Archives de catégorie : Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita, Walter Swennen, Arco Madrid 2014, les images (1)

Walter Swennen

Walter Swennen
Barque funèbre, 2014
Huile sur toile, 60 x 80 cm

Walter Swennen
Poisson vert, 2012
Huile sur bois, 45 x 57 cm

Walter Swennen

Walter Swennen
Poisson vert, 2012
Huile sur bois, 45 x 57 cm

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita, Tokonoma, technique mixte, 200 x 150 x 80 cm, 2014

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Arco Madrid 2014, Suchan Kinoshita et Walter Swennen,19-23 février 2014

Arco

La Galerie participe à l’édition 2014 de ARCO Madrid.

Suchan Kinoshita et Walter Swennen
Hall 7, stand D01

Dates & Opening Hours
19th – 23rd February 2014
Professionals: Wednesday 19, from noon to 9 pm & Thursday 20, from noon to 8 pm.
General public: Friday 21, Saturday 22 & Sunday 23, from noon to 8 pm.

Where
Halls 7 & 9 at Feria de Madrid

Walter Swennen

Walter Swennen, garder la chambre, 2012, huile sur toile, 120 x 100 cm

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita, Tokonoma, 2012

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Suchan Kinoshita, 5e biennale de Moscou

biennale Moscou

Catherine de Zegher, the Curator of the Fifth Moscow Biennale of Contemporary Art was the Artistic Co-Director of the 18th Biennale of Sydney, Australia (2012), Guest Curator in the Department of Drawings at the Museum of Modern Art in New York and Visiting Curator at Tapies Foundation in Barcelona. In previous years, de Zegher held positions as Executive Director and Chief Curator of The Drawing Center in New York (1999-2006) and was Director of Exhibitions and Publications at the Art Gallery of Ontario in Toronto.

Commenting on her plan for the upcoming biennale, Catherine de Zegher emphasized: “Entitled ‘Bolshe Sveta / More Light’ the 5th Moscow Biennale promotes enlightened conversation and action, at the crossroads, where different concepts of space and time, and consequent structures of thought and sensibility, are elaborated. In many parts of the world, the contemporary global network society is developing a very specific space-time dimension that tends to clash with other space-time dimensions. In this interconnected world, space and time concepts no longer acknowledge our place in a present that is here and now, because in the flow of globalization, a local chronotopy in which our perception of time is connected to a geographically defined place, is supplanted by a global chronotopy. With world time increasingly ticking in a homogeneous manner to the rhythm of neo-liberal capitalism, space is obliterated by time. The artists in the 5th Moscow Biennale point out an urgent need to enact another kind of movement in the world. By entering slow time and slow attention, there is an increased receptiveness to sensation and movement—an unfolding that profoundly belongs to art and aesthetics. Together with audiences, these artists engage in the continuities between past, present, and future, through a focus on daily routines and habits, in a time that is of the present, sometimes intimate and domestic, and that is related to our environment. The most familiar meanings of place and time are here linked with great currents of space-time, of thought and art, in an attempt to shed more light on large problems and questions of our time in society.”

Catalogue

The catalogue of the 5th Moscow Biennale, one of the most memorable art events of the year in Moscow, will not only introduce innovative thinking and practices of a wide group of international and local artists, but will also contain a set of unique texts by leading historians and critics of contemporary art. The authors include Keti Chukhrov, Alexei Penzin, Pascal Gielen, Svetlana Boym, Gabriel Gorodetsky, Souchou Yao, and Catherine de Zegher.

Location: Manege

The main project will be shown in the central exhibition hall of Manege. Today, Manege is one of the most prestigious venues in Moscow. Its building was initially constructed in 1817 by Spanish engineer Agustín de Betancourt. The Manege is an architecturally unique building and is situated next to the Kremlin in the centre of Moscow. In 2005 the building underwent major reconstruction and is now equipped with the most modern exhibition facilities.

