Archives par étiquette : Valerie Sonnier

Valérie Sonnier, Art International Istanbul, preview (2)

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Des pas sous la neige
Film super 8 mm sur DVD, NB, son, 6 min 20, 2011
Footsteps in the snow
Film super 8 mm on DVD, BW, sound, 6’20”, 2011

Lorsque Valérie Sonnier entreprend son film « Des pas sous la neige » (2011) et retourne donc dans cette maison familiale de la rue Boileau à Versailles, elle a soin de laisser grand ouverts les battants de toutes les fenêtres. La maison est ainsi ouverte à tout courant d’air ou tout souffle, de quelque nature serait-il. La cinéaste a choisi la nuit tombante, la nuit tombée, le moment est incertain ; c’est un venteux soir d’orage et les rideaux, aux embrasures des fenêtres ouvertes, s’envolent. Avec ses pilastres, ses balustrades, le péristyle de la terrasse donnant sur un jardin où la nature a depuis longtemps repris ses droits, cette maison d’un autre âge, désuète et décrépie, conserve néanmoins une certaine noblesse. Sans doute, a-t-elle connu des jours fastes, une activité vivace. En fait, cette maison pourrait très certainement être un décor de film. La caméra de Valérie Sonnier explore des pièces de séjour désolément vides. L’image, naturellement dirais-je, est noire et blanche. Un fantôme apparaît dès les premiers plans du film, entré dans le champ de la caméra sur la pointe des pieds, sans doute par l’une des nombreuses fenêtres ouvertes. Ses discrètes apparitions, au détour d’un couloir, sur la terrasse, se font de plus en plus précises. Il est bien là, immatériel, intangible, impondérable. Il hante la maison et le jardin ; il hante une maison elle-même fantomatique. La neige étend son linceul sur le jardin ; le suaire du fantôme s’y confond. Celui-ci finit par disparaître derrières les frondaisons des arbres ployant sous la neige. Autant le ciel d’orage était noir, autant les dernières images du film sont blanches.
Volontairement, Valérie Sonnier renoue avec les chasses aux fantômes de l’enfance, avec cette magie illusionniste d’une apparition bien réelle qui exerce, de singuliers effets de fascination. Je repense au cinéma de Georges Mélies, à ses spectres comiques, aux fantômes évanescents et aériens qui surgissent par enchantement, ces œuvres d’une époque où la confrontation entre photographie spirite, spectacles de magie, pratiques médiumniques et celles du cinématographe laissent le spectateur littéralement sidéré, happé tant par ce qu’il voit que par la manière dont il voit, sans plus aucune mise à distance. on ne peut ici, qu’évoquer l’extrême similitude qui existe entre le film de Valérie Sonnier et cette célèbre photographie de Lartigue, prise en 1905, intitulée: « Mon frère Zissou en fantôme, Villa Les Maronniers, Château Guyon 1905 ». Il s’agit là d’une unique apparition d’un lointain, si proche soit-il », pour reprendre l’expression de Walter Benjamin. Avec la trace, nous nous emparons de la chose ; avec l’aura, c’est elle qui se rend maîtresse de nous ».
Lorsque Valerie Sonnier dessine cette maison de la rue Boileau, choisissant un point de vue qui confère des allures de petit Trianon à l’austérité des arrêtes de la façade flanquée de grands arbres, elle opte pour un format panoramique proche du cinémascope. Et dès le moment où elle entreprend de dessiner la maison et le jardin sous tous leurs angles, c’est l’imaginaire d’un story-board qui la conduit. Valérie Sonnier travaille sur d’anciens cahiers de comptes, se fixant des cadrages parcimonieux ; son dessin est minutieux, précis, comme s’il s’agissait de consigner –et les marges comptables restent apparentes – le moindre mouvement du vent dans les broussailles. Ce que nous voyons nous est proche, comme instantané, alors que ces œuvres nous semblent lointaines et hors du temps. Qu’elle filme, dessine, ou peigne les rosiers du jardin, les images de Valérie Sonnier sont bien souvent les fantômes d’elles-mêmes. C’est là la mise à jour d’un inconscient de la vision. Comprendre une image, c’est se mettre, en la regardant, à l’écoute de sa teneur temporelle. L’image, elle-même, a sa capacité.

