Archives mensuelles : avril 2013

Emilio Lopez Menchero, Le Rail, Bruxelles, Jonction Nord Midi, performance ce 12 avril

Il y a trois ans, Emilio Lopez Menchero introduisait dans la foire Art Brussels un tube de canalisation en PVC noir, long de 12 mètres porté par une douzaine d’hommes. Comme l’on glisse le fil dans le chas d’une aiguille, ces porteurs  déambulèrent dans la foire suivant un itinéraire programmé, tentant de se frayer un chemin parmi les amateurs d’art, de négocier d’improbables virages, de déjouer les pièges posés par les escalators, les comptoirs d’accueil ou les bars à champagne. « Exposé là où il est vu », pour reprendre la célèbre assertion d’André Cadéré déambulant avec ses célèbres barres de bois rond sur l’épaule, « The pipe » et ses porteurs prirent ainsi la mesure de toute chose, y compris celle d’un espace social compact. Hommage à la réalité du travail, sculpture horizontale au caractère énigmatique, ce tube s’est ainsi vu conférer une monumentale capacité d’expression.

Cette année, sur le même principe, Emilio Lopez Mechero travaille aux dimensions de la ville : il met en scène la déambulation d’un rail de chemin de fer tout au long du tracé de la Jonction Nord – Midi. C’est tout aussi incommode, inconfortable et envahissant.

Emilio Lopez Menchero répond à une invitation de Recyclart et du commissaire Michel Dewilde. Huit plasticiens sont, en effet, sollicités pour déployer de nouvelles créations le long des 2,8km de la voie ferrée qui relie les gardes du Nord et du Midi. A ciel ouvert, et/ou à l’intérieur, dans les gares qui jalonnent ce tracé. Ils plongeront dans leur imaginaire pour y analyser et y canaliser l’histoire de cette faille urbaine ainsi que les forces sociales, architecturales et émotionnelles sous-jacentes. « La jonction Nord – Midi, précise les promoteurs de l’initiative, est avant tout un espace conflictuel, tant par ses origines qu’en raison de son avenir: son aménagement a contraint personnes et bâtiments à disparaître tandis que son destin est source de rêves et d’opinions antithétiques. Son implantation a imposé de nouvelles frontières, divisé et marginalisé certains quartiers, mais permet aussi des expériences et des appropriations nouvelles. En ce sens, nous présentons la jonction ferroviaire comme un vaste espace ‘liminal’, une zone de transition où seuils et intervalles guident les voyageurs, les visiteurs et les habitants vers d’autres fonctions et dimensions ».

Ce vendredi 12 avril, à l’aide de sangles, une dizaine  d’ouvriers intérimaires tireront un rail d’acier qu’un camion grue aura auparavant déposé à l’entrée de la gare du Midi. Le rail, long de 18 mètres, posé sur des roulettes, sera tracté comme l’étaient les péniches, depuis les chemins de halage sur les berges des canaux.  Cortège, action collective, procession, ce convoi exceptionnel, qui d’ailleurs à ce titre sera escorté, rejoindra, dans l’effort, et en rythme, le parvis de la Gare du Nord, où le rail sera exposé pendant tout la durée de l’exposition, tel une sculpture, un monument horizontal. L’intention première d’Emilio Lopez Menchero est de signifier et de rappeler la présence de la Jonction à l’échelle humaine, d’un point de vue historique, urbanistique et social au sein de la ville. Rituel contemporain, cette déambulation est comme une tentative de résilience par rapport à cette cicatrice urbaine que représente toujours cette jonction souterraine et ferroviaire.

Le rail quittera la gare du Midi à Bruxelles ce vendredi 12 avril entre 9 et 10h

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Jacqueline Mesmaeker, la mer

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Jacqueline Mesmaecker
La mer
Technique mixte, 100 x 250 x 125 cm.
tirage argentique d’un chromo du peintre de marine Karl Wilhelm Hugo Schnars Alquist, verre, marbres,
gouache et crayon sur papier,
textes imprimés en cartouche
2013

Immensi tremor oceani
Amiral Michiel de Ruyter (1607-1676)
Et de même un autre temps arrive où l’âme un moment saisie comme à la gorge par cet assaillant, peu à peu sent cette prise se
desserrer et cette eau qui allait l’engloutir fuir, descendre, s’échapper par toutes les issues sans que rien puisse la retenir, emportant
avec elle quelque chose de nous-mêmes.
Paul Claudel.

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Emilio Lopez Menchero, Cadavre Exquis, l’image

La contribution d’Emilio Lopez Menchero est la deuxième partant de la gauche.

A single wall frieze created by Raymond Barion, Stéphane Calais, Jacques Charlier, Jana Cordenier, Karin Hanssen, Kati Heck, Henri Jacobs, Emilio López-Menchero, Stephanie Maeseele, Helmut Stallaerts, Elly Strik, Walter Swennen, Mitja Tušek, Koen van den Broek, Jan Van Imschoot and Philippe Van Snick.

The decision to devote more attention to painting in the LLS 387 programme led gallery director Ulrike Lindmayr, together with artists Mitja Tušek and Jan Van Imschoot, to look for a non-standard exhibition model that would allow different artistic approaches within contemporary painting to be highlighted.

In the course of that search the following key questions arose:
In the context of a group exhibition how might it be possible to show something above and beyond the diversity of the contemporary painting on display? How could the trammels of traditional exhibition models be thrown off? And how, despite the wide variety of artistic attitudes and expressions, could the project highlight both the common and the collective communication between artists?

The answer to these questions was found in the Cadavre exquis, devised by the Surrealists in the 1920s. It employs the écriture automatique technique, which starts from the premise that a single work can be developed by several artists, each building on his predecessor’s contribution, which, however, remains invisible to him until the artwork is complete. Not until its actual unveiling is the final, unpredictable result of the joint endeavour revealed.

