Archives mensuelles : mai 2021

Jacques Lizène, Benjamin Monti, Art Brussels week, vernissage ce 1er juin

A l’occasion de la Art Brussels week, la galerie Nadja Vilenne a le plaisir de vous accueillir en sa pop-up gallery, rue Ernest Allard, 18 – 1000 Bruxelles (Sablon) et expose des oeuvres de Benjamin Monti et Jacques Lizène. 

vernissage le mardi 1er juin de 12 à 21 h

exposition jusqu’au 13 juin 

mer.-jeu.-ven.-sam.-dim. de 12 à 18h

Benjamin Monti, de la série (d’) a près la bataille, encore de chine sur papier, 29,7 x 21 cm, 2013
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré. André Derain croisé Louis Jamme

La Art Brussels week se déroule du 3 au 6 juin. Aperçu complet des participants: www.artbrussels.com

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Jacqueline Mesmaeker, Der Rattenfänger, galerie Duflon Ratz, Bruxelles, sur une idée de Pierre-Philippe Hofmann

Jacqueline Mesmaeker participe à l’exposition Der Rattenfänger, conçue par Pierre-Philippe Hofmann à la galerie Duflon Rats à Bruxelles. Jusqu’au 11 juin. 

Dans leur conte adapté d’une légende (Der Rattenfänger von Hameln), les frères Grimm décrivent la figure magnétique d’un attrapeur de rats capable, au son de sa flûte, d’entraîner dans son sillage les rats ou les enfants, selon la tournure du récit. C’est sur une idée comparable que nous avons imaginé la façon d’organiser une exposition de groupe.

Un rouleau de plastibulle sur l’épaule, Pierre-Philippe Hofmann quitte sa maison à Linkebeek pour marcher vers la galerie Duflon Racz à Ixelles. Il marque une pause chez les artistes qui travaillent ou habitent sur la trajectoire et les invite à se joindre au groupe, en emportant avec eux une une pièce de petite taille, soigneusement emballée. Parallèlement, Frédéric Fourdinier organise une cueillette de plantes sauvages qui seront ensuite cuisinées. Le trajet n’est pas très long, mais la progression se fait par à coups, et c’est dans une temporalité spécifique que quelque chose se réalise. Peu à peu, ce quelque chose est devenu un projet commun. Organiquement, linéairement.

Dans la galerie, les œuvres sont rangées dans une étagère conçue sur mesure. Au fil des deux mois d’exposition, elles seront humblement agencées par petit groupe dans l’espace.

Avec des oeuvres de : Marie André  & Eugène Savitzkaya, Elodie Antoine, Michel Assenmaker, Laurette Attrux-Tallau, Etienne Courtois, Grégory Decock, Philippe Degobert, Mathias Domahidy, Claire Ducène, Frédéric Fourdinier, Pierre Hebbelinck, Pierre-Philippe Hofmann, Nicolas Kozakis, Adrien Lucca, Pierre Martens, François Marcadon, Vincent Meessen, Jacqueline Mesmaeker, Harald Thys & Jos de Gruyter, Michel Tombroff, Various Artists, Mathieu Zurstrassen…

 

Jacqueline Mesmaeker, Est Sud ouest , cartons postaux, 2009-2017

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Art Brussels week, Benjamin Monti, dessins et collages

Cette pratique du collage, chez Benjamin Monti : de troublants allers-retours entre imprimés originaux et leurs copies lasers, déchirures de celles-ci et collages, des collages de photocopies qu’il a lui-même redessinés, voir dessinés car, finalement, on ne sait même pas si les collages dessinés à la main ont existé…

Benjamin Monti , Sans titre, d’une suite de 5 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018
Benjamin Monti , Sans titre, d’une suite de 5 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018
Benjamin Monti , Sans titre, d’une suite de 5 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018
Benjamin Monti , Sans titre, d’une suite de 5 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018
Benjamin Monti , Sans titre, d’une suite de 5 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018
Benjamin Monti, Sans titre, d’une suite de 2 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018
Benjamin Monti, Sans titre, d’une suite de 2 dessins, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, 2018

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Art Brussels Week, Jacques Lizène, sculptures génétiques en remake, croiser les visages croisés au musée

A l’occasion de la production de cette sculpture pour le musée de Liège, Jacques Lizène a également croisé toute une série de portraits rencontrés dans la collection du musée. Voici Paul Gauguin croisé Gérard Douffet, Gérard Douffet croisé Auguste Donnay, Auguste Donnay croisé Edouard Agneessens, André Derain croisé Louis Jamme, Léonard Defrance croisé André Derain ou encore James Ensor croisé François Joseph Navez. Un joyeux bordel aux cimaises et dans les réserves. Lizène, lui, se croise avec un squelette de James Ensor. 

Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
James Ensor croisé François Joseph Navez
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
André Derain croisé Louis Jamme
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Englebert Fisen croisé Pieter Balten
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Paul Gauguin croisé Gérard Douffet.
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Pierre Balten croisé Jean Guillaume Carlier
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Mathieu Nisen croisé Mathieu Nisen
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Gérard Douffet croisé Auguste Donnay
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Marcel Caron croisé James Ensor
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Emile Delperée croisé Frans Depooter
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
André Derain croisé Léonard Defrance
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Pieter Balten croisé Emile Deckers
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Jean Guillaume Carlier croisé Pieter Balten
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Auguste Donnay croisé Edouard Agneessens
Jacques Lizène
Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré
Marcel Caron croisé James Ensor

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Art Brussels week, Benjamin Monti, collages muraux, un historique

A l’occasion de cette Art Brussels Week, Benjamin Monti couvre les murs de la pop-up galerie Nadja Vilenne, à Bruxelles, de nouveaux collages all over, une pratique initiée en 2019 lors d’une exposition solo que l’artiste avait, fort adéquatement, intitulée Restructuration du travail. Alors que le public s’attendait à découvrir de nouvelles séries de dessins, Benjamin Monti lui a proposé une série de collages monumentaux réalisés à même les murs, portes ou gaines de cheminée. Pour une restructuration du travail, c’en était une de taille. L’aventure s’est poursuivie à la Luxembourg Art Week quelques mois plus tard, ensuite, de façon particulièrement exemplaire, au Musée des Beaux-arts de Tournai, pour une exposition – Paradis perdu – construite autour d’un magnifique dessin de Vincent Van Gogh, Arbres à Montmajour. Voici donc qu’il récidive à Bruxelles.

Restructuration du travail, 2019
Restructuration du travail, 2019
Restructuration du travail, 2019
Restructuration du travail, 2019
Restructuration du travail, 2019
Luxembourg Art Week, 2019
Musée des Beaux Arts de Tournai, 2021
Musée des Beaux Arts de Tournai, 2021
Musée des Beaux Arts de Tournai, 2021
Musée des Beaux Arts de Tournai, 2021
Musée des Beaux Arts de Tournai, 2021
Musée des Beaux Arts de Tournai, 2021

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Art Brussels Week, Jacques Lizène, art syncrétique 1964, en remakes, sapins croisés palmiers, un historique, vite

Coller, déchirer, hybrider, c’est assurément le quotidien du Petit Maître. Parmi ses multiples activités, Jacques Lizène, petit maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle, artiste de la médiocrité et de l’art sans talent pour art d’attitude, dessine depuis 1964 de petites choses en les croisant : « Croiser toutes sortes de choses comme des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures ». Ou encore : « Découper et mélanger deux styles ». Ainsi pratique-t-il un syncrétisme par collage, croisant le haut d’une sculpture hindoue adoptant la triple flexion végétale et le bas d’une statue africaine, un sapin et un palmier, un chameau et un bovidé, des avions ou des autos, des visages qui se transforment en masques. Lizène hybride le réel en des créations indisciplinées, fusionne des éléments de cultures différentes ; la pratique trouvera son naturel prolongement dans l’Interrogation génétique, la Sculpture génétique ou la Sculpture génétique culturelle. Jacques Lizène pratique ainsi sans cesse l’accouplement, lui qui a refusé de procréer, mais il féconde des bâtards, altère, outrage, transgresse, se réjouit de la disharmonie et s’enthousiasme même de rendre celle-ci non perçue ; il renoue avec le grotesque, l’anormalité, ce que l’histoire de l’art positiviste a d’ailleurs longtemps refoulé. Dans un chaos délibéré, le dérèglement est ainsi systématique. Les sapins croisés palmiers sont apparus très tôt dans le corpus lizénien, foison de petits dessins médiocres, de peintures (parfois à la matière fécale), de projets de sculptures nulles à ne pas réaliser. En 2018, il intègre enfin une monumentale sculpture, croisement d’ un palmier, d’un olivier et d’un sapin, à l’architecture du musée de Liège rénové. Le syncrétisme, terme de souche religieuse et philosophique, est une combinaison d’éléments hétérogènes ainsi que l’être ou l’objet qui en résulte, un mélange; aujourd’hui on parlerait de métissage ou de sampling et le croisement de ces végétaux mutant défie toutes les lois de la nature. Lizène croise, ici, trois arbres qui restent vivaces toute l’année et qui bien sûr sont, en termes de religions et de civilisations, hautement symboliques. Depuis, il étend le champ des possibles croisant cactus, yucca ou ananas (la banane n’est pas l’ananas, petite chanson médiocre). Le Petit Maître précise toutefois que les métissages qu’il propose n’ont rien de politiquement correct. « Je me contente de faire des petites fantaisies d’art plastique en attendant la mort, a-t-il l’habitude de préciser ». Il n’empêche que ces hybrides croisements végétaux, débridés et accrochés à l’envers, car l’artiste apprécie les retournements de situation, évoque bien des fragilités du monde actuel.

