Craigie Horsfield, les images (1)

Benjamin Monti, Le petit musée du bizarre éphémère, Oyou, Marchin, 15 septembre – 9 octobre

Benjamin Monti participe à l’exposition Le petit Musée du bizarre éphémère, au centre culturel de Marchin et à la galerie Juvénal à Huy. Commissaire : Manu d’Autreppe. 

Benjamin Monti, dessin pour le livre « Bestiaire du cinéma » d’Hervé Gauville,
encre de chine sur papier, 29,7 x 21 cm, 2024 

Communiqué :

L’art actuel — dans toute la diversité de ses expressions, qui finalement ne renvoient à rien de bien précis — se retrouve bien souvent, délibérément ou malgré lui, pris dans un tourbillon de questionnements voire d’incompréhensions, de débats voire de controverses. Celles-ci ont souvent trait à la « valeur » de l’art, ou de telle œuvre en particulier. S’il n’est pas question de son prix, on se demande alors « d’où ça vient et où ça va » (et c’est donc la question de son sens qui se voit posée), ou encore de ce qui attribue et distribue la reconnaissance, la légitimité, la visibilité (ou simplement la lisibilité). Que veut-on me dire, ou d’où vient cette chose étrange ? Où est le moche, où est le beau ? De qui se moque-t-on, et ne ferais-je pas mieux ? Qu’est-ce qui distingue l’artiste professionnel de l’amateur ? Et même, l’artiste de l’artisan ? Quelle est la part de la maîtrise et quelle est celle du hasard, quelle est celle de l’intention ou de l’impulsion, dans le cas d’une réussite comme dans celui d’un « échec » ? Est-ce bien moi qui ai fait cela — sinon, qui ?! Est-ce que je garde ou est-ce que je jette ? Pire : est-ce que j’offre, ou est-ce que… je prête — par exemple dans le cadre d’une exposition, une exposition comme, par exemple, celle-ci !  Que d’interrogations autour de ces formes et de ces apparences, qui toujours nous dépassent et nous échappent, se marient bien ou mal, vivent leur vie propre, petite ou grande destinée. Ces objets sont parfois sans objet, ces sujets semblent demeurer sans réponse, du moins sans réponse nette et définitive, sans réponse meilleure que par l’exemple et la confrontation, la plus libre possible. Car enfin tout est, si l’on en croit les plus courantes conclusions, question de contexte et de sensibilité, question de point de vue et de rapprochement (voire de rapprochement des points de vue), question somme toute de goûts et de couleurs, dont on n’en finit pas de ne pas vouloir discuter.  Eh bien, parlons-en ! Depuis plusieurs semaines, les portes d’un appel à propositions se sont ouvertes, à double battant (Marchin, Modave Clavier et alentours, d’une part, mais aussi Huy et les environs, d’autre part) et en vue d’une exposition en deux déclinaisons, l’une à Oyou, l’autre à la galerie Juvénal, à Huy, en collaboration avec la Fondation Bolly-Charlier. La récolte est en cours et l’aboutissement dépend encore de vous, qui avez jusque début août pour nous soumettre vos propositions ! Outre la joie de découvrir, en bout de course, un cabinet de curiosités copieusement nourri et fort varié, l’exposition espère, sans se prendre au sérieux, avec gourmandise et modestie, de coups de cœur en coups de bluff en coups de génie, apporter sa contribution au désordre des idées. En outre l’exposition s’inscrira, à Huy, dans le cadre du parcours d’artistes qui cette année suivra le fil, certes un peu emmêlé, « des fêlures et des fêlés ». 


Benjamin Monti, dessin pour le livre « Bestiaire du cinéma » d’Hervé Gauville,
encre de chine sur papier, 29,7 x 21 cm, 2024 

Craigie Horsfield, une courte notule d’introduction

La galerie Nadja Vilenne est particulièrement heureuse d’accueillir Craigie Horsfield, figure majeure de l’art contemporain britannique. Généreuse, l’exposition rassemble une sélection d’œuvres réalisées entre 2005 et 2016, autant de jalons des projets menés par l’artiste à El Hierro (Tenerife) et dans le sud de l’Italie, à Naples, Via Monteoliveto et via Chiatamone par exemple, à Sorento ainsi qu’à Palma de Campania, autant d’approches du réel transcendant les lieux évoqués car, oui, en ces fascinantes dramaturgies, tout est réel ici.