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Suchan Kinoshita, Here is always somewhere else, Kasteel Oud Rekem

Suchan Kinoshita, Isofollies

Suchan Kinoshita, Isofollies

Ces astéroïdes sont apparus en 2004 dans l’œuvre de Suchan Kinoshita, une sorte de jardin de sculptures, comme des notes de musique tombées d’une portée, des aérolithes jalonnant un espace de déambulation. Volumes noirs ronds, ventrus, aux formes parfois plus étranges, ils opèrent dans l’espace d’exposition, sans qu’on sache ce qui les constitue. En fait, ils agissent comme une sorte de pétrification, comme de grosses scories de temps. Sur le lieu même de l’exposition, dans les caves et greniers de la maison, l’artiste a récolté et entassé des objets de rebut, des déchets de toutes sortes, ce qui a été abandonné, n’a plus d’utilité. Suchan Kinoshita en constitue des ballots de diverses tailles ; elle les momifie au sens propre comme au figuré, les serre dans de longues bandes de plastique industriel, élastique et noir, roulent ces ballots sur le sol comme s’il s’agissait de boules de neige, les compressant, compactant ces rebuts ainsi fossilisés. C’est le temps du lieu que voici pétrifié.
En 2006, lors d’une exposition à l’Ikon Gallery à Birmingham sont apparus trois nouveaux astéroïdes que l’artiste nomme désormais « Isofolies », du nom du plastique qu’elle utilise. Ce sont, cette fois, les résidus du montage de l’exposition que Suchan Kinoshita utilise. Le premier ensemble de ces sculptures devient ainsi un principe délocalisé. Kinoshita est invitée quelques mois plus tard par la biennale de Sharjah, aux Emirats Arabes Unis. « Still Life, art, ecology and the political of change » aborde les défis sociaux, politiques et environnementaux, le développement urbain excessif et l’épuisement progressif des réserves naturelles. Tout naturellement, Suchan Kinoshita propose de produire une troisième ensemble d’ « Isofolies ». L’ensemble, constitué d’une quinzaine d’œuvres, est à nouveau produit in situ, avec les déchets et rebuts trouvés sur place. Cet espace de pensée né dans un contexte quasi domestique, temps compressé d’un lieu, du vécu de ses habitants successifs, prend une dimension de recyclage, de délocalisation des déchets, comme de recyclage du principe même qui conduit la création de l’objet. A Birmingham c’était le temps d’un centre d’art contemporain, à Sharja, une dimension plus large, plus actuelle face aux défis du temps.
Les élevages de poussière de Marcel Duchamp, photographiés par Man Ray en 1920 et que ce dernier rebaptise « vue d’aéroplane » ne sont pas que déroutement logico-sémiotiques. « Pour les tamis dans le verre, écrit Marcel Duchamp dans les notes sur le grand Verre – laisser tomber la poussière sur cette partie, une poussière de trois à quatre mois et essuyer bien autour de façon à ce que cette poussière soit comme une sorte de couleur (pastel transparent) ». Suchan Kinoshita a également élevé de la poussière. Durant les années 90, elle exposa des boules compactes de poussières ainsi récoltées (Staub) ; elle érigea de complexes architectures d’étagères, uniquement destinés à recevoir la poussière du temps (Staubstelle). Plus récemment, « Hochwasser » est une simple plaque de plâtre exhumée d’une cave ; elle est partiellement couverte d’un dépôt de crasse, porte les traces d’une inondation passée. Et Suchan Kinoshita l’expose telle quelle, tout comme cette toile (Zen for beginners), écran empoussiéré d’une caisse de résonance d’un harmonium. Quelle est donc la résonance de l’objet, et de l’œuvre ainsi créée ?
« Isofolies » est ainsi et de même, un objet qui se soustrait à lui-même. Nous ne voyons pas ce que ces ballots contiennent ; et sans doute sommes nous informé de ce qui les constitue. C’est dans cet intervalle que se situe, entre ce que nous voyons et ce qui nous est donné à voir, ou ne pas voir, la richesse de sens multiples de l’œuvre.

