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Emilio Lopez Menchero, Centrale for contemporary art (8)

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition (photo Philippe De Gobert)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Rasputin, 2007
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 108 x 129 cm. Edition 5/5

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition (photo Philippe De Gobert)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Engels, 2011
Photographie N.B marouflée sur aluminium, Edition 5/5

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Carlos, série, 2011
Concept & performance : Emilio López-Menchero, photo : Emilio López-Menchero, Jonathan Rosic, Annabelle Guetatra, costumes, accessoires, décor : Emilio López-Menchero, Jonathan Rosic, Annabelle Guetatra. Coiffure, maquillage : Urteza da Fonseca, Annabelle Guetatra. Technique lumière : Philippe Leclercq
Photographies couleurs et NB, marouflées sur aluminium, (9) x 22,2 x 30 cm.
Edition 5/5

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition (photo Philippe De Gobert)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Rrose Sélavy, 2005 -2006
Photographie N.B marouflée sur aluminium, 74,5 x 91,5 cm. Edition 5/5

Depuis le début des années 2000, Emilio López-Menchero tente de régulières incarnations . S’approprier le fascinant regard de Pablo Picasso (2000). Habiter Rrose Selavy (2005). Se substituer à Harald Szemann (2007). Incarner les quelques minutes de célébrité wharolienne façon Russell Means (2005). Mettre à nu le monumental Balzac de Rodin (2002). Changer de sexe et composer une Frida Kahlo qui, elle-même, se met en scène (2005). Prendre la pose hiératique de Raspoutine (2007). Conquérir la face christique de Che Guevara (2001). Coiffer le keffieh d’Arafat (2009). Se transformer en Carlos, terroriste et maître de la ruse ou du travestissement (2010). Prendre la pose comme Fernand Léger (2014) qui, lui aussi, troqua le tire-ligne de l’architecte pour les pinceaux du peintre. Quelles motivations peuvent bien pousser Emilio López-Menchero à ces tentatives d’incarnations successives, une petite vingtaine déjà au total ? Lorsqu’il campe l’« autoportrait de Pablo Picasso torse nu en culotte de boxeur » (2000), une photographie prise dans l’atelier de la rue Schoelcher en 1915 ou 1916, tout l’enjeu, dit-il, est de restituer cette autocélébration photographique, tant celle du corps que du génie artistique, dont usa fréquemment le peintre espagnol. Il ne s’agit pas de pasticher le cliché photographique, de singer Picasso, mais bien d’incarner cet « être peintre » autant que les archétypes de l’Espagnol viril et macho. Ainsi, l’artiste initie par ces citations une réflexivité et une recréation, mêlant le familier et l’inédit, la reconnaissance et la surprise, l’érudition et la facétie. Transformiste un brin excentrique, voire même extra¬vagant, López-Menchero, tout en changeant d’identité, trouve la sienne. « Être artiste, dit-il, c’est une façon de parler de son identité, c’est le fait de s’inventer tout le temps » . Chaque œuvre est singulière, chaque « Trying to be » — c’est le titre de la série — est une aventure particulière, chacun est une construction existentielle, composée d’élé¬ments autobiographiques, de renvoi à d’autres productions, d’une mise en scène de soi-même, d’une réflexion sur les signaux émis par l’icône précisément envisagée. C’est, in fine, une construction de soi au travers d’une permanente réflexion sur l’identité et ses hybridités, explorant quelques mythes, leurs mensonges et leurs vérités. L’artiste déambule entre exhibition, travestissement et héroïsme domestique. « Tout artiste vrai est un héros ingénu » écrit Émile Verhaeren, à propos de James Ensor dont Emilio López-Menchero revisitera le portait au bibi à fleurs et plumes (2010). Un héros ingénu, certes. A ce sujet me revient cette lettre d’André Cadere à Yvon Lambert, écrite quelques temps avant sa mort en 1978 : « Je veux dire aussi de mon travail et de ses multiples réalités, il y a un autre fait : c’est le héros. On pourrait dire que le héros est au milieu des gens, parmi la foule, sur le trottoir. Il est exactement un homme comme un autre. Mais il a une conscience, peut-être un regard, qui d’une façon ou une autre, permet que les choses viennent presque par une sorte d’innocence » . C’est sans aucun doute, une juste définition de la pratique artistique ; elle sied tout autant à Emilio López-Menchero qui incarnera d’ailleurs André Cadere (2013), portant sur l’épaule l’une des barres de bois rond de l’artiste roumain, s’inspirant d’une photographie désormais célèbre prise par Bernard Bourgeaud en 1974. On ajoutera que l’héroïsme peut, en effet, être domestique : j’en veux pour preuve ce film qu’Emilio López-Menchero intitule « Lundi de Pâques » (2007), making off vidéographique d’un « Trying to be John Lennon », inspiré de la pochette du LP « Let it be ». Ce film, réalisé avec les moyens du bords, ce qui lui confère une indéniable intimité, est une longue série de tentatives quasi pathétiques de prendre la pose et d’habiter Lennon au cours d’un huis clos familial d’un réalisme saisissant. Le « Trying to be » se décline ici en « Let me be » tandis que le lundi de Pâques est un jour d’exception, un jour, un nouveau jour, une métamorphose régénératrice.

Emilio López-Menchero ne pouvait que s’emparer du célèbre cliché que Man Ray fait de Marcel Duchamp déguisé en femme, cette photo d’identité travestie de Rrose Selavy, « bêcheuse et désappointante, altière égo » de l’artiste, « Ready Maid » ducham¬pienne. Habiter Rrose Selavy (2005) est l’archétype du genre, du transgenre. De même, il était en quelque sorte attendu, ou entendu, qu’il incarne également Cindy Sherman (2009). Depuis ses tout premiers travaux il y a plus de trente ans, l’artiste américaine se sert presque exclusivement de sa propre personne comme modèle et support de ses mises en scène. Regard sur l’identité, frénésie à reproduire son moi, son travail est ultime enjeu de déconstruction des genres entre mascarade, jeu théâtral et hybridation. De Cindy Sherman, Emilio López-Menchero a choisi l’un des « Centerfolds » réalisés en 1981, ces images horizontales, comme celles des doubles pages des magazines de mode et de charme, commanditées par Artforum mais qui ne seront jamais publiées, la rédaction de la célèbre revue d’art estimant qu’elles réaffirment trop de stéréotypes sexistes. L’artiste américaine — et du coup Emilio López-Menchero — incarne une femme vulnérable, fragile, sans échappatoire, captive du regard porté sur elle.