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Sans titre
De la série Sous la Neige, 2006-2014
Crayon et cire sur papier
Untitled
Series. Under the Snow, 2006-2014
Pencil and wax on paper

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Sans titre
De la série Sous la Neige, 2006-2014
Crayon et cire sur papier
Untitled
Series. Under the Snow, 2006-2014
Pencil and wax on paper

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De la série Sous la Neige, 2006-2014
Crayon et cire sur papier
Untitled
Series. Under the Snow, 2006-2014
Pencil and wax on paper

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Valérie Sonnier, Art International Istanbul, preview (1)

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Entre chien et loup, 2012
Pierre noire et cire sur papier, 210 x 123 cm
At twilight, 2012
Black stone and wax on paper, 210 x 123 cm

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24 juin, 22h20, 2014
Pierre noire et cire sur papier, 210 x 123 cm
June 24. 10.20 pm. 2014
Black stone and wax on paper, 210 x 123 cm

Following her studies at the École des Beaux-arts, very little came between Valérie Sonnier’s preliminary drawings and a clear cinematographic inclination which would inspire her to film what she had previously drawn both poetically and conscientiously. The translation of these two mediums from one to the other, which equally translated an understanding of the world, came to her naturally and effortlessly.
However these images, with which she filled an old accounts book, show familiar environments harshly torn apart, imposed upon by dense traces of branches and leaves, each produced with the up-most precision and each dedicated to memories, images drawn like intimate postcards, smudged, alive, and haunted…
The result is work that is not introvert but rather alive, worrying and above all profound.

(…)
A fundamental indecision persists in the images that capture Valérie Sonnier between a lifeless and sleeping world (drawings,paintings, videos captured in acrylic) and a worrying yet always lively universe (vibrant “family films” oscillating between forgotten memories and the excitement of experimental film).
Neither the memory of a “drooling” Burkhardt painting in “Alabama Square”, during the 40s/50, in which an 8 mm film is reproduced in unforeseen photochemical painting of the time, nor the insatiable, phenomenological vision of Marie Menken in “Glimpses in the garden” are foreign to this connection to which Sonnier belongs and yet, when i met her, of which she denies the existence.
For Sonnier, drawing does not serve as a storyboard or the quiet makings of a future film. The speed of her filming eye in her family garden does not contradict the objective consideration that is so clearly apparent in some of the canvases she continues to paint in her studio. A video reproduced in acrylic evokes for her an entirely different technique, an entirely different “video thickness” which brings to life, for example, the archetypal and erotic scene of a group of children “playing at being doctors”.
(…)
A wooden toy, a small transporter lorry, in which could be found a cinematic eye had, up until now, been ignored. This film takes on the form of a series of erratic and quasi-expressionist silhouettes as soon as the lorry/the visionary sets off, taking the spectator on a journey across brambles, pebbles, through hedges and uncared-for trees. The mortal aspect of everything has become her vibrant source of inspiration. The drawing dissolves within, transforming into hazy cinematographic lines.
(…)
It is remarkable to see the resistance of this garden but also to sense, despite it’s apparent degradation, just how many secrets it holds and, equally, the nature and memories it continues to preserve. The success of the work is thanks to the resistance of the garden.
In reality, it is not so much childhood, in which the artist is seen dressed up as a little fairy whilst her grandmother films her in front of a Christmas tree, but rather time itself which today provides the substance of Valérie Sonnier’s work.
Obscurity, immobility and intense speed are preserved.
As time goes by it is also the unsaid, the underlying core of all life, but also death itself that intrigues the artist. As if this death, a still life that is indeed so still, this uninterrupted prolongation of existence, did in fact have another life of its own. Another ‘reasoning’ that the artist tries to understand by looking beneath the surface.
The exciting escapades of a little lorry either in a garden or on the beach, or the fixed or animated still lifes of Valerie Sonnier are all infused with life… (Michèle Cohen Hadria)

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Errances du petit camion dans le jardin. I L’été
Film super 8 et 8 mm, couleurs, son, 9’35”.1995
Adventure of the little lorry in the garden. I, Summer.
Film super 8 and 8mm. Colors, sound, 9’35″. 1995.

