Aglaia Konrad, What Mad Poursuit, The Teatro dell’architettura, Mendrisio 

FR.

Le Teatro dell’architettura Mendrisio de l’Università della Svizzera italiana présente l’exposition WHAT MAD PURSUIT du 7 avril au 22 octobre 2023, promue par l’Académie d’architecture de l’USI et organisée par Francesco Zanot.

À travers une sélection d’œuvres photographiques d’Aglaia Konrad (Salzbourg, 1960), Armin Linke (Milan, 1966) et Bas Princen (Zélande, 1975), le projet explore la relation entre l’architecture et la photographie, et celle entre cette dernière et le contexte dans lequel elle est montrée, en se concentrant sur la complexité d’une imbrication qui place les œuvres au centre d’un processus constant de négociation entre le sujet et l’espace d’exposition. L’exposition questionne la fonction documentaire de la photographie, entendue ici comme un dispositif qui enregistre et transforme simultanément la réalité, tout en contredisant sa conception d’image bidimensionnelle en explorant sa matérialité, son corps et sa présence.

En présentant une cinquantaine d’œuvres créées par les auteurs dans des lieux et à des moments différents, avec des objectifs tout aussi hétérogènes, l’exposition explore les intersections entre la photographie et l’architecture, l’espace représenté et l’espace d’exposition. Dans les pratiques artistiques des trois auteurs, l’espace interne du cadre et l’espace externe deviennent des objets d’étude mais aussi de re-vision radicale par la médiation de la photographie. Chaque œuvre ou cycle d’œuvres active de nouvelles interprétations de sujets déjà soumis à des processus de représentation et d’interprétation, en introduisant de nouvelles couches de signification qui s’entrecroisent avec les précédentes. Au lieu de représenter (une fois pour toutes), la photographie déclenche ici une réaction en chaîne de resignification qui est, au moins théoriquement, sans fin. La photographie ravive et redémarre. C’est une question d’intersections, d’interactions, de chevauchements, de réactions, d’interférences.

Dans la série photographique Shaping Stones, Aglaia Konrad associe des bâtiments d’architectes connus à des œuvres anonymes, anciennes ou contemporaines, unies par l’utilisation d’un même matériau et par un mode de représentation, la photographie en noir et blanc, qui permet d’obtenir un amalgame aussi cohérent qu’étranger à toute catégorie reconnue. Armin Linke réutilise les images préexistantes de ses archives, prises à travers le monde au cours de sa carrière. Il les mélange pour former un nouveau récit qui dépasse le contexte original de production, remettant en question les notions mêmes de chronologie, de linéarité, d’histoire et d’uniformité. Bas Princen photographie d’autres représentations, s’interrogeant sur ce qu’il advient d’elles une fois qu’elles sont dupliquées et converties en images bidimensionnelles. Dans son travail, des détails d’éléments préexistants, tels que des peintures, des objets et des photographies, habituellement saisis dans leur intégralité, sont soumis à un nouveau processus d’interprétation, donnant naissance à des images nouvelles et indépendantes, capables de se détacher des images d’origine. L’artiste remet également en question la bidimensionnalité même de la photographie grâce à une technique d’impression basée sur le relief et dotée d’une qualité sculpturale inhabituelle.

EN

The Teatro dell’architettura Mendrisio of the Università della Svizzera italiana presents the exhibition ‘WHAT MAD PURSUIT. Aglaia Konrad, Armin Linke, Bas Princen’, from 7 April to 22 October 2023, promoted by the USI Academy of Architecture and curated by Francesco Zanot. Through a selection of photographic works by Aglaia Konrad (Salzburg, 1960), Armin Linke (Milan, 1966) and Bas Princen (Zeeland, 1975), the project explores the relationship between architecture and photography, and that between the latter and the context in which it is shown, focusing on the complexity of an interweaving that places the works at the centre of a constant process of negotiation between subject and exhibition space. The exhibition questions the documentary function of photography, here understood as a device that simultaneously records and transforms reality, while also contradicting its conception of a two-dimensional image by exploring its materiality, body and presence.