Jacques Lizène, petit dessin médiocre, 1964, crayon sur papier. Collection de l’artiste.
Jacques Lizène
Art syncrétique 1964, olivier croisé sapin croisé palmier, projet de sculpture en bronze peint, socle avec système hydraulique et roulement à billes, remake 2011. Technique mixte sur enveloppe, 24 x 23 cm. Encadré sous double plexi 30 x 30 cm
Jacques Lizène
Art syncrétique 1964, en remake 2018, palmier croisé olivier croisé sapin.
Sculptures génétiques 1971, en remake 2018, Croiser tous les visages croisés dans les collections du musée, vidéo. Intégration au musée de la Boverie, Liège.
Jacques Lizène
Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Palmier croisé olivier croisé cactus. Technique mixte, h. 220 cm
Jacques Lizène
Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Olivier croisé ananas. Technique mixte, h. 160 cm
Jacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Palmier croisé olivier croisé yucca. Technique mixte, h. 145 cm

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Art Brussels week – Juin 2021 – Benjamin Monti , Jacques Lizène, coller, hybrider.

Benjamin Monti, Sans titre, 2021. Installation au musée des Beaux Arts de Tournai (détail)

A l’occasion de cette Art Brussels Week, Benjamin Monti couvre les murs de la pop-up galerie Nadja Vilenne, à Bruxelles, de nouveaux collages all over, une pratique initiée en 2019 lors d’une exposition solo que l’artiste avait, fort adéquatement, intitulée Restructuration du travail. Alors que le public s’attendait à découvrir de nouvelles séries de dessins, Benjamin Monti lui a proposé une série de collages monumentaux réalisés à même les murs, portes ou gaines de cheminée. Pour une restructuration du travail, c’en était une de taille. L’aventure s’est poursuivie à la Luxembourg Art Week quelques mois plus tard, ensuite, de façon particulièrement exemplaire, au Musée des Beaux-arts de Tournai, pour une exposition – Paradis perdu – construite autour d’un magnifique dessin de Vincent Van Gogh, Arbres à Montmajour. Voici donc qu’il récidive à Bruxelles.

Benjamin Monti, est un étonnant collecteur d’images, collectionneur de curiosités imprimées, recycleur d’un corpus iconographique qu’il hybride, recompose, revivifie entre copies et originaux, une plongée abyssale dans une lecture de la représentation sans cesse réévaluée. Certes, Benjamin Monti est un Méçant Garçon, cédille comprise. Il copie sur son voisin, découpe dans les encyclopédies, vole les cahiers d’écolier de ses petits camarades. Il compulse de façon compulsive. C’est la nécessité de dessiner et de répéter – comme une leçon, une chanson, une posture – telle figure, qui est le moteur de son imagerie poétique, écrit Denis Gielen qui précise : « Les dessins de Benjamin Monti, sages à première vue, procèdent d’un détournement du bon sens et de la bonne conduite, proche du surréalisme : on songe aux romans-collages de Max Ernst. A bien les regarder, c’est d’ailleurs ce même parfum de délicate perversité qui s’en dégage ; fruit de l’union entre innocence et criminalité, jeu et cruauté, plaisir et souffrance. D’où, naturellement, l’impression que ses propres dessins, couplés souvent à d’autres sources, à des dessins d’autrui ou d’un autre âge, fonctionnent comme ces machines désirantes que Gilles Deleuze et Félix Guattari ont imaginées pour décrire l’inconscient non plus comme un théâtre mais comme une usine, un lieu et un agent de production, et partant, le désir non plus comme manque mais comme agencement ».