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Errances du petit camion dans le jardin. II L’hiver
Film super 8, couleurs, son, 6’11”.1997
Adventure of the little lorry in the garden. II, Winter
Film super 8. Colors, sound, 6’11″. 1997.

Il y avait peu, entre les premiers dessins que Valérie Sonnier réalisait en fin d’études aux Beaux-arts de Paris et une latente propension cinématographique qui devait la conduire à filmer ce qu’elle avait auparavant poétiquement et consciencieusement dessiné.
La translation de l’un à l’autre des médiums traduisant une même appréhension du monde, devait se révéler, chez elle, sans encombre et naturelle.
Ces images au crayon qu’elle consignait sur de vieux cahiers de comptes imposaient d’austères arêtes d’habitats familiaux, de denses tracés de branches et de feuillages avec une précision pointilliste dédiée au souvenir dont elle tirera des cartes postales intimes, charbonneuses, habitées, hantées…
Or ce travail, moins taciturne que leste, inquiet, se révéla surtout profond. Un jouet de bois, petit camion laitier, y incarna un ciné-œil qui jusque là s’ignorait.
(…)
Car il persiste une indécision fondatrice dans les images que capte Valérie Sonnier entre un monde inerte et dormant (dessins, peintures, vidéos figées dans l’acrylique…) et un univers inquiet, mais perpétuellement vivace (vibrants « films de famille » oscillant entre une mémoire gommée et l’excitation du film expérimental).
Ni la mémoire d’une image « baveuse » d’un Burckhardt dans «Alabama Square» dans les années 40/50, reconduisant un film 8 mm en fortuite photochimique peinture du temps, ni l’insatiable vision phénoménologique d’une Marie Menken, dans Glimpses in the garden, ne sont étrangers à cette filiation à laquelle Sonnier appartient mais dont, quand je l’ai rencontrée, elle ignorait encore l’existence.
Chez Sonnier, le dessin ne sert pas réellement de story-board, charpente docile de quelque film futur. La vitesse de son ciné-œil dans un jardin familial ne contredit nullement une sidération objectale, palpable en certaines de ses toiles qu’elle continue de peindre dans son atelier.
Une vidéo reproduite à l’acrylique évoque chez elle une tout autre matière, une tout autre « épaisseur vidéo » venant relater la scène archétypale, érotique, d’un groupe enfantin s’essayant à « jouer au docteur ».
(…)
Le film se transfigure ainsi en ombres chinoises ivres, quasi expressionnistes dès que le camion/œil s’élance, en caméra subjective, à travers ronces, cailloux secs, haies, taillis laissés à l’abandon. L’angle mort de toute chose devient son horizon vibratile. Le dessin s’y dissout, se transmuant en « filés » cinématographiques ombrés.
(…)
Il est beau de voir la résistance de ce jardin, sentir combien celui-ci, promis à la démolition par les promoteurs, cèle obstinément ses secrets, celui de sa nature et de sa ressouvenance. Cette résistance fait la réussite de l’œuvre.
De fait, ce n’est pas l’enfance, où l’artiste apparaît déguisée en petite fée filmée par sa grand-mère devant un arbre de Noël, mais bien le temps qui fait la substance aujourd’hui du travail de Valérie Sonnier.
Opacité, immobilité, vitesse endiablée y restent mitoyens.
À travers le temps, ce sont aussi les non-dits, soubassements de toute existence, mais aussi la mort donc, qu’interroge l’artiste. Comme si cette mort, Nature morte bien morte, filage ininterrompu d’un vécu, détenait à son tour pour substrat, une autre vie. Un autre discours, que l’artiste se penche vers le sol pour mieux écouter.
Courses effrénées d’un chariot dans un jardin ou sur une plage, les Natures mortes fixes ou endiablées de Valérie Sonnier demeurent avant toute chose éminemment vivaces… (Michèle Cohen Hadria)

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Rose IX
De la série Vous pouviez tout prendre chez moi sauf mes roses, 2007-2010
Acrylique et crayon sur toile, 130 x 130 cm
Rose IX
Series. You could take anything from me except my roses, 2007-2010
Acryl and pencil on canvas, 130 x 130 cm