Suchan Kinoshita, Isofollies

Suchan Kinoshita
Isofollies, 2007
mixed media, variable dimension
14 éléments

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Jacqueline Mesmaeker, Suchan Kinoshita, Marie Zolamian, « Here is always somewhere else »

 vernissage 4 août 2013

Vernissage le samedi 4 août 2013 à 15 h

Château d'Aspremont

Jacqueline Mesmaeker, Suchan Kinoshita et Marie Zolamian participent à cette exposition organisée au Château d’Aspremont-Lynden à Oud Rekem. Son titre s’inspire du film réalisé par René Daadler sur l’œuvre de Bas Jan Ader : « Here is always somewhere else »

Commissariat :
Annemie Van Laethem & Aischa Berg

Artistes :
Bas Jan Ader (NL) Mil Ceulemans (BE) Vincent Dams (NL) Wouter Feyaerts (BE) Christoph Fink (BE) Tina Gillen (LU/BE) Suchan Kinoshita (Nl), Ermias Kifleyesus (ET/BE) Bodys Isek Kingelez (CG) Bettina Marx (DE) Jacqueline Mesmaeker (BE) Jewyo Rhii (KR) Gert Robbijns (BE) Maher Al Sabbagh (SY/NL) Edward Clydesdale Thomson (UK/DK) Rosemarie Trockel (DE) Roy Villevoye (NL) Marie Zolamian (LB/BE)

Informations :
Kasteel d’Aspremont-Lynden, Groenplaats 1- (BE) 3621 Oud-Rekem
28 juli – 29 september 2013
Samedi et dimanche de 11 à 18h
+32 496 76 48 08

Château d'Aspremont

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Suchan Kinoshita, Isofollies, revue de presse

Lu sur le site le Salon, cette recension à propos de l’exposition Locus Solus, Avenue de Jette, Institut de Carton.

(…) Guide: Paul van der Eerden
Kinoshita’s Isofollies and Bambara

Bolis When I first saw the Kinoshita’s Isofollies, they seemed familiar to me even though I had never seen them before. They reminded me of the objects the Bambara from Mali call Boli. Bolis are sacred objects that are seen as the accumulations of secret knowledge accessible only to the initiated. They are containers for the collective memory and for the history of the tribe. The Bambara take care of them, ‘nourishing’ them with libations of blood, millet beer and other substances that enhance the Boli’s power. Their surface is a closed and impregnable crust of different materials. To the initiated, they have a presence that goes beyond the object itself: they are real, and as such they not only take up their actual space, as objects, they also occupy a mental space in the memory and ideas of the people. Kinoshita’s Isofollies have the same closed appearance: they look like mysterious aliens. And, when you encounter them for the first time, you only can guess about the actual content of the work, or about its meaning. The Isofollies are containers of debris, leftovers from previous shows that Kinoshita has now wrapped in plastic. Like the Bolis, they are accumulations of material, and they capture their own space. They clearly don’t want to be realistic sculptures, but they are what sculptor Tony Smith calls ‘presences’. They don’t question the nature of sculpture, just as the Bolis don’t question ‘art’, but they are present, they occupy their own space, in reality and in the memory or conscience of the viewer. And so, in my memory, I had an image of a Boli I had seen somewhere. And although memory isn’t reality, it is felt or experienced as real. I had never seen the Isofollies before, but, in the associations they prompted in my mind with objects of a different nature, they became familiar, real.(…)

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Suchan Kinoshita, People can only deal with the fantasy when they are ready for it. De Paviljoens 2001 – 2012. Almere

