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Marie Zolamian, Musée du Carroi, Chinon

Marie Zolamian

Marie Zolamian, Sans titre, de la série A servir, 2013

Le Musée du Carroi à Chinon, rabelaisienne cité du vin, accueille ce printemps une importante sélection de verres à boire des Collections de la Ville de Liège, l’une des plus prestigieuses au monde, riche d’environ 10.000 pièces, datant de l’Antiquité nos jours. Les verres sont issus de divers pays avec, comme points forts, les verres vénitiens ou réalisés à la façon de Venise, le cristal de Bohême ainsi que les œuvres d’époque Art nouveau ou Art Déco. Marie Zolamian expose en contrepoint, à l’invitation de Cindy Daguenet, commissaire de l’exposition.

Dans notre idée de présenter un parcours chronologique sur l’histoire du verre à vin de ses origines à nos jours dans toutes les vitrines du troisième étage du musée, il nous paraissait important d’accorder de la place à une artiste de notre époque pour offrir au public un dispositif constitué de deux séries d’œuvres sur papier et d’une vidéo sur la thématique de l’eau et du vin. Marie Zolamian utilise dans ses œuvres, sa mémoire et ses origines mais également des expériences et des rencontres qu’elle a pu faire ses dernières années notamment lors d’une résidence à Birzeit en Palestine.
La série « A servir » présente une procession de femmes parées de coupes, d’aiguières, de flacons remplis de liquides : rouge, bleu ou ocre. Alanguies sur une jarre, accroupies sur un tapis avec un flacon dans leurs mains, puisant l’eau dans un puits au beau milieu d’une oasis, les femmes sont au centre de cette série, à la fois servantes et prêtresses. Le titre « A servir » joue sur ce double sens puisqu’il laisse entendre le mot « asservir », être réduit à la servitude, ce que tout au long de notre histoire les hommes et les textes sacrés imposeront aux femmes.

Musée du Carroi, Chinon
du 25 mars au 18 septembre 2017

Marie Zolamian

Marie Zolamian
Between fantasy and denial / Entre fantasme et déni, 2012, vidéo, son, couleurs, 24 min 56

(…) Dans sa pratique artistique, Marie Zolamian collecte, juxtapose, compose les éléments mémoriels, qu’ils soient proches ou lointains, singuliers et collectifs. Ainsi occupe-t-elle ce nouveau territoire d’expérience sensible, intime et inscrit dans le monde, enrichi de sens. Et comme dans un continuum, Marie Zolamian complète ici le dispositif mis en place d’une lente procession de femmes, esquisses sur papier inspirées de miniatures orientales et persanes. Elles sont prêtresses et servantes, évoquent à la fois le don, l’altérité, l’ivresse des sens et la soumission. Il fut question de l’huile et de l’eau ; toutes, cette fois, font l’éloge et l’offrande du vin, ce rituel séculaire, qui tout comme ceux qui concernent l’eau lustrale, se situe au carrefour des cultures et des civilisations. Je repense au poème mystique d’Ibn Al Fâridh, cet auteur du treizième siècle, à ces célèbres vers d’ «Al-Khamriya» : «Prends-le pur, ce vin, ou ne le mêle qu’à la salive du Bien-Aimé ; tout autre mélange serait coupable…». Et devant l’or liquide de la tasse en verre de Birzeit, le coeur du poème mystique résonne singulièrement : « Notre verre, écrit Ibn Al Ffâridh, était sa pleine lune, lui, il est un soleil ; un croissant le fait circuler. Que d’étoiles resplendissent au fond du verre quand on s’en abreuve». (JMB)

(…) In her artistic practice, Marie Zolamian collects, juxtaposes and composes pieces of memory, whether distant or recent, singular or collective. In doing so, she occupies this new area of experience that is sensitive, personal and a part of the world, enriched with meaning. As in a continuum, Marie Zolamian completes the process with a slow procession of women: sketches on paper inspired by oriental and Persian miniatures. They are priestesses and servants, conveying giving, otherness, the drunkenness of the senses, and submission. These are oil and water and all, this time, bring an offering of praise and wine, a secular ritual that, just like those involving the lustral water, sits at the crossroads of cultures and civilisations. I am reminded of the mystical poem by the 13th century author, Ibn al Fâridh, and his famous ‘Al-Khamriya’: “So take it straight, though if you must, then mix it, but your turning away from the beloved’s mouth is wrong.” Likewise, watching the liquid gold of the Birzeit glass, the heart of the mystical poem has particular resonance: “Our glass,” writes Ibn al Fâridh, “was its full moon, the wine a sun circled by a crescent. When it is mixed, how many stars appear!” (JMB)

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