Comme dans le cas de Cindy Sherman, les mises en scène de ces « Trying to be » ne sont destinées le plus souvent qu’à la photographie, plus rarement à la vidéo. Emilio López-Menchero se transforme par le maquillage, le costume, les accessoires, il tente de surveiller son régime avec pondération, contrôle le poil, et surtout prend la pose, la pose la plus proche de l’icône de référence, mais dans une totale réappropriation person¬nelle, le plus souvent fondée sur une recherche documentaire qui bien souvent oriente le processus de (re)création. Ainsi, lorsqu’il découvre la physionomie du portrait de Balzac aux bretelles, dit de Nadar, Napoléon des lettres, main sur le cœur, photographié par Buisson en 1842, c’est la question de physionomie et le hasard d’une éventuelle ressem¬blance qui l’incite. En même temps, il abordera également les clichés du Balzac Monumental de Rodin pris par Edward Steichen, diverses études préparatoires que réalise Rodin, ce qui le mènera à la sculpture du Balzac elle-même. En fait, ce redou¬blement entre la sculpture et ses avatars photographiques, entre la physionomie de Balzac et l’œuvre de Rodin condense le processus d’incarnation qu’il entreprend. Celui-ci débouchera sur cette exhibition qui dénude le génial geste sculptural de Rodin, autant que le corps de l’artiste. Exhibant nudité et virilité, López-Menchero démonte le geste de synthèse de Rodin qui sculpta d’abord le corps nu de l’écrivain avant de le couvrir de sa robe de bure. Il est dès lors autant Balzac que la sculpture de Rodin.
Pour personnifier l’artiste mexicaine Frida Kahlo, il ne choisit pas l’un des nombreux autoportraits de l’artiste, mais bien une photographie de Nickolas Muray, « Frida on Withe Bench », datée de 1938, un portrait frontal, une mise en scène également. C’est ce manifeste politique et culturel en faveur d’une culture mexicaine autonome qui intéres¬se Emilio López-Menchero. L’intime, l’artistique, l’engagement social et politique trans¬figurent Frida qui, par ailleurs, déclare qu’elle s’auto portraiture souvent parce qu’elle est la personne qu’elle connaît le mieux. Lorsque tout récemment, on lui propose d’in¬car¬ner Fernand Léger, il jette son dévolu sur un cliché pris en 1950 par Ida Kar, photo¬graphe russe d’origine arménienne qui vécut à Paris et à Londres. Ida Kar est l’auteure de très nombreux portraits d’artistes et d’écrivains parmi lesquels Henri Moore, Georges Braque, Gino Severini, Bridget Riley, Iris Murdoch ou Jean Paul Sartre. Casquette vissée sur la tête, moustache poivre et sel, Emilio López-Menchero fixe l’objectif, assis à califourchon sur une chaise, le coude appuyés sur le dossier, une pose qu’appréciait Fernand Léger. Reinhart Wolff ou Christer Strömholm le photographièrent dans la mê¬me attitude. Une fois encore, comme dans bon nombre de ses « Trying to be », c’est le re¬gard de Fernand Léger qu’Emilio López-Menchero cherche à capter, un regard empli de curiosité pour toutes les formes de la modernité.

Au fil de cette série de portraits – autoportraits, ces tentatives réitérées de se mettre dans l’esprit du modèle, son « Trying to be James Ensor » (2010) occupe une place singulière. Jamais Ensor n’a cessé de se représenter : on lui doit plus d’une centai-ne d’autoportraits. « Jeune, fringant, plein d’espoir et de fougue, triste mais somptueux parfois, ainsi apparaît-il dans ses premiers tableaux, commente Laurence Madeline . Bientôt cependant il laisse exploser sa rancœur en soumettant son image à de multiples métamorphoses. Il est un hanneton, il se déclare fou, il se « squelettise »… Il s’identifie au Christ, puis à un pauvre hareng saur. Il se caricature, se ridiculise… Il est l’auteur et la marionnette de comédies ou de tragédies ». Parmi ces autoportraits, il y a celui au chapeau fleuri de 1883-1888 où James Ensor se prend lui-même pour Pierre Paul Rubens. James Ensor a ironiquement troqué le chapeau — avec panache — du maître, contre un bibi à fleurs et à plumes. « En ce temps-ci ou chacun est tout le monde, le poète, le peintre, le sculpteur, le musicien ne vaut que s’il est authentiquement lui-même », écrira Emile Verhaeren à propos du baron ostendais. Cet autoportrait au bibi est une sorte de « Trying to be » avant la lettre ; il ne pouvait évidemment échapper à Emilio López-Menchero.

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art (7)

Emilio Lopez Menchero

(…) Il en fut de même lorsqu’Emilio López-Menchero installa son « Checkpoint Charlie » (2010) à Bruxelles, porte de Flandres, précisément entre un quartier « gentry », ses bars branchés, galeries d’art et boutiques de mode et l’au-delà du canal, là où la densité de population immigrée y est l’une des plus fortes de la capitale, ghetto émigrant d’abord pakistanais, puis marocain, plus précisément du Rif. La performance de l’artiste, dans un décor quasi cinématographique, cette reconstitution, ce déplacement de l’historique Checkpoint Charlie berlinois, met bien évidemment l’accent sur une fracture urbaine ; elle condense les constats économiques, sociologiques et urbanistiques. Elle est aussi, comme en témoigne le film réalisé durant l’événement, une intervention en contexte réel, se définissant comme un art de l’action, de la présence et de l’affirmation immé¬diate. Impeccablement sanglé dans un uniforme militaire américain, arrêtant d’un geste martial piétons, cyclistes, automobilistes, avec sérieux et un remarquable naturel, Emilio López-Menchero interpelle, explique, ouvre le dialogue, suscite les réactions les plus di¬ver¬ses. La fiction se confond au réel, le dispositif du Checkpoint Charlie est devenu à la fois un espace relationnel et un champ conflictuel, stigmatisant une problématique dé¬pas¬sant de loin une situation locale et singulière.(…)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López Menchero
Checkpoint Charlie, 2010-2014
Ensemble de documents relatifs à la performance « Checkpoint Charlie », intervention performative organisée dans le cadre du Festival Kanal à Bruxelles du 17 au 19 septembre 2010. Production Platform Kanal et Art2work/Bellevue-Creative Brewery.
Concept : Emilio López Menchero. Performance : Emilio López-Menchero et Souleimane Benaisa. 2 tables MDF 194 x 80 X 4 cm, sur tréteaux, documents sous verre. 2 lampes de bureau, une projection vidéo