Diplômé de Saint Martin’s School of Art à Londres en 1972, Craigie Horsfield se tourne rapidement vers la photographie, le cinéma et le son. Il quitte la Grande-Bretagne pour des raisons politiques la même année et part vivre en Pologne. Pendant sept années et y suit des cours d’art graphique à l’Académie des Arts de Cracovie, ainsi qu’à l’Académie des Sciences puis choisit de devenir DJ. C’est dès 1969 que Craigie Horsfield commence à réaliser des photographies en noir et blanc. Ses clichés – paysages, portraits d’amis ou de proches, nus ou encore scènes d’intérieurs – restent confidentiels pendant une dizaine d’années, Horsfield choisissant de ne les publier qu’à la fin des années 1980. Ses photographies, par leurs grands formats, convoquent la peinture classique. Elles renouent avec l’idée de tableaux. L’usage de la lumière semble trahir une volonté de dramatisation. Et pourtant,  Horsfield décrit bel et bien des lieux et des gens à travers ses titres et manifeste ainsi une authentique intention documentaire. Elle interroge à la fois l’art et la vie, le familier et l’extraordinaire, l’épique et le quotidien, le temps lent et long du présent qui garde trace du passé et amorce le temps à venir. Craigie Horsfield s’est longuement interrogé sur cette question de la temporalité, s’inspirant des écrits Fernand Braudel, fondateur des Annales, pourfendeur des premières réalités mouvantes qui font trop de bruit, défenseur d’un temps long prenant en compte une triple temporalité, celle d’un temps géographique, d’un temps social et d’un temps de l’événement.  La réalisation d’une œuvre, que ce soit son tirage, sa contemplation ou son effet émotionnel, s’effectue dans notre espace commun, se déroule dans un présent relationnel, déclare Craigie Horsfield. Mon expérience m’a confirmé, encore plus clairement, dans mon idée de la permanence de l’histoire, dans l’idée que ma propre culture ne faisait qu’un avec celle des siècles précédents. La photographie, précisément, peut prendre en compte cette conception. C’est ce qui la rend inconfortable, dit-il encore.

L’exposition s’articule sur plusieurs temps. Celui d’une dramaturgie solennelle, Procession Blanche et Procession du Christ Mort à Sorrento, relationnelle dans ce bar de la Via Monteoliveto à Naples, festive et carnavalesque Piazza de Martino à Palma de Campania. Celui de l’atemporalité d’une nature morte, bouteilles, ail, grenades, pivoines de la Via Chiatamone à Naples, certaines délicatement imprimées a fresco. Celui, enfin, de la nature et des paysages, un temps suspendu et minéral à El Hierro, un tumulte sur la baie de Naples, vue depuis la Via Partenope, ce jour où, coïncidence étonnante, s’enflamme un bateau alors que, plus loin, la foule admire les éclats d’un feu d’artifice. Pendant un instant, il a semblé que le monde s’était ouvert à une autre époque, car tout ce qui était familier était englouti, écrit Craigie Horsfield. Comme la peau du présent est parfois fine, tendue et presque transparente. Et sous cette peau, l’obscurité turbulente.

 Nommé au Turner Prize en 1996, Craigie Horsfield a notamment été invité lors des Documenta X (1997) et XI (2002) à Kassel, à la Biennale new-yorkaise du Whitney en 2003. Nombreuses sont les institutions qui lui ont consacré une exposition monographique parmi lesquelles la Fondation Antoni Tapies à Barcelone (1996), le Stedelijk Museum d’Amsterdam (1992), le Musée du Jeu de Paume à Paris (2006), le Museum of Contemporary Art de Sydney (2007), la Kunsthale Basel (2012)  ou encore la Tate Britain (2017). En Belgique, le Muhka lui a consacré deux expositions en 2010 et 2018. Craigie Horsfield a également mené deux projets collaboratifs en Belgique à BOZAR (1997) et au Museum Dhondt-Dhaenens à Deurle avec Paul Robrecht and Erik Eelbode (1996-97).  On retiendra également la double exposition organisée en 2016 et 2017 par le MASI, Museo d’arte della Svizzera italiana, à Lugano et le Central Museum d’Utrecht. Ces deux expositions ont donné lieu à la publication d’une importante  monographie, Of the Deep Present.