Suite à son exposition « The right moment at the right place »,  le musée De Paviljoens à Almere a acquis tout récemment une œuvre sonore de Suchan Kinoshita. « Passant » diffuse dans l’espace où l’oeuvre est installée, le bruit assourdissant du passage d’une rame de métro à New York. Toutes les 17 minutes, le son sature littéralement l’espace, même et surtout dans le silence qui suit le passage de la rame, moment d’un surcroît de présence. Les visiteurs de l’exposition « Yukkurikosso Yoi » (2006) se souviennent peut-être de résonnances de l’œuvre dans l’espace de la galerie. On l’entendra désormais dans les pavillons de Robbrecht en Daem, conçus pour la Documenta de 1992, aujourd’hui reconditionnés à Almere.  « Passant » est, en effet, à entendre au musée d’Almere dans le cadre de l’exposition « People can only deal with the fantasy when they are ready for it ».  On y verra également des œuvres de Yael Davids, Job Koelewijn, Barbara Visser, Meschac Gaba, Germaine Kruip, Bik Van der Pol et d’autres.

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Aglaia Konrad, Suchan Kinoshita, Locus solus domesticus, les images

LOCUS SOLUS DOMESTICUS est une interprétation contemporaine de certains éléments de Locus Solus (1914) de Raymond Roussel. Le livre est le compte rendu d’une visite guidée du parc entourant la villa du scientifique Martial Canterel. A Locus Solus, le nom de la propriété, Canterel a rassemblé  toute une série d’oeuvres extraordinaires, apparemment sans rapport de contenu, mais plutôt en se basant sur l’idée que ces oeuvres sont un exemple phénoménal d’épreuves casi impossibles. Chacune des épreuves est le résultat d’une procédure qui est présentée aux visiteurs du parcours comme un procédé. Dans tous les cas le procédé est de nature exceptionnelle et le résultat en est l’aboutissement. Tout dans l’esprit de Canterel, l’Institut de Carton a choisi des oeuvres artistiques où le rôle du procédé, la perception et le résultat parfois fort extraordinaire sont d’une importance primordiale. L’exposition met l’accent sur l’expérience sensorielle du parcours à faire le long des oeuvres choisies. Ainsi la visite de l’exposition se fera uniquement sous forme de visite guidée. Les guides sont recrutés parmi les artistes participants ou seront spécialement invités pour l’occasion.

LOCUS SOLUS DOMESTICUS is a contemporary interpretation of elements of the book Locus Solus (1914) by Raymond Roussel. The book tells the story of a guided tour at the country estate Locus Solus. At the estate the scientist Martial Canterel has assembled a large number of extraordinary works, apparently not content related to each other, but rather united by the idea that each work is a phenomenal example of a nearly impossible task. These tasks are all the result of some procedure, which is presented to the visitors as a process. In each case the process is extraordinary, which is reflected in the result. In the spirit of Canterel, the Institut de Carton has chosen works of art in which the role of the procedure, the perception and the often highly extraordinary result are an important factor. In the show special attention will be paid to the sensory experience of the route through the works. Therefore the exhibition can only be visited in guided tours. The guides will be selected among the participating artists or will be specially invited.

Suchan Kinoshita, Isofollies, mixed media, 2007.

Aglaia Konrad, Undiceded frames, photographies couleurs, impression numérique, 54 x 41 cm, 2012. Ed 5/5

Aglaia Konrad, Boeing Over, 2003, silver gelatin print on alu, 32 x 48 cm

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Suchan Kinoshita, Suchkino, Stedelijk museum, Amsterdam

Invitée à participer à l’exposition inaugurale du Stedelijk Museum rénové à Amsterdam, Suchan Kinoshita a décidé d’investir l’auditorium voisin des espaces dévolus à cette première exposition temporaire,  intitulée « Beyond Imagination » et placée sous le commissariat de Martijn Van Nieuwenhjuyzen et de Kathrin Jentjens.
Les gradins de cette nouvelle salle, les sas d’entrée qui y mènent, ne pouvaient, en effet, qu’attirer l’attention de l’artiste. Suchan Kinoshita en a transfiguré l’espace, y érigeant, d’un angle à l’autre de la salle, un monumental ponton en meranti, d’une fascinante légèreté. Construit à partir d’un parquet de salle de gymnastique que l’artiste a récupéré, les pilotis de cette construction épousent les marches de ces gradins en un échafaudage d’un bel ordonnancement tandis que l’étroit ponton, aux fines lattes de parquet ponctuées de lignes colorées et de petits carreaux jaunes, bleus, rouges, surplombe l’espace et confère à celui-ci une dynamique singulière.

