Archives de catégorie : Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero, André Cadere, conférence de Jacques Charlier

Jacques Charlier

A l’occasion du finissage de l’exposition « Qui barre démarre » d’ Emilio Lopez Menchero, Jacques Charlier évoquera la personnalité d’André Cadere, lors d’une conférence-rencontre ce vendredi 18 octobre à 19h.

Space Collection
En Féronstrée 116
4000 Liège

Jacques Charlier

Jacques Charlier

Photographies extraites de Jacques Charlier, « Photographies de Vernissages », 1974-1975

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Emilio Lopez-Menchero, qui barre démarre (3)

Emilio Lopez Menchero, The pipe

2. The Pipe, 2010. Vidéo HD, son, couleurs. 8 min 26

Men at work. Douze hommes sur un chantier, portant à l’épaule un tube de polyéthylène gris, long d’une douzaine de mètres. L’image resurgit dans l’esprit d’Emilio López-Menchero tandis qu’il prépare la performance que lui a commandité Art Brussels pour son édition 2010. Et très vite une idée s’impose : Emilio López-Menchero se propose d’introduire dans l’enceinte de la foire un tube de PE de même longueur et même section, un peu comme l’on glisse le fil dans le chas d’une aiguille. Le tube, « the pipe », sera porté par une dizaine de fiers-à-bras qui, suivant une déambulation mesurée, un itinéraire programmé et planifié, tenteront de se frayer un chemin parmi les amateurs d’art, de négocier d’improbables virages, de déjouer les pièges posés par les escalators, les comptoirs d’accueil ou les bars à champagne. Esquissé sur papier, the Pipe, est noir comme un coup de crayon ou d’encre de chine. Les porteurs, comme dans la plupart des dessins de l’artiste, ressemblent à ces silhouettes anonymes esquissées par l’architecte théoricien Ernst Neufert, auteur des célèbres « Eléments des projets de construction », cette base méthodologique de la mesure de toute chose, de la norme et des prescriptions.

On repensera, bien sûr, aux déambulations d’André Cadere dans les foires d’art et les vernissages fréquentés par le cénacle de l’art contemporain,  à ces quatre célèbres images datées de 1974 qui représentent l’artiste vu de dos, vêtu de son célèbre tee-shirt rayé, portant sur l’épaule l’une de ses grosses barres de bois rond. La barre traverse la photo de part en part, comme si elle était sans fin. « Exposé là où il est vu » déclare André Cadere, à propos de son travail. Exposé là où « The Pipe » sera vu, dans les travées de la foire, peut-on paraphraser à propos de la performance d’Emilio López-Menchero.

On repensera également aux photographies de canalisations de Jacques Charlier, cette intrusion dans le champ de l’art de ces éléments de constructions souterraines, ces photographies toutes professionnelles. Charlier écrira, en 1968, à propos d’une série de clichés de canalisations : « Ces photos de presse sont en quelque sorte des photographies professionnelles publicitaires, vantant les derniers mérites de la technologie en matière d’égouttage. Leur caractère énigmatique peut non seulement rivaliser avec certaines recherches plastiques contemporaines, mais aussi les dépasser par leur monumentale capacité d’expression. Mais cela personne ne le dira jamais ou peut-être trop tard. Ainsi en va-t-il de l’art d’aujourd’hui qui détourne à son profit, sous l’alibi d’une création ésotérique, la réalité du travail, insupportable pour la minorité culturelle dominante ». Fernand Léger, au fil des pages de « L’esthétique de la machine », ne déclare pas autre chose lorsqu’il écrit : « La vie plastique est terriblement dangereuse, l’équivoque est perpétuelle. Aucun critérium n’est possible, aucun tribunal d’arbitrage n’existe pour trancher le différend du beau ». Et de vanter le Salon de la Machine plutôt que celui de l’Art : « S’ils (les fabricants de machines) pouvaient faire crever le stupide préjugé, s’ils savaient que les plus beaux Salons annuels sont les leurs, ils feraient confiance aux hommes admirables qui les entourent, les artisans, et ils n’iraient pas chercher ailleurs des incapables prétentieux qui massacrent leur œuvre ».