LLS 387 invited sixteen artists to create a single Cadavre exquis on the walls of the exhibition space. Each artist had a section of wall 284 cm high and 135 cm wide on which to react to his or her predecessor’s work. No more than 3 cm to 10 cm of that prior work was visible, providing the only visual reference for the artist to pick up on when continuing the frieze. The participating artists painted directly onto the wall. When the exhibition closes the Cadavre exquis will be painted over.

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Jacques Lizène, La Fondation du Doute, Blois

Jacques Lizène participe à l’exposition inaugurale de la Fondation du Doute à Blois. Vernissage le 5 avril. WE d’ouverture les 6 et 7 avril.

La Fondation du Doute est un projet porté par l’artiste Ben. La fondation du Doute n’est ni un musée, ni un centre d’art mais un lieu original où règne l’esprit Fluxus. La Fondation du doute a plusieurs visages. C’est, bien sûr, un lieu où sont présentées les oeuvres importantes de cette période si active des années 1960-1970 : plus de 40 artistes sur deux étages, quelque 300 oeuvres, documents, archives et vidéos Fluxus, mais aussi « para et post Fluxus » comme le dit Ben, issus de sa collection personnelle, de celle de Gino Di Maggio (prêt des collections pour une durée de 8 ans), de la complicité d’artistes et d’autres collectionneurs comme Catarina Gualco. C’est également un lieu vivant, un réservoir d’idées, un espace d’expression, d’interrogation sur l’art, ses limites ou ses frontières.
Conçue par Ben, la Cour du doute est l’entrée monumentale du site, c’est aussi un espace de diffusion et de programmation d’événements.
Le Fluxus, café signé par Ben, est l’endroit de restauration et de convivialité de la Fondation ; ouvert aux expressions artistiques les plus diverses, il permet les rencontres, les débats, assure la vie du site. La Fondation du doute est un lieu étonnant où l’art, comme l’affirmait Robert Filliou, devrait rendre la vie plus intéressante que l’art.

Créer c’est douter et douter c’est créer » écrit Ben en frontispice de la Fondation du doute, le nouveau lieu de questionnement et de création que l’artiste installe à Blois. Le processus de création se déploie toujours dans l’errance, l’incertitude, la remise en question, la quête du choix juste. Comment « éviter le talent, éviter la variation, éviter l’astuce, éviter le superflu, éviter la décoration, bref, si seulement je pouvais tout éviter », écrit encore Ben sur le Mur des mots, créé en 1995.
Le doute est le compagnon de l’artiste. Il est lié à lui et même souvent l’habite, voire l’anime et le motive. La question est plus importante que la réponse et la fameuse inspiration ne se trouve pas dans l’assurance de l’existence d’une chose enfouie, mais dans l’incertitude de sa découverte. Qu’il soit artiste ou scientifique, c’est cette incertitude qui fait avancer quotidiennement le chercheur et qui alimente sa création.
Le « douteur » est le vrai savant, l’insatisfaction des réponses le maintient dans une sorte d’état continu de remise en question, faisant ainsi de sa faiblesse une force. La vocation du dubitatif est de douter pleinement, cela lui confère tous les pouvoirs et comme il ne sait pas, il garde la main sur tout ; au fond, il crée du désordre dans l’esprit de celui qui cherche à le convaincre ; son arme, le questionnement permanent.
Il ne s’agit pas de croire, mais de comprendre.
Douter c’est interroger et interroger encore, créer des voies, creuser des chemins sinueux au travers du réel, tracer des parcours éphémères, fouiller en tous sens la raison. Le doute est un remède contre tout aveuglement, une méthode inspirée pour vaincre la crédulité des opinions.
Le doute joue avec nos certitudes, c’est un état de conscience en quête de vérité au travers de nos vies qui, par nature, sont incertaines. Le « douteur », contrairement à la pensée commune, crée et construit des espaces de liberté, il n’oppose pas, il laisse des
espaces vacants, des temps de vacuité, des silences à remplir. Il est finalement toujours en action.
La Fondation du doute est un lieu singulier ; Ben Vautier l’imagine empli de la liberté des lieux en mouvement, animé de ce flux qu’il porte avec lui depuis cinquante ans ; pour notre part, nous le voulons le plus ouvert à toutes les formes, à tous les possibles pourvu qu’ils nous surprennent, qu’ils nous amusent, qu’ils nous persuadent que l’art, comme le dit si justement Robert Filliou, « c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». La vocation de la Fondation du doute est d’accueillir artistes, théoriciens, chercheurs, de créer une résidence vivante où les publics se rencontrent.
Comme pour Fluxus dont l’esprit occupera, par les oeuvres présentées, les espaces physiques – œuvres et documents issus de la collection personnelle d Ben, mais aussi de la complicité d’artistes et de collectionneurs comme Gino Di Maggio – la Fondation du doute doit promouvoir la « concomitance », l’importance de la non-importance, les détails de la vie, le tout possible, l’idée, l’humour, le gag, l’« event », la théorie, le manifeste, l’action, et, comme l’imagine Ben, un Art Total. La mécanique du doute pèse le pour et le contre, capte toutes les voix, enregistre et transmet, mélange et malaxe, mesure les limites de l’art, s’interroge et interroge les frontières.
La Fondation du doute est un lieu d’apprentissage ; implantée au sein d’un pôle d’enseignement artistique, elle ouvre de nouvelles perspectives de recherches, une pédagogie de l’écoute, de l’échange, de l’action. John Cage disait qu’« il n’est pas nécessaire que tous les sons soient organisés par un auteur ou par une intention, il suffit simplement que quelqu’un les écoute ». Pour comprendre, apprenons à tout écouter.

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