Devised specifically for the spaces of the Teatro dell’architettura Mendrisio, the exhibition ‘WHAT MAD PURSUIT. Aglaia Konrad, Armin Linke, Bas Princen’ is an original project that brings together photographic works by three international artists who work with this medium through different methods and approaches: Aglaia Konrad, Armin Linke and Bas Princen. By presenting some 50 works created by the authors at different places and times with equally heterogeneous purposes, the exhibition explores the intersections between photography and architecture, represented space and exhibition space. In the artistic practices of the three authors, the internal space of the frame and the external space become objects of study but also of radical re-vision through the mediation of photography. Each work or cycle of works activates new interpretations of subjects already submitted to processes of representation and interpretation, introducing further layers of significance that intersect with the previous ones. Instead of depicting (once and for all), here photography triggers a chain reaction of resignification that is at least theoretically endless. The photograph rekindles and restarts. It is a matter of intersections, interactions, overlaps, reactions, interferences.

In the photographic series Shaping StonesAglaia Konrad combines buildings by well known architects with anonymous works, both ancient and contemporary, united by the use of the same material and by a mode of representation, black and white photography, that makes it possible to obtain an amalgam as coherent as it is extraneous to any recognised category. Armin Linke re-uses the pre-existing images in his archive, taken around the world in the course of his career. He mixes them together to form a new narrative that goes beyond the original context of production, challenging the very notions of chronology, linearity, history and uniformity. Bas Princen photographs other representations, questioning what happens to them once they are duplicated and converted into two-dimensional images. In his work, details of pre-existing elements, such as paintings, objects and photographs, usually grasped in their entirety, are subjected to a further process of interpretation, giving rise to new and independent images capable of detaching themselves from the original ones. The artist also questions the very two-dimensionality of photography through a printing technique based on relief and endowed with an unusual sculptural quality.

 

 

 

Le Monde est Rond, vernissage ce jeudi 6 avril, à 19h

Jacqueline Mesmaeker, Bibliothèque, 2023

La galerie Nadja Vilenne a le plaisir de vous inviter au vernissage de l’exposition

LE MONDE EST ROND  

Oeuvres de : 

WERNER CUVELIER –ALEVTINA KAKHIDZE – BRECHT KOELMAN – AGLAIA KONRAD- JACQUELINE MESMAEKER – LOIC MOONS – SANDRINE MORGANTE – JOHN MURPHY – RAPHAËL VAN LERBERGHE

Vernissage le jeudi 6 avril 2023 à 19h

Exposition du 7 avril au 4 juin 2023

Je. Ve. Sa. 14-18h et sur RV.

 

Agenda Avril 2023

Werner Cuvelier

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril

– Bruxelles (B), Time Elapsed @ L’IMPRIMERIE de la Banque Nationale), du 17 au 27 avril 2023 (commissaire : Pierre Philippe Hofmann)

Olivier Foulon

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril

Alevtina Kakhidze

– Berlin (D), Signs of Peaceful Life, Meyer Riegger, jusqu’au 8 avril 2023

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril 2023

Brecht Koelman

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

Aglaia Konrad

– Mendrosio (CH), What Mad Poursuit, Aglaia Konrad, Armin Linke, Bas Princen, Teatro dell’architettura, du 7 avril au 22 octobre 2023

– Gent (B), Beelden van de boekentoren, VANDENHOVE Centrum voor Architectuur en Kunst – Universiteit Gent, du 21 avril au 17 juin 2023

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril 2023

Emilio Lopez-Menchero

– Bruxelles (B), Festival Trouble #12, du 17 au 22 avril 2023

Jacqueline Mesmaeker

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril 2023

– Kanazawa (Jap), Keijiban, du 13 mars au 14 avril 2023

– Bruxelles (B), Time Elapsed @ L’IMPRIMERIE de la Banque Nationale), du 17 au 27 avril 2023 (commissaire : Pierre Philippe Hofmann)

– Namur (B), En regard, Dialogue entre les collections du Musée d’Ixelles et de la Province de Namur. Le Delta, du 1er avril au 13 aout 2023

Sandrine Morgante

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

Loic Moons

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 202

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril 2023

John Murphy

– Machelen (B), Unreadiness, Jan Vercruysse, Nel Aerts, John Murphy, Roger Raveel Museum, du 16 avril au 10 septembre 2023