Casqués, habillés de leur tenue de chantier, sous la direction du contremaître López-Menchero, les douze hommes ont faufilé à diverses reprises ce tube dans  l’enceinte de la foire d’art contemporain. In fine, ils l’ont posé sur le gazon, face à l’entrée du bâtiment, telle une sculpture. Horizontale. Ainsi, « The pipe » et ses porteurs prirent la mesure de toute chose, y compris celle d’un espace social compact. Hommage à la réalité du travail, sculpture horizontale au caractère énigmatique, ce tube s’est ainsi vu conférer une monumentale capacité d’expression.

Emilio Lopez Menchero, Le rail

3. Le Rail, 2012. Vidéo HD, couleurs, son, 19 min 29.

Le déplacement de « The Pipe » dans l’enceinte d’une foire d’Art contemporain, est sans aucun doute à l’origine d’une performance plus récente, tout aussi incommode et envahissante et cette fois conçue à dimension de la ville : en 2013, Emilio López-Menchero met en scène, à Bruxelles, le déplacement d’un rail de chemin de fer, un Vignole de 18 mètres de long pesant une tonne. Huit plasticiens sont, en effet, sollicités pour déployer de nouvelles créations le long des trois kilomètres de la voie ferrée qui relie les gares du Nord et du Midi. Ils plongeront dans leur imaginaire pour y analyser et y canaliser l’histoire de cette faille urbaine ainsi que les forces sociales, architecturales et émotionnelles sous-jacentes. La jonction Nord – Midi est avant tout un espace conflictuel, tant par ses origines qu’en raison de son avenir: son aménagement a contraint personnes et bâtiments à disparaître tandis que son destin est source de rêves et d’opinions antithétiques. Son implantation a imposé de nouvelles frontières, divisé et marginalisé certains quartiers, mais permet aussi des expériences et des appropriations nouvelles.

Emilio López-Menchero prévoit donc de déplacer un rail au fil des boulevards, tout au long du tracé de la Jonction : Pachéco, Berlaimont, Impératrice, Empereur   transformeront le paysage bruxellois. Son intention première est de signifier et de rappeler la présence de la Jonction à l’échelle humaine, d’un point de vue historique, urbanistique et social au sein de la ville. Certes, la jonction a permis de résoudre la rupture de transport entre les gares du Nord et du Midi, mais il fallu pour cela raser des pâtés de maisons entiers, bâtis au 19e siècle dans la plus pure tradition hausmanienne. Rituel contemporain, cette déambulation est comme une tentative de résilience par rapport à cette cicatrice urbaine, aujourd’hui une série de grands boulevards qui, une fois la nuit venue, ont des allures de désert urbain.

A l’aide de sangles, une dizaine  d’ouvriers intérimaires tireront un rail d’acier qu’un camion grue aura auparavant déposé à l’entrée de la gare du Midi. Le rail, long de 18 mètres, posé sur des roulettes, sera tracté comme l’étaient les péniches, depuis les chemins de halage sur les berges des canaux.  Cortège, action collective, procession, ce convoi exceptionnel, qui d’ailleurs à ce titre sera escorté par des policiers cyclistes, rejoindra, dans l’effort, et en rythme, le parvis de la Gare du Nord, où l’artiste prévoit d’exposer le rail, tel une sculpture, cette fois encore un monument horizontal.

La réalité fut tout autre. En raison d’un problème de résistance du train de roues prévu, le rail ne quitta jamais la zone de la gare du Midi. Qu’à cela ne tienne, le projet est remis ; il subsiste néanmoins ce film témoin de l’aventure.