Benjamin Monti s’explique sur cette pratique du collage, présente dans son travail dès ses premiers travaux graphiques, des fanzines où il lui arrivait d’à la fois coller et dessiner. « Mon travail de dessinateur consiste à emprunter, citer, hybrider des sources diverses, sans colle ni ciseaux. C’est une logique de collage dans l’image. Il m’est vraiment nécessaire de chercher mes sources dans une rencontre physique. Je chine, je fréquente les bouquinistes et les poubelles. Il m’est tout aussi nécessaire de travailler manuellement, il faut que ce processus de réappropriation de l’image, des images, passe par la main, ce qui exige une certaine lenteur, ou du moins un rapport au temps très particulier. Avec ces all over, j’ai eu envie de poursuivre au travers de l’iconographie utilisée ces dix dernières années, mais dans une impulsion plus vivante, plus organique. Je reviens à la saturation, quittant l’image flottante. L’espace et l’échelle sont envisagés autrement : je propose au spectateur de se confronter au monumental sans être face à une image simple et lisible d’un coup d’œil. Être face aux collages demande de rentrer dans l’image, dans la multiplicité des images. Il n’y a pas de compréhension immédiate, l’œil se perd en processus, se confronte à une multitude de fragments. J’utilise des rythmiques, des répétitions, je compose également à l’intuition. Et l’œil du spectateur fera son chemin ».

Lorsqu’il conçoit ses collages muraux, Monti préfère la déchirure, celle qui révèle la structure du papier, au coup de ciseaux : « Quand on évoque la pratique du collage, explique-t-il, on évoque souvent la technicité, la minutie et la finesse du coup de ciseaux. J’ai voulu rompre avec cette perspective. La déchirure convoque l’interdit, ce qu’on peut ou ce que l’on ne peut pas faire d’un livre. C’est une pratique plus instinctive qui permet des mises en tension, entre légèreté, savoir-faire et destruction. Durant toutes ces années, j’ai accumulé les photocopies d’images afin d’hybrider mes compositions, d’échafauder mes dessins. Tout n’est dès lors pas du simple noir et blanc ; il y a également la richesse des niveaux de gris, les infidélités faites mécaniquement aux images d’origine. Quant à cette façon de manipuler les images au travers du collage, j’ai certainement été inspiré par les lacérations de Jacques Villeglé, les froissages de Jiri Kolar, les collages et assemblages de Bruce Conner, les collages muraux de l’appartement d’Islington de Kenneth Halliwell et Joe Orton réalisés à partir de livres liés à l’histoire de l’art et volé dans une bibliothèque, les collages pour les flyers de soirées et les fanzines punks qui sont des exemples d’œuvres ou la dextérité des ciseaux n’est pas toujours primordiale. Ou encore l’accumulation de photocopies mise en place depuis de nombreuses années par Joe G. Pinelli sur les murs de l’atelier des cours du soir section illustration et bande dessinée à l’Académie royale des beaux-arts de Liège. Ce sont là quelques-unes de mes influences ou sources de réflexion sur l’image ».