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 2023

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril

Raphaël Van Lerberghe

– Liège (B), Le monde est rond, galerie Nadja Vilenne, 6 avril – 4 juin 202

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril 2023

Gaetane Verbruggen

– Bruxelles (B), Art Brussels, galerie Nadja Vilenne, du 20 au 23 avril

 

 

 

 

Agenda décembre 2022

Suchan Kinoshita

– Münster (D), Architektonische Psychodramen, Westfälischer Kunstverein, 125 octobre – 12 février 2023

Brecht Koelman

– Veurne (B), Emergent nodigt uit / Emergent Invites, jusqu’au 8 janvier 2023

Aglaia Konrad 

– Antwerpen (B), Umbau, FOMU, musée de la photographie d’Anvers, du 16 septembre au 15 janviers 2023 (solo)

– Veurne (B), Emergent nodigt uit / Emergent Invites, jusqu’au 8 janvier 2023

Jacques Lizène

– Bruxelles (B), The 1970s, Argos TV, jusqu’au 31 décembre 2022

Jacqueline Mesmaeker

– Veurne (B), Emergent nodigt uit / Emergent Invites, jusqu’au 8 janvier 2023

– St-Etienne (F), Janelas, musée d’art moderne et contemporain, jusqu’au 31 décembre 2022

Sandrine Morgante

– Veurne (B), Emergent nodigt uit / Emergent Invites, jusqu’au 8 janvier 2023

Loic Moons

– Veurne (B), Emergent nodigt uit / Emergent Invites, jusqu’au 8 janvier 2023

 

 

Jacques Lizène, Argos TV, Quelques séquences d’art sans talent, 1979

Parallèlement à l’exposition consacrée à l’art vidéo en Belgique durant les années 70, Argos TV diffuse durant de mois de décembre à la fois dans sa vitrine, 62 rue des Commerçants à Bruxelles et sur son site internet, Argos TV, les séquences d’art sans talent de Jacques Lizène (1979). 

Voir ou revoir 

Les Séquences d’art sans talent se composent d’une suite de clips et de pitreries parfaitement affligeantes. Jacques Lizène dans le rôle du Petit Maître liégeois, artiste de la médiocrité et de la sans importance, suit du doigt une tache sur l’écran, repousse la mire d’une pichenette, chante mais on ne l’entend pas, contraint son corps à rester dans le cadre de l’image, forme un étron en pressant un tube de couleur, se dandine et se désagrège entre deux petites femmes nues qui dansent en bord d’écran, une plume glissée entre les fesses, finit par brandir un drapeau blanc. Sur fond de projection d’une petite femme agitant ses seins nus, il prend ensuite la posture d’un minable cuisinier burlesque au visage enfariné débitant à grands coups de couteau son concombre, son aubergine, sa carotte, non pas son sexe, enfin c’est tout comme. Réalise finalement une peinture minable façon action-painting en crachant sur l’objectif de la caméra. Jacques Lizène a pris position pour l’art sans talent dès 1966, disqualifiant ainsi ses propres œuvres afin de couper toute tentative de critique fondée sur l’idée de jugement, ce qu’il fait au fil de ces séquences les déclarant mauvaises, à refaire, pas assez ratées, sans intérêt, insignifiantes, d’un infantilisme navrant, ineptes, injustifiables, inexpressives. Revendiquant la place du clown, Lizène joue à l’égo, affirmant la présence de l’artiste, et se dilue sans cesse. Avec un sens consommé de la provoc et du loufoque, il use des nombreuses manipulations qui émaillèrent les temps héroïques de l’art vidéo, split-screens, incrustations, virage des couleurs et prend ainsi à rebours la grande machine à hypnose que sera la télévision. Celle-ci ne s’y trompera pas. Le film est réalisé par le centre de production de la RTBF Liège en 1979. Il est prévu qu’il soit diffusé par l’émission Vidéographie en mars 1980, il est censuré par la hiérarchie ertébéenne quelques heures avant sa diffusion et ne sera mis au programme de l’émission qu’un an après, en avril 1981. Notons enfin que certaines de ces séquences renvoient à d’autres œuvres du Petit Maître, Contraindre le Corps, Être son propre tube de couleurs – peinture à la matière fécale, Minable Music-Hall et, bien sûr, Vasectomie, youppie.