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art (6)

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Lundi de Pâques, 2007
Vidéo, 4 :3, son, couleurs, 00 :22 :40

(…)« Tout artiste vrai est un héros ingénu » écrit Émile Verhaeren, à propos de James Ensor dont Emilio López-Menchero revisitera le portait au bibi à fleurs et plumes (2010). Un héros ingénu, certes. A ce sujet me revient cette lettre d’André Cadere à Yvon Lambert, écrite quelques temps avant sa mort en 1978 : « Je veux dire aussi de mon travail et de ses multiples réalités, il y a un autre fait : c’est le héros. On pourrait dire que le héros est au milieu des gens, parmi la foule, sur le trottoir. Il est exactement un homme comme un autre. Mais il a une conscience, peut-être un regard, qui d’une façon ou une autre, permet que les choses viennent presque par une sorte d’innocence » . C’est sans aucun doute, une juste définition de la pratique artistique ; elle sied tout autant à Emilio López-Menchero qui incarnera d’ailleurs André Cadere (2013), portant sur l’épaule l’une des barres de bois rond de l’artiste roumain, s’inspirant d’une photographie désormais célèbre prise par Bernard Bourgeaud en 1974. On ajoutera que l’héroïsme peut, en effet, être domestique : j’en veux pour preuve ce film qu’Emilio López-Menchero intitule « Lundi de Pâques » (2007), making off vidéographique d’un « Trying to be John Lennon », inspiré de la pochette du LP « Let it be ». Ce film, réalisé avec les moyens du bords, ce qui lui confère une indéniable intimité, est une longue série de tentatives quasi pathétiques de prendre la pose et d’habiter Lennon au cours d’un huis clos familial d’un réalisme saisissant. Le « Trying to be » se décline ici en « Let me be » tandis que le lundi de Pâques est un jour d’exception, un jour, un nouveau jour, une métamorphose régénératrice.(…)

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Ego Sumo, 2003
Vidéo, couleurs, 4:3, son, 00 :05 :03. Edition 5/5

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Ego Sumo, 2003
Vidéo, couleurs, 4:3, son, 00 :05 :03. Edition 5/5

(…) D’origine belgo-espagnole, lorsqu’il enfourche son vélo torero torpédo, revêtu du costume de lumière du toréador, les mains bien appuyées sur les cornes acérées de sa monture, le voici hybride d’Eddy Merckx et de Manolete, rendant hommage à Picasso. La performance le mènera durant l’été 2008 au sommet du col d’Aubisque , cela mérite, sur fond sonore de paso-doble, d’être salué. Le corps et son émancipation, à commencer par le sien, a toujours été au centre de ses préoccupations, qu’il s’agisse de se prendre pour un sumo dandinant, magnifique combat du lutteur contre son reflet dans un miroir (Ego Sumo, 2003), d’être, à quelques jours de la remise d’un projet, figé par le stress et le doute, sans voix et la tête prête à éclater, ce qui lui donnera l’idée de se couvrir du bonnet à poil et d’endosser l’uniforme d’un garde du Palais de Buckingham devant les Halles de Schaerbeek à Bruxelles (Garde de Schaerbeekingham, 2010), ou de s’exhiber nu, debout sur une table ronde, campant la stature de Balzac déshabillé par Rodin (Trying to be Balzac, 2002)(…)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Torero Torpédo, col d’Aubisque, 2008
Vidéo HD, 16 :9, son, couleurs, 00 :32 :30. Edition 5/5

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Emilio López-Menchero
Trying to be Balzac
Suite de 40 photographies N.B, 15 x 23 cm marouflées sur aluminium, 2002-2009. Edition 3/3

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
P.P.bis n°1, 2000 ou Trying to be Pablo Picasso n°1.
Photographie NB marouflée sur aluminium, 87,5 x 129 cm. Edition 5/5

(…) Lorsqu’il campe l’« autoportrait de Pablo Picasso torse nu en culotte de boxeur » (2000), une photographie prise dans l’atelier de la rue Schoelcher en 1915 ou 1916, tout l’enjeu, dit-il, est de restituer cette autocélébration photographique, tant celle du corps que du génie artistique, dont usa fréquemment le peintre espagnol. Il ne s’agit pas de pasticher le cliché photographique, de singer Picasso, mais bien d’incarner cet « être peintre » autant que les archétypes de l’Espagnol viril et macho. Ainsi, l’artiste initie par ces citations une réflexivité et une recréation, mêlant le familier et l’inédit, la reconnaissance et la surprise, l’érudition et la facétie. Transformiste un brin excentrique, voire même extra¬vagant, López-Menchero, tout en changeant d’identité, trouve la sienne. « Être artiste, dit-il, c’est une façon de parler de son identité, c’est le fait de s’inventer tout le temps »(…)

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Balzac, 2002
Vidéo, N.B. 4 :3, son, 00:06 :38. Edition 5/5

(…) Emilio López-Menchero se transforme par le maquillage, le costume, les accessoires, il tente de surveiller son régime avec pondération, contrôle le poil, et surtout prend la pose, la pose la plus proche de l’icône de référence, mais dans une totale réappropriation person¬nelle, le plus souvent fondée sur une recherche documentaire qui bien souvent oriente le processus de (re)création. Ainsi, lorsqu’il découvre la physionomie du portrait de Balzac aux bretelles, dit de Nadar, Napoléon des lettres, main sur le cœur, photographié par Buisson en 1842, c’est la question de physionomie et le hasard d’une éventuelle ressem¬blance qui l’incite. En même temps, il abordera également les clichés du Balzac Monumental de Rodin pris par Edward Steichen, diverses études préparatoires que réalise Rodin, ce qui le mènera à la sculpture du Balzac elle-même. En fait, ce redou¬blement entre la sculpture et ses avatars photographiques, entre la physionomie de Balzac et l’œuvre de Rodin condense le processus d’incarnation qu’il entreprend. Celui-ci débouchera sur cette exhibition qui dénude le génial geste sculptural de Rodin, autant que le corps de l’artiste. Exhibant nudité et virilité, López-Menchero démonte le geste de synthèse de Rodin qui sculpta d’abord le corps nu de l’écrivain avant de le couvrir de sa robe de bure. Il est dès lors autant Balzac que la sculpture de Rodin.(…)

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art (5)

Emilio Lopez-Menchero

Vue de l’exposition

Emilio Lopez-Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Union Match, 2014
Huile sur toile, 240 x 200 cm