Jacques Lizène, Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Olivier croisé ananas, 2018 Mixed media

C’est Benjamin Monti qui a désiré associer Jacques Lizène à cette exposition. Coller, déchirer, hybrider, c’est assurément le quotidien du Petit Maître. Parmi ses multiples activités, Jacques Lizène, petit maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle, artiste de la médiocrité et de l’art sans talent pour art d’attitude, dessine depuis 1964 de petites choses en les croisant : « Croiser toutes sortes de choses comme des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures ». Ou encore : « Découper et mélanger deux styles ». Ainsi pratique-t-il un syncrétisme par collage, croisant le haut d’une sculpture hindoue adoptant la triple flexion végétale et le bas d’une statue africaine, un sapin et un palmier, un chameau et un bovidé, des avions ou des autos, des visages qui se transforment en masques. Lizène hybride le réel en des créations indisciplinées, fusionne des éléments de cultures différentes ; la pratique trouvera son naturel prolongement dans l’Interrogation génétique, la Sculpture génétique ou la Sculpture génétique culturelle. Jacques Lizène pratique ainsi sans cesse l’accouplement, lui qui a refusé de procréer, mais il féconde des bâtards, altère, outrage, transgresse, se réjouit de la disharmonie et s’enthousiasme même de rendre celle-ci non perçue ; il renoue avec le grotesque, l’anormalité, ce que l’histoire de l’art positiviste a d’ailleurs longtemps refoulé. Dans un chaos délibéré, le dérèglement est ainsi systématique. Les sapins croisés palmiers sont apparus très tôt dans le corpus lizénien, foison de petits dessins médiocres, de peintures (parfois à la matière fécale), de projets de sculptures nulles à ne pas réaliser. En 2018, il intègre enfin une monumentale sculpture, croisement d’ un palmier, d’un olivier et d’un sapin, à l’architecture du musée de Liège rénové. Le syncrétisme, terme de souche religieuse et philosophique, est une combinaison d’éléments hétérogènes ainsi que l’être ou l’objet qui en résulte, un mélange; aujourd’hui on parlerait de métissage ou de sampling et le croisement de ces végétaux mutant défie toutes les lois de la nature. Lizène croise, ici, trois arbres qui restent vivaces toute l’année et qui bien sûr sont, en termes de religions et de civilisations, hautement symboliques. Depuis, il étend le champ des possibles croisant cactus, yucca ou ananas (la banane n’est pas l’ananas, petite chanson médiocre). Le Petit Maître précise toutefois que les métissages qu’il propose n’ont rien de politiquement correct. « Je me contente de faire des petites fantaisies d’art plastique en attendant la mort, a-t-il l’habitude de préciser ». Il n’empêche que ces hybrides croisements végétaux, débridés et accrochés à l’envers, car l’artiste apprécie les retournements de situation, évoque bien des fragilités du monde actuel.

A l’occasion de la production de cette sculpture pour le musée de Liège, Jacques Lizène a également croisé toute une série de portraits rencontrés dans la collection du musée. Voici Paul Gauguin croisé Gérard Douffet, Gérard Douffet croisé Auguste Donnay, Auguste Donnay croisé Edouard Agneessens, André Derain croisé Louis Jamme, Léonard Defrance croisé André Derain ou encore James Ensor croisé François Joseph Navez. Un joyeux bordel aux cimaises et dans les réserves. Lizène, lui, se croise avec un squelette de James Ensor. 

Nadja Vilenne pop-up gallery – Art Brussels week rue Ernest Allard, 18 – 1000 Bruxelles 

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Valérie Sonnier, Habiter le lieu, Montrésor, entretien avec Anne-Laure Chamboissier

Valérie Sonnier, Montrésor, crayon, crayons de couleur et cire sur papier, 2020
Valérie Sonnier, Montrésor, film super 8 mm numérisé, 10 min, 2021

Entretien entre Valérie Sonnier et Anne-Laure Chamboissier, commissaire de l’exposition. 

Tu as été invitée à réaliser un projet in situ au Château de Montrésor. Qu’est-ce qui a suscité chez toi l’intérêt pour ce lieu ?

VS.  J’ai tout de suite été enthousiaste à l’idée d’investir le Château de Montrésor. Mon intérêt a tout d’abord été suscité par la richesse de l’histoire de la famille qui se transmet le château depuis sept générations, ainsi que par la découverte lors de ma première visite de toute une partie « abandonnée » dont je n’avais pas soupçonné l’existence. Deux espaces coexistent : celui de l’étage laissé à l’abandon et la partie du château accessible au public, comme figé dans le temps. En effet, c’est l’un des rares châteaux de la région à être encore meublé comme à l’origine et tout visiteur s’y  promenant peut  aisément   ainsi   imaginer  comment la famille y vivait il y a peu de temps. Ce contraste était parfait pour parler du temps qui passe, mais aussi plus précisément pour rendre hommage à celles et ceux qui ont constitué l’histoire de ce lieu, évoquées par la présence – dans mon film tout au moins – d’un fantôme, question récurrente dans mon travail. Dans un précédent projet filmique, « Des pas sous la neige » (exposé au Frac Île- de-France au Château de Rentilly dans le cadre de l’exposition « Le Cabaret du néant »), j’avais filmé la maison familiale avant de la quitter, puis vide de tout meuble et habitée par un fantôme. Son apparition symbolise aussi bien tous les esprits que les êtres ayant habité ces lieux.