Séquences d’art sans talent consists of a series of clips highlighting the antics and utterly outrageous behaviour of Jacques Lizèe. In the role of the Petit Maître liégeois, artiste de la médiocrité et de la sans importance [Little Master from Liège, artist of mediocrity and unimportance], Lizène follows a spot on the screen with his finger, pushes the test card away with a snap of his fingers, sings inaudibly, forces his body within the frame, makes a turd by squeezing a paint tube, waddles and disintegrates between two small naked female figures dancing at the edge of the screen with a feather between their buttocks, and ends up waving a white flag. Against the backdrop of a woman shaking her naked breasts, he then assumes the posture of a pitiful burlesque cook with a floured face, slicing up his cucumber, aubergine, carrot… not exactly his sex – well, it might as well be. Finally, he makes a shabby action painting by spitting on the camera lens. Since 1966, Jacques Lizène has taken a stand for talentless art, belittling his own works to head off any judicious criticism. Throughout these sequences, he declares them bad, to be redone, not failed enough, uninteresting, insignificant, glaringly infantile, inept, indefensible, and inexpressive. Claiming the clown’s place, Lizène plays with the ego, emphasises the artist’s presence, and constantly undercuts himself. With a consummate sense of provocation and zaniness, he uses the numerous manipulations that marked the heroic days of video art: split screens, chroma-keying, and colour shifts, thereby turning the great hypnosis machine of television on its head. The latter would not be fooled, though. The film was produced by RTBF Liège in 1979. It was to be shown on the Vidéographie programme in March 1980 but was censored by the RTBF hierarchy just a few hours beforehand and was not broadcast until a year later, in April 1981. It should be noted that some of these sequences refer to other works by the Petit Maître: Contraindre le Corps, Être son propre tube de couleurs – peinture à la matière fécale, Minable Music-Hall and, of course, Vasectomie, youppie.

Luxembourg Art Week, The Fair, les images

Jacques Charlier
Jacques Charlier – Aglaia Konrad
Aglaia Konrad
Aglaia Konrad
Werner Cuvelier
Raphaël Van Lerberghe
Loic Moons
Gaetane Verbruggen
Gaetane Verbruggen

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (4), Loic Moons, Gaetane Verbruggen

Gaetane Verbruggen, Sans titre, fusain marouflé sur bois, 20 x 13 cm, 2022
Gaetane Verbruggen, Sans titre, fusain marouflé sur bois, 13 x 20 cm, 2022
Gaetane Verbruggen, Sans titre, fusain marouflé sur bois, 20 x 13 cm, 2022

Les souvenirs nous sont tous fidèles, en principe. On s’attache à un endroit, une personne, un objet, ou encore, à un détail futile. On se souvient vaguement de certaines choses, comme on peut se souvenir des détails les plus précis d’un objet, d’un décor, d’une sensation. Nos pensées peuvent se déformer avec le temps, on en arrive à ne plus distinguer le vrai du faux, à s’être persuadé d’une chose, alors qu’il en s’agit d’une autre, à rendre fictif une partie du souvenir.

Je cherche à extérioriser des instants intraduisibles et fragiles, un peu flous. Je prends plaisir à capter l’âme des instants du quotidien, retranscrire l’émotion face aux banalités de la vie ordinaire, et en accepter leur simplicité. Mes travaux sont donc le témoignage de diverses sensations restées encrées dans mon esprit, qu’elles soient dupées par le temps ou non.

Je me suis intéressée aux lieux oubliés, ces sites remplis d’histoires, auxquels personne ne prête attention, ces endroits sans figure, dotés de lumière diffuses et intimes, capables de nous rappeler une anecdote. Nous avons les moyens d’imaginer un passé, un historique fictif en quelques secondes. Des récits différents pour chaque lieu, des émotions différentes à chaque instant. Nous avançons alors dans la fiction que l’on se crée et nous nous emparons ainsi d’instants irréels.