Emilio Lopez-Menchero

vue de l’exposition

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Mama
Acrylique sur toile, 2014

Emilio Lopez-Menchero

Vue de l’exposition

Emilio Lopez-Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Teresa, 2012
Huile sur toile, 130 x 115 cm

Emilio Lopez-Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Autoportraits, 2013
Huile sur toile, 60 x 40 cm

Emilio Lopez-Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Me thinking being Frida , 2011
Huile sur toile, 150 x 130 cm

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Emilio Lopez Menchero, Centrale for contemporary art (4)

Emilio Lopez Menchero

Invité à Bruges en 2008, c’est la contradiction entre tourisme et immigration, hospitalité, mobilité et centre fermé qu’Emilio López-Menchero pointera du doigt (Indonésie, 2008). Il y confronte deux imposantes sculpture, un nuage d’oreillers et une maison brugeoise aux pignons en escaliers, tous les signes extérieurs d’une confortable hospitalité hôtelière. La maison est pourtant un enclos grillagé et quatre porte-voix diffusent quatre voix de femmes aux accents chinois, indien, arménien et guinéen énumérant les nationalités recensées au centre fermé installé dans l’ancienne prison pour femmes de la ville, prévu initialement pour la détention d’étrangers(ères) en séjour illégal, puis également pour celle de demandeurs(euses) d’asile débouté(e)s. Quant au nuage de coussins, il est un hommage à la demandeuse d’asile nigériane Semira Adamou, tuée à Bruxelles National par étouffement lors d’une tentative d’expulsion. Le spectateur qui glissera son corps au cœur de ces oreillers de plumes y entendra Liza Minelli chanter le « Willkommen, Bienvenue, Welcome », du film « Cabaret » (1972), un refrain en boucle, une rengaine étouffée. M, le Géant (2007), ce Monsieur Moderne sans visage et à la silhouette neufertienne, ce monsieur anonyme et hypermoderne, qu’un jour Emilio López-Menchero introduisit dans une procession de géants historiques et folkloriques, est témoin de toute l’affaire. Il a même servi de cheval de Troie à l’artiste, afin de pénétrer dans l’ancienne prison de Bruges à la rencontre des illégaux et déboutés. Il est sous diverses formes omniprésent dans l’œuvre de l’artiste.

Emilio Lopez-Menchero

Invited to Bruges in 2008, in the work Indonésie (2008), Emilio López-Menchero points out the contradiction between tourism and immigration, hospitality, mobility and detention centre. Here, he juxtaposes two imposing sculptures: a cloud of pillows and a traditional Bruges house with gables in the shape of staircases, with all the external signs of comfortable hotel hospitality. However, the house is a wire cage and from four loudspeakers come the sound of four women’s voices speaking with Chinese, Indian, Armenian and Guinean accents, reading out the different nationalities identified in the detention centre inside the city’s former women’s prison, which was initially intended for detaining illegal immigrants, then later for failed asylum seekers as well. The cloud of pillows is a memorial to the Nigerian asylum seeker Semira Adamou, who was suffocated to death at Brussels Airport during an attempt to expel her from Belgium. Viewers who stand in the centre of these feather pillows hear Liza Minnelli singing ‘Willkommen, Bienvenue, Welcome’, from the film Cabaret (1972) – a refrain on a loop, a stifled rendition of the same old song. M, le Géant (2007), a modern man with no face and a Neufert-like body, an anonymous, hypermodern man that one day Emilio López-Menchero introduced into a procession of historic and folklore giants, witnessed the whole thing. The artist even used him as a Trojan horse to get inside the former Bruges prison to meet illegal immigrants and failed asylum seekers. He is omnipresent in various forms in the artist’s oeuvre.

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Brugse Huis (part of Indonesie !), 2008
Technique mixte et dispositif sonore

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Sacs (de la série Indonésie !), 2008
Encre de chine sur papier, 185 x 150 cm

Emilio López-Menchero
Manifestation (de la série Indonésie !), 2008
Encre de chine sur papier, 185 x 150 cm

Emilio López-Menchero
Molenbeek, (de la série Indonésie !), 2008
Encre de chine sur papier, 185 x 150 cm

Emilio Lopez-Menchero

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Willkommen, Bienvenue, Welcome (part of Indonesie !), 2008
Oreillers et dispositif sonore, dimensions variables

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Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Tricot (Indonésie !), 2008
Photographie couleurs marouflées sur aluminium, 150 x 185 cm
Edition 5/5

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cindy, 2009
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 122 x 60 cm. Édition 5/5

Emilio López-Menchero ne pouvait que s’emparer du célèbre cliché que Man Ray fait de Marcel Duchamp déguisé en femme, cette photo d’identité travestie de Rrose Selavy, « bêcheuse et désappointante, altière égo » de l’artiste, « Ready Maid » ducham¬pienne. Habiter Rrose Selavy (2005) est l’archétype du genre, du transgenre. De même, il était en quelque sorte attendu, ou entendu, qu’il incarne également Cindy Sherman (2009). Depuis ses tout premiers travaux il y a plus de trente ans, l’artiste américaine se sert presque exclusivement de sa propre personne comme modèle et support de ses mises en scène. Regard sur l’identité, frénésie à reproduire son moi, son travail est ultime enjeu de déconstruction des genres entre mascarade, jeu théâtral et hybridation. De Cindy Sherman, Emilio López-Menchero a choisi l’un des « Centerfolds » réalisés en 1981, ces images horizontales, comme celles des doubles pages des magazines de mode et de charme, commanditées par Artforum mais qui ne seront jamais publiées, la rédaction de la célèbre revue d’art estimant qu’elles réaffirment trop de stéréotypes sexistes. L’artiste américaine — et du coup Emilio López-Menchero — incarne une femme vulnérable, fragile, sans échappatoire, captive du regard porté sur elle.

Emilio López-Menchero simply had to appropriate Man Ray’s famous photo of Marcel Duchamp dressed as a woman – the identity photo of Rrose Selavy, ‘stuck up and disappointing’, the artist’s ‘alter ego’, Duchamp’s ‘Ready Maid’. Trying to be Rrose Selavy (2005) is the archetype of the genre, in this case a change of gender. Similarly, it was in some way expected, or understood, that he would also incarnate Cindy Sherman (2009). Since her earliest works over 30 years ago, the American artist has almost exclusively used herself as her model and the basis for her compositions. Examining identity, a frenetic need to reproduce her ‘me’, her work represents the ultimate challenge of deconstructing genres, using farce, theatrics and hybridisation. Emilio López-Menchero chose one of Cindy Sherman’s Centerfolds from 1981. These horizontal images, like the double-page spreads in fashion and girly magazines, were commissioned by Artforum but never published, because the editor of the famous art journal believed they reaffirmed too many sexist stereotypes. The American artist – and therefore Emilio López-Menchero as well – is depicted as a vulnerable, fragile woman with no means of escape, held captive by the gaze of others.