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Emilio Lopez-Menchero, qui barre démarre (2)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere devant le Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, (avec barre index B57 code B 14003002, dit « le bâton de NY »)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 80 x 57,5 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, rue du Serpentin, Ixelles (avec barre index B57, code14003002, dit bâton de NY)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 60 x 73,5 cm, 2013.

(…)
Si ce « Trying to be Cadere » est un travail de studio, il en est d’autres réalisés parmi la foule, sur le trottoir. Emilio López-Menchero aurait bien rallié le café de l’Oasis à Kain, dans la région de Tournai. On s’en souvient, André Cadere agissait principalement au cœur même du milieu de l’art ; mais s’il déambule principalement dans les vernissages, il lui arrive de sortir des sentiers battus par les amateurs et professionnels de l’art contemporain. Ainsi, avec la complicité de Bernard Marcelis, il invite à la présentation d’une barre de bois rond au Café de l’0asis à Kain, chez monsieur Georges Bolus, cafetier, au 86 de la rue d’Ormont, le 12 décembre 1975. Tout comme le fit Cadere, Emilio López-Menchero aurait bien aimé se faire photographier devant la porte de l’Oasis, sous l’enseigne et la publicité pour une marque d’apéro, barre de bois rond à l‘épaule ; l’Oasis a malheureusement disparu, il n’y a plus qu’un champ à la place du café. Dès lors Emilio López-Menchero a préféré déambuler à Bruxelles, son champ d’action naturel. Il emprunte pour ce faire une autre barre de bois rond, constituée de 52 segments, noir, vert, rouge et blanc, certifiée en 1975 et avec laquelle Cadere déambula dans les rues de New York ; une série de photographies en atteste. Mêlant la fiction à la réalité, l’archive, l’hommage et l’interprétation, López-Menchero se promène en rue, l’air méditatif, portant la longue barre de bois rond à l’épaule, flâneur ne se souciant pas des réactions que la vue de cet étrange porteur ne manque pas de déclencher. Me revient en mémoire, ce petit film noir et blanc tourné par Alain Fleischer, daté de 1973, montrant Cadere montant et descendant le boulevard des Gobelins à Paris. Il se poste ensuite devant les lourdes portes du Palais des Beaux Arts, chemise blanche, pantalon sombre, veste légère, tel que le fit Cadere en septembre 1974, alors que Marcel Broodthaers exposait au Palais. Cherchez l’erreur ; elle est de mise dans le travail d’André Cadere : L’enseigne « Palais des Beaux Arts / Paleis voor Schone Kunsten » a disparu. Les pavés du trottoir aussi. S’inspirant d’un des clichés new yorkais, il se fait photographier le soir, casquette planté sur la tête, la barre de bois rond à la main, sur une terrasse du quartier Nord. On devine dans la pénombre deux tours, aux fenêtres éclairées. Enfin, il rejoint, non loin de Flagey, l’avenue des Eperons d’Or pour deux derniers  clichés : le voici, d’une part, en tee-shirt rayé, barre posée au sol, comme s’il était le gardien de la mémoire de l’ancienne galerie MTL, la première qui après celle des Locataires à Paris, montra le travail d’André Cadere. Sur la seconde, le voici en campagne, portant casquette, musette et barre de bois rond, main dans la poche, défiant l’objectif. En fait la pose que Cadere adopte devant l’Oasis à Kain. C’est là comme un juste retour : la barre de bois rond que porte Emilio López-Menchero fut montrée et acquise chez MTL.  Hommage à Fernand Spillemaeckers, artiste plasticien, romaniste, critique d’art, théoricien et galeriste hors du commun.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, devant l’ex galerie MTL en pose « café de l’Oasis »,(avec barre index B57 code B 14003002, dit « le bâton de NY »)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 80 x 65 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, devant l’ex galerie MTL (avec barre index B57 code B 14003002, dit « le bâton de NY »)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 80 x 65 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, quartier Manhattan, Bruxelles, (avec barre index B57, code14003002, dit bâton de NY)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 80 x 60 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, rue de la Brasserie, Ixelles, (index B57, code14003002, dit bâton de NY)
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 60 x 72,5 cm, 2013.

