Archives mensuelles : janvier 2014

Walter Swennen, So far so good, Wiels, revue de presse (suite)

Paru dans De Witte Raaf, cette contribution de Bart Verschaffel à propos de Walter Swennen, suite à la conférence donnée au Wiels en novembre dernier.

DWR

DWR

DWR

télécharger l’article au format PDF

Sur le site de Agenda magazine.blog, cette visite d’atelier signée Estelle Spoto

photo heleen rodiers

Tout le monde connaît Mickey Mouse. C’est pour cela qu’Andy Warhol, pape du pop art, l’a peint, comme il a peint Marilyn ou une bouteille de Coca-Cola. Walter Swennen a lui aussi peint Mickey Mouse, récemment. La souris en culotte rouge trône en double exemplaire sur une toile accrochée en bonne place dans son atelier, à l’étage d’une ancienne usine de boutons cachée au milieu du « Bronx bruxellois », pas très loin du canal. Mais si Warhol et Swennen ont peint Mickey Mouse, ce n’est pas vraiment pour les mêmes raisons. Là où Warhol transforme en icône un personnage de la culture populaire, Swennen utilise Mickey comme « portemanteau ».

Lire la suite

[sociallinkz]

Emilio Lopez Menchero, Checkpoint Charlie, les images (1)

Emilio Lopez Menchero

Emilio López Menchero
Checkpoint Charlie, 2010-2014

Ensemble de documents relatifs à la performance « Checkpoint Charlie », intervention performative organisée dans le cadre du Festival Kanal à Bruxelles du 17 au 19 septembre 2010. Production Platform Kanal et Art2work/Bellevue-Creative Brewery.
Concept : Emilio López Menchero. Performance : Emilio López-Menchero et Souleimane Benaisa

2 tables MDF 194 x 80 X 4 cm, sur tréteaux, documents sous verre. 2 lampes de bureau, une projection vidéo

– 8 photographies couleurs, 30 45 cm, tirages numériques sur papier photo
– 5 photographies couleurs 30,5 x 36 cm, tirages numériques sur papier photo
– 3 photogrammes couleurs 18,5 x 24,5 cm, tirages numériques sur papier photo
– 1 exemplaire de la page de programme relatif à la performance illustré par un cliché d’agence de presse relatif aux événements berlinois du 28 octobre 1961.
– 1 note d’intention relative à la performance en deux DIN A4.
– 1 copie lettre relative à l’incendie de la nuit du 18 au 19 septembre adressée à la Police de Saint Gilles.
– 1 captation vidéo sonore, vidéo PAL 16 :9, transférée sur DVD. Captation: Sylvestre Gobart et David Bayle. Montage : Sylvestre Gobart. Couleurs, son, 0:17:46.

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez Menchero

[sociallinkz]

Capitaine Lonchamps, Fatal, Le Petit Journal, les choix de Benjamin Monti

Véritable travail performatif, Capitaine Lonchamps a donc enneigé une quinzaine de volumes annuels reliés du Supplément dominical du Petit Journal, ce quotidien parisien républicain et conservateur, fondé par Loïse Polydore Millaud et qui paru de 1863 à 1944. Le supplément illustré hebdomadaire est créé en 1884 ; l’illustration couleurs, en une et dernière page, en est la grande innovation. Ce sont ces gravures que Lonchamps à systématiquement enneigé. Nous reviendrons bien sûr sur ce grand oeuvre bénédictin d’enlumineur neigiste et pataphysique. Au fil de l’exposition, nous demanderons également à l’un ou l’autre amateur de feuilleter les dix volumes exposés et d’opérer leur propre sélection parmi le millier d’images enneigées. Voici pour débuter le choix de Benjamin Monti, artiste ô combien amateur d’imagerie ancienne et de curiosités bibliophiliques

Capitaine Lonchamps

Volume 14. Bilk. Le Petit Journal, supplément illustré. 1892.
Scaphandriers à la recherche d’épaves au Havre.
L’Armée du Salut à Paris. Désordre dans la rue.

