Lu dans Le Soir, sous la plume de Jean Marie Wynants :
C’est un voyage extraordinaire auquel nous convie la nouvelle exposition de la Centrale. Un voyage tourné vers le monde extérieur, à la fois proche et distant, comme le souligne parfaitement le titre de la manifestation, « Distant Proximity ».
Cette « proximité distante » est illustrée magistralement, dès l’entame du parcours, par le travail de Lauren Moffatt. Dans une salle en forme de sas, plongée dans la pénombre, le visiteur découvre un étrange casque protégé par une vitrine et un film en noir et blanc aux images incertaines. Il faut se munir des lunettes 3D fournies à l’entrée pour apprécier celui-ci. On suit alors les pérégrinations d’une femme n’affrontant plus le monde extérieur que protégée par le fameux casque aperçu dans la vitrine.
Vrai-faux reportage, le film la montre dans le métro observant les gens qui l’observent. Mais il la montre aussi dans un studio de cinéma, interviewée par un interlocuteur invisible. Elle raconte les raisons qui la poussent à affronter le monde extérieur munie de cette protection. Ne supportant plus les regards extérieurs intrusifs, démultipliés par les caméras de toutes sortes, elle s’est fabriqué ce masque-caméra qui lui permet de regarder le monde à travers un filtre permanent…
En quelques minutes, Lauren Moffatt nous plonge dans un univers fictionnel finalement très proche de la réalité grâce à une réalisation sobre et efficace.
Le visiteur est alors prêt à plonger dans les univers suivants. La deuxième salle rassemble les travaux de plusieurs artistes qui, tous, brouillent les pistes en réinventant un monde extérieur : les assemblages d’ACM (Alfred et Corinne Marie) sont constitués de matériaux de récupération (pièces métalliques, électroniques, plastiques) donnant naissance à d’invraisemblables architectures, d’une folle complexité.
On peut en dire autant des dessins de Jeroen Hollander qui ne sont constitués que de lignes et de chiffres symbolisant les multiples réseaux de transport sillonnant une ville. Ceux-ci sont pourtant imaginaires et la ville n’existe que par leur représentation.
Peut-être est-ce la même cité que photographie Nicolas Moulin en débusquant des architectures massives, solitaires, où la vie semble avoir fui loin de ces hautes tours et de ces vastes esplanades. Il reste pourtant une vie, symbolisée par une pièce ancienne de Françoise Schein recréant la Belgique vue du ciel avec de petites lampes et des essuie-glaces à travers lesquels on découvre cette constellation à l’envers.
Totalement transformée, la grande salle frappe d’emblée par la présence d’une mystérieuse installation de Peter Buggenhout : les débris indéfinissables d’une construction, d’un engin mystérieux. Couverte de poussière, elle interroge et suggère toutes les catastrophes, les passés enfouis, les destructions incessantes.
Hantée par la maison de son enfance et son jardin sauvage, Valérie Sonnier fait revivre celle-ci au travers d’un étonnant travail vidéo et d’une série de dessins, tantôt minuscules tantôt monumentaux, à la fois étranges et d’une folle précision.
Contraste total avec le travail de Valérie Sonnier, entre dessins et vidéo, autour d’une maison de famille et de son grand jardin, qu’il faut se résigner à quitter. Mais le passé est là, qui hante les lieux et les âmes. Michel Mazzoni livre un peu plus loin les traces mystérieuses d’un monde bien réel, dans un étonnant mélange de formel et de sensible.
En bout de parcours, Wilmes & Mascaux nous invitent enfin à un dernier voyage incertain, fait d’images et de sons, dans un futur indéfinissable mais ressemblant beaucoup à notre quotidien. Un univers imaginaire créé à partir du réel. Une tentative de survie dans un monde qui continue inlassablement sa course folle vers la destruction. Si lointain et si proche.
JEAN-MARIE WYNANTS
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