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art, revue de presse (2)

Lu dans H.ART, sous la plume de Colette Dubois

H.ART

Réécouter le Grand Charivari, sur Musiq3. Un entretien avec Pascale Seys :

 

Lu dans L’AGENDA :

L'Agenda

L'Agenda

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art (3)

Emilio Lopez Menchero

Vue de l’exposition

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Le grand capital, 2012
Huile sur toile, 68 x 53 cm.
Collection privée

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Vu Cumpra ? 1999
Vidéo, couleurs, 4:3, son, 00:07:38. Edition 5/5

C’est à Venise que sont apparus, au cours des années 70, les premiers vendeurs à la sauvette, le plus souvent des immigrés venus d’Afrique du Nord francophone. Leur « Vous, compra ? », version franco-italienne et contraction hâtive de « Vuoi comprare, voulez-vous achetez ? » est passé dans le langage courant : on les appelle depuis les « Vucumprà ». Plus tard, ce sont des vendeurs venus d’Afrique subsaharienne qui ont pris le relais, venus du Sénégal, plus récemment, d’Erithée et enfin d’Afrique noire anglophone. Les derniers arrivés de ces camelots qui agissent en pleine illégalité viennent du Pakistan. Aux touristes qui se pressent, chaque ethnie propose des produits différents : ainsi, si les pakistanais vendent des fleurs ainsi que les fameux cadenas de l’amour, les africains sont spécialisés en contrefaçons. Ce phénomène, on le sait, a fait tâche d’huile et s’est largement mondialisé. A Paris, récemment, plus de 19 tonnes de tours Eiffel métalliques, soit 103.000 pièces, ont été saisies dans une officine tenue par un couple de Chinois. Ceux-ci alimentaient 150 vendeurs à la sauvette par jour, pour une recette de 10.000 euros par semaine. Ces vendeurs de tours Eiffel me font penser à un singulier camelot croisé à Venise en 1999, lors des journées professionnelles de la biennale. En douce, il tentait de fourguer pour quelques lires des répliques miniatures de l’Atomium aux amateurs d’art, collectionneurs du monde entier, directeurs de musées, touristes et simples badauds. Cette performance d’Emilio López-Menchero — il n’y a évidemment que lui pour baratiner les gens de cette manière — me rappelle le « Bliz-aard Ball Sale » de David Hammons. A New York durant l’hiver 1983, Hammons se mêle aux vendeurs du Cooper Square et tente de vendre aux passants un étal de boules de neige triées suivant leur diamètre (de XS à XL). Assignant une valeur à ces œuvres éphémères destinées à fondre, Hammons flirte avec l’illicite, interroge le marché de l’art et attire l’attention sur la précarité d’une part de la population new-yorkaise . « Vucumprà ? » (1999), me paraît, quant à elle, singulièrement exemplative de toute la pratique artistique d’Emilio López-Menchero. En perpétuel questionnement sur l’iden¬tité, il pose lui aussi la question du rôle, de la place de l’artiste dans la société. S’infiltrant dans le cadre officiel de l’art — car bien sûr la Biennale ne l’a pas officiellement convié —, il parasite, revendique son origine composite, évoque l’immigration et l’exclusion, se fond dans l’environnement urbain dont il analyse les symptômes sociaux, s’exalte et sort de son sac de bonimenteur un vulgaire souvenir touristique parfaitement « déplacé » dans le cadre de la Sérénissime, symbole de belgitude, de trente glorieuses perdues, de modernité, un ouvrage d’art et une image de la science, iconique bien que tout le monde ait oublié qu’il s’agit d’une œuvre collaborative imaginée par l’ingénieur André Waterkeyn, érigée par les architectes André et Jean Polak. Emilio López-Menchero, lui aussi, est architecte. Il ne pratique pas mais considère l’espace public et urbain comme un espace critique, il s’y infiltre, il y intervient, qu’il y soit ou non convié.

Emilio Lopez Menchero

Emilio López-Menchero
Déchets, 2014
Vidéo HD, 16 :9, son, couleurs, 00:13:23. Edition 5/5

A Oudenaarde, Emilio Lopez-Menchero montre une vidéo digne d’une agence de communication spécialisée en films d’entreprises. Sa caméra visite bureaux paysagers, ateliers, laboratoires et lieux de stockage de diverses firmes et enseignes de la région. Les images sont lisses et éloquentes, les plans sont larges et ouverts, les ouvriers et employés sont actifs et concentrés ; aucun comité d’hygiène ne trouvera quoi que ce soit à redire de ces divers lieux de travail. Tout cela respire un entreprenariat dynamique et bien mené, un management efficace, une bonne santé économique. D’ailleurs, ces quelques entreprises visitées, ainsi que d’autres, s’associent pour l’occasion à un projet culturel à connotation sociale : cette exposition organisée dans l’ancien cloître d’Oudenaarde, doublée d’une vente au enchères en faveur d’un lieu de ressourcement pour jeunes rencontrant des difficultés. La vente aux enchères sera bien évidemment gérée par une maison de renom. Le thème de cette exposition, confiée à Jan Hoet Junior, s’inscrit lui aussi dans l’air du temps : les artistes participants ont été invités à réfléchir à la problématique très actuelle des déchets. Ainsi, la bonne conscience sera complète et partagée.

