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Jacques Halbert, Le Banquet de la Fête Permanente, Musée de la Vie wallonne, ce samedi 11 août

Ce samedi 11 août, à l’occasion du finissage de l’exposition « Le Jardin du Paradoxe, Regards sur le Cirque Divers, autour de Foncièrement la Petite Maison Unifamiliale,  oeuvre collective des Jardiniers du Paradoxe et du Mensonge Universel,  en Hommage au Temps des Cerises et au Merle Moqueur :

Le Banquet cerisiste de la Fête Permanente.
Une performance de Jacques Halbert

Avec la complicité de : Sébastien Nicaise, échassier et jongleur diabolique, de Fabrice Adde, comédien, acteur et bonimenteur du jour, des Héritiers du Volcan, une troupe de pyro-jongleurs et cracheurs de feu, des dégustateurs spectateurs, de toute l’équipe du Restaurant le Cloître, sous la houlette de son Chef Didier Roskam et de quelques Jardiniers d’occasion

Réservation indispensable via l’événement FB

Paris, 2 mars 1978. Des entonnoirs essaiment sur de nombreuses têtes du public qui assiste à Jussieu au sacre d’Aguigui Mouna Ier, empereur débilissime. Les Jardiniers du Cirque Divers sont à la manœuvre et jouent les rôles de grand majordome et de chef du protocole, un rôle de bouffon, de fou du roi, qui leur sied à merveille. Ils adressent l’annonce de ce débile couronnement orchestré par des clowns et saltimbanques à cent septante chefs d’état dont cent quarante-quatre membres de l’ONU. Ils envoient une délégation à Paris, entonnoir sur la tête ; ils font tirer vingt-deux coups de canon à beurre en l’honneur de l’empereur. Car oui, le Cirque Divers est inventeur du canon à beurre. Clowns, cracheurs de feu, saltimbanques de tout poil se rassemblent à Jussieu et font la fête à l’empereur débilissime Mouna Ier. Une procession se met en marche, Mouna Aguigui en tête, sur son vélo, saladier sur la tête, protégé du soleil et des intempéries par un singulier parasol. Cette procession traverse Paris et rallie le Centre Georges Pompidou, ce tout nouveau temple de l’art et de la culture, depuis peu ouvert au public.

Le Centre Georges Pompidou fut en effet inauguré le 31 janvier 1977, deux semaines après le l’ouverture du Cirque divers à Liège. Jacques Halbert est présent sur la Piazza. Il y a même des démêlées avec la marée chaussée car, tandis que se pressent officiels, invités et journalistes, effarouchés, sceptiques ou enthousiastes, l’artiste s’est permis d’installer sagalerie Cerisedevant ce tout nouveau monstre d’acier et de verre. La galerie Cerise, c’est un magnifique triporteur, une sculpture ambulante avec laquelle il arpente, depuis 1975, les rues de Paris et stationne devant les galeries d’art pendant les vernissages, vendant aux gourmands et amateurs d’art des tartes aux cerise et des toiles, des toiles aux cerises et des tartes, c’est selon.  On vit même Jacques Halbert pousser son triporteur dans les allées de la FIAC en 1976 et 1977. « C’est en 1975 qu’il peint sa première cerise, note Delphine Masson. Dès lors, ce sujet gourmand ne cessera plus de nourrir son œuvre prolifique, animant selon des rythmes réguliers ou des compositions aléatoires la surface monochrome, de préférence bleue, de ses toiles. Le motif de la cerise comme revendication de sa position artistique mena l‘artiste de la peinture à la performance, de la France aux Etats-Unis, lui faisant partager l’aventure de Fluxus ou s’associer aux expériences du Eat Art ».