Capitaine Lonchamps

Volume 3. Lutembi’s Dreams. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1903.
Pendant les vacances scolaires, caravane d’instituteurs en Algérie
Mission du Général Pendezec en Russie. Accueil triomphal à Varsovie

Capitaine Lonchamps

Volume 1. Orgon. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1905.
Après la bataille de Moukden. Le général Kouropaktine donne ordre à ses troupes de battre en retraite.
Crime dans le bois de Vincennes. La découverte du cadavre de Mme Guérinot.

Capitaine Lonchamps

Volume 8. The Garbage People. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1898.
Le crime de Roanne. L’assassin Borde, La jeune Borde, l’une des victimes. Arrestation de l’assassin
L’empereur d’Allemagne en voyage.

Capitaine Lonchamps

Volume 4. Red Black. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1902.
Culture des huitres

Capitaine Lonchamps

Volume 10. La Main des Loire. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1896.
Renouvellement de la Triplice. Une cautère sur une jambe de bois.
Salon de 1896 (Champs Elysées). Le Narghileh, tableau de Monsieur Maurice Orange.

Capitaine Lonchamps

Volume 13. Propilon. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1893.
Une visite. Tableau de Geofroy
Exposition de Chicago. Le pavillon du gouvernement.

Capitaine Lonchamps

Volume 9. Poker. 109 le Petit Journal, supplément illustré. Année 1897.
Accident de tramay à Sèvres.

Capitaine Lonchamps

Volume 6. Saw. Le Petit Journal, supplément illustré. Année 1900.
Accident au Champ de Mars. Après la catastrophe.
Un anglais irascible.

Capitaine Lonchamps

Les camps volants. Recensement des bohémiens de France.
La catastrophe de Bouzey. Après le sinistre.

[sociallinkz]

Emilio Lopez-Menchero, Checkpoint Charlie, chekpoint Dansaert

Emilio Lopez Menchero, Check point Charlie

Sanglé dans un uniforme militaire américain, Emilio López-Menchero stationne Porte de Flandre à Bruxelles. Avec sérieux et un remarquable naturel, il arrête d’un geste martial piétons, cyclistes, automobilistes, et même les autobus de la STIB, qui franchissent le pont du canal. Pour le temps d’un week-end et d’un festival pluridisciplinaire, en pleine « Semaine de la Mobilité », l’artiste a reconstitué au milieu de la chaussée et à l’identique, le décor du Checkpoint Charlie berlinois. L’atmosphère est cinématographique ; rien ne manque, ni le mur de sacs de sable, ni les drapeaux soviétique et américain, ni la légendaire cahute, ni le panneau annonçant, en quatre langues, qu’au delà de ce point de contrôle, on quitte le secteur américain… Ou plutôt le quartier « trendy » et « gentry » de la rue Antoine Dansaert, ses bars branchés, galeries d’art et boutiques de mode.

Dans le programme du festival, qui s’apparente à un journal toutes boîtes, l’artiste s’approprie une célèbre photographie relayée, le 28 octobre 1961, par toutes les agences de presse.  Ce jour-là, Friedrichstrasse, la tension est à son comble : suite à un différend opposant l’Est et l’Ouest à propos de la libre circulation des membres des forces alliées dans les deux moitiés de la ville de Berlin, chars et soldats des deux camps se font face durant toute la journée, à quelques pas les uns des autres. La guerre est froide tandis que s’érige le Mur ; ce jour-là, l’ambiance est glaciale.

Installer un checkpoint à la Porte de Flandre aux limites de Bruxelles-Ville, alors qu’une certaine classe politique en appelle au séparatisme et à la scission de la Belgique,  l’idée est évidemment piquante. Elle ne dramatise néanmoins qu’un aspect des choses, tant la géostratégie du projet est sensible, complexe et déclinable sous des perspectives diverses. Dès qu’il intervient dans l’espace public, Emilio López-Menchero analyse la situation locale, urbanistique, historique, sociologique, qu’il confronte et confond au dispositif qu’il projette, celui-ci bien évidemment inattendu. Accumulant dès lors les indices, il enrichit le propos, poussant la réflexion au delà du champ physique dans lequel il agit.