La bande son du film réalisé par Emilio Lopez-Menchero est singulière. Une voix off égraine sur un ton monocorde des prénoms, des âges et des professions. Très vite, on se rend compte que cette longue et lente énumération ne correspond pas aux images filmées, que les personnes évoquées ne sont pas celles qui apparaissent à l’écran. Puisqu’il s’agissait d’aborder la notion de déchet, Emilio Lopez-Menchero a eu le culot de demander à ces entreprises de lui fournir la liste des employés et ouvriers licenciés ces dernières années. Certaines ont accepté. C’est la mémoire de ces travailleurs licenciés que le film évoque et celui-ci s’appelle « Déchets »

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Emilio Lopez-Menchero, Exercices de styles

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
The King, 2014
Huile sur toile, 75 x 65 cm

Emilio Lopez-Menchero

Vue de l’exposition

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Cadere, quartier Manhattan, Bruxelles, (index B57, code14003002, dit le bâton de New York), 2013
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 80 x 60 cm. Edition 5/5

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to John Lennon 2007-2008
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 75 x 75 cm
Edition 5/5

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art, revue de presse (1)

Lu dans LE SOIR / MAD, sous la plume de Jean-Marie Wynants :

Emilio Lopez Menchero

EMILIO LOPEZ-MENCHERO : QUESTION DE CORPS ET D’IDENTITE

Il y a le David de Michel Ange, la Mona Lisa de Leonardo Da Vinci, les silhouettes tendues de Goya, les corps éclatés de Bacon, la Cicciolina de Jeff Koons… Autant d’artistes qui ont abordé la question du portrait et du corps d’une façon instantanément reconnaissable. Et puis il y a l’œuvre d’Emilio López-Menchero. Insaisissable et protéiforme, passionnante et iconoclaste.
Reconnu internationalement, Emilio López-Menchero reste méconnu du grand public belge. La très belle rétrospective que lui consacre actuellement la Centrale, au cœur de Bruxelles, devrait changer les choses.

Lorsqu’on évoque son nom dans le milieu de l’art, les réponses sont aussi variées que définitives. Pour les uns, il est avant tout un performeur aussi fantaisiste que gonflé. Pour d’autres, il est essentiellement le créateur d’installations abordant souvent de manière inattendue des questions politiques ou sociétales. Pour d’autres encore, il est un peintre merveilleux mais méconnu. Pour la plupart, il est toutefois l’homme des « Trying to be… », cette série d’autoportraits où on le retrouve en Pablo Picasso, Fernand Léger, Carlos, Che Guevara, Marc Dutroux ou Frida Kahlo.

Si cette série a marqué bon nombre d’esprits, c’est peut-être parce qu’elle concentre tous les aspects du travail de l’artiste : performance, installation, références picturales et surtout, recherche sur le corps et la notion d’identité. Loin des petits jeux auxquels se livrent certains à partir de trucages divers, loin également de la performance d’un John Malkovich qui vient de réaliser une série de photos où il se déguisait en divers personnages connus, Emilio López-Menchero cherche moins à ressembler qu’à « essayer d’être… », comme le précise le titre de la série. Il s’agit dès lors pour lui de travailler à partir de son propre corps et de la transformation bien réelle de celui-ci : se laisser pousser la barbe du Che ou d’Arafat, les cheveux de Balzac ou des Beatles. Retrouver l’état d’esprit de Rrose Sélavy ou la force douloureuse de Frida Kahlo…
Mais il s’agit aussi de regarder le monde dans lequel nous vivons par le moyen le plus approprié. En cela, le parcours de la Centrale est une totale réussite mettant côte à côte des œuvres jusqu’ici éparses et dont les liens semblent soudain évidents. Le Trying to be Balzac voisine le portrait peint intitulé In Balzac’s mind.
De grands dessins à l’encre de Chine restituent à partir d’un détail tout un phénomène de société. Des performances réalisées dans l’espace public nous interrogent sur le monde de l’art, à Venise, dans les couloirs feutrés d’Art Brussels ou en pleine ville avec cet extraordinaire check-point installé en 2010 sur le pont du Canal séparant la très branchée rue Dansaert de la Chaussée des Gand nettement plus populaire. Avec toujours, le corps au centre du jeu, « normé, agité, identifié, fantasmé » comme l’explique l’artiste au fil du parcours.

Architecte de formation, Emilio López Menchero a su magistralement utiliser toutes les ressources de la Centrale, plaçant au centre du parcours une maison à la silhouette typiquement brugeoise réalisée en fil de clôture. Une manière d’évoquer ce monde où certains visiteurs, les touristes, sont les bienvenus tandis que d’autres, les réfugiés, sont parqués dans des camps. Camps où les normes d’occupation d’un lieu, soigneusement établies en architecture, sont rarement prises en compte.
Autant de sujets surgissant au fil d’un très riche parcours, tant dans la forme que dans le fond comme le montre dès l’entame ce film où, déguisé en gardien de musée, l’artiste reproduit au bic quatre couleurs une série d’œuvres des Musées royaux avant d’abandonner son travail à même le sol sous le regard interloqué des visiteurs. Un questionnement parmi tant d’autres dans une œuvre qui allie honnêteté, modestie, clairvoyance, ambition et talent.

Entendu sur Musiq3, la chronique des arts plastiques de Pascal Goffaux le 4décembre 2014

 

Lu dans la LIBRE, sous la plume de Claude Lorent :

Emilio Lopez Menchero

EMILIO LOPEZ-MENCHERO, L’INCLASSABLE ARTISTE BRUXELLOIS

Convié par La Centrale à réaliser une expo monographique, le plasticien bruxellois retrace rétrospectivement son cheminement. Il pose un regard politique sur son environnement tout en plaçant l’humain au centre de son art. Et il invite l’artiste espagnole Esther Ferrer, connue pour son engagement.

En invitant le plasticien bruxellois Emilio Lopez-Menchero pour une exposition monographique à caractère rétrospectif, La Centrale confirme sa volonté de soutenir des artistes belges dont la réputation déjà bien établie mérite une mise en exergue conséquente. L’institution occupe ainsi un créneau spécifique qui valorise nos artistes et les place dans un contexte favorisant une meilleure connaissance de leur œuvre pour le public autant que pour l’ensemble du milieu artistique belge et étranger. Un rôle indispensable pour la reconnaissance de nos plasticiens d’autant plus que le centre d’art de la Ville s’inscrit dans un contexte international. Une marque présente par l’invitation, au sein de l’exposition, d’Esther Ferrer, une artiste espagnole vivant et travaillant à Paris.

Le rôle de l’artiste

Architecte et plasticien, Emilio Lopez-Menchero (1960, vit à Bruxelles) manifeste une double préoccupation. D’une part un engagement humain très présent, de l’autre une relation à l’espace qui se traduit souvent par des interventions visuelles et auditives dans le contexte urbain. Son cri de Tarzan retentira à nouveau dans la ville pendant l’expo. Sa double formation produit des interactions et des interrogations dans lesquelles, très fréquemment, il intervient physiquement dans une nécessité d’implication personnelle.