Juin 1977. Les Jardiniers du Cirque Divers rencontrent Mouna Aguigui, marxiste tendance Groucho, André Dupont pour l’état-civil, candidat en France à de multiples scrutins de 1952 à 1995 et « non candidat dans ce monde de cons  », poète antimilitariste, libertaire et joueur de vielle à roue, le roi des zinzins, une sorte de Diogène mais doux comme un agneau. Anne Gallois, Cabu et Cavana lui consacreront un livre : « Gueule ou crève » – le titre est touchant. La rencontre se fait à l’abbaye de Floreffe ou se tient un tout nouveau festival qui décline la musique folk sur mode régionaliste(s) et altermondialiste, « le tiers onde » ; il est écolo, champêtre, militant, quotidien en marche en marge du nucléaire et de la pollution, un radeau pirate en ondes courtes, en ondes moyennes et en fréquences modulées. Ce festival s’appelle le Temps des Ceriseset les Jardiniers y installent pour trois jours Foncièrement la Petite Maison unifamiliale, cette œuvre collective et fondatrice de l’action du Cirque Divers.

Ce chassé-croisé ne pouvait que nous inciter à inviter Jacques Halbert lors de cette semaine de finissage de l’exposition « Le Jardin du Paradoxe ». Curieusement, l’artiste n’a jamais exposé au Cirque Divers, alors qu’il est proche de nombre d’artistes qui y exposèrent. Même son prof aux Beaux-Arts de Bourges, Jean Claude Silbermann, est passé au Cirque ! La raison est simple : dès 1979, Jacques Halbert s’installe aux Etats Unis, à New York, puis à Miami et à Los Angeles. En 1985, il ouvre le « Art Café» à New York dans le East Village. L’aventure durera quatre ans. Il y organise expositions et performances, invitant John Armleder, Olivier Mosset, Charles Dreyfus, Doreathea Selz, Jean Dupuy, Daniel Spoerri, Ken Friedmann, Ben Vautier, Jeff Koons, Andy Warhol, Phoebe Legere, Christian Xatrec, François Morellet. Plus tard, dans sa Magnifik Gallery, Jacques Halbert exposera également Olga Adorno, Ben Paterson, Carolee Schneemann ou Joël Hubaut. Une sorte de Cirque Divers new-yorkais ! Fêtes, Eat Art, performances et expositions.

Depuis 2002, l’artiste est revenu dans sa Touraine natale, ce qui sans doute explique aussi le rapport étroit qu’il entretient avec les arts de la table. « Sa silhouette parle pour lui, note Roland Duclos, son regard gourmand le trahit, ses origines tourangelles en font un digne héritier du grand Rabelais et son humour gouleyant a les raffinements des meilleurs crus de son bourgueil natal. On le voit Jacques Halbert n’a que des qualités ». Il nous offre aujourd’hui ce banquet cerisiste en guise de performance dinatoire, ce banquet de la Fête permanente. En choisissant la cerise pour motif exclusif de son œuvre, Jacques Halbert, note encore Delphine Masson « court-circuite les tendances radicales qui ont redéfini le paysage artistique, en y intégrant humour et dérision, ainsi qu’une vitalité pop, qui le situent aussi dans la filiation de l’esprit Fluxus et de toutes les tentatives artistiques visant à relier l’art et la vie ». N’est-ce pas là tout l’esprit du Cirque divers, ce jardin du Paradoxe et du Mensonge Universel » ?

Le Couronnement de Mouna Aguigui Ier, empereur débilissime

La galerie Cerise de Jacques Halbert

Performance de Jacques Halbert au Louvre, le 18 septembre 1978, à l’invitation de Jean Dupuy. Habillé en chef, toqué, Jacques Halbert lit un menu cerisiste devant « Les Noces de Cana » de Paolo Caliari, dit Véronèse, grand coloriste, réputé pour ses décorations illusionnistes.

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Jacques Halbert, HTFAM (how to fuck a monochrome), une introduction

Palissade, 1975.