Tu as séjourné en résidence au château à trois périodes. Comment ces temps sont-ils venus nourrir ton projet ?

VS. Ces trois séjours m’ont permis de filmer et de photographier les intérieurs et extérieurs du château. Certaines idées de plans s’imposaientdéjà dès la première visite mais beaucoup d’autres sont venues au fur et à mesure en passant du temps sur place. Je filme en super 8 et envoiemes films à Berlin pour le développement. Il se passe deux à trois semaines entre l’envoi et le moment où je peux voir les images. J’avais donc besoin d’espacer ces trois séjours pour filmer en fonction des résultats obtenus. Je pensais à l’idée de l’or, du trésor de Montrésor (il existe une « salle du trésor » dans le château) et j’ai commencé des dessins en utilisant des pigments dorés. Finalement l’or est apparu en visionnant la version négative des films couleur, ce qui a déterminé ma façon de filmer pendant les deux derniers séjours. Parallèlement aux séances de prises de vues j’ai pu rencontrer des descendants du Comte Xavier Branicki. Ils ont généreusement accepté de répondre à mes questions, de me raconter l’histoire de la famille et de la Pologne et j’ai pu enregistrer des sons lors d’une soirée de Noël, occasion de retrouvailles familiales autour de chants polonais. L’installation sonore dans le projet « Montrésor » reprendra une partie de ces sons.

« Montrésor » se présente comme une vaste installation qui se déploie dans différentes pièces à l’intérieur du château. De quelle manière as-tu articulé ces  multiples éléments dans l’espace : film, dessins, photographies, son… ?

VS. Le film va être projeté dans une salle uniquement dédiée à la projection qui sera, selon l’envie, au début ou à la fin du parcours. Les dessins sont une présentation du décor, une série de vues extérieures du château. Un seul grand dessin ouvrira  le  parcours en répondant aux trophées de chasse qui ornent les murs de la salle à manger. Les photographies et les installations sonores viendront ponctuer le parcours, l’idée étant d’articuler les pièces in situ en gardant une certaine « légèreté de présence ».

Valérie Sonnier, Les trois états de la Pologne, interventions sur livres, 2021
Entre chien et loup, d’après La chasse au loup d’Alexandre-François Desportes, fusain sur papier, 2021
Valérie Sonnier, Fantasmagories, photographies argentiques et photogrammes sur transparents dans cadres anciens, 2021

Ce lieu est un lieu habité d’Histoire avec un grand H (celle de la Pologne et de la France) et celle intime d’une famille sur plusieurs générations à travers les objets et souvenirs qui meublent le château. Comment es-tu venue te glisser à l’intérieur de cela ? Est- ce une forme de nouveau récit que tu nous offres ? Et si oui quel est-il ? Ou participes- tu par ton intervention d’une sorte de revivifiance de ce lieu ?

