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Werner Cuvelier, les images (2)
Werner Cuvelier, S.P. XXIX, Turner’s Sketch books, les images
Werner Cuvelier, les images (1)
Au début des années 1970, Werner Cuvelier apparaît comme l’un des principaux artistes conceptuels de sa génération en Belgique, produisant une série d’œuvres – conceptualisées comme des recherches – qui cherchent à transformer en forme visuelle les données « objectives » et les relations statistiques qui sous-tendent les mécanismes de la production, de la distribution et des échanges culturels. Werner Cuvelier a développé une stratégie artistique unique pour l’organisation, le catalogage et l’inventaire de toutes sortes de données objectives qu’il a utilisées pour révéler la nature finalement subjective et arbitraire des événements humains. Dans les années 1980, les travaux de Cuvelier se sont orientés vers une représentation plus picturale des relations géométriques et arithmétiques sous forme de purs indices minimalistes. Dans sa riche production de dessins, de peintures et de carnets, Cuvelier s’est dès lors concentré sur les relations qui se cachent derrière des constructions mathématiques telles que le nombre d’or ou la série de Fibonacci. C’est cette seconde approche que Dirk d’Herde, commissaire de l’exposition, développera pour ce quatrième solo de l’artiste à la galerie, tout en mettant en valeur deux Projets Statistiques créés à la fin des années 70.
Werner Cuvelier, S.P. XXXIII Atlas van de Wereld, Atlas du Monde, 1979-1983, les images
Werner Cuvelier, S.P. XXXIII Atlas van de Wereld, Atlas du Monde, 1979-1983 – galerie Orez-Mobiel, Den Haag
(…) Werner Cuvelier expose son trente troisième projet statistique en 1983 à la galerie Orez- Mobiel à La Haye aux Pays-Bas. Le fait est loin d’être anodin : Orez est une inversion du mot Zéro. Fondée en avril 1960, Orez, puis Orez-Mobiel dès 1975, fut à l’origine du lancement du groupe révolutionnaire ZERO sur la scène mondiale ; elle a joué un rôle central dans le développement du groupe Nul, la branche néerlandaise du mouvement, cofondées par Jan Schoonhoven et Armando, en collaboration avec Jan Henderikse et Henk Peeter, groupe dont le crédo repose sur la monochromie, la répétition – rythme et régularité sont privilégiés -, la sérialité ainsi que le traitement direct du matériau. Une Œuvre-NUL est une représentation objectivement neutre de la réalité, déclare Jan Schoonhoven. Autant de caractéristiques que l’on retrouve dans cet Atlas de Werner Cuvelier, vision tangible d’un monde qui nous semble à portée de doigt.
Le S.P. XXXIII Atlas van de Wereld condensera et traduira visuellement à l’échelle la seule dimension démographique. Sur base de la publication de l’Unesco, Cuvelier dresse la liste des 202 pays et territoires analysés, les répartit en zones continentales, note pour chacun d’eux le nombre de kilomètres carrés, le chiffre de population arrêté en 1978, le ratio de la population au kilomètre carré. Ceci constituera son catalogue, catalogus.
Werner Cuvelier, S.P. XXXIII Atlas van de Wereld, Atlas du Monde, 1979-1983.
