bruxelles 1993 Stèle 29*29*165 est à nouveau montrée, cette fois, dans une exposition intitulée Sculptures – Dessins à la galerie Camille von Scholz. A la fin de l’exposition, le transport de la stèle a été confié à un déménageur mais l’œuvre causait tant de problèmes de stockage pour l’artiste à cette époque qu’elle ne l’a jamais récupéré. Elle n’a plus été retrouvée depuis. Cet épisode correspond à une profonde réflexion : Jacqueline Mesmaeker décide de tourner le dos à tout ce qui a du poids, à tout ce qui encombre, à tout ce qui pourrait paraître trop péremptoire. Ce n’est pas un renoncement mais l’annonce d’une mutation dans sa pratique.
Paris 2019 Suite à une réflexion nourrie, avec la complicité de l’historien de l’art Olivier Mignon, Jacqueline Mesmaeker opte pour une nouvelle présentation, à l’invitation du galeriste Bernard Bouche. La colonne des gammagraphies fait face au photogramme recouvert de son drap noir. Entre les deux est présenté une petite photo polaroïd. C’est un simple document de travail, une photo de la stèle prise à Maastricht en 1989, en quelque sorte son souvenir revivifié au travers d’un support fragile, instable, dont l’image risque, elle aussi, de disparaître. Le dispositif reçoit un nouveau titre : Stèle, Bois et Drap.
Bruxelles 2020 A l’occasion de l’exposition monographique Ah quelle aventure ! à BOZAR à Bruxelles, la stèle de béton fait l’objet d’une nouvelle édition. Un chandelier similaire au premier est enchâssé dans cette stèle conforme et revisitée, coulé dans les mêmes conditions que la première et par le même opérateur. Il n’est plus permis d’utiliser la gammagraphie, technologie désormais considérée comme dangereuse. Afin de capturer l’image du second chandelier appel est, dès lors, fait à une technologie plus actuelle, le Géoradar GPR, capable d’une investigation non destructive de matériaux tel le béton.
Namur 2022 Il n’est pas question d’en finir, mais de faire évoluer le processus, en tenant compte de l’histoire et de ses péripéties. Jacqueline Mesmaeker refonde l’œuvre en fonction de ces étapes, de ce qui a été vu, de ce qui ne l’a pas été, ce qui en soi tombe sous le sens pour une œuvre qui évoque la vision, le regard, le visible, l’invisible et la disparition. Cette fois la présentation s’articule ainsi : la colonne des gammagraphies constitue l’épine dorsale de l’œuvre et de son histoire. Le photogramme restera en son linceul noir. La seconde version de la stèle s’ancre dans le réel, le polaroïd de la première stèle atteste du souvenir de l’existence de celle-ci et de sa disparition. Le présent texte consigne toutes ces péripéties. L’œuvre porte toujours son titre d’origine : Stèle 29*29*165 (1989-2022)
Que Domenico ait commencé le Divertissement au lendemain de l’effondrement de la République ne doit pas surprendre. Il ne s’agissait pas pour lui, comme on a pu le suggérer, de fuir la réalité mais, tout au contraire, d’une proximité avec le réel et l’histoire qui appartient depuis le début à l’histoire du comique. C’est un fait sur lequel il ne faudrait jamais cesser de réfléchir : les comédies d’Aristophane ont été écrites lors d’un moment décisif, ou plutôt catastrophique de l’histoire d’Athènes. En s’enfermant à Zianigo en compagnie de Polichinelle, Giandomenico ne choisit ni la farce, ni la tragédie. Il ne s’agit pas davantage, comme les interprètes le répètent à l’envi, de désenchantement ou de désillusion, mais bien plutôt d’une sobre méditation sur la fin. Ces phrases sont du philosophe Giorgio Agamben qui a récemment consacré un fort dense petit opus au personnage de Polichinelle : Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes s’inspire d’une œuvre tardive de Domenico Tiepolo, ce Divertimento per li Regazzi, un album regroupant un ensemble de 104 dessins réalisés entre 1795 et 1804, une vie sans queue ni tête de Pulchinello, ce personnage central de la Commedia dell Arte.