L’endroit, cette fois, est crucial, il a toujours été lieu de passage. Un octroi, tout d’abord, dès la période médiévale, et donc un lieu de contrôle, situé à l’une des portes de la seconde enceinte bruxelloise. Un pont sur le canal ensuite, dont le creusement accentuera la séparation entre la ville et ses faubourgs. On sait que cette frontière, tandis que l’agglomération se développe,  deviendra une véritable fracture. Aujourd’hui, comme ce fut d’ailleurs le cas pour le no mans’ land  créé par le Mur à Berlin, ce que l’on appelle « le territoire du canal » est devenu une zone de développement stratégique, un espace dévolu à la croissance économique et à l’innovation. A la Porte de Flandre même, là où campe Emilio López-Menchero, cette fracture est toujours particulièrement sensible. Sur la rive bruxelloise, s’est développé le quartier Dansaert. Depuis les années 90, il connaît une gentrification irrépressible, quartier gentry, trendy, arty. Ici, les logements sociaux voisinent avec les lofts à la mode, les boutiques de téléphonie avec les magasins de haute couture, les bars et galeries d’art, les sans-abri avec les «bobos». C’est l’un des quartiers les plus branchés de la capitale. Dès que l’on franchit le pont du canal, on plonge « au-delà de Gibraltar » ; je reprend à dessein le titre de ce film tourné à Bruxelles par Taylan Barman et Mourad Boucif en 2001. La densité de population immigrée y est l’une des plus fortes de la capitale, ghetto émigrant d’abord pakistanais, puis marocain, plus précisément du Rif. Le contraste culturel est saisissant, les différences sociales et les disparités sont énormes. A quelques centaines de mètres, le long du boulevard du Neuvième de Ligne, se situe l’ancienne caserne du Petit Château. C’est l’un des dix-neuf centres ouverts installés en Belgique. Il accueille plus de sept cents demandeurs d’asile venus des quatre coins du monde.  L’installation de ce « Checkpoint Charlie », sa charge historique, emblématique et quasi légendaire, prend dès lors un sens plus aigu encore.

Sur le pont qui relie la rue Antoine Dansaert à la chaussée de Gand, il y a un va et vient incessant, et bien des vies s’entrecroisent. C’est un lieu de passage et de brassage. Certes, les hommes de l’ancien faubourg viennent siroter leur thé à la menthe de l’autre côté du pont, dans de petits bistrots voisins des bars branchés. Certes, des gens aisés franchissent le canal à leur tour : les quais du côté de Molenbeek-Saint Jean sont désormais également l’objet d’une gentrification, rénovations d’anciens entrepôts et brasseries en lofts et appartements innovants. Mais la caricature veut que de nombreux habitants de ces nouveaux lofts ne sortent jamais dans la rue, se contentant de garer leur voiture dans le garage souterrain avant de monter chez eux. S’ils repassent le pont, ce sera pour faire leur emplettes ou pour conduire leurs enfants à l’école.

Deux jours durant, Emilio Lopez Menchero occupera donc le pont, perturbant la mobilité, questionnant la notion de lien entre les habitant d’une même ville. Dans ce décor de cinéma, ce remake berlinois plus vrai que nature, et en compagnie de son complice Souleimane Benaisa qui campera à ses côtés le rôle « du Soviétique », il arrête piétons et véhicules qui franchissent le pont. A chacun, il remet le programme du festival dans lequel s’inscrit son action et sa performance. Les réactions à cet embouteillage en décor historique sont, bien sûr, nombreuses et diverses. L’art en contexte réel se définit comme un art de l’action, de la présence, de l’affirmation immédiate. Emilio López-Menchero sera pris à partie, le drapeau soviétique sera emporté comme un trophée par un cycliste qui disparaîtra dans le circulation en territoire molenbeekois, la bannière américaine piétinée et jetée dans le canal par un homme hurlant, semble-t-il, sa haine du pasteur extrémiste américain Terry Jones qui, huit jour auparavant avait annoncé dans les médias sa volonté de brûler un exemplaire du Coran. Dans la nuit du samedi au dimanche enfin, des individus boutèrent le feu à la réplique de la légendaire cahute du Checkpoint, incendie volontaire que les pompiers éteignirent in extremis. Le dispositif du Checkpoint Charlie est devenu champ conflictuel tandis que la fiction se confond au réel, une situation locale et urbaine qui renvoie à l’histoire à l’échelle mondiale.

