Jacqueline Mesmaeker Contours clandestins, 2022 crayon gris, feutres colorés, crayons colorés sur papier (9) x 29,7 x 21 cm
A Bozar à Bruxelles en 2020, puis à Marseille en 2021 à l’occasion de l’exposition Paradis à la Maison RC, Jacqueline Mesmaeker renoue avec les Contours Clandestins, une pratique initiée en 1995 – 1996. Ce sont des tracés, à même le mur, des contours d’objets et d’animaux se soustrayant à la loi du visible, réalisés à l’aide d’ustensiles divers (des jouets, des instruments trouvés, des outils de cuisine) dessinés tels quels ou en combinatoires, renvoyant aux images élémentaires des livres à colorier. Ils sont disséminés dans le lieu d’exposition de façon quasi secrète, clandestine, tracés en des endroits improbables. L’artiste les qualifie d’Easter Eggs : il nous faut les chercher comme s’il s’agissait d’œufs de Pâques. Jacqueline Mesmaeker multipliera des lors les séries, témoignant d’une vivacité, d’un plaisir de dessiner et d’une liberté peu commune. Cette série de neuf dessins a été conçue en 2022.
Vue d’expositionJacqueline Mesmaeker Couloir, 2021 Technique mixte sur papier Michel Assenmaker Diptyques, 2022-23, W. Swennen / F. Stella, Michel Assenmaker Diptyques, 2022-23, , Fra Angelico / N. ToroniMichel Assenmaker Diptyques, 2022-23, Vesuvio / M. MonroeMichel Assenmaker Diptyques, 2022-23, M. le Maudit / Un été avec MonikaMichel Assenmaker Diptyques, 2022-23, Moriyama / César
Jacqueline Mesmaeker Les séries roses, ca 1992 Gouache et encre sur cartons et cartons d’invitation à une exposition de Richard Tuttle, 5 color drawings, galerie Meert – Rihoux, Bruxelles, 1991Jacqueline Mesmaeker Sois là à cinq h. pas à 10h ou 16h18 Encre sur papier
Jacques Lizène Peinture nulle, art syncrétique [1964] et sculpture génétique [1970], s.d. Technique mixte sur peinture trouvée
Michel Assenmaker Firenze, 2023 Collage
Jacqueline Mesmaeker Scotch, 2009 Projets de couverture pour l’ouvrage Le dess(e)in : entre projet et procès. Technique mixte sur papierExhibition viewExhibition viewJacqueline Mesmaeker Couloir, 2023 Technique mixte sur papierExhibition viewJacqueline Mesmaeker Variables, 2020 Technique mixte sur papierJacqueline Mesmaeker Variables, 2020 Technique mixte sur papier
Dans la pièce de séjour de l’appartement de Jacqueline Mesmaeker, pièce qui est aussi son atelier, cette cascade de mots imprimés sur le mur, des mots contenant un F, une colonne lexicale poétique et fantaisiste. Accrochée par-dessus, une photographie d’une statuette étrusque, une œuvre de Michel Assenmaker et Céline Willame. En fait, celle-ci fut la première à être accrochée sur ce pan de mur tout à côté de la table de travail de l’artiste. La cascade de mots est venue se glisser par-dessous.
Jacqueline Mesmaeker a proposé de transposer le tout, à échelle réelle. Répéter trois fois l’installation, les deux premières colonnes, telle celle qui existe dans l’appartement, la troisième en remplaçant la Nudité étrusque par un Contour clandestin d’un objet familier conservé dans cette même pièce de séjour.
Jacqueline Mesmaeker Cascade, 2023 & M. Assenmaker – C. Willame, Nudité étrusque.
Lettrage et photographie couleurs
Jacqueline Mesmaeker Cascade, 2023 & Sans titre, de la série Circus, 2021.
Lettrage et technique mixte sur papier
M. Assenmaker – C. Willame, Nudité étrusque. Jacqueline Mesmaeker, Sans titre, de la série Circus, 2021.
Vue d’expositionJacques Lizène Peinture nulle, art syncrétique [1964] et sculpture génétique [1970], s.d. Technique mixte sur peinture trouvée, 34 x 27 cmMichel Assenmaker Firenze, 2023 Collage, 17,5 x 23,5 cmJacqueline Mesmaeker Scotch, 2009 Projets de couverture pour l’ouvrage Le dess(e)in : entre projet et procès. scotch sur papier, (2x) 29,7 x 21 cm
Nous avons la profonde tristesse de vous annoncer le décès de Jacqueline Mesmaeker, survenu la nuit dernière. Jacqueline avait 94 ans. Nous sommes fiers d’avoir accompagné cette très grande dame durant toutes ces années. Au revoir, Jacqueline, nous te souhaitons bon voyage de l’autre côté du miroir. Ton œuvre, magistrale, reste au monde. Elle est précieuse.