Jacqueline Mesmaeker, A Public Affair, Cloud Seven

Jacqueline Mesmaeker participe à l’exposition A Public Affair, Oeuvres de la collection Frédéric de Goldschmidt, sous commissariat de Bayo Hassan Bello à Coud Seven, Bruxelles. Du 12 septembre 2023 au 29 mars 2024

Jacqueline Mesmaeker, Les Charlotte

L’exposition soulève des questions sur les espaces que nous utilisons souvent, tels que les églises, les terrains de jeux et les cinémas. Sont-ils vraiment publics ou appartiennent-ils à la sphère privée ? L’exposition examine également la manière dont les personnes et les communautés naviguent dans des systèmes plus vastes tels que le travail, la propriété et l’économie. Enfin, elle réfléchit au contrôle que nous exerçons réellement sur nos pensées et nos actions lorsque nous sommes confrontés aux règles et à l’autorité de ceux qui détiennent le pouvoir.

A Public Affair, organisée par Bayo Hassan Bello, présente des œuvres de Helena Almeida, Reza Aramesh, Éric Aupol, Younes Baba-Ali, Aline Bouvy, James Casebere, Laurie Charles, Aleskandra Chaushova, David Claerbout, Margaret Courtney-Clarke, Tacita Dean, Dries Depoorter, Romuald Hazoumè, Jan Henderikse, Hideyuki Ishibashi, Sven ‘t Jolle, Kapwani Kiwanga, Maria Kley, Michel Mazzoni, Jacqueline Mesmaeker, Terrence Musekiwa, Sophie Nys, Camille Orso, Michael Patterson-Carver, Carmen Reátegui, Hiroshi Sugimoto, Barthélémy Toguo, Isaac van Nikelen, Nico Williams, Ulla-Stina Wikander, Wiktoria Wojciechowska et Yunyao Zhang.

Heures d’ouverture : du mardi au vendredi, de 14h00 à 18h00. Ouvert le samedi en septembre et octobre 2024. Dimanche 15 septembre : ouvert pour le week-end Rendez Vous. Vendredi 20 septembre : visite guidée avec le commissaire d’exposition à 19h00.

 

Benjamin Monti, l’oeil trompé, E.C.C de l’E.C.C.

Benjamin Monti participe aux expositions inaugurales de l’Espace Constantin Chariot, installé à Bruxelles, dans l’ancien bâtiment ATOMA construit en 1924,  vaste complexe industriel de 4000 m² qui vit naître le célèbre cahier à roulettes et feuilles détachables du même nom. L’oeil trompé occupe l’Espace Carnets de croquis (ECC) de l’Espace Constantin Chariot (ECC). 

Benjamin Monti – Dessin de la série « Perspecta », encre de chine sur papier, 29,7 x 21 cm, 2010.

L’OEIL TROMPÉ

Pour sa première exposition, l’Espace Carnets de Croquis (ecc), département spécifique de l’Espace Constantin Chariot (ECC), s’ouvre à trois imaginaires qui ont pour dénominateur commun d’emmener le visiteur dans une gymnastique de l’œil, qui se joue des codes et des outils de la représentation. Ce jeu désarçonne le spectateur. Le premier regard sur l’œuvre purement figurative fait naître un second regard. Ce mouvement rétinien, fait basculer le spectateur vers l’abstraction subtile d’un monde onirique et enchanteur. Il retrouve ainsi la joie de l’enfant et le plaisir d’un œil vierge, débarrassé des codes et des conditionnements socio-culturels.

– Appliquant à son art pointu du portrait les ressorts propres de la caricature, Denis De Rudder trompe l’œil du spectateur, qui en vient à douter des codes établis de la représentation. 