La cerise est apparue très tôt dans l’œuvre de Jacques Halbert, en 1975, de la façon la plus incongrue qui soit, tatouant de façon répétée une palissade de chantier peinte en bleu azur. Une cerise par planche, toutes bien alignées. Les planches sont irrégulières, mais j’aime à imaginer que celles-ci avaient une largeur unique; de 8,7 cm, par exemple, cette mesure désormais très conceptuelle. Très vite, la cerise investit la toile sur châssis et y trouve sa juste mesure. Un an plus tard, Jacques Halbert peint les lettres du mot «plaisir » (1975) en rondes de cerises rouges ; il persiste et fait de même avec le mot «fraise » (1975). René Magritte n’aurait pas désavoué cette déclinaison de « la Trahison des images », cette mise en jeu de l’énoncé, de l’objet, de l’image et de l’objet nommé. La délectation habite la cerise vermillonne et « la gourmandise emporte l’adhésion, écrira Pierre Giquel, nous sommes en région comestible, la fête bat son plein ». En 1978, l’artiste confirme cette idée saugrenue qui fait office de manifeste d’une véritable folie, d’une extrava- gance, d’un goût exclusif – car l’œuvre est de bon goût -, et d’une gaîté vive : «peindre des cerises partout, tout le temps, et ne penser qu’à ça ». Ne penser qu’à ça : à prononcer ces mots, il y a déjà là quelque chose de profondément jouissif. Et comme un parfum d’obsession au sens où l’entendait Harald Szeemann, lui qui se préoccupait, entre autres choses, des circuits fermés et des machines célibataires, de la coercition par la beauté et des édifices bâtis par les Illuminés. L’obsession, écrit Szeemann, est « une unité d’énergie joyeusement reconnue ». Pour Jacques Halbert, celle-ci a une forme vaguement ovale de couleur carmine et vermillonne, prolongée sur sa gauche par un filet vert émeraude. Oui, la queue de cerise a aussi toute son importance. (…)

(…) Scandaleuse liberté, digne héritière de l’exhubérance Dada, tendance Picabia. Et révolte supérieure de l’esprit. Celle- ci sied à Jacques Halbert qui, rappelons le, se permit un jour en guise d’appropriation et d’hommage, d’apposer – sans dommage – l’une de ses cerises sur un Picabia du musée. Comment, ici, ne pas rappeler le « Manifeste cannibal », la scansion de « Dada n’est rien. Comme vos paradis : rien ». « Y’a bon Picabia ! » bonimente, avec le rire de Jacques Halbert, le tirailleur sénégalais de Banania, peint sur le coffre de la Peugeot 403, version 1962, couverte de cerises, customisée dira-t-on, et aujourd’hui garée au beau milieu de l’atelier. Oui l’empreinte de la cerise, au sens toronien du terme, s’applique partout. Sur des boîtes de camembert, des affiches Mao, des bons points distribués aux enfants méritants, des reproductions de tableaux de maîtres anciens et modernes, des peintures trouvées. Elle contamine tout support et surtout se peint sur toile, cerise toujours dupliquée, jamais épuisée. Rarement solitaires, au moins par paires, souvent alignées, en quadrilles, essaimées, constellantes, les fruits sont à maturité. Il y a des « Cerises bleues sur fond bleu », des « Cerises blanches sur fond blanc », des « Cerises vertes sur fond vert », des « Cerises jaunes sur fond jaunes » et, on s’en doute, des «Cerises rouges sur fond rouges ». Le sujet résiste au fil de ces inlassables répétitions d’une même cerise.

J’aime le protocole que Jacques Halbert établit dès 1975. Il tient de la méthode ABC Ecole de Paris (« comment peindre une cerise en huit phases et temps de séchage »), de la recette de cuisine, se teinte d’esprit Fluxus et remet dès lors en question avec impertinence l’absolutisme des positions minimalistes et conceptuelles en vogue à l’époque, qu’il s’agisse, dans le paysage français du moins, du dogmatisme de Support / Surface ou du radicalisme des positions de B.M.P.T.

