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Jacques Halbert et Capitaine Lonchamps, Le Paradis des Nyctalopes (4)

Bien des librairies ont un rayon Curiosa / Erotique et le Comptoir du Livre n’échappe pas à la règle, proposant une première édition de « Cerise ou le moment bien employé », par Dellfos, anagramme d’Eric Losfeld (1922-1977), ce Belge de Mouscron monté à Paris, qui édita entre autres Eugène Ionesco, Xavier Forneret, Benjamin Péret, Marcel Duchamp, Boris Vian ou Jacques Sternberg. Losfeld a également réédité le Marquis de Sade, Sacher Masoch et publié de nombreux ouvrages surréalistes et érotiques, notamment ceux d’Emmanuelle Arsan. Publié pour la première fois en 1969 (en réalité la première édition de cet ouvrage parut en 1959 mais passa totalement inaperçue), « Cerise ou le moment bien employé » est considéré comme un classique de la littérature érotique du XXe siècle. Écrit par un homme, cet ouvrage a le mérite de montrer un véritable désir de femme à regarder et à toucher un sexe d’homme comme objet de plaisir. Jaques Halbert s’est permis de tatouer la couverture rose de l’ouvrage d’une cerise vermillonne. Mieux même, il a donné une suite à l’ouvrage, peignant sous son nom propre, trois couvertures, comme une suite à ce « moment bien employé ». Le premier tome s’intitule « Gourmande », le second « Mouillée », le troisième « Eternelle », jaquettes sur bois de même couleur, elles aussi, cela va de soi (j’allais écrire cela bas de soie), estampillées d’une cerise baladeuse. L’œuvre est appétissante et l’on déguste les livres des yeux.
Plus récemment, Jacques Halbert a encerisé une nuisette et un string du même bleu que ses toiles les plus classiques. A l’instar de la fraise, de la framboise et du raisin, au paradis des sens, la cerise est nourriture des amants, symbole de sensualité et de volupté, corruptrice de la vertu. Jérôme Bosch, imaginant, le panneau central du Jardin des Délices, cette extension du paradis terrestre où un grouillement de nudités se livre à toutes sortes de divertissements charnels, l’avait déjà bien compris : l’humanité a les yeux plus grands que le ventre, n’envisageant pas d’autre destin que ces plaisirs et délices. Dans la vitrine, « Déshabillé » a rejoint les quatre ouvrage, tout comme cette noix de coco, ramenée de la Réunion (où l’artiste se commit d’ailleurs dans une performance de mariage culinaire), également estampillée de cerises. Jacques Halbert l’appelle « noix de cocotte ». Au rez-de-chaussée de la vitrine, comme s’ils avaient glissés sous le lit, à l’occasion d’un empressement bien compréhensible, il y a les chaussettes et le boxer de Monsieur. Un boxer Hotstream, – c’est tout dire – parsemé de cerises et des chaussettes Jipépé aux motifs « cherry ». Ces dernières sont signées Capitaine Lonchamps et portent la mention « Bien à toi ».

Jacques Halbert

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Jacques Halbert

Vitrine composée de : Livres, 2000, acrylique sur livre et bois, 4 x 21 x 13 cm. Déshabillé, acrylique sue nuisette et string, 2012. Noix de Cocotte, 2012, acrylique sur noix de coco ainsi que d’un boxer de marque Hotstream, taille XI, composant acrylique et d’une paire de chaussette JiPépé TM, Taille 39/45 – Modèle Cherry-A – 90 % Coton – 7 % Polyamide – 3 % Lycra – Made in EU – Signé Capitaine Lonchamps avec la mention « Bien à toi ».

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Jacques Halbert et Capitaine Lonchamps, le Paradis des Nyctalopes (2)

 

La cerise est apparue très tôt dans l’oeuvre de Jacques Halbert, en 1974, de la façon la plus incongrue qui soit, tatouant de façon répétée une palissade de chantier peinte en bleu azur. Une cerise par planche, toutes bien alignées. Les planches sont irrégulières, mais j’aime à imaginer que celles-ci avaient une largeur unique; de 8,7 cm, par exemple, cette mesure désormais très conceptuelle.
Très vite, la cerise investit la toile sur châssis et y trouve sa juste mesure. Un an plus tard, Jacques Halbert peint les lettres du mot « plaisir » (1975) en rondes de cerises rouges ; il persiste et fait de même avec le mot « fraise » (1975). René Magritte n’aurait pas désavoué cette déclinaison de « la Trahison des images », cette mise en jeu de l’énoncé, de l’objet, de l’image et de l’objet nommé. La délectation habite la cerise vermillonne et « la gourmandise emporte l’adhésion, écrira Pierre Giquel, nous sommes en région comestible, la fête bat son plein ». En 1978, l’artiste confirme cette idée saugrenue qui fait office de manifeste d’une véritable folie, d’une extravagance, d’un goût exclusif – car l’oeuvre est de bon goût -, et d’une gaîté vive : « peindre des cerises partout, tout le temps, et ne penser qu’à ça »3. Ne penser qu’à ça : à prononcer ces mots, il y a déjà là quelque chose de profondément jouissif. Et comme un parfum d’obsession au sens où l’entendait Harald Szeemann, lui qui se préoccupait, entre autres choses, des circuits fermés et des machines célibataires, de la coercition
par la beauté et des édifices bâtis par les Illuminés. L’obsession, écrit Szeemann, est « une unité d’énergie joyeusement reconnue ». Pour Jacques Halbert, celle-ci a une forme vaguement ovale de couleur carmine et vermillonne, prolongée sur sa gauche par un filet vert émeraude. Oui, la queue de cerise a aussi toute son importance.

 

Jacques Halbert

Au Comptoir du Livre, En Neuvice à Liège, jusqu’au 31 août.

Jacques Halbert

Peintures, huiles sur lin, 2013, 40 x 30 cm

Jacques Halbert

Peintures, huiles sur lin, 2013, 40 x 30 cm

Jacques Halbert

Dots, acrylique et huile sur coton imprimé, 2013, 40 x 30 cm
Peintures, huiles sur lin, 2013, 40 x 30 cm

Jacques Halbert

Peintures, huiles sur lin, 2013, 40 x 30 cm

Jacques Halbert

Peintures, huiles sur lin, 2013, 40 x 30 cm

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