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Emilio Lopez-Menchero, qui barre démarre (1)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, de face (avec barre index 04, code B 12003000, d’après « André Cadere 1974 », de B. Bourgeaud)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 130 x 110 cm, 2013.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, de dos (avec barre index 04, code B 12003000, d’après « André Cadere 1974 », de B. Bourgeaud)
Photographie NB marouflée sur aluminium, 82 x 130 cm, 2013.

Trying to be Cadere

La photographie est bien connue des amateurs ; elle fut prise en 1974 par Bernard Borgeaud. Vêtu de son tee-shirt favori, André Cadere porte sur l’épaule une de ses grosses barre de bois rond. Certifiée en 1975, indexée HC4, codée B12003000, elle est constituée de 21 segments de bois peints en noir blanc et rouge, mesure 198 cm pour une section de 9,4 cm et figure aujourd’hui au catalogue de la collection du FRAC Nord Pas de Calais. Avec le même tee-shirt, Cadere se fait photographier de dos, barre sur l‘épaule. Il publiera cette photo en quatre exemplaires identiques ; seul le texte de la légende variant d’une image à l’autre. Remises dans le bon ordre, elles forment une proposition complète qui définit précisément toute la singularité de sa pratique artistique : « La barre de bois rond est un assemblage de segments peints dont la longueur égale le diamètre et se succédant d’après une méthode comportant des erreurs. Exposé là où il est vu. Ce travail est contraire aux textes et photo ici imprimés. Dépendant des contraintes de ce livre, texte et photo ont un seul rapport avec ce qu’ils décrivent : l’incompatibilité. Cadéré, 1974 ».

Ces photos sont le point de départ du « Trying to be Cadere » d’Emilio López-Menchero. Et l’accessoire – si je puis dire, c’est-à-dire la barre de bois rond, a ici toute son importance. Comme il le fit en incarnant James Ensor, empruntant le « vrai » bibi fleuri dont se coiffa le baron ostendais pour son autoportrait de 1883-89, ce portrait où Ensor tente lui-même d’incarner Rubens, Emilio López-Menchero a demandé à pouvoir camper devant l’objectif avec la barre de bois rond authentique, celle représentée sur la photographie d’origine. Comment faire autrement d’ailleurs, dès le moment où il s’agit d’incarner Cadere, tant celui-ci s’identifie à cette constellation de barres de bois rond qu’il constitua comme une peinture sans fin tout au long de sa courte carrière. Dans un entretien qu’il accorde à Lynda Morris, André Cadere évoque ses déambulations dans les vernissages et les foire d’art, la singularité de ce geste qui consiste à porter le travail avec soi, à l’exposer et à le présenter de cette façon. « Dans six mois, vous aurez retrouvé vos esprits », lui disait-on régulièrement. C’est clair : au tournant des années 70, Cadere fait figure d’original. Et Lynda Morris se souvient : même le galeriste Konrad Fischer lui confie, à la foire de Cologne en 1972 : « Le Français ? Il va partout avec son bâton, et il parle aux gens, ne t’inquiète pas ». J’aurais tendance à déclarer la même chose à propos d‘Emilio López-Menchero: « L’Espagnol ? Il a tenté d’incarner Picasso, le Che, Rrose Selavy, Cindy Sherman, Frida Kahlo, Raspoutine et Arafat, Engels ou Balzac. Aujourd’hui, c’est Cadere et il se montre aux gens. Ne vous inquiétez pas. Dans six mois, il n’aura pas retrouvé ses esprits ».