Cette intervention performative s’est déroulée du 17 au 19 septembre 2010. Aujourd’hui, Emilio López-Menchero, en présente les traces filmiques et photographiques.

Emilio Lopez Menchero, Check point Charlie

[sociallinkz]

Jacques Halbert, Jacques Lizène, Capitaine Lonchamps, Emilio Lopez-Menchero. Vernissage ce jeudi 16 janvier 2014

Ce jeudi 16 janvier 2014 à 19h, vernissages de quatre expositions monographiques.
Rendez vous en compagnie de Jacques Lizène, Jacques Halbert, Capitaine Lonchamps et Emilio Lopez-Menchero, afin de feuilleter quelques neiges, sous les cerises, écoutant de la musique à l’envers et même doublement à l’envers, au Checkpoint Charlie. D’après Jacques Lizène, on ne s’ennuiera pas un seul instant.

Jacques Lizène

Jacques Lizène
Musique à l’envers et doublement à l’envers. Extention du domaine du Perçu – non perçu. En remakes.

Jacques Halbert

Jacques Halbert

Capitaine Lonchamps

Capitaine Lonchamps. Fatal.

Emilio Lopez Menchero

Emilio Lopez-Menchero. Checkpoint Charlie.

[sociallinkz]

Walter Swennen, Wiels, Who’s talking : Walter Swennen et Olivier Foulon en conversation

Walter Swennen - Wiels

Dans le cadre des conférences et visites guidés organisées par le Wiels :

Look-Whos-Talking--Dirk-Snauwaert

Ce 12 janvier 2014 à 16h :
Conférence – conversation : Olivier Foulon en conversation avec Walter Swennen
conférence en FR

info et réservations : welcome@wiels.org

Dernière conférence / rencontre à venir :

26.01.2014 Finissage Film screenings + presentatie(-ion) Raphael Pirenne (sic)

[sociallinkz]

Jacques Charlier, The Ever Changing Body, Museum cultuur Strombeek Gent, CC Strombeek

changing body

Jacques Charlier participe à l’exposition « The Ever Changing Body », organisée au Centre Culturel de Strombeek, premier volet d’une trilogie produite dans le cycle Museum Cultuur Strombeek-Gent (commissaire Luk Lambrecht). Jacques Charlier est artiste en résidence, ses oeuvres seront présentes dans les trois expositions prévues.

Over de veranderingen in de artistieke representatie van de mens en het mensbeeld vanaf de jaren vijftig tot nu.
In dit eerste deel is sterk werk te zien van o.a. Karel Appel, Asger Jorn, Martial Raysse, Chuck Close, Andy Warhol, Jonas Mekas, Panamarenko en andere, bij het grote publiek minder bekende kunstenaars zoals Jacques Verduyn en Valerio Adami die aantonen hoe de beeldende kunst zich langzaam onttrok aan het naoorlogse trauma. De befaamde Nederlandse kunstenaar Mark Manders maakt voor dit deel een nieuwe, zielsaangrijpende sculptuur en Jacques Charlier toont, als residerend kunstenaar in de drie delen van The Ever Changing Body, zijn vroege reeks “vernissagefoto’s”.