(…) Avec la même patience, Valérie Sonnier a peint les rosiers du jardin. Une douzaine de toiles de grand format: l’ouvrage est de taille, un grand œuvre tout aussi méticuleux; les feuillages sont d’une précision presque pointilliste, les roses rouges éclatantes. Cycle obsessionnel, improbable relevé de l’éphémère, en trois ans, l’artiste aura peint toutes les saisons. Les toile sont numérotées et datées, seul l’ensemble porte un titre : «Vous pouviez tout prendre chez moi, sauf mes roses». Perdre, se souvenir du deuil, de l’abandon, de la défaite ; retenir, c’est-à-dire maintenir, conserver, arrêter, garder, contenir. Qu’importe l’histoire familiale en question – de celle-ci sans doute pourrait-on faire un film -, chacun de ces synonymes décline, du proche au lointain, tant d’émotions intimes et collectives. Oui, pour en revenir aux rosiers du jardin, il a fallu s’en faire un deuil, chaque année, même avant l’abandon de la maison, cette défaite –mais en est-ce une ? – qui, elle aussi, convoque le deuil et la perte ; des rosiers qu’il aura fallu maintenir, que l’on ne peut contenir, qu’il faut retenir, les nourrissant de réminiscences vivaces; ce que ces rosiers furent et ce qu’ils sont. Encore faudra-t-il tenir les rosiers sur la toile. Ceux-ci l’occupent entièrement, comme une infranchissable barrière. Néanmoins, ils s’estompent parfois comme quelquefois les lignes de la maison disparaissent; les souvenirs se font lointains, la mémoire défaille. Disparaissent les pas sous la neige.

La référence qu’assigne Valérie Sonnier à cette suite picturale est à nouveau filmique: le titre de cette série de toiles renvoie à réplique de la «Belle et La Bête» de Jean Cocteau: «Vous volez mes roses qui sont ce que j’aime le plus au monde. Vous jouez de malchance, car vous pouviez tout prendre chez moi, sauf mes roses. Et il se trouve que ce simple vol mérite la mort.» Je repense à l’énigme de Citizen Kane, à Charles Foster Kane mourant dans son manoir de Xanadu, laissant tomber sur le sol une boule à neige, sphère de verre contenant une maisonnette enneigée, en prononçant dans un dernier souffle le mot « rosebud », bouton de rose. Oui, l’éclosion des réminiscences passe bien souvent par le souvenir des jeux d’enfants, ce moment où l’on apprend à chasser ses premiers fantômes, où l’on croit, peut-être, que cueillir une rose peut attirer bien des drames. (JMB)

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Rose XII
De la série Vous pouviez tout prendre chez moi sauf mes roses, 2007-2010
Acrylique et crayon sur toile, 130 x 130 cm
Rose XII
Series. You could take anything from me except my roses, 2007-2010
Acryl and pencil on canvas, 130 x 130 cm

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Rose XV
De la série Vous pouviez tout prendre chez moi sauf mes roses, 2007-2010
Acrylique et crayon sur toile, 130 x 130 cm
Rose XV
Series. You could take anything from me except my roses
2007-2010, Acryl and pencil on canvas, 130 x 130 cm

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Valérie Sonnier, Art International Istanbul, 26-28 septembre, booth A9

Art international Istanbul
La galerie participe à la deuxième édition de Art International Istanbul et présentera à cette occasion d’une exposition monographique des oeuvres de Valérie Sonnier

Booth A9
26-27-28 septembre 2014
The Haliç Congress Center in Beyoglu, Istanbul
Opening and professionnal day : 25 September
26 September Friday 12.00 – 20.00
27 September Saturday 12.00 – 20.00
28 September Sunday 12.00 – 18.00

Valérie Sonnier

Valérie Sonnier
Entre chien et loup, 2012
Pierre noire et cire sur papier, 200 x 123 cm

Plus d’informations à propos de Valérie Sonnier sur le site de la galerie

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Eleni Kamma, Valérie Sonnier, Jeroen Van Bergen, vernissages le samedi 13 septembre

La galerie Nadja Vilenne a le plaisir de vous inviter aux vernissages des expositions d’Eleni Kamma, Valérie Sonnier et Jeroen Van Bergen, ce samedi 13 septembre dès 18h. Ces expositions seront accessibles du 14 septembre au 18 octobre 2014

ELENI KAMMA
YAR BANA BIR EGLENCE (OH, FOR SOME AMUSEMENT!)

eleni Kamma

VALERIE SONNIER
FAIRE LE PHOTOGRAPHE, II.