Qu’est ce qui peut bien pousser, en effet, Emilio López-Menchero à ces tentatives d’incarnations successives, une bonne quinzaine déjà au total ? L’artiste initie par ces citations une réflexivité et une recréation, mêlant le familier et l’inédit, la reconnaissance et la surprise, l’érudition et la facétie. Transformiste un brin excentrique, López-Menchero, tout en changeant d’identité, trouve la sienne. « Être artiste, dit-il, c’est une façon de parler de son identité, c’est le fait de s’inventer tout le temps ». Chaque œuvre est singulière, chaque « Trying to be » est une aventure particulière, chacun est une construction existentielle, composée d’éléments autobiographiques, de renvoi à d’autres productions, d’une mise en scène de soi-même, d’une réflexion sur les signaux émis par l’icône mise en jeu. C’est, in fine, une construction de soi au travers d’une permanente réflexion sur l’identité et ses hybridités, visitant quelques mythes, leurs mensonges et vérités. López-Menchero déambule entre exhibition, travestissement et héroïsme domestique. Il expose son travail et s’expose à la fois.

Quelques temps avant sa mort en 1978, André Cadere écrit à Yvon Lambert : « Je veux dire aussi de mon travail et de ses multiples réalités, il y a un autre fait : c’est le héros. On pourrait dire que le héros est au milieu des gens, parmi la foule, sur le trottoir. Il est exactement un homme comme un autre. Mais il a une conscience, peut-être un regard, qui d’une façon ou une autre, permet que les choses viennent presque par une sorte d’innocence ». C’est sans aucun doute, une juste définition de la pratique artistique ; elle sied tout autant à Emilio López-Menchero qui a, on le sait, pour principale préoccupation de, sans cesse, retisser du lien et du sens au cœur même de la société.

Si ce « Trying to be Cadere » est un travail de studio, il en est d’autres réalisés parmi la foule, sur le trottoir. Emilio López-Menchero aurait bien rallié le café de l’Oasis à Kain, dans la région de Tournai. On s’en souvient, André Cadere agissait principalement au cœur même du milieu de l’art ; mais s’il déambule principalement dans les vernissages, il lui arrive de sortir des sentiers battus par les amateurs et professionnels de l’art contemporain. Ainsi, avec la complicité de Bernard Marcelis, il invite à la présentation d’une barre de bois rond au Café de l’0asis à Kain, chez monsieur Georges Bolus, cafetier, au 86 de la rue d’Ormont, le 12 décembre 1975. Tout comme le fit Cadere, Emilio López-Menchero aurait bien aimé se faire photographier devant la porte de l’Oasis, sous l’enseigne et la publicité pour une marque d’apéro, barre de bois rond à l‘épaule ; l’Oasis a malheureusement disparu, il n’y a plus qu’un champ à la place du café. Dès lors Emilio López-Menchero a préféré déambuler à Bruxelles, son champ d’action naturel. Il emprunte pour ce faire une autre barre de bois rond, constituée de 52 segments, noir, vert, rouge et blanc, certifiée en 1975 et avec laquelle Cadere déambula dans les rues de New York ; une série de photographies en atteste. Mêlant la fiction à la réalité, l’archive, l’hommage et l’interprétation, López-Menchero se promène en rue, l’air méditatif, portant la longue barre de bois rond à l’épaule, flâneur ne se souciant pas des réactions que la vue de cet étrange porteur ne manque pas de déclencher. Me revient en mémoire, ce petit film noir et blanc tourné par Alain Fleischer, daté de 1973, montrant Cadere montant et descendant le boulevard des Gobelins à Paris. Il se poste ensuite devant les lourdes portes du Palais des Beaux Arts, chemise blanche, pantalon sombre, veste légère, tel que le fit Cadere en septembre 1974, alors que Marcel Broodthaers exposait au Palais. Cherchez l’erreur ; elle est de mise dans le travail d’André Cadere : L’enseigne « Palais des Beaux Arts / Paleis voor Schone Kunsten » a disparu. Les pavés du trottoir aussi. S’inspirant d’un des clichés new yorkais, il se fait photographier le soir, casquette planté sur la tête, la barre de bois rond à la main, sur une terrasse du quartier Nord. On devine dans la pénombre deux tours, aux fenêtres éclairées. Enfin, il rejoint, non loin de Flagey, l’avenue des Eperons d’Or pour deux derniers clichés : le voici, d’une part, en tee-shirt rayé, barre posée au sol, comme s’il était le gardien de la mémoire de l’ancienne galerie MTL, la première qui après celle des Locataires à Paris, montra le travail d’André Cadere. Sur la seconde, le voici en campagne, portant casquette, musette et barre de bois rond, main dans la poche, défiant l’objectif. En fait la pose que Cadere adopte devant l’Oasis à Kain. C’est là comme un juste retour : la barre de bois rond que porte Emilio López-Menchero fut montrée et acquise chez MTL. Hommage à Fernand Spillemaeckers, artiste plasticien, romaniste, critique d’art, théoricien et galeriste hors du commun.