Selon Alberti, le tableau serait comme une fenêtre ouverte. Où se trouve dès lors, si seulement elle existe, la limite entre la réalité et l’imagination ? Pouvons-nous jongler avec le visible et l’invisible produit par une lumière naturelle ? Inconsciemment, nous sommes généralement capables de nous construire une image mentale dissimulée derrière les ouvertures de ces paysages d’intérieurs, jusqu’à peut-être avoir l’envie d’y pénétrer, comme si un nouveau monde se dessinait derrière le support. Je choisis d’utiliser ici la fenêtre en vue de révéler plusieurs propositions contradictoires ; l’intime et le public, le perceptible et l’imperceptible.

Gaëtane Verbruggen

Loic Moons, Sans titre (lamp head), Technique mixte sur toile, 152 x 153 cm, 2022
Loic Moons, sans titre, 2022, 134 x 145 cm

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (3), Jacqueline Mesmaeker, Raphael Van Lerberghe

Jacqueline Mesmaeker, Conversation en bord de Seine (II),
Technique mixte, bois, coquilles de noix, mégots, cire1984-2022

Il était temps de donner les détails nécessaires à l’exécution des escaliers. Le grand cousin avait dit à Paul de préparer ces détails ; mais Paul, comme on peut le supposer, ne s’en était pas tiré à son honneur et n’avait fourni que des traits parfaitement inintelligibles aux autres aussi bien qu’à lui-même, malgré les indications sommaires fournies par l’architecte en chef.

« Allons, dit le grand cousin, il faut nous mettre à cette besogne ensemble.

« Le père Branchu et le charpentier demandent les détails.

« Prenons d’abord le grand escalier et traçons sa cage Nous avons pour la hauteur du rez-de-chaussée, compris l’épaisseur du plancher, 4 mètres, 50 centimètres, les marches ne doivent pas avoir plus de 15 centimètres de hauteur chacune ; il nous faut donc compter trente marches pour arriver du sol du rez-de-chaussée au sol du premier étage. De largeur ou de pas, suivant le terme admis dans les constructions, une marche doit avoir de 25 à 30 centimètres, pour donner une montée facile ».

Eugène Viollet -Le-Duc, Comment on construit une maison. Histoire d’une maison. Paris, 1873.

Jacqueline Mesmaeker fait ici référence à l’histoire de l’art et à l’architecture, plus précisément à Viollet-Le Duc. L’escalier a les mêmes proportions que celles prescrites dans son oeuvre « Histoire d’une Maison », chaque marche a une hauteur de 15 cm et une profondeur de 30 cm pour monter facilement l’escalier, un escalier comme un quai en bord de Seine qui invite à la conversation. 

Raphaël Van Lerberghe, 
Capture d’écran (11)_3, 2022
Tirage argentique C-print sous passe partout dessiné, 27 x 36 cm
 
Raphaël Van Lerberghe,
IMG_3243, 2017
Tirage argentique C-print sous passe partout dessiné, 27 x 36 cm
Raphaël Van Lerberghe, 
IMG_0038, 2022
Tirage argentique C-print sous  passe partout dessiné  27 x 36 cm
 
Raphaël Van Lerberghe, 
Moto, 2020
Tirage argentique C-print sous passe partout dessiné,  27 x 36 cm
Raphaël Van Lerberghe
Zabriskie 1, 2021
Tirage argentique C-print sous passe partout dessiné, 27 x 36 cm
Raphaël Van Lerberghe, 
Zabriskie 2, 2021
Tirage argentique C-print sous passe partout dessiné, 27 x 36 cm
 

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (2), Jacques Charlier, Werner Cuvelier

Jacques Charlier, Please, 105 x 105 cm, 2013
Jacques Charlier, Androïd, 85 x 95 cm, 2007
Jacques Charlier, Poetry, 85 x 65 cm, 2020
Jacques Charlier, Fragile, 125 x 104 cm