Avec la vivifiance du chant du merle moqueur, l’obsessionnelle aventure cerisiste élargira ses horizons : Jacques Halbert se revendique d’un art d’attitude, au sens où l’entend Ben Vautier, entretenant des rapports étroits avec les arts de la table, lorgnant du côté de l’ « Eat Art » de Spoerri, rien d’austère assurément ; parce qu’il est vital d’arpenter les lieux de l’art avec un triporteur transformé en « galerie Cerise », afin de vendre, comme à la criée, tartelettes et tableaux aux cerises, important de chanter des recettes ou de déclamer un menu cerise devant les Noces de Cana de Véronèse, essentiel de naviguer sur la Loire toute toile aux cerises dehors, excitant d’organiser des Fashion Show cerisistes à New York ou de se prendre pour un pâtissier pâ- tissé, inattendu d’offrir un « dix nez » aux cerises à toute une kyrielle de convives ou de se commettre dans des séances de peinture au marteau. (…)

Le motif, ce qui fait l’objet d’une répétition de forme bien définie, régulière et continue, est ici ce qui catalyse une obsession, un univers, une façon de percevoir le monde et de le vivre. Dans le cas de Jacques Halbert, la cerise passe de l’état inerte à l’état vivant : « La matière qui l’a formulée, écrit Frédéric Bouglé, se fixe dans le geste de peindre entre agrégation et dissolution du sujet, entre sexualité suggérée et sensualité affirmée, entre culture culinaire, culture populaire et culture savante, entre, enfin, la joie prégnante d’un présent exalté et les temps jamais oubliés d’une cueillette passée » (…)

Jean-Michel Botquin, dans Le Paradis perdure, 2013

Camouflage, 2018, 80 x 80 cm

The Cherry Kitchen, 2014. Galerie Nadja Vilenne

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Jacques Halbert, HTFAM, How to fuck a monochrome, vernissage ce jeudi 9 août

La galerie Nadja Vilenne a le plaisir de vous convier au vernissage de l’exposition HTFAM (How to fuck a monochrome) de Jacques Halbert

Vernissage le jeudi 9 août à 19h

Exposition du 9 août au 29 septembre 2018
Jeudi – samedi, 14-18h. et sur rendez-vous

Egalement à l’agenda :

Dans le cadre du finissage de l’exposition
Le Jardin du Paradoxe, Regards sur le Cirque Divers à Liège,
samedi 11 août 2018 à 12h30
dans le cloître du Musée de la Vie wallonne :

Jacques Halbert, Le Banquet cerisiste de la Fête Permanente.

Renseignements et réservations : info@nadjavilenne.com

Jacques Halbert, came à yeux

Jaques Halbert

Jacques Halbert

C’est en 1975 que Jacques Halbert peint sa première cerise. Dès lors, ce sujet gourmand ne cessera plus de nourrir son oeuvre prolifique, animant selon des rythmes réguliers ou des compositions aléatoires la surface monochrome, de préférence bleue, de ses toiles. Le motif de la cerise comme revendication de sa position artistique mena l‘artiste de la peinture à la performance, de la France aux Etats-Unis, lui faisant partager l’aventure de Fluxus ou s’associer aux expériences du Eat Art. Cependant, toutes les voies explorées, comme les différents mediums et supports utilisés, n’ont jamais pu détrôner l’attachement profond de l‘artiste à la peinture, qui demeure pour lui la pratique fondatrice. (…) La cerise est le seul motif qui traverse de façon continue son travail sur ces trente dernières années.

(…) Au delà de l’effet de  » signature  » qui lie ce motif à l’artiste, l’exposition entend mettre à jour les déclinaisons infinies qui s’expriment dans ces inlassables répétitions, et en cela appréhender les qualités et préoccupations proprement picturales du travail de Jacques Halbert. Il s’agit ici également de s‘interroger sur l‘étonnante résistance de ce sujet à l‘épuisement, comme si chaque nouvelle cerise posée sur la toile renouvelait dans la gourmandise l’essence même du désir de peindre.