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Emilio López-Menchero, Qui barre démarre, vernissage le 20 septembre, Space Collection, Liège

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero, Trying to be Cadere, photographie NB marouflée sur aluminium, 2013

Barre de bois rond, rail Vignole, tube de polyéthylène : Emilio López-Menchero déambule et, barre à la main, cela ne passe pas inaperçu, qu’il s’agisse d’essayer d’être André Cadere, d’introduire dans l’enceinte d’une foire d’art contemporain un tube de PE de 12 mètres de long, un peu comme l’on glisse le fil dans le chas d’une aiguille, ou d’orchestrer le déplacement d’un rail de chemin de fer au travers de la ville, en guise de tentative de résilience collective face à quelque aberration urbanistique.

Conçue à l’occasion de l’acquisition par la Space du « Trying to be Dutroux », un projet commandité à l’artiste en 2009 à l’occasion de l’exposition « Toute cruauté est-elle bonne à dire ? », cette exposition d’Emilio López-Menchero met l’accent sur trois œuvres récentes de l’artiste. La première est une réflexion sur l’icône, deux barres de bois rond de Cadere à l’épaule. La seconde est une approche pénétrante d’un espace sociologique compact, réévaluant l’œuvre, le monument et la notion de travail. La troisième explore le champ urbanistique, ses failles et cicatrices. Toutes trois ont pour paradigme commun la déambulation d’un objet rectiligne de fort élancement, toutes trois s’inscrivent dans une pratique rituelle, toutes trois s’apparentent au jeu. Et comme au whist, lorsqu’un joueur surenchérit d’un pli : Qui barre démarre.

La présentation de ces « Trying to be Cadere » œuvres inédites produites pour cette exposition, prend, à Liège, une coloration singulière. Très lié à Jacques Charlier, André Cadere exposa en 1975 à la galerie Véga, sise à l’époque rue des Croisiers. En 1978, peu de temps avant son décès, il est reçu chez divers amateurs liégeois afin d’y présenter son travail. A ce titre sera également exposée une barre de bois rond d’André Cadere, l’une de celles avec lesquelles Emilio López-Menchero déambula à l’occasion de la production de ces nouveaux « Trying to be ».

Cette exposition est conçue en collaboration par la SPACE Collection et la galerie Nadja Vilenne.

Vernissage : le vendredi 20 septembre à 19h
Exposition du 21 septembre au 19 octobre
Parallel Event : conférence à propos d’André Cadere avec Jean-Michel Botquin, Jacques Charlier et Emilio López-Menchero. Présentation du catalogue « Space Collection 2003-2013, 10 ans d’acquisitions ». Le vendredi 18 octobre à 19h.