Werner Cuvelier n’a décidément pas froid aux yeux lorsqu’il s’agit d’inventorier le réel. Voici qu’il projette en 1979 rien de moins que de cartographier un Atlas mondial. Souvenons-nous qu’il s’est déjà frotté en 1973 au Rapport Meadows, The Limits to Growth, édité à l’initiative du Club de Rome, ce groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays, préoccupés par les problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés lorsqu’il s’agit de contrôler les limites de la croissance. Cette fois, c’est l’Annuaire statistique 1978-1979, publié par l’UNESCO, qui l’attire. Quelque deux cents États ou territoires y sont passés en revue dans les domaines de compétence de cette organisation, c’est-à-dire l’éducation, la science, la culture et la communication. L’annuaire fournit des chiffres très détaillés sur l’enseignement et la recherche scientifique à travers le monde, sur les musées et les bibliothèques, le théâtre, l’édition, la presse écrite et audiovisuelle, le cinéma, etc. Au total, ce sont plus de cent tableaux statistiques mondiaux qui sont ainsi établis, sinon de manière exhaustive, du moins de la façon la plus complète possible, car chaque pays a ses propres critères, ses propres références et des modes d’inventaire particuliers. Fondement de toute statistique internationale, la démographie du monde y est brossée en quelques tableaux. On comptait, en 1977, quelque 4 375 000 000 d’hommes et de femmes à la surface de la Terre, dont plus de la moitié (2 372 000 000) âgés de moins de vingt-quatre ans. Les 1266 pages de l’ouvrage sont une mine d’or statistique.[1] Dans ses notes de travail, Werner Cuvelier se projette déjà un champ culturel et cultuel mondial à représenter à l’échelle[2], pays par pays, un prolongement à son Projet Statistique XXVI, Coördinaten, Coordonnées, approche d’un millénaire de culture occidentale au travers de sept disciplines, grand œuvre qui l’occupa durant deux ans, de 1975 à 1977.
Atlas ? Frontières ? Population mondiale ? Dans les notes de l’artiste, les termes se croisent. Le concept d’atlas l’attire au plus haut point. Werner Cuvelier s’intéresse également à la notion de frontière géographique qu’il abordera d’ailleurs dans des travaux ultérieurs. Il s’arrêtera finalement à la démographie, aux ratios de la population mondiale par rapport au ratio territorial. L’horizon s’éclaircit : le S.P. XXXIII Atlas van de Wereld condensera et traduira visuellement à l’échelle la seule dimension démographique. Sur base de la publication de l’Unesco, Cuvelier dresse la liste des 202 pays et territoires analysés, les répartit en zones continentales, note pour chacun d’eux le nombre de kilomètres carrés, le chiffre de population arrêté en 1978, le ratio de la population au kilomètre carré. Ceci constituera son catalogue, catalogus. A l’échelle, Les territoires seront représentés par des carrés, figure géométrique choisie pour son caractère statique, les populations par des cercles, figure plus mobile et mouvante. Cercles et carrés sont réalisés en carton recyclé, traité avec une préparation de colle de peau de lapin et de blanc de craie. Ils sont en outre marqués d’un numéro de série renvoyant au catalogue. Les uns et les autres seront exposés en série, croissantes ou décroissantes. Ils pourront également être superposés, cercle sur carré ou carré sur cercle correspondant.
Werner Cuvelier expose son trente troisième projet statistique en 1983 à la galerie Orez- Mobiel[3] à La Haye aux Pays-Bas. Le fait est loin d’être anodin : Orez est une inversion du mot Zéro. Fondée en avril 1960, Orez, puis Orez-Mobiel dès 1975, fut à l’origine du lancement du groupe révolutionnaire ZERO sur la scène mondiale ; elle a joué un rôle central dans le développement du groupe Nul, la branche néerlandaise du mouvement, cofondées par Jan Schoonhoven et Armando, en collaboration avec Jan Henderikse et Henk Peeter, groupe dont le crédo repose sur la monochromie, la répétition – rythme et régularité sont privilégiés -, la sérialité ainsi que le traitement direct du matériau. Une Œuvre-NUL est une représentation objectivement neutre de la réalité, déclare Jan Schoonhoven. Autant de caractéristiques que l’on retrouve dans cet Atlas de Werner Cuvelier, vision tangible d’un monde qui nous semble à portée de doigt.
Werner Cuvelier n’a pas pu conserver les plus grands des pays et leurs populations, je veux dire par là les plus grands cercles et carrés, qu’il a choisi dès lors de montrer grâce à l’archive photographique de l’exposition de 1983 à La Haye. Subsiste le dessin préparatoire, la catalogue – catalogus et une très large sélection des cartons recyclés.
[1] Roger Cans, Annuaire statistique de l’Unesco. Les chiffres de l’inégalité, Le Monde, 5 mai 1981
[2] Tekenboek I, archives W.Cuvelier
[3] 1 octobre – 1 novembre 1983