– Benjamin Monti, à l’encre de chine, redonne vie à des papiers imprimés -d’origine très diverses – qu’il collectionne. L’artiste nous invite, à travers ses séries “Perspecta” et ”Courage-Organisation”, dans une intimité où le réel est englouti par les lois du rêve.

– La relieuse Lola Roy-Cassayre crée des “objets-carnets” au départ des dessins de Lionel Vinche. Par le carnet, elle enferme, elle cadre, elle découpe, elle refuse l’accès, elle compose avec des morceaux choisis révélant ainsi une approche nouvelle de l’œuvre de Lionel Vinche. Par là-même, l’artiste trompe à nouveau notre œil en faisant du carnet une création à part entière, un objet design inédit.

Aglaia Konrad, Triennal SEFO 2024, Olomouc Art Museum

Aglaia Konrad participe à l’exposition Moments, part de la  SEFO Triennale 2024 au Olomouc Museum of Art en Tchéquie, centre-nord de la Moravie. 

The SEFO 2024 Triennial is a continuation of the first edition, which took place in 2021 and was subtitled UNIVERSUM. Its aim was to search for and examine possible connections and fixed points in the structure of the world we live in. The general validity of the temporal and spatial dimension of UNIVERSUM is concretised in the SEFO 2024 Triennial, whereby time and space are grasped through art-historical categories. We observe art, architecture, and their environments in real time, but with an emphasis on the modes of historicity and interpretive frameworks that are, or have been, attributed to them.

The timeline in retrospect and in prospects for the future offers many MOMENTS when the fixed points that are chosen, analysed, and named lose their validity and stability, when they undergo a change of perception, acceptance, or even crisis. The objects we focus on in the SEFO 2024 Triennial are represented by a set of terms borrowed from the art historian, theorist, and curator Octavian Eşanu. His triad Monument-Document-Mockument is adapted and measured in the Triennial concept by the current concept of the moment.

MOMENTS do not represent only impermanent points on the timeline for us, they also allow us to explore and compare experiences, long processes, and critical turns. The Triennial wants to work with those moments when we touch our own history and memory and when we construct their image through art and architecture.

Aglaia Konrad, I love Ruckbau, 2020

Rück-bau [building back], an obvious euphemism in German for demolition, is brought into relation with the growth of crystals, Kristalle, through the cutting of building or renovation debris into crystalline form and so, consequently, leaving open any questions concerning the material’s original matrix, whether social or geological.

… in which it is told that Cronus ate his four children in fear of their overthrowing him as he had his own father. In vengeance, Cronus’ wife Rhea tricked him into swallowing a huge rock instead of his newborn son Zeus, whom she arranged to be taken to safety. On his return, Zeus killed Cronus by forcing him to vomit up the rock and, with it, his four siblings. Zeus then erected the rock as a monument, and it became the first recorded trace of architecture in the history of mythology and mankind.

In light of this myth about the birth of architecture, RÜCKBAUKRISTALLE [building-back-crystals] can be seen as a reversal-demolition’s puked-out debris giving birth to crystalline form in revenge for architectural violence.

Rück-bau is not just an advocacy of Aglaia´s personal fascination for demolition as a brutal force. Her (photographic) practice dealing with architecture, urban space and infrastructure has sharpened her eye for all its inherent “works” that are associated with planning, building, shaping & de-construction.

The reverse process of demolishing existing architecture requires adequate resources and power. I Love Rückbau is a video shot during the demolition of the BNP Fortis bank in Brussels, but it could have been taken from anywhere, just like the torsos of the buildings we see in the exhibition. The crystalline form of waste is transformed into a new quality and a new value. The artist gives us a glimpse of it thanks to the polished, honed surface of the edges and corners. They mirror and glitter just like the precious primary materials of the primary monuments. Whether ancient temples or modern architecture.  In her rendering they are small monuments of our materialized memory.

Agenda septembre 2024

Michiel Ceulers

– Antwerpen (B), Wandelgangen, Fred & Ferry, group show curated by Thé van Bergen. 7 septembre – 5 octobre 2024

– Zürich (CH), Belgo Swiss sensibilities (fur ALP), solo exhibition at Barbara Seiler Gallery, 27 septembre 2024

Brecht Koelman

– Sint-Amands (B), Le Jardin Enchanté, Musée Emile Verhaeren, du 16 juin au 6 octobre 2024

Aglaia Konrad

– Olomouc (Tchéquie), Moments, Triennal SEFO 2024, Museum of Modern Art, 27 juin – 29 décembre 2024.