La cerise est apparue dans le travail de Jacques Halbert au milieu des années 70, comme une réaction provocatrice à l’aspect cérébral du mouvement Support/Surface omniprésent dans l’environnement artistique du moment. L’irruption incongrue, presque charnelle, des cerises sur les toiles bleues que l’artiste réalisait alors signent une réappropriation de sa pratique en accord avec sa personnalité profonde, celle d‘un artiste épicurien, digne héritier des exubérances dada, tendance Picabia. La cerise le mène rapidement sur le terrain d‘un art d’attitude, prémice des performances qui constituent un pan important de sa pratique : l’artiste se fit connaître à la même époque en arpentant avec son triporteur les vernissages parisiens, vendant gâteaux et tableaux aux cerises.

L’art de Jacques Halbert est nourri à tous ses niveaux de la grande histoire de la peinture. Ses oeuvres „cerisistes“ utilisent un motif explicitement figuratif pour un travail abstrait. De la même façon, elles se situent de façon étonnante au confluent de deux états d’esprit divergents des avant gardes qui ont depuis les années 70 profondément redéfini le paysage artistique. Par certains aspects, son travail rappelle certains mouvements radicaux, qui ont repoussé la peinture dans ses limites les plus extrêmes, comme BMPT, (notamment Daniel Buren et Niele Toroni), Support-Surface, mais aussi des démarches singulières comme Roman Opalka. Mais en choisissant la cerise, Jacques Halbert court-circuite cette tendance radicale en y intégrant humour et dérision, ainsi qu’une vitalité pop, qui le situent aussi dans la filiation de l’esprit Fluxus et de toutes les tentatives artistiques visant à relier l’art et la vie.

Delphine Masson, à l’occasion de l’exposition rétrospective consacrée à Jacques Halbert au CCC de Tours en 2006

Jacques Halbert

Jacques Halbert, on le sait, apprécie les sujets de fruits et d’agrumes qui se répètent comme les motifs d’un papier peint, et qu’il ose faire rouler sur ses toiles en déclinant un nuancier aux couleurs les plus jeunes. Dans une apparence de disposition aléatoire, ou strictement orientée, des cerises rouges, croquées, croquantes, viennent, véritables petites boules d’énergie céleste et végétale, scintiller sur la toile. Les sujets de Jacques Halbert, contrairement à l’ordinaire dans ce domaine, ne craignent ni les sujets simples ni les couleurs franches, bien au contraire, et si la tendance actuelle est triste et pondérée, conceptuelle et austère, ses peintures ne sont surtout pas là pour nous le rappeler.

Est-ce à dire pour autant, que Jacques Halbert se fait le maître d’œuvre de la frivolité, si, par une véritable prouesse picturale généreuse et vivifiante, la frivolité parvient par là à se transcender elle-même ? L’artiste sème comme le marchand de sable ses cerises scintillantes sur le sommeil des anges, mais marque aussi de son nombre chaque cerise peinte. Sans doute s’agit-il par là aussi de ne pas faire adhérer le sujet à la cruauté des fonds, d’échapper à la morosité du non-dit, à l’avarice du presque rien, et au fondamentalisme du non-peint. S’il y a motif, s’il y a figuration, il y a encore dans le propos une démarche d’abstraction. On trouvera en effet, dans le traitement merveilleux des couleurs et des textures du support, quelque chose d’insondable, d’impalpable et d’impénétrable même si, mis en avant sur des aplats qui fondent, des cerises perlent des larmes de chair vivante.

Frédéric Bouglié, Vous êtes ici, catalogue du Fonds Régional d’Art Contemporain Auvergne, acquisitions 2000-2006, Clermont-Ferrand, 2006