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Emilio Lopez Menchero, Aux Commandes, Maison de l’Architecture, Lille

Organisée conjointement par la Maison de l’architecture et de la ville et artconnexion, l’exposition Aux commandes ! a pour objectif de présenter l’action Nouveaux commanditaires en Nord-Pas de Calais, en particulier les projets concernant la ville et l’architecture. Par ailleurs, elle préfigure l’inauguration de l’oeuvre d’Erwin Wurm, dont la MAV et la SPL Euralille sont commanditaires, sur la Place François Mitterrand à Euralille.

Depuis le début des années 1990, l’action Nouveaux commanditaires soutenue par la Fondation de France permet à des citoyens confrontés à des enjeux de société ou de développement d’un territoire d’associer des artistes contemporains, des designers ou des architectes, à leurs préoccupations par le biais d’une commande. Son originalité repose sur une conjonction nouvelle entre trois acteurs privilégiés : l’artiste, le citoyen commanditaire, le médiateur culturel, agréé par la Fondation de France, accompagnés de partenaires publics et privés réunis autour du projet. artconnexion est un des 4 établissements agréés en France et met en oeuvre des projets en Nord-Pas de Calais, Picardie et Normandie.

Exposition à la Maison de l’architecture et de la ville
Place François Mitterand, Euralille
Exposition du 10 avril au 15 juin 2013
Du mardi au vendredi de 10h à 12h30 – 14h à 17h
Le samedi de 11h à 18h
Entrée libre

Vito Acconci, Jyll Bradley, Patrice Carré, Matali Crasset, Wim Delvoye, Hamish Fulton, Qubo Gas, Emilio López-Menchero, Stéphane Magnin, Kinya Maruyama, Simon Patterson, Erwin Wurm.

Emilio Lopez-Menchero à Belencontre (Tourcoing)

Belencontre est un quartier de Tourcoing dit « prioritaire », en pleine rénovation et emblématique de l’évolution du riche passé industriel de la ville. Sur la friche des teintureries des Francs, deux programmes immobiliers sont programmés. L’usine SEBI (anciennement Etablissements Tiberghiens) est démolie et de nouveaux logements HQE sont construits. Les barres d’immeubles Belencontre construites dans les années 60 sont en train d’être démolies ou rénovées. Le centre socioculturel du quartier a toujours été très actif. L’actuel directeur, Monsieur Gérard Chaubiron, est en poste depuis 22 ans et connaît donc depuis longtemps les commanditaires. En 2009, un groupe « Mémoire » dont les commanditaires ont fait parti, a participé a des ateliers-écriture et un livre a été réalisé sur l’histoire du quartier. Suite à cette expérience, ils ont passé commande d’une oeuvre afin de préserver l’identité forte du quartier malgré ces changements. Les commanditaires souhaitent une oeuvre qui « évoque l’histoire et l’avenir du quartier dans l’esprit du partage et du bien vivre ensemble – un point de rencontre ».

Emilio Lopez-Menchero propose de créer un espace de rencontre constitué de plusieurs éléments symboliques du quartier. Le premier est une statue de style classique faisant anciennement partie du parc de la ville, qui fut détériorée. L’objectif est de la restaurer en différenciant les nouveaux éléments, avec la couleur et les matériaux, afin qu’elle retrouve sa notoriété d’antan tout en ayant un style plus contemporain. Celle-ci constituera la première étape du projet.

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Art Brussels 2013, les images (2)

Honoré d’O
Sans titre, 2006

Technique mixte, dimensions variables

A droite :
Walter Swennen
Bleu et rouge sur jaune, 2012
Huile sur toile, 100 x 120 cm.

Aglaia Konrad
Undecided frames, 2012
photographies couleurs, 54 x 41 cm (Ed 5/5)

Emilio Lopez Menchero
Pater, 2012
Huile sur toile, 150 x 133 cm.

Capitaine Lonchamps
Neige (de la série Feuillade, Barabas), 2011
Technique mixte sur photographie ancienne, 18 x 24 cm

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