– Prague (Tchéquie), Shape, Hung, Heaped, Vi Per Gallery, du 17 septembre au 

Jacques Lizène

– Tarbes (F), Future is now, Centre d’art Le Parvis, du 15 juin au 5 octobre 2024

– Marseille (F), Paréidolie, Salon international du Dessin contemporain, galerie Nadja Vilenne, 30 août – 1er septembre 2024

Jacqueline Mesmaeker

– Sint-Amands (B), Le Jardin Enchanté, Musée Emile Verhaeren, du 16 juin au 6 octobre 2024

– Bruxelles (B), A public Affair, a selection of works from Frédéric de Goldschmidt’s collection, curated by Bayo Hassan Bello, Cloud Seven, du 12 septembre 2024 au 29 mars 2025

Benjamin Monti 

– Marseille (F), Paréidolie, Salon international du Dessin contemporain, galerie Nadja Vilenne, 30 août – 1er septembre 2024

– Marchin (B), Le Petit Musée du bizarre éphémère, OYOU, 14 septembre – 20 octobre 2024

– Bruxelles (B), Espace Constantin Chariot, ECC drawings, du 12 septembre au 9 novembre 2024

– La Louvière (B), Centenaire du premier Manifeste du surréalisme, Le Daily Bul, du 27 septembre 2024 au 9 mars 2025

Sandrine Morgante

– Marseille (F), Paréidolie, Salon international du Dessin contemporain, galerie Nadja Vilenne, 30 août – 1er septembre 2024

– Antwerpen (B), Walen bourgeois buiten, Lichtekooi Artspace, 21 septembre – 9 novembre 2024

– Liège (B), Horizons, premières et dernières acquisitions d’une collection (1939-2024), musée de la vie wallonne, du 25 septembre au 1 décembre 2024

Valérie Sonnier

– Marseille (F), Paréidolie, Salon international du Dessin contemporain, galerie Nadja Vilenne, 30 août – 1er septembre 2024

Gaëtane Verbruggen 

– Marseille (F), Paréidolie, Salon international du Dessin contemporain, galerie Nadja Vilenne, 30 août – 1er septembre 2024

 

 

Paréidolie Marseille, les images (2)

Jean Auguste Dominique Ingres, Jacques-Louis David, Charles Garnier, Géricault, Jean-Baptiste Carpeaux, André Dunoyer de Segonzac, Brancusi, César, Delacroix, Henri Matisse, André Masson, Gustave Moreau se sont certainement promené par ici. François Mansart, Charles Lebrun ou André Le Nôtre aussi. Tous trois ont participé à l’embellissement des lieux. Nous sommes dans le jardin de l’Hôtel de Chimay, propriété de l’École des Beaux-Arts de Paris, là même où Valérie Sonnier enseigne le dessin morphologique depuis 2003. Il était logique, voire attendu, qu’elle se mette un jour en quête de l’esprit des lieux.

Un ixième recyclage, un épuisement – sans garantie de fin – d’une affolante banque d’images conservée tant au creux d’un imaginaire compulsif qu’en liasses d’images reproduites. L’opus se nomme Miniatures. Ceci nous renvoie à l’art de l’extrêmement petit, aux petits sujets destinés aux missels, aux scènes gracieuses traitées en médaillon pour tabatières, à l’enluminure des manuscrits médiévaux, au minium, ce pigment rougeâtre utilisé par les anciens, à la lettre ornementée, à un genre pictural – celui de la miniature – et à celui qui le pratique : le miniateur. Portrait de l’artiste, dès lors en miniateur.