Contemplant l’échafaud qui soutient ce ponton, me revient en mémoire la série des « Jetées et Océans » (1914) de Piet Mondrian, ces œuvres qui ont pour seule structure des lignes verticales et horizontales et qui expriment la tension de l’homme (verticalité) face à l’océan et au ciel (horizontalité). Cependant, comme dans « Tokonoma » ou dans « Diagonale Dialemma » ces deux œuvres récentes de Suchan Kinoshita, c’est l’oblique, la diagonale du ponton que l’artiste impose à l’espace. Ainsi bascule-t-il sur un axe qui, par sa dynamique, affirme l’allant du mouvement. Ce ponton semble libéré de la gravitation.

Un auditorium est par nature un lieu de regard et d’écoute. Suchan Kinoshita le transforme en lieu d’action potentielle. Ces trois dimensions n’ont rien d’incompatible ; elles sont même au cœur de sa pratique artistique.
L’Engawa, dans l’architecture traditionnelle japonaise, est une passerelle de bois, extérieure, un plancher surélevé, courant le long de la maison. C’est un lieu de passage, coiffé d’un toit pentu ; l’engawa module la relation entre l’intérieur et l’extérieur. On s’y arrête, on s’y assoit afin de contempler le jardin ou le paysage, on y médite.  Je me rappelle l’Engawa que Suchan Kinoshita érigea pour l’exposition « In ten minutes » au Ludwig museum à Köln. Simple plancher légèrement surélevé, rythmé par ses pilotis, extrait du même parquet de gymnase, il divisait l’espace vibratoire de l’exposition, invitant le spectateur à s’y asseoir afin de contempler un champs d’aérolithes, les « Isofollies » de l’artiste, jardin ponctué des scories d’un temps pétrifié.

Ce concept de passerelle, de lieu de passage existe également dans l’organisation de la scène de Nô. L’accès à la scène se fait pour les acteurs par le hashigakari, passerelle étroite à gauche de la scène, dispositif adapté ensuite au kabuki en chemin des fleurs (hanamichi). Considéré comme partie intégrante de la scène, ce chemin est fermé côté coulisses par un rideau à cinq couleurs. Le rythme et la vitesse d’ouverture de ce rideau donnent au public des indications sur l’ambiance de la scène. À ce moment l’acteur encore invisible, effectue un hiraki vers le public, puis se remet face à la passerelle et commence son entrée. Ainsi, il est déjà en scène avant même d’apparaitre au public tandis que le personnage qu’il incarne se lance sur la longue passerelle.
Assurément, le ponton de Suchan Kinoshita tient autant du Engawa que du Hashigakari.