John Murphy s’est également intéressé aux dessins des Tiepolo et à la figure même de Pulcinello, cette collection de personnages, car Pulcinello est multiple et même nombreux, tout en étant, en quelque sorte, qu’une seule existence qui mange des gnocchis et fait des lazzis, toutes ces sortes de plaisanteries burlesques, grimaces et gestes grotesques. Déjà en 2006, alors qu’il fait sienne cette image extraite de La Grande Bouffe, la grande abbuflata, de Marco Ferreri (1973), séminaire gastronomique et suicide collectif de quatre hommes fatigués de leurs vies ennuyeuses et de leurs désirs inassouvis et qui bouffent dès lors jusqu’à ce que mort s’ensuive, John Murphy rapproche ce plan où l’on voit Ugo Tognazi s’apprêtant à donner la pâtée à Michel Piccoli de quelques dessins des Tiepolo, père et fils, Giambattista et Giandomenico : des Pulchinello masqués, ventrus, pansus, bossus, constamment occupés à cuisiner des gnocchis, à les manger, à les digérer, à les déféquer.
John Murphy a sélectionné une série des dessins de la vie de Pulcinello, ce divertissement pour les jeunes gens. Tout l’art de Murphy consiste à rassembler une constellation de signes révélateurs d’une expérience poétique. Il dialogue sans cesse avec des œuvres existantes provenant pour la plupart d’un corpus littéraire, pictural, cinématographique. En ce cas, il a fait des copies de certains de ces dessins de Giandomenico Tiepolo et les a masqué, les recouvrant du sfumato d’une couche de gouache blanche. Ensuite, à la plume, il a retracé les motifs sous-jacents qui l’intéressent, comme s’il désirait nous révéler le secret de Polichinelle, sans aucun doute Pulchinello lui-même, affublé de son masque, doté de son gros nez crochu, portant sur la tête un étrange chapeau, sommet de sa difformité, revêtu de son costume blanc et spectral, confondu à la gouache, personnage grotesque, touchant et effrayant à la fois, sans cesse au bord de la chute entre une invivable tragédie de la destinée et le comique des situations, la comédie comme inéluctable répétition du caractère. A la fois, Murphy ravive le souvenir des dessins de Domenico Tiepolo, les révèle et s’en écarte, les efface, ne conservant que ce qu’il estime nécessaire à son propos. La compagnie des polichinelles s’affaire et s’agite, se montre du doigt. Rien pourtant n’empêchera la perte, la chute, la fin en soi. Le sublime et le grotesque se côtoient, l’un et l’autre évoquent la finitude de la condition humaine, ce dévalement de la vie qui se dissout dans la multiplicité et l’affairement. John Murphy a conservé quelques petits chiens qui hantent les dessins de Tiepolo. Me reviennent ces quelques phrases écrites par Nietzsche dans Le Gai Savoir : J’ai donné un nom à ma souffrance et je l’appelle « chien », — elle est tout aussi fidèle, tout aussi importune et impudente, tout aussi divertissante, tout aussi avisée qu’une autre chienne — et je puis l’apostropher et passer sur elle mes mauvaises humeurs : comme font d’autres gens avec leurs chiens, leurs valets et leurs femmes. (JMB)
Marie Zolamian’s paintings at the gallery Nadja Vilenne in Liège transport us into an imaginary and oneiric universe made of hybrid creatures, faces and masks or chimerical landscapes. Over the last two years, the artist has been particularly interested in medieval miniatures and the paintings she offers us in this exhibition are imbued with these references. But if we had to situate them in a temporality, it would be that of that particular and daily moment between waking and sleeping, on the borders of dreams. Then, a body can become a tree, the landscape can turn into wallpaper and the tiled wall can be inhabited with faces.