Comme souvent dans la pratique de l’artiste, l’opus procède aussi de son support. Benjamin Monti collecte tant les images que les papiers, des cahiers et carnets vierges ou usagés, des blocs et rames de toutes sortes, tous et toutes potentielles opportunités de développer un travail singulier et particulier, de se mesurer à l’objet suivant les règles d’une contrainte bien évidemment désirée. Ici, un bloc publicitaire d’une société liégeoise, les Entreprises Philippe SA, active dans le domaine de l’isolation et du sanitaire de 1991 à 2015, un bloc de mille feuillets, du neuf par neuf, pardon soyons précis, un bloc de 9,2 cm sur 9,2 cm. Le bloc était là ; l’artiste l’a ressorti de ses réserves un jour d’isolement et de confinement sanitaire. L’aventure, la colle et les ciseaux (bien que l’artiste opte bien souvent pour la déchirure) l’attendaient sur un coin de table. La pérégrination durera plus de deux ans et le bloc est loin d’être épuisé.

Dès lors, Monti s’est replongé dans ses liasses d’images reproduites, copiées, photocopiées, multipliées, agrandies, diminuées, celles-ci même qui alimentent ses dessins à la plume qui, eux aussi, sont des collages, celles-là qu’il épuise dans ses collages de toutes dimensions, y compris les muraux qu’il conçoit depuis une bien nommée Restructuration du Travail, titre d’une exposition menée en 2019, des collages muraux aux antipodes donc de l’opus qui nous occupe, si lointains et portant si proches, tant il s’agira de rejouer la donne : l’échelle, le cadre, la strate, les strates plutôt (j’ai eu la chance de les manipuler ; au plaisir visuel s’est ajouté celui du toucher), le sujet… celui qui en déroutera plus d’un. Car, là sans doute réside l’essentiel, ce qui vous pend au nez, ce qui sera l’objet de toutes les attentions, ce que l’on aura de cesse de scruter. Analyser, examiner ou plutôt, entre fragments d’images, trames et déchirures, disséquer, décortiquer, voire même éplucher jusqu’à la pluche de papier. L’exposition qui révéla la série avait pour titre Études et Miniatures : étudier résumera la chose. Ce fut un cas d’étude pour l’artiste, ce le sera pour le regardeur qui, c’est bien connu, fera le collage.

Les sujets abondent dans l’œuvre de Monti. Certes, il collecte essentiellement des sources imprimées familières, encyclopédies et livres illustrés où se croisent illustrateurs de renom et anonymes de l’image imprimée. Certes, Monti, en collectionneur averti, vous parlera d’Horace Castelli, de Grandville ou des gravures de Louis Poyet que – je ne le savais pas – Max Ernst ou Joseph Cornell ont utilisé pour leurs propres collages. Poyet, avertit Monti, est fort présent dans la série des Miniatures. Présent sans doute mais indiscernable, tant la densité est profonde, tant la condensation est forte. Car bien sûr il n’est pas question de miniaturiser des collages qui auraient pu exister plus grands, la question ne se pose même pas. Ces copies qu’il étudie, dont lui-même scrute chaque trait, entrent ici dans une nouvelle dimension, participant d’une fascinante fragmentation où chaque motif, chaque trame trouvera une nouvelle assignation, participant d’un nouvel imaginaire. Sans doute n’était-ce pas concerté dès le départ, – Monti est plutôt intuitif – mais la série procède d’une sorte de rebond du motif, l’évolution d’un collage à l’autre, par exemple, d’un fronton d’opéra, un fronton portant les lettres OPERA, que le miniateur triturera en tous sens. J’aime à y voir tant l’évocation d’une comédie humaine qui sied à toute l’œuvre de Monti que la notion d’opérer : mettre en œuvre, d’une part, trancher dans le vif (du sujet) de l’autre. Ainsi en va-il pour bien des motifs qui jalonnent la série, un cercle, un rond, une roue, une roue de bicyclette, une cible, tous participants d’un monde où s’associent les masques, les visages, les silhouettes, les objets, les machines – oui, il y a esprit Steam punk dans certains collages – les trames, les points et les hachures de toutes espèces qui parfois, souvent même, envahissent l’espace et le recouvre, le noir, le blanc, les lisières, les coupes, les juxtapositions et les superpositions, les situations cocasses, étranges ou inquiétantes, un monde que le regardeur ne pourra épuiser, pas plus que l’artiste n’épuisera la folle dimension de son corpus de sources d’inspiration.