Les questions qu’il se pose, il les projette vers nous tous de manière à nous les faire partager dans un contexte qui inclut le vivant, le vécu, la narration et le réel. Artiste, il se place dans le social, comme acteur dans cette société, et examine quelle est sa place, quel est son rôle et comment en tant qu’artiste il peut intervenir pour pointer des sujets qu’il estime importants et sensibles. Plusieurs vidéos témoignent d’actions, d’interventions, de performances, par lesquelles, sans être moralisateur, il conscientise les visiteurs par le partage de son implication. La question de l’identité, la sienne et celle des autres, est au cœur de sa démarche. Une identité mondialisée.

D’entrée de jeu, une vidéo le montre dans un musée d’Art ancien dessinant frénétiquement d’après des œuvres exposées. Nerveux, rapides, approximatifs, ses multiples dessins jonchent le sol. Il joue son propre rôle, il apprend au contact des maîtres et réalise des copies qui n’en sont pas réellement. Est-ce que ce sont des œuvres ? Quelle posture occupe-t-il dans ce vaste champ de l’art ? La réponse ce sont finalement les œuvres qu’il réalise, choisit de nous montrer et de mettre en action pour qu’elles agissent sur nous.

Essayer d’être

Sa série de photographies qu’il intitule « Trying to be » est symptomatique de son positionnement. En prenant la pose connue de personnages quasi iconiques, il s’interroge davantage sur son identité que sur la leur et il s’insère dans leur monde en essayant d’y trouver sa place entre Picasso, Frida Kahlo, Ensor, Cadere… Ou Carlos, un bandit notoire. Par ce biais, on perçoit le questionnement personnel et la mise à nu bien concrète d’ailleurs, pas que symbolique, dans son Balzac. Partant, il nous pose la question de notre insertion en tant qu’individu dans le rôle que nous sommes supposés jouer dans la société d’aujourd’hui !

Implication altruiste

Parmi les œuvres les plus emblématiques de cette démarche interventive et foncièrement humaine, on comptera « Brugse Huis » (part of Indonesie !) construction d’un centre fermé où résonnent des voix de femmes face à une série de dessins qui se passent de tout commentaire. Egalement son intervention urbaine (voir les photos) « Checkpoint Charlie » par laquelle il coupe la ville en deux : les beaux quartiers et les autres. Ou encore cette vidéo de sa déambulation à Venise lors de la Biennale : pour vendre des Atomium de pacotille il prend place parmi les marchands ambulants illégaux. L’artiste ne milite pas, il s’implique et sa cause, à travers l’art, c’est plus d’humanité, plus de respect et compréhension de l’autre, des autres, c’est plus de justice humaine. Il agit en observant le monde autour de lui, ici, au quotidien. Et sa peinture qui trouve enfin depuis peu son propre ton, dit surtout l’émotion et resserre les liens les plus intimes. Ceux de la famille, des proches, des gens qui le touchent. Et le monde de l’art avec ses dérives, heureusement, n’échappe pas à sa vigilance. Une œuvre qui s’accomplit sans détour. Belle, très belle, par sa force intérieure.

L’Espagne, la mère patrie

Invitée par Emilio Lopez-Menchero à participer à l’exposition, Esther Ferrer (1937, vit à Paris), artiste d’origine espagnole tout comme lui, y a placé une œuvre qui aurait dû participer à une exposition critique sur les commémorations du 500e anniversaire du débarquement en Amérique de Christophe Colomb, suivi d’une prise de possession des territoires, de l’obligation de conversion et de l’extermination des Indiens. Un cercueil noir en suspension comme un animal menaçant, une araignée dont on dit qu’elle dévore sa progéniture. Sur le cercueil est posée une épée plutôt qu’un crucifix, signe de violence, de guerre, d’un état militaire, et non de paix. L’annexion des territoires conquis sera sanglante. En fond, un drapeau espagnol avec les armoiries des rois catholiques, les monarques de l’époque. A l’audition, une voix qui s’exprime faiblement, qui chantonne, qui lit, qui raconte. Des chansons populaires, des poèmes et surtout un récit : Les Chroniques de la Conquête. Une œuvre qui selon l’artiste illustre « une période noire de l’Histoire de la péninsule Ibérique » et qui s’érige « contre le fétichisme de l’identité nationale » et contre les exclusions. Une œuvre puissante, « Madre Patria » ou « Invasion », qui rejoint pleinement la démarche d’Emilio Lopez-Menchero. Une œuvre éminemment politique vis-à-vis d’une Espagne qui, en 1492, entreprend un processus d’unification en centralisant le pouvoir dans une unité religieuse et linguistique et en excluant nombre d’étrangers. Une Espagne qui se ferme aux autres dans l’affirmation d’une identité nationale. « Les leçons de l’Histoire ont-elles été entendues ? », s’interroge aujourd’hui l’artiste.

Sur le site de Cobra.be (VRT)

DE VELE GEDAANTEN VAN EMILIO LÓPEZ-MENCHERO

Emilio Lopez Menchero

De Centrale for Contemporary Art in Brussel is gestart met een lovenswaardig initiatief. De retrospectieve rond de Brusselaar met Spaanse roots Emilio López-Menchero, die deze week van start gaat, wordt de eerste in een reeks van overzichtstentoonstellingen van levende kunstenaars die in Brussel en omstreken actief zijn.
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Vorig jaar was er al de solotentoonstelling van Johan Muyle, maar die bracht hoofdzakelijk nieuwer werk. De retrospectieve rond López-Menchero tracht een volledig beeld van het oeuvre van deze kunstenaar te brengen. En het moet gezegd, Emilio López-Mechero heeft al een behoorlijk indrukwekkend parcours afgelegd. Deze zoon van twee Spaanse wetenschappers, die eerst in België en later in Oostenrijk aan de slag gaan, wordt in 1960 in Mol geboren. Eens volwassen besluit hij zich in Brussel te vestigen, waar hij architectuur en kunsten studeert.

Tarzankreten en een roephoorn
Al in zijn eerste werken toont de kunstenaar een voorliefde voor ingrepen in de alledaagse werkelijkheid, vooral in de stad. Bezoekers die in 2000 naar Gent afzakken om er tijdens ‘Over The Edges’ de fameuze vleeszuilen van Jan Fabre te zien, zullen zich misschien nog de Tarzankreten herinneren die om de haverklap door de stad weerklonken. Dat is dus een van de ideeën van López-Menchero. En wie heeft aan het Zuidstation in Brussel nog niet de enorme roephoorn (La Pasionaria) gezien die daar sinds 2006 de bezoekers van de stad Brussel verwelkomt? Ook van López-Menchero.