Qu’il tente de libérer Venise d’une incroyable pudibonderie ou de réhabiliter Lamartine,  qu’il investisse toutes les doublures du monde dans un salon parlementaire , ou qu’il «warholise» ministres et autres célébrités, Jacques Charlier est, avec une saisissante labilité parodique et un sens critique aiguisé, un observateur attentif tant du microcosme du monde de l’art que de la société dans laquelle il agit. Naguère directeur des Zones Absolues, fondateur d’un Centre International de Désintoxication Artistique, pourfendeur d’idées reçues, d’anachronismes et incongruités, l’artiste vit et travaille en Wallagonie, ce pays où fleurissent les fronts de libération des chiens et des trottoirs, des coqs et des tilapias. En Wallagonie, il est de bon ton de fréquenter les centres de la lèche et de la brosse à reluire, les sociétés anonymes des bières et du tir aux pigeons, les comités de la tarte au riz et des marchés de Noël. Sans cesse à la recherche de la meilleure adéquation entre l’idée et le médium, Jacques Charlier privilégie une approche pluridisciplinaire. C ‘est un caméléon du style, un activiste «non exalté », un lecteur attentif de Jean Baudrillard comme de Paris Match qu’il parodie lorsqu’il s’agit d’éditer ses propres travaux. De cette société de l’art contemporain, il est très vite devenu, dès le la fin des années 60, l’observateur agissant des us et coutumes. Avec érudition et labilité, ses récents «Cent sexes d’artistes» en témoignent. Avec humour et bon sens, lorsque Sergio Bonati, son hétéronyme, déclare : «En Art pour être le premier, il est vivement conseiller d’être le suivant ». Ses caricatures, textes, bande dessinées, ses photographies de vernissages sont à la fois une la chronique d’une époque, un regard amusé, mais sans complaisance sur ce fort remuant microcosme, un abrégé des pratiques d’avant-garde, un démontage des discours théoriques qu’il détricote allègement, une critique permanente de la Curie et de l’incurie artistique.

«Des symbolistes à Charlier, écrit Yves Randaxhe, en passant par Duchamp (et naturellement Magritte), on osera aussi tendre un fil rouge qui va de l’ambition annoncée par Jean Moréas dans le Manifeste du Symbolisme de «vêtir l’idée d’une forme sensible» à la volonté duchampienne de «remettre la peinture au service de l’esprit», jusqu’au projet sans cesse réaffirmé du Liégeois de «mettre l’art au service de l’idée». C’est clair, l’héritage d’Ensor, de Rops ou de Magritte, le compagnonnage vécu avec Marcel Broodthaers, cela ne compte pas pour du beurre. Le doute, le décor, la pompe, car la peinture pompière a ses lettres de noblesse, le pamphlet, le simulacre sont autant d’armes redoutables. 

Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 119 x 10 x 10 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 119 x 10 x 10 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 119 x 10 x 10 cm

Werner Cuvelier produit une œuvre d’une grande richesse, qui prend souvent sa source dans le classe- ment, le catalogage et l’inventorisation de toute une série de faits et de données. Il réalise d’une part des graphiques basés sur des statistiques et des données primaires. D’autre part, il créé un travail géométrique, découlant de traitements formels issus du nombre d’or. À partir de ces deux angles, émergent des peintures et des sculptures, mais aussi des carnets d’esquisses et de notes, qui constituent une recherche incessante de la mise en images d’ordres, de structures et de col- lections. La méthode et la technique de la collecte, du traitement, de l’interprétation et de la présentation de carrés et de cercles apparaissent dans des tableaux d’aperçu, des graphiques et des figures telles que des histogrammes, des diagrammes en bâtons et desgraphiques linéaires. Cette approche scientifique, la répartition rigoureuse des lignes et l’activation res- trictive de telles procédures constituent le moteur du développement de son langage visuel. Si ces ordon- nances semblent mettre des éléments en lumière, les séries génèrent également une expérience esthétique propice à une forme de résilience.

Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 94 x 9,5 x 9,5 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 94 x 9,5 x 9,5 cm
Werner Cuvelier, Zonder titel (sans titre), 1996, mousse rigide et polystyrène, enduits. 94 x 9,5 x 9,5 cm