VS. L’Histoire avec un grand H est effectivement très présente dans le château, à travers des peintures et des objets. Xavier Branicki acheta Montrésor en 1849 et en fit un refuge et un lieu de retrouvailles pour des générations de polonais. Pendant la seconde guerre mondiale, Anna Potocka  s’engagea à l’âge de 77 ans dans la résistance et joua un rôle important en accueillant au  château  les  résistants  et les juifs qui voulaient franchir la ligne de démarcation pour échapper aux nazis. J’ai aussi découvert la complexité de l’histoire de la Pologne en m’intéressant à Montrésor. Je n’ai pas choisi d’en faire l’axe principal du projet mais dans la salle de billard dans laquelle deux grands tableaux d’Histoire se font face, une pièce montrera les différents états du territoire polonais. Quant à l’histoire de la famille, elle sera présente dans le film et dans l’histoire du fantôme. Des photographies viendront se mêler aux photographies de famille. L’histoire du château est aussi une histoire  de   femmes.   Xavier  Branicki  en fit l’acquisition sur les conseils de sa mère. Anna Potocka, évoquée précédemment, a été une figure emblématique de la famille. Dans une des salles du château sont exposés exclusivement des portraits de femmes. J’y installerai une pièce qui évoquera la transmission grâce à la participation des trois filles de Georges et  Geneviève Szerauc, la dernière génération des femmes de Montrésor. Pour répondre à ta question, je pense que l’histoire du fantôme introduit une forme de nouveau récit et surtout une nouvelle façon d’évoquer les personnages de cette famille. La revivifiance étant amenée par la présence des voix, des chants et des femmes de la dernière génération.

Dans ton travail, comme cela est le cas ici, la question de lier intimement mémoire individuelle et collective est quelque chose de récurrent. J’aimerais que tum’en parles plus précisément.

VS. Dans mes premiers films super 8 « Le jardin et La plage » j’insérais des passages extraits de films 8 mm filmés par ma grand- mère de mes frères et moi enfants. J’utilisais ces images de films de famille afin de provoquer les souvenirs et d’établir un lien à une mémoire collective de l’enfance. Pour le projet Montrésor, contrairement à ce que j’avais supposé, il n’existe pas (ou cela a été égaré) d’archives familiales filmiques. Le lien entre mémoire individuelle et collective se fera donc autrement. Il existe surtout par l’histoire de la famille, le rapport à l’exil et l’attachement au pays d’origine, aux racines, et par l’engagement  d’Anna  Potocka  dans la résistance… survient alors pour nous la mémoire collective de la seconde guerre mondiale, celle que nous avons tous par les récits, les films, les images. Quant à l’exil, si l’on s’attache à l’idée de l’importance des racines, nous avons tous des racines familiales dont nous nous sommes plus ou moins éloignés. Les films dans le jardin parlaient aussi de cela, de l’importance du lieu premier, celui où l’on a passé son enfance et dont on se souvient toujours. Enfin, l’utilisation de l’extrait sonore d’un film de 1942 pourra provoquer des souvenirs cinématographiques chez certains sans forcément être associés au film cité mais à l’ensemble du cinéma français des années 40 et d’après-guerre.

Entretien publié dans le guide du visiteur de l’exposition. 

Exposition du 19 mai au 31 octobre 2021 au Château de Montrésor

Château de Montrésor 11 Rue Xavier Branicki 37460 Montrésor +33 2 47 19 27 50

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Enchanté de vous connaître, Les Chiroux, Liège, Sophie Langohr, Jacques Lizène, Pol Pierart, Marie Zolamian

Jacques Lizène, art syncrétique, chaises croisées, collection Province de Liège

Depuis plusieurs années, la Province de Liège cherche à valoriser les œuvres de sa collection artistique par le biais d’expositions aux thèmes singuliers et originaux. Pour celle-ci, le point de départ fut le travail photographique de Jacques Donjean qui a suscité l’envie d’une collaboration. Photographe et réalisateur, il a rencontré de nombreux artistes de la Province de Liège dans leurs ateliers respectifs et a capturé chacun d’eux sous la forme d’un portrait intimiste en noir et blanc. Cela donne un panel éclectique qui permet d’approcher au plus près les singularités de chacun. Une démarche originale qui a conduit à l’objet de cette exposition : faire correspondre les portraits d’artistes de Jacques Donjean avec leurs œuvres figurant dans la collection. Un parallèle qui invite le public à un jeu de miroirs : Qui est l’artiste ? Où est son œuvre ? Cela renvoie à un tête-à tête privilégié créant un lien avec une œuvre d’art et un artiste. «Enchanté de vous connaître» dépasse de loin la simple formule de politesse mais invite à faire naître un sentiment fort, voire bouleversant auprès du public.

Avec, entre autres, des oeuvres de Jacques Lizène, Pol Pierart, Marie Zolamian, Sophie Langohr. 

Centre Culturel Les Chiroux, du 19 mai au 3 juin. Accès gratuit du me. au di. de 14:00 à 18:00

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