Jacques Halbert

Scandaleuse liberté, digne héritière de l’exhubérance Dada, tendance Picabia. Et révolte supérieure de l’esprit. Celle-ci sied à Jacques Halbert qui, rappelons le, se permit un jour en guise d’appropriation et d’hommage, d’apposer – sans dommage - l’une de ses cerises sur un Picabia du musée. Comment, ici, ne pas rappeler le « Manifeste cannibal », la scansion de « Dada n’est rien. Comme vos paradis : rien »17. « Y’a bon Picabia ! » bonimente, avec le rire de Jacques Halbert, le tirailleur sénégalais de Banania, peint sur le coffre de la Peugeot 403, version 1962, couverte de cerises, customisée dira-t-on, et aujourd’hui garée au beau milieu de l’atelier18. Oui l’empreinte de la cerise, au sens toronien du terme, s’applique partout. Sur des boîtes de camembert, des affiches Mao, des bons points distribués aux enfants méritants, des reproductions de tableaux de maîtres anciens et modernes, des peintures trouvées. Elle contamine tout support et surtout se peint sur toile, cerise toujours dupliquée, jamais épuisée. Rarement solitaires, au moins par paires, souvent alignées, en quadrilles, essaimées, constellantes, les fruits sont à maturité. Il y a des « Cerises bleues sur fond bleu », des « Cerises blanches sur fond blanc », des « Cerises vertes sur fond vert », des « Cerises jaunes sur fond jaunes » et, on s’en doute, des « Cerises rouges sur fond rouges ». Le sujet résiste au fil de ces inlassables répétitions d’une même cerise. J’aime le protocole que Jacques Halbert établit dès 1975. Il tient de la méthode ABC Ecole de Paris (« comment peindre une cerise en huit phases et temps de séchage »), de la recette de cuisine, se teinte d’esprit Fluxus et remet dès lors en question avec impertinence l’absolutisme des positions minimalistes et conceptuelles en vogue à l’époque, qu’il s’agisse, dans le paysage français du moins, du dogmatisme de Support / Surface ou du radicalisme des positions de B.M.P.T. Avec la vivifiance du chant du merle moqueur, l’obsessionnelle aventure cerisiste élargira ses horizons : Jacques Halbert se revendique d’un art d’attitude, au sens où l’entend Ben Vautier, entretenant des rapports étroits avec les arts de la table, lorgnant du côté de l’ « Eat Art » de Spoerri, rien d’austère assurément ; parce qu’il est vital d’arpenter les lieux de l’art avec un triporteur transformé en « galerie Cerise », afin de vendre, comme à la criée, tartelettes et tableaux aux cerises, important de chanter des recettes ou de déclamer un menu cerise devant les Noces de Cana de Véronèse, essentiel de naviguer sur la Loire toute toile aux cerises dehors, excitant d’organiser des Fashion Show cerisistes à New York ou de se prendre pour un pâtissier pâtissé, inattendu d’offrir un « dix nez » aux cerises à toute une kyrielle de convives ou de se commettre dans des séances de peinture au marteau. (…)

Le motif, ce qui fait l’objet d’une répétition de forme bien définie, régulière et continue, est ici ce qui catalyse une obsession, un univers, une façon de percevoir le monde et de le vivre. Dans le cas de Jacques Halbert, la cerise passe de l’état inerte à l’état vivant : « La matière qui l’a formulée, écrit Frédéric Bouglé, se fixe dans le geste de peindre entre agrégation et dissolution du sujet, entre sexualité suggérée et sensualité affirmée, entre culture culinaire, culture populaire et culture savante, entre, enfin, la joie prégnante d’un présent exalté et les temps jamais oubliés d’une cueillette passée »

Jean-Michel Botquin, dans le Paradis perdure, 2013

Jacques Halbert

Jacques Halbert

Jacques Halbert, Came à yeux, huiles sur toile, 160 x 160 cm, 2012

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Jacques Halbert & Capitaine Lonchamps, Les Hindoues dingues

Leur activité monomaniaque – n’ayons pas peur des mots - procède d’une même énergie et d’une même opiniâtreté. Jacques Halbert peint des cerises ; Capitaine Lonchamps enneige le monde. Tous deux font fi des saisons. L’un ne cesse de dupliquer cette cerise dont il goûte, avec la conscience de l’illusion, les infimes variations de sensations colorées et lumineuses, qualifiant son grand’ œuvre de « cerisiste ». Le second a décidé de faire de la neige une exception, d’investir la nature impondérable du flocon de neige, de multiplier sur tout support ces points blancs mouchetés. Peintre « neigiste » depuis 1989, Lonchamps déclare avec sérieux que « ne neige pas qui veut ». Ces deux artistes ont eu l’occasion de croiser leurs singulières expériences en 2010 et de se commettre en deux œuvres communes, Lonchamps recouvrant de flocons deux tableaux cerisistes de Jacques Halbert. Ils ont frappé à nouveau, à quatre mains, sur trois toiles imprimées indiennes, qu’il nomment « les Hindoues dingues ».