La Fondation Kanal à Bruxelles a récemment acquis plusieurs œuvres importantes de Jacqueline Mesmaeker. Il y a quelques semaines, Les équipes de Kanal réalisaient dans l’appartement – studio de l’artiste, ce court métrage afin de documenter ces trois acquisitions. C’est l’ultime entretien que Jacqueline Mesmaeker a accordé, une dernière opportunité de l’écouter parler de sa pratique artistique
Nous cherchions quelque chose qui étincelle, lueur ou lumière, éclair, éclat ou trait, quelque chose qui émerveille. Énoncer en un mot ce qui pétille, ce qui craque, crépite, jaillit. Nous cherchions un mot qui contiendrait toutes sortes de petites fulgurances. Nous pensions champagne et petites bulles gazeuses qui éclatent avec un bruit léger. Nous en avions les yeux pétillants. Pétiller, révéler un trait de caractère, un sentiment, une émotion, manifester l’impatience, la vivacité, la spontanéité, la malice. La langue française est tellement riche ! Et, finalement, nous avons trouvé fizzle. La langue anglaise est parfois plus concise, et même très imagée. Pétiller, to fizzle. Avec un f qui attise les braises et provoque l’étincelle, avec deux z, comme un trait de gin-fizz. Nous étions d’accord : fizzle correspondait bien à ce que nous voulions dire et montrer. Y ajouter un point d’exclamation accentuerait l’éclair de tout ce qui fulgure.
Puis, Michel est revenu, nous annonçant que Fizzles était aussi le titre d’un livre de Samuel Beckett, ce qui ne pouvait que le ravir. Et nous de même. Fizzles, ce sont huit courtes pièces en prose : Il est tête nue. Le klaxon est toujours là. Un oiseau lointain. J’ai renoncé avant la naissance. Lieu fermé. Vieille terre. Encore. Pour en finir une fois de plus. Ces courtes pièces ont été publiées en anglais pour l’édition élaborée en 1973 par Samuel Beckett et Jasper Johns, trente-trois taille-douce du second accompagnant le texte du premier, une merveille de livre d’artistes. Précisons bien que l’édition de 1973 fut publiée en langue anglaise car, en fait, Beckett les avait d’abord rédigées en français et publiées sous le titre de… Foirades. Voilà donc le ratage, le fiasco, la débandade et le naufrage de retour. Jacques Lizène nous revient au galop, zz’héro de toute bérézina. To fizzle out, partir en eau de boudin. Partager quelques foirades avec Samuel Beckett… Nous nous sommes dit que le Petit Maître en aurait eu le regard pétillant. fizzles ! – avec un point d’exclamation – était définitivement adopté. Et nous avons conclu que tout cela amuserait beaucoup John Murphy.
Oui, mais adopté pour quoi ? Adopté pour un titre d’exposition, pardi. Une exposition en trio, rassemblant Michel Assenmaker, Jacques Lizène et Jacqueline Mesmaeker. Une exposition, une règle du jeu, un protocole précis. Michel Assenmaker est écrivain, critique d’art, commissaire d’expositions. Il a enseigné l’art et la littérature à Bruxelles, à Bordeaux, à Maastricht, à Pékin. Citons parmi ses publications L’Écart & L’accolade (2015), Poser, roman (2014), Vingt-Cinq / Vingt-Cinq (2009), Etés (2006). Il y a ses Cahiers aussi, ou la revue Copie de Voyage qu’il a créée avec Olivier Foulon. Parmi les artistes avec lesquels il a travaillé, on compte Stanley Brouwn, Sherrie Levine, Giovanni Anselmo, Peter Downsbrough, Bernd Lohaus, John Murphy, Olivier Foulon, Eric van Hove, Rachida Azdaou, Sylvie Eyberg, Jacqueline Mesmaeker, Sophie Nys, Pascal Convert. Nous aurions pu l’inviter en tant que commissaire d’exposition. Oui, mais voilà, Michel Assenmaker est aussi un assembleur d’images. Il collecte, collectionne, trie, confronte, photographie parfois aussi, il marie les images en duo. Ou pas. Il assemble, compose, dispose. Des œuvres d’art, des objets, des cartes postales, des pochettes de disque, des photographies ou des images de film. Dès lors pourquoi ne pas l’inviter à la fois comme assembleur d’images et comme commissaire d’exposition ? La règle du jeu se précise. Voici l’artiste commissaire invité à montrer ses propres travaux et ceux de deux autres artistes, travaux qu’il choisira. Il connaît bien Jacqueline Mesmaeker, il a moins connu Jacques Lizène mais s’est immergé dans l’œuvre protéiforme du Petit Maître liégeois, particulièrement l’œuvre tracée, l’œuvre dessinée.
En découle tous ces assemblages de petites choses. Jacqueline Mesmaeker parlerait d’une exposition en péripéties. Bon nombre des œuvres de Michel Assenmaker et de Jacqueline Mesmaeker rentreraient bien dans la collection virtuelle de Jacques Lizène. Michel Assenmaker se dit certainement que tout cela nous regarde, en pleine altérité entre l’œuvre d’art et son regardeur. Il y a donc des suites d’images, des cascades de mots, des projets d’entassements de toiles, des couloirs, des variables, des cartes postales, des reproductions d’œuvres du passé, des sculptures nulles, des contours, des portraits génétiques ou pas, du rose, des répétitions, des armatures, des œufs, des films, des déclarations, des recouvrements, des découvertes à faire et des choses recouvertes : le point initial de l’exposition consiste, en effet, en cette cascade de mots de Jacqueline Mesmaeker, tous contenant un f (comme dans fizzle), partiellement recouverte par la photo d’une statuette étrusque, photo signée Céline Willame et Michel Assenmaker, un dispositif que Jacqueline Mesmaeker a créé dans son appartement bruxellois. Il y a donc aussi bon nombre de ces petites choses que l’on ne verra pas, des rouleaux non déroulés, des dessins ou des notes cachés au verso. Fizzles ! suppose aussi la malice, Lizène aurait dit la facétie. Avec un f comme dans… Oui, vous me suivez… Fizzles !