Valérie Sonnier

JEROEN VAN BERGEN
T.C.003 K

Jeroen Van Bergen

 

 

logo

Eleni Kamma’s project Oh For Some Amusement! is supported by the Mondriaan Fund, NiMAC (Nicosia Municipal Arts Center), PiST/// Istanbul and the Theater aan het Vrijthof, Maastricht.

 

 

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Eleni Kamma, Valérie Sonnier, Jeroen Van Bergen, note pour trois expositions

1.

Le titre de cette nouvelle exposition de Valérie Sonnier, « Faire le photographe, II » – et par la même occasion de cette nouvelle série de dessins – fait à la fois appel au jeu et à la répétition de celui-ci. Au jeu, car faire le photographe, c’est un peu comme jouer au docteur. A la répétition du jeu, car le titre de cette exposition induit qu’il y eut un premier épisode. N’est-ce pas là d’ailleurs l’essence du jeu ? « Nous savons que pour l’enfant, la répétition est l’âme du jeu, écrivait Walter Benjamin (1) ; que rien ne fait davantage son bonheur que cet « encore une fois ». Le jeu, dès lors ne serait pas uniquement un « faire comme-ci », c’est aussi « un faire sans cesse ». Se référant à la notion freudienne de « l’au-delà du principe du plaisir », Benjamin précise : « L’obscure pulsion de répétition est à l’œuvre ici dans le jeu, à peine moins puissante, à peine moins rusée que l’instinct sexuel en amour. L’adulte soulage son cœur de ses frayeurs, jouit doublement d’un bonheur en le racontant. Et l’enfant se crée toute l’affaire à nouveau, recommence depuis le début encore une fois ».

Ces propos de Walter Benjamin résonnent singulièrement lorsqu’on considère les dessins de Valérie Sonnier. « Faire le photographe » est un ensemble de dessins tracés sur des pages de cahiers d’écolier, lignés ou quadrillés, un étrange et inquiétant ballet érotique entre une poupée, un squelette – marionnette à fils, un petit camion rouge et un pistolet à eau. A l’occasion de leur monstration, il n’était pas encore question d’un deuxième chapitre. Oui mais voilà, recommencer, c’est là, pour Valérie Sonnier, comme une nécessité. Elle a repris ces dessins. Et cette fois, au « faire comme si et même encore une fois » s’ajoute une notion d’échelle : celle de « faire en grand ». La monumentalité de ces dessins, la démesure dès lors de cette poupée d’antan et de cette marionnette mimant l’amour et la mort, accentuent encore la puissance de cette collision entre aube et crépuscule, au fil d’un sombre lien tissé entre la sexualité et la mort.

Professeur de dessin et de morphologie aux Beaux-arts de Paris depuis 2003, Valérie Sonnier jette des passerelles d’un médium à l’autre. Dessins, peintures, photographies et films Super 8 tissent des liens entre souvenirs intimes et mémoire collective de l’enfance. En Belgique, on a récemment vu ses œuvres à la Centrale for Contemporary Art à Bruxelles. Elle exposera en solo à Istanbul, dans le cadre de la foire Art International Istanbul, à la fin du mois de septembre.

2.
Mesure et démesure, maquettes en leurs boîtes d’origine à l’échelle du jeu d’enfant, répétition d’une expérience primitive, celle de la cella originelle, du plus petit espace habitable : Jeroen Van Bergen renoue lui aussi avec l’expérience du jeu, déclinant sans cesse un même principe constructeur. Sa « composition de tours en carrefour 003 » est sans doute son œuvre la plus monumentale et l’une des plus lilliputienne de toute sa production. Depuis une bonne dizaine d’années, Jeroen Van Bergen construit à toutes échelles des architectures dont le module de base est à la taille standard des toilettes au Pays Bas. Non sans humour, il applique cette standardisation de l’unité la plus petite habitable à toutes sortes de programmes. Que nous disent donc de l’architecture ces compositions de masse dès le moment où il assigne à son module habitable toutes notions exponentielles ? C’est bien sûr, en ce cas précis, de l’Empire State building à la Burj Khalifa, en passant par les tours Petronas ou la Willis Tower, le fantasme du gratte-ciel qui chatouille l’artiste. A l’échelle 1/100, son œuvre culmine à plus de 400 mètres de haut, en réalité à plus de quatre mètres, tandis que son module n’aura jamais été aussi lilliputien, nous renvoyant dès lors à un monde, si vaste et si complexe soit-il, où nous n’échappons pas à notre identité minuscule. Bart Verschaffel (2) faisait récemment remarquer qu’il n’y avait point (encore) de monuments aux morts dans les programmatiques architecturales Jeroen Van Bergen, mais que ce plus petit module habitable pourrait bien également servir de mausolée personnel. Les caisses de stockage de ces quatre tours, caisses de rangement de ce jeu de construction, installées dans l’espace en contrepoint de la maquette, comme son équivalent dynamique, pourraient bien être aussi de monumentaux catafalques d’un mythe des origines.