Over de grens
De kunstenaar gebruikt de stad als zijn canvas voor sociaal geëngageerde ingrepen en acties. Zo liet hij in 2010 op de grens van de stad Brussel met de gemeente Molenbeek een replica oprichten van de befaamde controlepost van het Amerikaanse leger in Berlijn, ‘Checkpoint Charlie’. López-Menchero trachtte met deze ludieke actie de voorbijgangers bewust te maken van de absurditeit van grenzen. Zoals eens tussen Oost en West is er ook aan de Vlaamsepoort een denkbeeldige grens tussen de hippe Dansaertstraat en de verderop gelegen volkswijk voorbij het kanaal. De spanning tussen deze imaginaire en werkelijke, geografische afbakeningen vormt een aanleiding om even stil te staan bij dit soort conventies.

Het Brugse huis
Datzelfde jaar wordt Emilio aangegrepen door het verhaal van een vriendin. De Indonesische Madé, die met Engelse vrienden in België belandde maar van wie de papieren niet helemaal in orde waren, kwam na een reeks misverstanden over vermeende mensenhandel terecht in een gesloten asielcentrum in Brugge. Het meest frappante aan de behandeling die Madé daar te beurt viel, was de manier waarop zij aangesproken werd. Niemand sprak haar aan met haar echte naam, maar met haar nationaliteit: “Hé Indonesia!”. Het ‘Brugse huis’, dat de grote hal van de oude elektriciteitscentrale in beslag neemt, is op die ervaring van Madé gebaseerd. De vorm van een traditioneel middeleeuws trapgevelhuis wordt gecombineerd met afsluithekken die de gekooide asielzoekers van de buitenwereld moeten afschermen. Als kers op de taart weerklinkt er vanuit de vier luidsprekers een constante stroom van barse landsnamen: ‘Lithuania!”, “Ghana!”, enz.
In dezelfde ruimte zweeft er een grote wolk die uit een hele reeks kussens bestaat, een verwijzing naar de dood van Semira Adamu, die tijdens een repatriatie de verstikkingsdood stierf. Als de bezoeker met enige moeite onderaan de wolk zijn of haar hoofd in de opening steekt, klinkt daar op enigszins cynische wijze het stukje uit de musical ‘Cabaret’: « Wilkommen, bievenue, welcome ».

Verkleden voor gevorderden

En dan is er de kameleon die in Emilio López-Menchero huist. Een deel van zijn onderzoek naar de rol van de kunstenaar in de maatschappij heeft te maken met het ontkrachten van mythes en clichés. Om die van binnenuit te begrijpen kruipt hij letterlijk in de huid van een aantal iconische figuren. Zo zien we Emilio López-Menchero achtereenvolgens als Frida Kahlo, Cindy Sherman, James Ensor en Honoré de Balzac. Wat bij deze keuze van personages telkens opvalt, is de “tweedegraads” incarnatie. Al deze figuren spelen op zich al een rol, zijn zelf al verkleed. López-Menchero is dus telkens iemand die lijkt op iemand die op iemand anders lijkt … volgt u nog? Voor de kunstenaar is deze verkleedpartij – die soms tot verbluffende resultaten leidt zoals een griezelig echte Marc Dutroux – meer dan een narcistisch spektakel. Het is een manier om de grenzen tussen echtheid en fictie, tussen feit en verhaal scherp te stellen. In een interview vat hij zijn houding wat dat betreft op deze manier samen: “Het is de rol van de kunstenaar om met grenzen te werken. De kunstenaar is ergens tussen een clown en een crimineel die de bestaande grenzen overschrijdt.”
Dit is geen tentoonstelling die het moet hebben van esthetische hoogstandjes, maar die op een heel ander niveau werkt. Eens te meer heeft de Centrale gekozen voor een geëngageerd kunstenaar die de bezoeker uitdaagt, die aanzet tot reflectie.

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Emilio Lopez-Menchero, Centrale for contemporary art (2)

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition

Emilio Lopez Menchero

Vue d’exposition (photo Philippe de Gobert)

Emilio Lopez-Menchero

Emilio López-Menchero
Trying to be Balzac à la bretelle, 2008
Photographie NB marouflée sur aluminium et encadrée, 150 x 125 cm.

Comme dans le cas de Cindy Sherman, les mises en scène de ces « Trying to be » ne sont destinées le plus souvent qu’à la photographie, plus rarement à la vidéo. Emilio López-Menchero se transforme par le maquillage, le costume, les accessoires, il tente de surveiller son régime avec pondération, contrôle le poil, et surtout prend la pose, la pose la plus proche de l’icône de référence, mais dans une totale réappropriation personnelle, le plus souvent fondée sur une recherche documentaire qui bien souvent oriente le processus de (re)création. Ainsi, lorsqu’il découvre la physionomie du portrait de Balzac aux bretelles, dit de Nadar, Napoléon des lettres, main sur le cœur, photographié par Buisson en 1842, c’est la question de physionomie et le hasard d’une éventuelle ressemblance qui l’incite. En même temps, il abordera également les clichés du Balzac Monumental de Rodin pris par Edward Steichen, diverses études préparatoires que réalise Rodin, ce qui le mènera à la sculpture du Balzac elle-même. En fait, ce redoublement entre la sculpture et ses avatars photographiques, entre la physionomie de Balzac et l’œuvre de Rodin condense le processus d’incarnation qu’il entreprend. Celui-ci débouchera sur cette exhibition qui dénude le génial geste sculptural de Rodin, autant que le corps de l’artiste. Exhibant nudité et virilité, López-Menchero démonte le geste de synthèse de Rodin qui sculpta d’abord le corps nu de l’écrivain avant de le couvrir de sa robe de bure. Il est dès lors autant Balzac que la sculpture de Rodin.

Emilio Lopez-Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Pater, 2012
Huile sur toile, 150 x 133 cm

Emilio López-Menchero
In Balzac Mind , 2011
Huile sur toile, 75 x 65 cm.
Collection privée

(…) Il me faut encore citer « Térésa » (2012), ce puissant portrait de la sœur de l’artiste ou encore « Pater » (2012), un portrait de son père, s’auréolant d’une couronne de pinces à linge, inattendu « Trying to be » paternel dans le rôle du grand Manitou. Ou encore cette bonne balle de visage, quasi transgenre, qu’il nomme –fort justement « Autoportraits » (2013).

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez-Menchero
Pater, 2012
Huile sur toile, 150 x 133 cm
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