Halbert-Lonchamps

Halbert & Lonchamps, Hindoue dingue (1), acrrylique sur toile imprimée trouvée, 57 x 86 cm, 2013

Halbert-Lonchamps

Halbert & Lonchamps, Hindoue dingue (2), acrrylique sur toile imprimée trouvée, 176 x 51 cm, 2014

Halbert-Lonchamps

Halbert & Lonchamps, Hindoue dingue (1), acrrylique sur toile imprimée trouvée, 57 x 78 cm, 2013

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La Cuisine cerisiste de Jacques Halbert

Jacques Halbert

La Cuisine cerisiste de Jacques Halbert
Peindre des cerises, partout, tout le temps, et ne penser qu’à ça.

Antécédents : le Capitaine Lonchamps a enneigé le bureau de la galerie Nadja Vilenne en 2004. Voici Jacques Halbert qui encerise la cuisine.

Date : novembre 2013.
Lieu : cuisine – bar de la galerie Nadja Vilenne à Liège.
Brigade : Jacques Halbert, assisté par Laetitia Lefèvre.
Recette mise en œuvre : Comment peindre une cerise (1975)

« Pour mener à bien cette entreprise, il est conseillé d’être habile et patient. Le travail s’effectue en huit phases et temps de séchage :
1. Vous dessinez un cercle vaguement ovale que vous remplissez de carmin
2. Vous appliquez sur la partie gauche de la cerise une lune de terre de sienne brûlée
3. Vous mettez du rouge vermillon sur le bout de votre index droit et vous l’appliquez sur le milieu de la cerise, un peu à droite
4. Vous mettez maintenant du rose sur le même doigt, très peu, et vous le posez au centre de la tâche rouge vermillon
5. A l’aide d’un pinceau fin, vous appliquez un point blanc sur la tâche rose
6. Toujours avec ce pinceau fin, vous mettez un filet de terre d’ombre brûlée sur l’extrémité gauche de votre cerise
7. Vous dessinez au pinceau fin chargé de vert émeraude la queue du fruit
8. Vous éclaircissez, avec du blanc, votre vert émeraude et vous en mettez un filet sur la queue.

Si vous avez suivi à la lettre ces conseils, vous avez sous les yeux une cerise peinte par vous. Vous êtes donc un artiste. »

Mûrissement : une semaine
Additifs au mûrissement : vins de Bourgueil, Chinon, Saumur Champigny.
Dimensions : all over. Composition : aléatoire. Nombre de cerises : indéterminé.

Jacques Halbert

Jacques Halbert

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Jacques Halbert

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Jacques Halbert

Jacques Halbert

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Jacques Halbert, Jacques Lizène, Capitaine Lonchamps, Emilio Lopez-Menchero. Vernissage ce jeudi 16 janvier 2014

Ce jeudi 16 janvier 2014 à 19h, vernissages de quatre expositions monographiques.
Rendez vous en compagnie de Jacques Lizène, Jacques Halbert, Capitaine Lonchamps et Emilio Lopez-Menchero, afin de feuilleter quelques neiges, sous les cerises, écoutant de la musique à l’envers et même doublement à l’envers, au Checkpoint Charlie. D’après Jacques Lizène, on ne s’ennuiera pas un seul instant.

Jacques Lizène

Jacques Lizène
Musique à l’envers et doublement à l’envers. Extention du domaine du Perçu – non perçu. En remakes.

Jacques Halbert

Jacques Halbert

Capitaine Lonchamps

Capitaine Lonchamps. Fatal.

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez-Menchero. Checkpoint Charlie.

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