The artist confided to me that most of these paintings have their origin in the resonance between medieval painting and the world in which we live and, above all, in the pleasure of deepening the painting: a new tube of colour that the artist wants to experience can be the beginning of a painting. If each painting carries within it a dimension that is both disturbing and familiar, it also bears witness to great jubilation. The strange creatures that populate these paintings or the singular spaces they describe are above all arrangements of colour and form, painting. The backgrounds are always deployed, often becoming the support for repeated motifs. Some of them are made up of dots arranged with a certain regularity or scattered randomly, they can also be transformed into faces or flowers, thus joining the vocabulary of the grotesques of the Renaissance. And all of this produces a real enjoyment of colour: dominant greens and blues are punctuated by yellow and orange shapes, or an ochre figure stands out against an almost transparent black background. Here, the background of the painting made of luminous yellows and greens is framed by vegetal motifs, while in the centre half-human, half-animal forms engage in a strange bacchanal. Here, the background of deep greens and blues is dotted with small, luminous and acidic lines, a pink silhouette spreads out across the painting and clear, pinkish and bluish lines cover the whole.
Here again the painting appears almost abstract: a grey-blue mass adjoins a cut-out shape of a warm brown, and in the middle of the lower edge there are two tips of bare feet.
Marie Zolamian is a multifaceted artist, practicing installation, video and painting. With this exhibition she demonstrates that she is also a true painter. (Colette Dubois)
Faithful to Nadja Vilenne, Marie Zolamian (Beirut, 1975 – lives and works in Liège) presents some forty recent works in which we find all the components of her inimitable style. Paintings as so many imaginary peregrinations through her identity territories.
With a soft fragility, her works feature prominently small formats. Small canvases that the artist sees herself as so many fragments that could be assembled. Very instinctive, the painter shares her artistic will to get out of the border, getting rid of the frame or forcing it to unusual shapes. On the canvas, a slow and patient work rooted in the history of art: Marie Zolamian draws her inspiration from Persian and Oriental miniatures, from the Flemish Primitives, but also from emblematic personalities such as Puvis de Chavannes, Matisse, Balthus, Le Douanier Rousseau, Cézanne… Her pieces multiply the references. Sometimes we find the symbolist delicacy of the Pre-Raphaelites, sometimes the power of contrasts, vivacious and sharp, dear to the Fauves. A very open approach which borrows as much from Eastern as from Western history, in which the artist collects and recomposes according to the sense of the moment.
Unsubmissive painting
Her works are crossed by fractures, between more worked fragments and sketched elements, between motifs of different scales, between the construction of the abstract in the background mixed with more figurative pieces. It is all about contrasts and balance, subtle, which offers a real depth to its subjects in which something is definitely happening. These fractures also contribute to the strange character of the dialogue that takes place at the heart of the canvas. An exchange that echoes the intimate conversation that the artist maintains with her painting. And for good reason: the latter guides the painter towards her inspiration. Marie Zolamian works slowly and in successive layers, waiting to see what will emerge. The painting dictates the sequel, reserves its own surprises, calling the brushes to complete a form, a shadow, a colour gets outlined. A long process of maturation in which intuition is omnipresent. From then on, the difficulty is to determine when the work is finished. Usually, when the dialogue is finished between the painting and the artist… hence the need to be patient. Here again, the painting defines its time, the time it needs to be born. Sometimes, it is by decontextualizing the work (a process that renews the gaze) that she nourishes – or not – the certainty of having reached the final point. Also, Marie Zolamian favours a great freedom of reading, skillfully blurring the paths by carefully avoiding any exact representations. A motif can be read and interpreted as liquid or solid, as a mountain or water… Confusion invites itself to detach itself from the unique interpretation. It is the juxtaposition with the surrounding elements that makes sense for one, meaning for the other. In this way, everyone stays free to compose their own story, to see plants or just nervous features in the background. The show ends with the presentation of a few loose pages of sketchbooks. Fragments of ideas. Papers of an extreme intimacy… for if the artist readily admits that parting with her paintings is part of a certain logic, there is here something of dispossession, almost visceral, to come apart of one’s scribbles, which convey a pure thought, a spontaneous emotion, a very instinctive idea whose sincere brilliance will never be seen again. (Gwenaëlle Gribaumont)