Jacques charlier vernissages, 1974-75

En 1974, Jacques Charlier, qui pratique toujours la photographie professionnelle au sein du Service Technique Provincial qui l’emploie comme dessinateur expéditionnaire (entendez par là l’ensemble des activités de l’artiste, consistant à retirer de leur contexte une série de documents professionnels afin de les introduire dans le système de l’art) retourne l’objectif photographique sur les acteurs de ce monde de l’art lui-même. À divers photographes qui collaboreront au projet (Nicole Forsbach, Philippe de Gobert et Yves Gevaert), il demande de fixer sur la pellicule une série de vernissages, considérés pour les raisons les plus diverses comme « incontournables » par les amateurs, et plus précisément de photographier avec distance, sans exaltation dirions-nous, le public de ces rendez-vous. Charlier décide de prendre le public de l’art pour motif. Il ne s’agit pas de photographier les œuvres. Ce n’est pas plus le photoreportage mondain qui mobilise l’artiste. Et celui-ci s’explique sur ses motivations : « En 1975, l’art que je fréquentais se refermait de plus en plus sur lui-même. Le même petit monde qui s’y intéressait se déplaçait au fil des vernissages. Comme il n’y avait presque rien sur les murs, cela devenait le rite à l’état pur. On m’avait beaucoup reproché d’exposer des photos de fêtes et d’excursions se déroulant dans le contexte du STP. Je ne proposais nullement ces documents par exotisme, mais on me reprochait agressivement d’exhiber l’aliénation… Ce qui m’animait c’était plutôt d’entrer en conflit ouvert avec le scoutisme poético photographique et le reportage dit socio. Je continuais à me poser le problème de l’indice sociologique de l’objet et de ses retombées, l’implication de celui qui montre, de ceux qu’il montre, de ceux à qui cela est montré. Dans le cas du STP, tout était vraiment insoluble, rien n’était légal, justifiable, légitime Tout se court-circuitait. C’est ce côté impossible qui me fascinait… Rien n’était neutre… Cette complication rendait le produit tout à fait indéfendable sur le plan du marché. Une sorte de « no man’s land » inextricable. En réponse à certains arguments, j’ai décidé de retourner le contexte artistique sur lui-même. »

Charlier a donc durant un an multiplié les planches, neuf clichés noir et blanc par neuf, les composant avec un perpétuel souci de relever les indices sociologiques. Il a couru les grands-messes, la troisième triennale de Bruges, le Köln Projekt, les foires également, celle de Knokke, le Kunstmarkt de Köln très d’avant-garde, IKI à Dusseldörf bien plus bazar de l’art. Il a rejoint le Stedelelijk museum d’Amsterdam pour un vernissage de Sol Lewitt, rallié à diverses reprises le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles où exposent Marcel Broodthaers, Hanne Darboven, Klapeck. Il s’est même immiscé dans les fêtes plus privées, celle donnée en l’honneur de l’infatigable Karl Geirlandt au musée de Gand, une soirée entre amis chez les collectionneurs bruxellois Nicole et Herman Daled. En 1975, un an après la mise en place de cette stratégie de situation, il est invité par Yves Gevaert à lui-même exposer au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Il y propose ces/ses photographies. « L’activité d’On Kawara est entièrement centrée sur sa vie, dit-il… L’heure à laquelle il se lève… Les gens qu’il rencontre… La date du jour… Bref un programme serré à vous foutre la migraine (rires), une aubaine pour la régie des postes télégraphes (rires)… La conception du cadrage de mes photographies de vernissage était inspirée de la photo-rapport de Bertrand, le photographe du STP… Le plan moyen et prendre l’ensemble de la situation… Le déploiement le plus complet de l’envers du tableau, de ce qui se trouve en face de lui… Exactement le contraire de l’oeuvre centrée sur l’artiste et aussi l’opposé de la photo de vernissage habituelle où l’on restitue la perspective morale inhérente à l’exposition… L’artiste, les organisateurs, les personnalités connues en gros plan, à l’arrière le public… la figuration… Le vernissage des photos de l’ensemble de ces photos a eu lieu à la fin de l’exposition et a coïncidé avec la parution du catalogue rassemblant les photos des gens occupés à se reconnaître sur les photos… l’expérience aurait pu continuer et devenir une mise en abîme ».