Basé à Maastricht, Jeroen Van Bergen sera l’hôte de la Province du Limbourg hollandais dès octobre. Il y présentera un ensemble de maquettes revisitant la Karl-Marx Allee berlinoise. Une plongée dans l’idéologie. Il expose également actuellement à Amsterdam, à la Cityscapes Gallery.

3.
Avec Eleni Kamma, sur un tout autre registre, il sera également question de monument, et même de monument aux morts, tout comme de jeu et de marionnettes. En résidence à Istanbul, Eleni Kamma s’est intéressée à la destruction du Monument commémoratif d’Ayastefanos, un monument ossuaire érigé à la gloire du soldat russe vainqueur de l’empire Ottoman, détruit, dans un climat nationaliste porté à son comble, dès les premiers jours du premier conflit mondial en 1914. Plus précisément, elle s’est proposée d’évoquer le film qui a été réalisé à cette occasion, film aujourd’hui disparu, fondateur du cinéma national turc. Ainsi, a-t-elle commandité un remake de celui-ci, confiant cette mission à un hayalî, un marionnettiste du Karagöz, ce traditionnel théâtre d’ombres dont le nom provient de celui de l’un de ses deux principaux personnages, Karagöz et Hacivat, théâtre d’ombres qui toujours exprime ce que ses spectateurs eux-mêmes n’osent dire de leur préoccupations morales, sociales et politiques. Les images du Karagöz sont projetées sur un écran de mousseline blanche que l’on nomme ayna, ce qui veut dire miroir. Dans l’esprit de ce dispositif miroitique, Eleni Kamma a conçu son installation vidéo comme une double projection. Ce jeu de miroir dépasse de loin le rappel d’un épisode historique. Entre réel et imaginaire, les jeux d’ombres et de lumière qu’elles révèlent entre film perdu, sources archivistiques, traditions populaires, satire sociale, contradictions et histoire politique activent la mémoire. Les images d’un théâtre d’ombre nous projettent dans le réel, celui, aujourd’hui d’une banlieue d’Istanbul, celui du monde aussi ; car on ne peut que penser aux actuelles contestations, au danger de l’actuelle montée en puissance des nationalismes, aux tentations d’expansions territoriales, à la situations des minorités, au choc des cultures ou aux conflits religieux.

De nationalité grecque, Eleni Kamma vit et travaille à Maastricht et Bruxelles. Elle participe actuellement à une exposition collective à Chypre dont elle est originaire et sera en résidence à Liège, cet automne, au RAVI, où elle projette de poursuivre les recherches entamées à Istanbul. En octobre, elle exposera quelques œuvres connexes au travail actuel à la Kunstraum de Düsseldorf.

(1), Walter Benjamin, Enfance, Eloge de la poupée et autres essais, réédition 2011
(2), Bart Verschaffel, the box: the beginning of architecture according to Jeroen van Bergen, Bonnefantenmuseum Maastricht, 2011

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Valerie Sonnier, Distant proximity, Eric Clemens

Valerie Sonnier

Valerie Sonnier,
sans titre, 2006
crayon et cire sur papier
27,5 x 26 cm

Valerie Sonnier

Valerie Sonnier
Sans titre, 2006
crayon et cire sur papier
27 x 25,5 cm

Ce 14.05.2014 à 19:00

Soirée rencontre autour de l’exposition Distant Proximity avec le philosophe Eric CLEMENS et les artistes, Peter BUGGENHOUT, Michel MAZZONI et WILMES & MASCAUX.
Une occasion unique de voir ou revoir l’exposition à travers un dialogue avec des artistes et un philosophe autour de l’art et du regard.
« Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité ». Cette phrase attirante de NIETZSCHE, que peut-elle bien nous promettre ? Que l’art peut encore être une expérience, une chance de découverte… Et d’abord que l’artiste fait cette expérience ! Mais laquelle exactement ?
Extrait du texte d’Eric CLEMENS dans le cahier Distant Proximity.