A dessein, Suchan Kinoshita brouille régulièrement les frontières qui peuvent exister entre sphère privée, celle du temps de la méditation, de la concentration, et espace public ; elle est tant attentive à la contemplation qu’à l’action, à l’énoncé qu’à la traduction, à l’interprétation de celui-ci. Ainsi confond-elle également régulièrement les rôles qui animent le processus créatif, la diversité des espaces mis en jeu, les disciplines artistiques même, choisissant la position qui consiste à ne jamais dissimuler le processus mis en œuvre, mais plutôt à en affirmer le potentiel performatif, afin de créer de la pensée, et par ricochet de la pensée en d’autres lieux, là même où celle-ci échappera à son contrôle. Ce ponton est une œuvre en soi ; il a une indéniable puissance plastique. Il opère également comme dispositif, ce que Suchan Kinoshita appelle un « set », soit un lieu et un moment d’interaction, un protocole associant des instructions ou des exercices participatifs ou des invitations à l’improvisation. Cette fois, elle précise même qu’elle a agencé ce dispositif pour « une performance non annoncée ». Tout en haut des gradins, une série d’objets est disposée sur des étagères. Ils sont en attente d’une performance, d’un performer. Suchan Kinoshita a décidé du protocole : il s’agira de déambuler sur cette scène – passage avec l’un de ces objets.  L’œuvre s’appelle « Suchkino », une appellation qui touche à l’imaginaire, comme une contraction de son prénom et de son patronyme, comme un set linguistique également, entre la racine grecque « kiné » qui évoque le mouvement, le déterminant anglais « such », un tel mouvement ou le verbe allemand « suchen », chercher le mouvement.

Suchan Kinoshita s’adresse tant au performer attendu qu’au regardeur potentiel. Je repense à Jacques Rancière qui, dans l’Emancipation du Spectateur, écrit : « Il y a partout des points de départ, des croisements et des nœuds qui nous permettent d’apprendre quelque chose de neuf si nous récusons premièrement la distance radicale, deuxièmement la distribution des rôles, troisièmement les frontières entre les territoires ». C’est bien là que réside la position de Suchan Kinoshita. « Ce que nos performances vérifient, écrit également Rancière, – qu’il s’agisse d’enseigner ou de jouer, de parler, d’écrire, de faire de l’art ou de le regarder,  n’est pas notre participation à un pouvoir incarné dans la communauté. C’est la capacité des anonymes, la capacité qui fait chacun(e) égal(e) à tout(e) autre. ». Au-delà même de l’imagination que chacun développera en toute autonomie.

J’ai vu, lors du vernissage de l’exposition un jeune performer, Simon Brus, s’emparer d’un objet cruciforme d’abord, d’une chaise ensuite. La chorégraphie qu’il improvisa sur l’étroite scène du « Suchkino » fut longue et singulière, intérieure, comme une conscience du corps, tantôt arrêté, tantôt en mouvement. Sortant de l’auditorium, j’ai découvert deux écrans. De petites caméras de surveillance sont fixées sur certains pilotis. Elles enregistrent et diffusent dans les sas de l’auditorium des fragments de temps et d’espace du « Suchkino ». Sur les écrans, apparaissent des images saccadées qui sont déjà une autre réalité.

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Tokonoma, diray (11)

20 septembre

Il y a quelques jours, Suchan Kinoshita me proposait de demander à chaque artiste les intitulés exacts de chacune des œuvres intégrées dans « Tokonoma ». De fait, bien qu’elles participent aujourd’hui du dispositif, elles conservent, toutes, leur autonomie.