Jacques Charlier avait déjà joué sur cet effet de miroir, confrontant le public des expositions à lui-même, mais sur un autre mode : avec le groupe Total, lors d’un vernissage de l’APIAW à Liège, fin des années 60, il introduit dans l’espace d’exposition un grand miroir sur lequel est écrit « Tableau Total » . Le public confronté au tain du miroir devient ainsi également motif de l’exposition. Est-ce le même effet de miroir qui agit dans le cas des photographies de vernissage ? « Non, un miroir ne capte pas le temps, répond Charlier… Le rite de la photo c’est celui de la nostalgie… Du souvenir… Avec le temps l’intérêt pour le public va croissant pour ces photos, tout le monde s’y retrouve… On compte progressivement les absents… Un «work in progress» comme disent tous ceux qui voudraient en dire quelque chose… ». C’est là un des intérêts de cette œuvre. « Le document offre le privilège de donner rétrospectivement du sens aux choses – cela vaut également pour le monde de l’art, écrit Shawn McBride à propos des photographies de Benjamin Katz, qui développa durant un demi-siècle par le biais de ses photographies une vision panoptique du monde de l’art et de ses protagonistes. Et bien des artistes n’ont pas eu le loisir sur le moment d’en mesurer toute la portée. On peut ressentir combien les choses progressent avec une cruelle rapidité quand on les observe dans leur déroulement. Mais est-ce bien de cette manière que les événements s’imbriquent? L’expérience réelle ne permettait certainement pas d’avoir une vue d’ensemble, comme nous la percevons avec le recul. Cette expérience a eu lieu dans le flux du moment -et pas nécessairement dans ce matériau restant qu’est l’oeuvre d’art. Souvent la photographie transmet plus que son essence ». De fait, avec le recul, les photographies de vernissages de Jacques Charlier sont devenues un exceptionnel fonds d’archives sur cette très courte période de l’histoire de l’art. Au fil des clichés, on reconnaît en effet un impressionnant nombre de « personnalités », d’acteurs de cette corporation artistique. Des artistes, des directeurs de musée, des collectionneurs, des galeristes, des critiques, bref ce petit monde, cette famille, que d’aucuns considèrent, avec un regard critique, comme quasi incestueuse et infatuée, que d’autres évoqueront avec un attachement nostalgique, heureux d’en avoir été ou regrettant de ne pas avoir cotoyé les Konrad Fischer, James Lee Beayers, Marcel Broodthaers, Anton Herbert, Daniel Buren, Benjamin Buchloh, Isi Fiszman, Giancarlol Politi, Catherine Millet, John Gibson, Dan Graham, Llona Sonnabend et tant d’autres. L’analyse de ces photographies est évidemment riche d’enseignements les plus divers quant à ce monde de l’art, quant aux rites de celui-ci, ces vernissages parfaitement codifiés, ce cérémonial singulier où le public se vernit puisqu’on ne vernit plus les tableaux en public. Le rituel consiste à recevoir puisqu’il s’agit d’une réception, mais que reçoit-on en fait ? Se reçoit-on les uns les autres ? Recevons nous les œuvres ? C’est sans aucun doute là que réside toute l’actualité de cette œuvre de Charlier. Elle questionne radicalement l’objet d’art lui-même, c’est assurément sa première nécessité. Devant les dernières photos de vernissages, celles de 1975, là où l’on voit le public regardant les photographies de vernissages, on s’interroge évidemment sur les regards interrogatifs. Interroge-t-il l’œuvre ? S’interroge-t-il sur lui-même ? S’interroge-il sur sa propre présence ? L’oeuvre fonde, de plus, ce que l’on comprend aujourd’hui du tour sociologique qu’a pris la création au fil du temps, elle interroge le foyer même de ce champ artistique, elle est une méthode de penser sa réception, ses artifices, sa réalité. Elle continue encore aujourd’hui à renvoyer le regardeur à lui-même. Edouard Manet ne déclarait-il pas : « Le Salon est un vrai terrain de lutte. C’est là qu’il faut se mesurer » ? Cela aussi reste d’actualité.

[sociallinkz]