Né en 1945, à Bruxelles, Eric Clémens poursuit une double activité fictionnelle, de poésie et de philosophie, marquée par l’interrogation et la passion du langage. Ou plutôt, du geste à la couleur en passant par les notes ou les nombres, des langages, car tous – et singulièrement le langage verbal – constituent pour lui l’espace-temps où notre liberté et notre égalité peuvent se risquer dans leur plus grande intensité génératrice. La fiction, mieux : le fictionnel (distinct du fictif qui se situe dans l’imaginaire) est ce creuset humain où les langages façonnent notre relation au réel pour former notre monde.
Avec Christian Prigent et Jean-Pierre Verheggen, il a participé à l’aventure, d’écriture et de performance orale, courue pendant plus de 20 ans par la revue TXT. Dans la foulée de Mai 68, il a subi l’épreuve de vérité du militant révolutionnaire. Il a été conseiller dramaturgique de « L’Infini Théâtre », dirigé par Dominique Seron. Il a donné et donne des cours de philosophie dans diverses universités et institutions de Belgique, de France et du Québec.
ôté philosophique, à partir de la phénoménologie et de la déconstruction, il ne cesse de rechercher l’ouverture pour notre temps des pensées politique ou éthique, poétique ou artistique et physique ou biologique… Il a publié Le même entre démocratie et philosophie (aux éditions Lebeer-Hossmann, coll. Philosophiques, Bruxelles, 1987), La fiction et l’apparaître (aux éditions Albin Michel, coll. Bibliothèque du Collège International de Philosophie, Paris, 1993), Un mot seul n’est jamais juste. Pour une démocratie des alternances (aux éditions Quorum, Louvain-la-Neuve/Gerpinnes, 1998), Façons de voir (aux Presses Universitaires de Vincennes, coll. Esthétique/hors cadre, Paris, 1999), La démocratie en questions, avec Erwin Jans (aux éditions La Lettre volée, Bruxelles, 2010), Les brisures du réel. Essai sur les transformations de l’idée de « nature » (Editions Ousia, Bruxelles, 2010).
l a publié un choix des Ecrits de Magritte avec une postface “Ceci n’est pas un Magritte” (aux éditions Labor, coll. Espace Nord, Bruxelles, 1994) ; de Max Loreau, il a publié une anthologie, De la création avec une postface “Pour introduire à la création” (éd. Labor, coll. Espace Nord, 1998) et son chef-d’oeuvre posthume, Genèses, rassemblé avec Francine Loreau à partir de plans et de fiches (éd. Galilée, Paris, 2000). (Source Bela)

Place Sainte-Catherine 44 Sint-Katelijneplein – Bruxelles 1000 Brussel

Exposition accessible jusqu’au 8 juin 2014

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Art Brussels 2014, suite et fin (4)

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita

Suchan KINOSHITA
Poignée diagonale & nœud diagonal / diagonale houvast & diagonal not, 2014
Technique mixte, carton trouvé, poignée en métal, dimensions suivant installation

Raphaël Van Lerberghe

Raphaël VAN LERBERGHE
Sans titre
Technique mixte, crayon, collage, cartes de tarot, (2) x 30 x 40 cm et (1) x 24 x 30 cm

Raphaël VAN LERBERGHE
Strip, 2014
Crayon sur papier, 90 x 40 cm

Valerie Sonnier

Valérie SONNIER
Sans titre (sous la neige), 2010
Technique mixte sur papier, 26 x 26,5 cm

Valérie SONNIER
Sans titre (sous la neige), 2010
Technique mixte sur papier, 26 x 20 cm

Jacques Charlier

Jacques CHARLIER
Art is away
acrylique sur toile, 120 x 100 cm, 2013

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