Relisant les notes que j’ai prises durant ces quelques semaines, je me rend compte que toutes sont singulièrement ancrées dans le corpus personnel de chacun des participants et que leurs choix sont à cet égard particulièrement signifiants. Nous sommes surpris par la richesse de réflexions diverses qu’offre le dépôt de chacune d’elles au cœur même du dispositif. Toutes ces contributions y trouvent une énergie supplémentaire offrant dès lors un champ spéculatif élargi aux dimensions spirituelles du dispositif. Elles interagissent entre elles tout en participant de l’ensemble. Dans certains cas, elles génèrent même une lecture que l’on aurait, a priori, à peine soupçonné. Cette expérience spatio-temporelle a, en effet, multiplié les rapports, les contrastes, les conditions de perception, leur variabilité. Un visiteur, qui observait les artistes au travail, me faisait part de son admiration pour la précision des gestes ; il entendait par là, l’exactitude et la détermination du geste physique. Cette précision, me semble-t-il, est beaucoup plus fondamentale, ne laissant que peu de place au hasard. Chaque étape du travail fut en effet précise, y compris celles qui ne sont plus visibles, l’ensemble évoluant au rythme d’une mécanique interne d’autant plus troublante que jamais elle ne sembla s’enrayer. Certes, les artistes qui ont contribué à ce protocole initial se connaissent bien, parfois depuis longtemps ; ils ont une attention permanente pour leurs travaux respectifs. Certains ont déjà collaboré à des projets communs, Suchan Kinoshita prêtant sa voix à une pièce sonore d’Aglaia Konrad (Her City, 2005) ou collaborant à la mise en scène d’un film d’Eran Schaerf et d’ Eva Meyer (Pro Testing, 2011), Aglaia Konrad et Willem Oorebeek concevant une exposition de concert mise en espace par Kris Kimpe (Monolith/Life, 2011), Olivier Foulon s’appropriant une œuvre de Walter Swennen (Le Souffleur ou L’homme assis (dans le carré de) la peinture, 2008). Ces quelques exemples de connivences n’expliquent néanmoins pas tout. Il y  indubitablement, au delà des préoccupations personnelles, un sens commun, une forme d’être ensemble, entre les mots et les choses, là où l’image, dans son acception la plus large et y compris en son absence, fait sens. A ce titre, c’est ce Tokonoma, dans son entièreté, qui devient espace de pensée. Précaire, sans doute, et affirmé comme tel, dans un équilibre que d’un seul geste on peut anéantir. Il suffit pour cela d’ôter la rampe diagonale qui solidarise l’ensemble. Nous sommes ici, pour reprendre les termes qu’utilise Jacques Rancière, dans « un dispositif spatio-temporel au sein duquel mots et formes visibles sont associées en données communes ». Le problème posé, poursuit-il, « n’est pas d’opposer la réalité à ses apparences. Il est de construire d’autres réalités, d’autres formes de sens commun, c’est-à-dire d’autres dispositifs spatio-temporels, d’autres communautés des mots et des choses, des formes et des significations ». En quelque sorte créer des « configurations nouvelles du visible, du dicible et du pensable, et par là même un paysage nouveau du possible ». Ce « Tokonoma » n’a rien d’une nouvelle forme de cadavre exquis ; au contraire, chacun a réagi en connaissance de cause, informé de l’avancement des travaux, ou même de façon simultanée, en pleine compréhension de l’initiale proposition et du scénario envisagé par Suchan Kinoshita. Ce ne fut ni un network, ni un appel à participation à propos d’une préoccupation commune où chacun envisagerait l’une ou l’autre nouvelle production afin de se mettre en relation avec les autres participants. Au contraire, chacun puisa dans le corpus même de sa production, affirmant l’autonomie de l’œuvre ou des œuvres sélectionnées, tout en envisageant ce « display » comme un paysage nouveau du possible. Il me semble que tous partagent, d’une manière ou d’une autre et comme motivation première, celle qui conduit la nécessiter de créer, cette possibilité d’un ici et d’un ailleurs, d’un alors et d’un maintenant, sans pour autant anticiper le sens ou l’effet que l’œuvre produira. Y compris pour ce « Tokonoma », installation sans début, hormis bien sûr le Diagonale Dialemma de Suchan Kinoshita, catalyseur de ce statement, et sans fin annoncé car, de fait, celle-ci ne peut, de facto, être anticipée.

J’évoquais récemment avec Suchan Kinoshita l’espace investi par le dispositif, l’installation elle-même, y compris dans un sens pratique. Il faudra bien à un moment donné, et avec précaution, désolidariser la rampe de l’ensemble des plans qui s’y ancrent. Certes, ce « Tokonoma » a été dessiné aux dimensions de la nef de la galerie. Pourrait-il être installé ailleurs ? Assurément, me répond, Suchan Kinoshita, après n court temps de réflexion : l’installation crée son propre espace, physique et mental.

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