Luxembourg Art Week, The Fair, preview (1), Aglaia Konrad

Aglaia Konrad, Zweimal Belichtet

Dans leur quête d’une beauté convulsive, les Surréalistes en ont fait maintes fois usage. Man Ray ou Maurice Tabard, pour ne citer qu’eux, ont sondé les techniques d’impressions combinées, de solarisation, de montage ou de double exposition afin d’évoquer l’union dramatique du rêve et de la réalité, convoquant ainsi l’inconscient. Alors que la photographie est l’art de figer le réel, la double exposition est une manipulation du tangible, elle est unité dans la duplicité. En créant une image à partir de plusieurs, elle engage celui qui regarde à interpréter le représenté. Aglaia Konrad expérimente également cette technique de la double exposition. Ses travaux se nomment « Zweimal Belichtet », exposés à deux reprises. En fait, l’artiste accepte et exploite ce qu’on pourrait appeler des accidents de débrayage, là où la pellicule reste en place alors qu’elle aurait dû se déplacer. La même pellicule est exposée plusieurs fois et les prises de vues se superposent. Aglaia Konrad ne cherche aucunement l’effet. La pratique est apparue par accident, elle est plus ou moins due au hasard, dans des circonstances aléatoires et conduit dès lors à des résultats inattendus. L’image ainsi créée agit indépendamment, comme si l’oeil du photographe n’avait pas fixé la même chose que l’objectif de l’appareil photographique, comme si l’un et l’autre étaient ailleurs au même moment ; dans le cas qui nous occupe, l’un à Paris, l’autre à Sittard au Pays Bas. Le regard dès lors associe les images juxtaposées, agrège les photogrammes d’un film immobile, décompose les prises de vue et recompose les strates d’images. L’image ainsi révélée s’ancre singulièrement dans sa propre réalité, là où le langage des images affirme son autonomie. (JMB)

Aglaia Konrad
Zweimal Belichtet, 2016 (Cambridge -Wells 2013)
5 lambda C print

(…)The series Zweimal belichtet incorporates several rolls of film that were accidentally used twice. These mishaps were not programmed but the result of a specific working method that accompanies the analogue process. As Konrad photographs the same subjects in black and white and in colour, and hence constantly recharges her camera with different film rolls, a mix-up may occur in which she re-uses an already exposed film roll. Only after development she noticed the mistake: two shots taken at different moments and showing different subjects are mashed together in a layered and fractured image. The film rolls that unfurl before the viewer show a continuous flow of extremely hard to read images. As different spaces and times crash into one another, with their lines, colours and forms awkwardly fused, the world is no longer recognizable but becomes a hotchpotch of fragments. The double exposures are not superimposed in a discernable hierarchy, but coalesce into an intangible mess. Confronted with this clutter, the viewer starts to loose his bearings: his eye is unable to rest on one of the double takes, zooming in and out like an auto-focus camera. Indeed, the viewing experience is tantamount to what occurs while the photographer looks through his viewfinder: both observer and photographer seem immersed in that moment when the image is out of focus, when everything that meets the eye is in the process of becoming. But, while the ordeal of the photographer usually ends successfully, the viewer is not so lucky here: he remains stuck in this moment where everything still wavers between presence and absence. Although these images originated as failures, they are consciously recuperated as intriguing examples of an intrinsic part of the (analogical) photographie process. Their unreadability effectively overturns normative conceptions of the photographie image and its composition, but it also explores those unforeseen visual possibilities contained within the photographie medium. Indeed, these bewildering images are testimonial to the crucial role that chance plays in the photographie act. The photographie image, as a technological and chemical process, is the consequence of a camera that « looks » indiscriminately at the world, soaking in everything what is in front of it, making no distinction between what is important and what is not. It is in the slipstream of this automatic process that chance asserts its (potentially damaging) role. It is up to the photographer then to play with chance, to strike the right balance between control and surrender, and, in fact , to use chance as that « sting of the real » which invigorates the photograph. Yet Konrad’s double impressions seem to have arisen from a picture-taking system in which chance took over. As such, the y remind us of the dangerous (and therefore titillating) novelty the photographie act introduced in the visual culture oLthe 19th century, when, with the advent of the camera, anything could be depicted-whenever, whatever, wherever: such was the image-making credo introduced by the camera. When contingency takes the overhand and chance dominates the production of the image, the coherence the photographer is supposed to bring to the image collapses. As a result, the photographie agent is superimposed by an « other, » and perhaps more radical, image-making process, one in which the techno-scientific laws of the photographie system rule.(…) (Steven Humblet)

Aglaia Konrad
Selinunte, 2017
Héliogravure, 58,45 x 79,2 cm, 2019
ed 3 + 2 a.p